Visages
de

Barsac.

Tome I.

Page 66.

 

 

Le Culte du Buveur.

 

I

De tous les dieux que la fable
A mis dans son panthéon, 
Il n'en est qu'un véritable 
Qui soit digne de ce nom. 
C'est Bacchus que je veux dire. 
Pour les autres immortels, 
Je crois qu'un buveur peut rire 

Jusqu'aux pieds de leurs autels.

II 

Aussitôt que la lumière 
A redoré nos coteaux, 
Je commence ma carrière 
Pour visiter mes tonneaux.. 
Ravi de revoir l'aurore, 
Le verre en mains, je lui dis 
Voit-on sur la rive More 

Plus qu'à mon nez de rubis ?

 

III

Le plus grand, roi de la terre, 
Quand je suis dans un repas, 
S'il me déclarait la guerre, 
Ne m'épouvanterait pas. 
A table, rien ne m'étonne, 
Et je pense quand je bois, 
Si le grand Jupiter tonne, 

Que c'est qu'il a peur de moi.

 

IV

Si quelque jour, étant ivre,
La mort arrêtait mes pas,
Je ne voudrais point revivre
Pour changer ce doux trépas.
Je m'en irais dans l’Averne
Faire enivrer Alecton
Et bâtir une caverne

Dans le manoir de Pluton.

V

Par ce nectar délectable,
Les démons étant vaincus, 
Je ferais chanter au Diable 
Les louanges de Bacchus. 
J'épuiserai de Tantale 
La vive altération, 
Et, passant l'onde infernale, 
Je ferai boire Ixion.

 

VI

Au bout de ma quarantaine, 
Cent ivrognes m'ont promis 
De venir, la tasse pleine, 
Au gîte où l'on m'aura mis, 
Pour me faire une hécatombe 
Qui signale mon destin, 
Ils arroseront ma tombe 
De plus de cent brocs de vin.

VII

De marbre ni de porphyre, 
Qu'on ne fasse mon tombeau !
Je ne veux, pour tout écrire, 
Que le contour d'un tonneau ; 
Et veux qu'on peigne ma trogne 
Avec ces vers alentour : 
Ci-gît le plus grand ivrogne 
Qui jamais ait vu le jour.

Maître ADAM.

 

Ronde de Table. 

I

Que chacun boive à ce qu'il aime,  
Rions, chantons et buvons bien .
Pour moi, je bois au bon vin mè
me
Voilà mon couplet ! Dis le tien.

 

II

Pour moi, sur cette douce terre,
L'ami du bon vin est le mien.
Je bois à qui remplit mon verre
Voilà mon couplet !
Dis te tien.

III
Temps de paix ou temps de guerre,
Abondance, restrictions sévères, 
Je répète chaque matin : 
Donnez-nous notre vin quotidien 
Voilà mon Pater, dis le tien !

LA MOTTE.

 

 

 

Réalisée le 8 avril  2004  André Cochet
Mise ur le Web le   avril  2004

Christian Flages