Visages
de

Barsac.

Tome I.

Page 76.

 

 

 

 Tonnelier.
                       

 

I

Tu seras tonnelier, car je le suis moi-même !
Ton grand-père l'était et ton aïeul aussi. 
Dans toute la famille c'est le métier qu'on aime ; 
Mais avant d'accepter, écoute bien, ceci :

 

II  

Levé avant le jour, il faudra travailler 
Hardiment, sans pitié, gaiement et sans relâche; 
Et par les soirs d'hiver, il te faudra veiller 
Après qu'un vigneron aura fini sa tâche.

 

III

Lorsque tu tourneras autour de ta barrique, 
Sur le cercle de fer qui fait gémir le bois, 
Que toujours lestement ton lourd marteau s'applique 
Sans écraser ta chasse et sans meurtrir tes doigts.

 

IV

Quand tu seras courbé, l'asse dans la fournaise,
D'une barrique chaude que tu viens de cercler, 
Tes bras nus y cuiront comme sur de la braise, 
Tout en faisant jaillir les copeaux enfumés.

 

V  

Dans les rares années où la vendange est bonne, 
Un véritable tonnelier, ne chôme plus ! 
Pour loger tout ce vin, il faut beaucoup de tonnes, 
Et chacun veut avoir construit les meilleurs fûts.

 

VI

Mais tout en maniant la massive doloire, 
La plène ou la scie, le souple martinet, 
Avec tes compagnons, il faut trinquer et boire, 
En chantant avec eux : Vive la liberté

 

VII

A peine achevé, le fût passe la porte. 
Logera-t-il bientôt un bon  Médoc vermeil ? 
Ou un noble Barsac doré par le soleil ? 
Il est fait pour rouler et le destin l'emporte.

 

VIII

Mais ton destin, à toi, habile ouvrier, 
C'est du matin au soir, de faire résonner 
Les flancs bien ajustés de cette boîte ronde 
Qui porte notre vin aux quatre coins du monde.

 

P. G.... 1898.

 

 

 

Réalisée le12 avril  2004  André Cochet
Mise ur le Web le   avril  2004

Christian Flages