Visages
de

Barsac.

Tome  II.

Page 152.

 

 

 Vatel se fait hara-kiri ou S.O.S.

.

La vérité finit par sortir de son puits.
Un fait intéressant se confirme aujourd'hui :
Ce n'était nullement parce que la marée,
(Carpe, turbot, saumon et raie)
Avait pris le train omnibus,
Ou l'autobus,
Que l'illustre Vatel,
Le génial maître d'hôtel,
Se fit hara-kiri d'emblée
Au cours d'un déjeuner royal.
Car le régal
Etait d'attaque ; et depuis les hors-d'oeuvre

Jusqu'au spoom de Samos, tout n'était que chef-d'œuvre.
Repas divin,
De nombreux vins
Avaient pris place sur les tables ;
Bourgogne, Champagne, Vouvray.
Médoc, Saint-Emilion, Vouvray.
Médoc, Saint-Emilion, Tokay,
Du présomptueux Alicante
Et du fringant Asti spumante.

C'était beaucoup, et ce n'était pas assez !
Notre grand Condé, courroucé,
Tança vertement le coupable
De ce forfait épouvantable.
A l'instar du distrait babouin
Qui n'éclairait pas sa lanterne,
Vatel avait omis un point :
Celui de servir du Sauternes !
S'il avait su qu'un Campéros,

Etait le complément obligé d'un bon rôt,
Il n'eût pas ainsi quitté ce bas monde,
L'infortuné maître d'hôtel !
Heureusement qu'aujourd'hui, tel
Oubli serait impossible.
Au Groënland, sur le Thibet,
Vers Tombouctou l'inaccessible,
Et quel que soit son alphabet,
Sa couleur, son milieu, sa race,
Chacun retient le mot de passe,

Du Yankee en Matford, au Lapon en kayac,
Le monde enlier boit du Barsac !

 
Le monde entier connaît encore,
Nordique blond ou sombre More,
Ce nom prestigieux de l'ancienne maison
Louis Bert, dont les vins, renommés jusqu'au Pôle,
Ont conféré à son blason
Une indélébile auréole.
Je m'en voudrais de vous celer
Une anecdote bien typique,
Le récit n'est pas ampoulé,
Dans l'extrême Nord-Atlantique,
Des naufragés, las de souffrir,
S'étant résignés a périr,
Aperçurent soudain, ô bonheur ! ô délices !
Brillant de mille feux sur un morne iceberg,
Une bouteille salvatrice
Aux armes de la Maison Bert.

A. P..., 1946.
 


 

Réalisée le13 avril  2004  André Cochet
Mise ur le Web le   avril  2004

Christian Flages