Visages
de

Barsac.

Tome  II.

Page 154.

 

 

Firmin Bastot à la Campagne.

REPLIQUE A « BERTHOUMIOU A LA BILE. » DE MESTE VERDIE

 (ou GARDEZ  VOUS DE RIEN  DÉDAIGNER) .

Loti binte deux octobre, après ajouet brégnat 
M'arribet un cousin, fonctionnaire à la bile; 
Me fallut l'inbita et lou èse mingnat 
Lou réçure très bien, de façon fort cibile.
 

Il s'appelait Firmin Bastot, et comme il habitait Bordeaux depuis une dizaine d'années, qu'il portait le faux-col et souliers à tous les jours, il parlait pointu; le mot fumier était pour lui malodorant. Quant au mot de Cambronne passons !

Ma femme prenait plaisir à
Le faire pérorer pour se payer sa tête.
La malice des femmes est souvent très discrète.
Je lui offre une noix pour goûter le vin blanc;
Il en entr'ouvre une et l'amande prenant
La porte à sa bouche, mais la crache aussitôt.

« Elle est rance, dit-il. Quaou machant esquillot ! »

Il entre en mon jardin pour cueillir une rose;
Lors sur un escargot son fin soulier se pose;
Il glisse et trébuche, s'allonge, et patatrac !…

« Mon pied sur une m...! Mais non, c'est un limac !»

En entrant dans mon chai, un râteau s'y trouvant,
Il trébuche dessus; l'outil se relevant
L'atteint avec le manche, en plein front, le blessant

« Ah ! maoudit arrestet ! » s'écrit-il en geignant.

Il prend alors sa canne pour aller promenant ;
Et passe tout auprès d'une vache paissant,
Qui, piquée au museau par un bien mauvais taon,
Lance sa queue en l'air en violent coup de fouet
Dont le pinceau fientant vous lui cingle le nez :

« Sale baque ! dit-il. Tu m'as presque asphyxié ! »

Les esprits campagnards par lui tant dédaignés
Sur ce petit monsieur s'étaient enfin vengés.
Le soir, il repartit par le train de six heures,
Le pantalon fripé, un oeil au beurre
Noir, avec le nez pelé, assez ému.
Il m'avait, pour le moins, sifflé et bu,
Sans compter le repas, quatre pintes de vin.

« Au revoire, Moussu, et boun biatge cousin !

Chassez le naturel, il revient au galop.
Un poseur à Barsac, c'est encore de trop !

P. G. 1946.



 

Réalisée le13 avril  2004  André Cochet
Mise ur le Web le   avril  2004

Christian Flages