Visages
de

Barsac.

Tome  II.

Page 220.

 

 

Barsac à vol d'oiseau.

 

Poème.

Dit par Melle J. LARRIBAL.

 

Barsac, vu de son vieux clocher
Par un beau soir d'été limpide,
Offre un panorama splendide :
Vous le décrire sans clocher ?
Il faudrait être Thucydide !
Au secours, ma bonne Clio !
A l'aide, douce Polymnie !
Pour sertir l'aimable joyau,
Que n'ai-je, hélas ! votre génie ?
 
Barsac vu de son vieux clocher,
Où les corneilles vont nicher,
Ne se traduit pas en formules.
J'éprouverais certains scrupules
A me servir de pauvres mots
Pour vous rapporter de là-haut
Mes impressions fragmentaires,
Car, seuls, la couleur et le son,
Ces éléments complémentaires,
Peuvent illustrer un frisson.
 
M’interdisant tout commentaire,
Je décrirai donc, haut perché,
Tout en haut de son vieux clocher,
Barsac, quand le soleil décline,
À l'heure, simplement divine,
où la sereine paix descend
Sur nous, lorsque les hirondelles,
En plein azur, à tire d'ailes,
Glissent, avec des cris perçants.


Je veux les suivre. dans leur ronde
Jusqu'aux confins de la cité,
S'il le faut, jusqu'à Guiteronde,
Pour vous en peindre la beauté
Sous mes yeux vibre une féerie
Illustres vignobles, prairies,
Châteaux, garennes, ruisselets,

Vrai paysage de Ligurie
Déroulant sa marqueterie

De La Pachère à Frandelet.
Quelle gamme ! Quel reliquaire
De hameaux aux différents tons
L'Haouilley n'est pas Arnauton;
Moura n'a rien de La Baquère;
A peu près comme Londres au Caire,
Larroux ressemble à Marmiton !
Excelsior ! Simon, La Pinesse,
Baulac ! J'en passe ... Ollé ! Ollé !
Ce sont là quartiers ... de noblesse,
Noblesse du vin contrôlé.


Que de splendeurs du Port à Miailhe
Et de L'Espect à Mathalin !
Nairac ?... C'est au petit Versailles,
Et Menauta, presque un Kremlin,­
Si Le Sescas n'est point Vincennes,
Et s'il nous manque un Trianon,
Notre Ciron vaut bien la Seine
Après tout, mon Dieu, pourquoi non ?
 

Sans doute, nul Palais des Doges 
Ne s'impose, fascinateur ; 
Mais de Caillou, la svelte horloge 
Nous rappelle assez Westminster. 
Avez-vous, dans le vaste monde, 
Vu, de Shanghai à Cotonou, 
Ailleurs qu'ici, des Chambres Rondes, 
Exclusivité de chez nous ? 
Je ne saurais enfin le taire 
Au risque d'avoir un procès :
Ils n'en ont pas en Angleterre, 
Du Barsac à dix huit degrés !
 

Avant de rejoindre mon gîte
Et d'aller retrouver en bas,
Hélas ! les stériles débats
Dans lesquels le monde s'agite,
J'exprime un désir absolu :
Que, délaissant nos jeux stupides
De fous, d'envieux, de cupides,
Nos petits enfants ne soient plus
Les loups féroces que nous sommes.


Dans notre cité, comme ailleurs,
Je veux espérer que les hommes
Assagis deviendront meilleurs...
Pensif, en ce soir d'août qui tombe,
Je descends de mon vieux clocher
Dans un enclos voisin, les tombes
Semblent dire : A quoi bon tricher !
Un jour, il faut que tous succombent.
Aigle et lion, vierge et colombe,
Sitôt leur chemin parcouru ;

Honneurs, fortune, humeur altière
Finissent dans ce cimetière
Ou dorment mes chers disparus.
Devant ce sort certain, le nôtre,
Je songe qu'est venu le temps,
Après vingt siècles attristants,
De nous aimer les uns les autres.
Doux Galiléen, sois content !...


Le couchant, de mauve se teinte ;
L'orbe rouge, comme à regret,
Plonge, là-bas, dans la forêt ...
Un ineffable Angélus tinte ...
Plein de gloire, le jour s'endort ;
Tout s'efface dans la pénombre,
Sauf les grands pins, leur crête sombre
Se frange d'une poudre d'or !
 
Envoi :
 

Prince, puisse ma fantaisie 
Préfacer Barsac triomphant. 
C'est là, soumis en poésie, 
Le voeu de l'un de ses enfants.

 

Réalisée le14 avril  2004  André Cochet
Mise ur le Web le   avril  2004

Christian Flages