Château
LIBET .
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par | |
HENRI PORTES | JEAN MICHEL SOLANS |
Extraits. | |
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Cahiers du Bazadais N° 125. 1999. |
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Les Amis du Bazadais. B.P 34 33430 BAZAS. |
Le
"château" Libet, fut détruit en 1945,
dans un tragique incendie,
après trois siècles d'histoire.
Carte postale
du château habité. Façade principale avant 1914. La jument attelée s'appelle Mireille. Editions Gautreau, Langon, collection Bèguerie, Bernos (Coll. privée) |
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Le
château après l'incendie. 1945.
En bas à gauche le point d'impact de l'avion. La troisième personne en partant de la gauche est la propriétaire et rescapée du sinistre, Mme Jeanne Antoinette Cazenave. |
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Pour voir la carte postale initiale , cliquer sur l'image. |
La Construction du château.
Le "château" Libet, détruit en 1945, dominait depuis les hauteurs de Bernos, le plateau landais et la vallée du Ciron. Situé au centre d'un vaste domaine, le bâtiment principal présentait plutôt l'aspect d'une importante maison bourgeoise.
Devant la demeure se trouvait une cour entourée par des communs, granges, écuries et logement des colons. L'ensemble formait un rectangle clôturé par un mur au centre duquel un grand portail permettait l'accès des voitures et charrettes.
Plus en avant encore existait, comme de nos jours, une vaste promenade plantée de chênes et d'ormeaux.
A
l'arrière le parc était agrémenté d'une pièce d'eau alimentée par une
source.
La porte d'entrée du logis s'ouvrait sous un arc plein cintre avec, gravée sur la clé, la date de 1510.
Un fronton triangulaire surmontant l'ensemble encadrait une pierre taillée, sur laquelle auraient pu figurer les armes de la famille habitant les lieux .
A
l'intérieur, autour d'un large vestibule, se répartissaient les pièces
d'habitation. Un monumental escalier de pierre construit dans une tour restée
inachevée, permettait d'accéder à l'étage. Dans les différentes pièces on
remarquait d'imposantes cheminées, dont une décorée d'un tableau représentant
une scène de chasse, qui fit l'objet d'un article spécial dans l'acte d'achat
par la famille Cazenave en 1890 :
" ... la cheminée en bois sculpté avec la peinture
qui se trouvent au salon et qui ne sont pas scellées sont comprises dans la
vente" .
Edouard
Guillon qui visita le château en 1866, mentionne la présence de curieuses
armoires dont une imitant la façade de Saint Jean de Bazas.
Les minutes de maître Cinq Cens, notaire à Bazas, nous livrent un acte très intéressant concernant la construction de Libet en 1642:
"Le dixneufviesme Janvier mil six cens quarante deux, dans la ville de Bazas et maison de Me Jehan de Lescalle advocat en la Cour, par devant moy notaire royal soubzsigné présens les tesmoings baz nommés apprès midy, ont esté personnellement constitués Anthoine Dissac Maistre Masson habitant de Trazitz et Pierre Lesficial maistre masson habitant de Pompéjac, l'ung pour l'autre et ung chascun d'eux seul pour le tout renonçans au bénéfice de division et discussion du […] promettent par ses presentes audit Sieur de Lescalle, habitant audit Bazas present et acceptant, savoir est de luy faire et construire une maison en pierre dans la paroisse de Bernos, mesterie appellée de Libet et au lieu que par ledit sieur leur sera indiqué, aveq un pabillon.
Ladite maison de la longueur de soixante trois piedz ou environ de l'ung coing à l'autre et de la largeur de quarante piedz ou environ aussy de l'un coing a l'autre et de la haulteur de ladite maison de vingt cinq piedz ou environ sur terre au plus hault et ledit pabillon eslevera par dessus la muraille de la mesme maison de huit à neufz piedz et de telle largeur et longueur que par ledit sieur sera advisé.
Ladite maison composée d'un courroir entrée de la largeur de unze Piedz et demi ou environ, au boult duquel du cousté du nord les susdits Lesficial et Dissac seront tenus faire ung degré en repos aveq ung noyeau jusques au premier estaige de ladite maison, de la largeur de cinq piedz dans oeuvre ou environ, aveq les arseaux necessaires pour apuier les plainpieds dudit degré et un accoudoir convenable au hault dudit degré et sur ledit premier estaige.
Ladite
maison composée d'une salle basse et un salle haulte du cousté du levant de la
largeur de dix neufz à vingt piedz et vingt quatre piedz ou environ de longueur
dans oeuvre, dans lesquelles salles seront tenus faire deux cheminées, l'une
avec ung cadre et ung pilastre, l'autre aveq une corniche hault et une corniche
baz et a coste de ladite salle basse une antichambre de pareilhe longueur et
quinze piedz en largeur, le tout dans oeuvre aveq une cheminée en briques
acompaignée d'une corniche sur le claveau. Plus fairont autre chambre basse du
cousté du couchant de la mesme largeur que les susdites chambres et de la
longueur de vingt ung pied ou environ et sur icelle une chambre haulte de mesme
largeur et longueur et a chescune dicelles une cheminée, celle de baz pleniere
et celle de hault aveq corniche et les cheminées audit pabilhon plenieres et
convenables sellon l'art.
Dans
lequel bastiment seront tenus faire dix croizées et trois demi croizees aux
lieux qui par icelluy sieur leur sera monstré. Seze Portes cy besoing est la
premiere desquelles et a l'entrée de ladite maison composée d'un pilastre
fronton et corniche et les autres plenieres. Dix huit abajours ou environ. Tous
les murailhes de l'espesseur au baz de vingt deux pouces et au haut d'ung pied
et demy environ. Laquelle maison et besoigne ont promis avoir faite et parfaite
en la susdite quallite, icelle garnir de corbeaux aux lieux necessaires pour
supporter les solibeaux, poultres et aultres piesses necessaires, dans ung an a
compter de ce jourdhuy et a raison de trente cinq soulz par brasse une tache et
la somme de dix huit livres, laquelle besoigne sera tenu ledit sieur leur payer
a quatre pactes. Les trois sera tenu leur payer ainsin et comme en faisant
ladite besoigne. Le quatriesme icelle estant faite la susdite tache de jour en
jour et les susdits dix huit livres appres que ledit bastiment sera fait et agréé
par ledit sieur.
Les fondemens de laquelle besoigne seront tenus marquer et niveller et lesdits sieurs les faire cruzer. Toute laquelle maison et pabilhon seront tenus lesdits entrepreneurs griffonner au desous et icelle bastissant blanchir lesdites chambres, antichambres et pavilhon et les deux salles basses baultes et [...] au cailhon et toutes les susdites chambres basses et couroir autres que le chay careller; et oultre les susdits pris tache et dix huit livres, ledit sieur de Lescalle sera tenu leur fournir tous materiaux necessaires chaffaudaiges et iceux rendre sur le lieu, sans aulcun en reserver saufz toutes fois l'eau qui leur sera necessaire que lesdits Dissac et Lesficial seront tenus fournir et charroyer, qu'ils pourront prendre au lieu qu'ilz treuveront le plus conmode.
Pour laquelle besoigne faire ce pourront servir de toute la tailhe de pierre qui est sur ledit lieu de Libet. Et ladite murailhe iceluy sieur sera tenu leur payer a la susdite raison de trente cinq soulz tant plain tant vuide saufz pour les cheminées qu'ilz seront tenus de hausser et briquer de haulteur necessaire, ny les marches et repos dudit gré qui ne sont comprin dans ledit vuide, ains sont tenus de faire lesdites chéminées et degré et pour le surplus des arseaux dudit degré et toute autre besoigne sera marquée et payée, a la brasse. Et tout ce dessus lesdites parties ont promis entretenir et pour ce faire ont obligé tous leurs biens presens et futeur soubsmis a la cour senechalle audit Bazas etc. renonçant etc. et promis et juré, etc. Presens M Jehan de Minilhe notaire royal habitant audit Bazas et autre Jeban Minille praticien habitans audit Bazas qui et lesdits sieur et Dissac ce sont signés et non ledit Lesficial qui a dit ne savoir. "
Ce document donne de nombreuses précisions relatives à la distribution et aux dimensions des pièces. Un plan du château dressé par l'expert commis après le sinistre de 1945, permet d'en comparer les mesures avec celles citées en 1642.
Il
n'y a aucun doute qu'il s'agit bien du même édifice. En revanche, les
informations concernant l'aménagement de chacun des niveaux ne correspondent
pas entièrement avec l'état des lieux tel qu'il figure sur le plan dressé en
1945
Mesures | Acte de 1642 | Plan de 1945 |
Longueur du bâtiment | 63 pieds (environ 22 m) | 22 m |
Profondeur du bâtiment | 40 pieds (environ 14 m) | 13 m |
Largeur du couloir | 11,5 pieds (environ 4 m) | 4 m |
Longueur des couloirs | 24 pieds (environ 8,50 m) | 9 m |
20 pieds (environ 7 m) | 6,5 m | |
Antichambre au premier étage | 15 pieds (environ 5 m) | 5 m |
Chambres côté couchant | 21 pieds (environ 7 m) | 7 m |
1 pied bazadais = 0,3519 m |
Pourquoi
la date de 1510 au dessus de l'entrée ?
S'agissait-il
d'un élément apporté ?
S'agissait-il
d'une pierre provenant d'une construction précédente ainsi que le suggère le
passage suivant " ... les susdits Dissac et Lesficial ce pourront servir
de toute la taille de pierre qui est sur le susdit lieu de Libet..."
De 1645 à 1890, année de la vente à la famille Cazenave, les descendants de Jean de Lescalle vivront à Libet, les propriétaires successifs (généralement le fils aîné) portant le titre de "sieur de Libet".
Les de LESCALLE (1616 / 1761)
Ce nom de famille apparaît dans le Bazadais dès le XVIe siècle.
Aujourd'hui
seule une métairie de Bazas leur ayant appartenue, évoque encore ce patronyme.
Le premier des de Lescalle connus est Bertrand époux de Guillemette Bachier. Il décède avant 1583, année où son fils Jean, bourgeois et marchand de Bazas, épouse Gaillardine de Lartigue.
Nous ne savons pas quelle sorte de négoce exerce Jean, mais les revenus qu'il en tire permettront a ses enfants d'acquérir des charges au présidial et de figurer parmi les familles les plus importantes du Bazadais.
Propriétaires avant 1600 du moulin d'Estournetz (aujourd'hui moulin de Retges), les de Lescalle s'implantent à Bernos au début du XVIIIe siècle grâce à l'acquisition de métairies : Le Gé (<1637), Jeannots (1624), Peyroton (1640), Pierré (1643).
Le
domaine de Libet est acheté à la famille Quincarnon peu avant 1621. Nous
n'avons pas trouvé l'acte constatant cette transaction, mais la date
approximative nous est fournie par l'extrait de minute suivant:
"Le troiziesme du mois d'octobre mil six cens vingt ung
dans la ville de Bazas et maison de monsieur maistre Jehan de Lescalle advocat
en la cour après midi par devant moy notaire royal... ont esté personnellement
constitués Jehan dit Moureau et Bernard de Feugas père et fils habitans de la
paroisse Saint Martin de Bazas lesquels de leurs bons grés et bonnes volontés...
ont pris par forme de bailhette et a fezande de Sieur Lescalle présent et
acceptant scavoir est toute icelle mesterie audit sieur Lescalle appartenante
sisze et située en la paroisse de Bernos ... appelée à Libet qu'il a acquise
de madame de Quincarnon vefve ... "
Nous avons vu que c'est sur l'emplacement de cette métairie, ou à proximité, que sera construit le "château" en 1642
Jean de Lescalle (1590 / 1655)
Fils
de Jean et de Gaillardine de Lartigue, il naît vers 1590, vraisemblablement à
Saint Martin de Bazas. Il exerce comme "advocat en la Cour" et épouse
en 1616, Anne de Malescot d'une famille bazadaise, propriétaire a Taleyson de
la métairie de Cazaubon et de diverses pièces de terre dans la paroisse de
Bernos.
En 1634 il fait construire la métairie de Hourtinot et en 1642 signe l'acte de construction de Libet.
Le 3 avril 1646 l'acte suivant est passé entre Jean de Lescalle et Jean Minot:
"Le troiziesme avril mil six cens quarante six dans la ville de Bazas et maison de Me Jean de Lescalle advocat en la cour, pardevant moy notaire royal soubzsigné, présens les tesmoings baz nommés, avant midy. A esté personnellement constitué Jean Minot, maistre serrurier habitant audit Bazas, lequel de son gré a promis et promet par ses présentes audit Sr Lescalle habitant audit Bazas présent et acceptant, savoir est : de luy faire la ferreure de quinze croyzées et demie dans la maison que ledit sieur a fait bastir en la parroisse de Bernos appelée à Libet et a cheque croyzée faire vingt quatre fiches douze targettes cinq clous a rozete, huit pates, le tout de fer, laquelle ferreure a promis avoir faite en la susdite quallité et icelle poser dans dix huit moys a compter de ce jourdhuy et ce moyenant la somme de cent vingt livres tournois, de laquelle icelluy Minot a reçeu comptant sur ses présentes dudil sieur la somme de six livres en piesses de vingt soulz et dicelle en desduction c'est complanté et le restant audit pris ledit sieur a promis luy payer ainsin et comme ledit Minot travailhera a la susdite besoigne, oultre laquelle somme iceluy sieur sera tenu fournir tout le clou necessaire a poser ladite ferreure et pour ce faire lesdites parties ont obligé tous leurs biens presents et futeurs soubzmis a la cour prevotale dudit Bazas etc. renonce etc. promis etc. juré etc. Presens Me Bernard de Lescalle procureur en la cour prevotalle audit Bazas et Jean de Cinq Cens praticien, habitans audit Bazas qui parties ce sont signés et moy dit notaire.
(signé) : Delescalle, Jan Mignot (sic), De Cinq Cens, Delescalle, De Cinq Cens notaire royal. "
Ces travaux laissent supposer que le couple Jean de Lescalle, Anne de Malescot, s'est installé à Libet à la fin de 1647. C'est certainement à l'époque de ce Jean de Lescalle que se serait déroulé un événement rapporté par E.Guillon dans sa description des châteaux de la Gironde:
"Au XVIIe siècle, Mme de Lescalle (sic) vivait en paix lorsque éclatèrent les guerres de la Fronde pendant lesquelles une compagnie royale d'infanterie traversa le Bazadais et s'arrêta à Beaulac. Le châtelain de Libet qui était royaliste, alla visiter le capitaine et le ramena chez lui au château ; mais pendant qu'il le faisait promener devant sa façade, une promenade vaste et délicieuse, un frondeur passa tout à coup à cheval auprès d'eux, et sans s'arrêter prit un pistolet dans les fontes de sa selle et le déchargea sur le capitaine, qui fort heureusement ne fut pas atteint.
L'alarme fut aussitôt donnée : la compagnie se rendit de Beaulac au château de Libet, s'y installa quelques jours, et fouilla sans résultat tous les bois environnants; elle partit enfin, et la paix ayant été signée quelques temps après, il ne parut plus de frondeur dans la contrée. "
Jean de Lescalle décède sans doute peu après la rédaction de son testament daté du 27 décembre 1654. Il désigne comme héritiers ses deux fils :
Pierre l'aîné, reçoit les biens situés à Bernos et Taleyson et diverses métairies dans les paroisses de Saint Martin de Bazas, Marimbault, Lucmau, Lerm, Saint Michel (de Bazas ?) et Préchac.
René, le cadet se voit attribuer les propriétés situées dans les paroisses de Guiron, Trazits, Saint Côme avec le moulin de Guiraudet, Birac, Lavazan. Anne de Malescot décède après 1686, vraisemblablement à Bernos.
De leurs enfants, cinq sont connus avec certitude :
Pierre, l'aîné, cité ci-dessus et qui hérite de Libet,
Françoise qui épouse en 1644 Pierre Rodier, bourgeois de Langon,
autre Françoise qui se marie en 1644 avec Jehan Coutetz, greffier en la cour de Guyenne,
Catherine épouse de Jean Partarieu, procureur au présidial,
René, jurat de Bazas, qui habitera la paroisse de Trazits,
Mais deux autres filles, Anne et Marie, sont présentes lors du contrat de mariage de leur frère Pierre.
Pierre de Lescalle (1630 / 1682)
Fils
de Jean et de Anne de Malescot, il est baptisé dans l'église de Saint Martin
de Bazas le 18 avril 1630. Etudiant chez les pères jésuites de Saint Macaire
en 1644, qualifié d'écolier en 1652, il exerce comme avocat dès 1658.
Le
17 janvier 1663, il acquiert de Jean de Bourges l'office de président au présidial
de Bazas.
Le
20 février 1669 il épouse en l'église
Saint Jean de Cudos, Marie du Lalande, d'une famille noble de cette paroisse.
Leur contrat de mariage donne quelques indications sur la famille et les
conventions entre les parties: le père
de Pierre est décédé avant cette date, sa
mère est toujours vivante ses soeurs Françoise, Anne, Marie et Catherine
l'assistent. Marie de Lalande fille de feu noble François de Lalande et de
Marie de Rivière a pour témoin son frère, Jean Jacques. L'épouse apporte une
dot de 12.000 livres, véritable fortune à l'époque, et des bijoux estimés à
2.000 livres dont elle peut disposer à sa guise. La qualité des témoins
montre que les de Lescalle évoluent parmi la haute société bazadaise. Ont
signé au bas du contrat : de Quincarnon, Servière, Partarieu, de Laboyrie, de
Biroat, de Cosson...
Alors
que Pierre de Lescalle est propriétaire de Libet, on réalise en 1672 le
cadastre de Bernos et Taleyson. Ce cadastre nous renseigne sur les propriétés
de Pierre de Lescalle dans les deux paroisses, tout au moins sur la rive droite
du Ciron, un tel document n'existant pas pour la rive gauche dépendant de la
baronnie de Captieux.
Nous
en transcrivons quelques extraits :
A
Bernos :
"Me
Pierre Lescalle advocat en la Cour tient pred et lande à Trautére....
Plus maison grange, descharge, pature, ayria1, jardin, bois de haute futaie, verger, predz, pastings et joualles, terres labourables, sable pinnadave jeune, vieux..., le tout a ung tenant chemin entre deux appelé a Libet, à Hourtinot, a Sarpout, a Labarie, confronte levant sable pinadere de Me Jean Remazeilhes notaire royal et aux appartenances de la demoiselle de Gaussens et de l'église de Bernos, midi au ruisseau du Ciron et bois de Geoffroy Mercier, maistre chirurgien, couchant aux limites de Taleyson et chemin public ; contenant cent quarante six journaux seize lattes... Plus autre maison et ayral a Pavil confrontant levant et midi chemin publiq, couchant terre de Pes du Bernet et terre de Pierre Martin, contenant dix huit lattes ... "
A Taleyson :
"Monsieur
de Lescalle advocat en la Cour tient sables, terre, lande et pred a la Gouteyre,
confronte levant et midy chemin qui divise Bernos et Taleyson... Plus lande a la
lande de Coumer... Plus autre lande audit lieu... Plus pastricq au prat de
Couilhon... Plus lande à Pourgon...,"
Ce document montre que le domaine de Libet forme une belle unité, seules quelques parcelles restant isolées. Pierre de Lescalle possède sur les deux paroisses 180 journaux, 18 lattes et 15 escats, soit environ 70 hectares sur la seule rive droite du Ciron, ce qui en fait le plus important propriétaire local.
Décédé le 30 août 1682 à Bernos, Pierre est inhumé dans l'église Notre Dame. De son union avec Marie de Lalande sont issus deux enfants :
Jeanne, née vers 1661, épouse en 1695 Bertrand Vital, receveur des fermes du roi à Saint Justin,
Jean
reste a Libet.
Jean
de Lescalle (1670 / 1745)
Né vers 1670, vraisemblablement à Bernos, sa profession n'est jamais citée dans les différents actes le concernant. Qualifié de bourgeois ou de sieur de Libet, il vit certainement des rentes accumulées par les générations précédentes.
Habituellement au XVIIe et XVIIIe siècles, afin d'éviter la division du patrimoine, les filles reçoivent une dot au moment du mariage, ce qui ne semble pas avoir été le cas de Jeanne épouse de Bertrand Vital. Cette situation aboutit vers 1695/1700 au partage des biens entre le frère et la soeur. Jean garde le domaine de Libet, tandis que Jeanne reçoit plusieurs propriétés de la rive gauche du Ciron, dont le moulin de Destournets, qui seront vendues par la famille Vital au début du XVIIIe siècle.
En
juin 1703, une transaction entre Bertrand Vital et Jean de Lescalle met un terme
à ce partage, seul le pont de Labarie dont la famille est propriétaire, pose
encore problème.
Le 30 janvier 1695, Jean épouse à Bernos, Isabeau Labrousse, fille d'un marchand de Beaulac. Quatre enfants viennent au monde; Isabeau décède à la naissance du quatrième, le 14 juillet 1701. En février 1703, Jean se remarie avec Marguerite de Persilhon, fille de Dominique, seigneur de Cachen et de Marie Dufourg, habitants de la ville de Roquefort.
La famille de Marguerite vit dans le Marsan depuis fort longtemps et réside aux Jourets paroisse de Lencouacq. Son père a hérité de la seigneurie de Cachen acquise en 1641 de Jean Deytz. Le contrat de mariage en date du 6 février 1703 est passé chez maître Lalerzie, notaire à Roquefort.
La
dot de l'épouse est de 4.000 livres; les habits nuptiaux sont fournis par sa
soeur pour une somme de 500 livres.
Enfin, Marguerite dispose de la dot d'Isabeau Labrousse, première femme de
Jean, à charge pour elle d'élever les enfants du premier lit.
Jean de Lescalle occupe alors la fonction de jurat de Bernos. Malheureusement les archives de la communauté locale et celles de la fabrique de Notre Dame n'ayant pas été conservées, nous ne pouvons connaître son influence. Il intervient cependant, dans tous les actes importants concernant la vie de la paroisse.
En
1719, un procès l'oppose à Pierre Labrousse, père d'Isabeau sa première épouse.
Il semble que Jean, l'aîné des enfants de ce premier mariage, se soit réfugié
chez son grand père maternel. A l'issue de la procédure, Jean de Lescalle père
est condamné à donner à son fils une éducation convenable et doit lui faire
apprendre à lire et écrire, ce, dans un délai de six mois. Jean, alors âgé
de 20 ans, est placé chez un maître écrivain. L'enseignement semble porter
ses fruits puisque quelques années plus tard Jean est receveur des fermes du
roi au bureau de Saint Justin, où il a succédé à son oncle Bertrand Vital.
En
1733/1734, un nouveau procès est engagé par Jean de Lescalle contre Edme
Mongin, chanoine de l'église St Jean de Bazas et chapelain de la chapelle de
Peyroulet à Bernos. L'affaire porte sur l'appartenance d'un fossé et sur le
droit de passage sur le domaine de Peyroulet où se trouvait une métairie.
Ce droit de passage qui sera maintenu jusqu'au début du XXe siècle permettait aux habitants de Libet de se rendre à l'église de Bernos. Un accord intervient finalement entre les parties:
"et a l'esgard du passaige dont le sieur Lescalle a jouy cy devant sur le dommaine de la chapellanie pour aller de sa maison de Libet a l'eglize dudit Bernos a aussy esté convenu que ledit sieur Lescalle et sa famille seulement continurait a passer audit mesme endroit jusques a ce que ledit sieur chapelain luy en indiquera un autre ...".
Le
chemin en question continuera d'être emprunté par les propriétaires de Libet
et par les habitants de la partie ouest de la commune actuelle, bien après la
mise en état vers 1880 de la route allant de la Croix de Lic, située au bas du
bourg de Bernos, à la Croix de Libet.
En
novembre 1733, le domaine de Libet connaît une amputation lors de la vente des
métairies de Labarie et Garet à Joseph Sauvage, grand archidiacre de la cathédrale
Saint Jean de Bazas.
Jean de Lescalle décède à Bazas le 18 octobre 1745. Sa veuve reste quelques temps à Libet, puis se retire aux Jourets où elle meurt en 1753.
Quant
aux enfants, sur les quatre issus du premier mariage et les six du second, cinq
parviennent à l'état d'adulte.
du
premier mariage :
Jean
né le 30 octobre 1695, s'installe à St Justin et épouse Olympe de Vaqué.
Catherine
née le 14 juillet 1701, reste célibataire et décède à Bernos en 1741.
du
second mariage
Jean,
curé en 1735
François,
né le 18 septembre 1715, archiprêtre de Bernos de 1741 à 1751, année de
son décès;
Jean,
né le 7 janvier 1708.
Jean de Lescalle (1708 / 1778)
Né
à Bernos en janvier 1708, il épouse avant 1733, Marie Magdeleine Dosque de
Blanquefort, née à Mont de Marsan le 21 novembre 1700, fille de Jacques et de
Jeanne Marie de Dulamon. Au décès de leur père, son demi frère Jean, renonce
à ses droits sur Libet moyennant finances.
Ayant hérité de la fortune des Persilhon, une vingtaine de métairies et environ 800 hectares, Jean préfère résider dans le Marsan et vit soit à Roquefort soit aux Jourets. En 1740/1741, il est cependant présent à Bernos où naissent deux de ses enfants. En 1745, un procès concernant la seigneurie de Cachen l'oppose à Pierre François de Lassalle marquis de Roquefort.
Un
arrêt du parlement de Bordeaux en date du 5 avril 1745 lui interdit de prendre
le titre de seigneur direct de Cachen, mais le maintient seigneur des fiefs
qu'il possède dans la paroisse de Cachen, Lencouacq, Guinas et St Etienne.
En 1751, Jean achète la charge de maire perpétuel de la ville de Roquefort.
En
1773, il fait hommage au roi d'une paire de gants. L'espace d'une génération
le château Libet est délaissé et affermé " ... le sieur de Lescalle
s'y réservant une chambre de la maison pour y pouvoir coucher quand bon lui
semblera ...".
Marie
Magdeleine de Blanquefort décède aux Jourets le 20 juillet 1746 et Jean de
Lescalle à Roquefort le 11 janvier 1778.
De
leurs cinq enfants, trois atteignent l'âge adulte :
Joseph François, écuyer, capitaine de cavalerie, chevalier de Saint Louis, épouse à Dax le 21 février 1775 Catherine Josèphe Larroque née à Dax.
Marguerite,
née le 15 octobre 1736 à Roquefort, se marie en 1763 avec François
Deyrens bourgeois de la paroisse de Lugaut.
Marguerite,
née le 5 septembre 1734 à Roquefort, épouse à Lencouacq, le 19 janvier
1761, Guillaume Descornes. Elle reçoit en dot les propriétés de Bernos.
Le nom des de Lescalle ne sera plus associé à Libet. Les Descornes s'y
installent dès 1761.
A
l'époque, les familles les plus importantes de la paroisses ne sont pas
ensevelies au cimetière mais dans l'église. Tous les membres de la famille de
Lescalle décédés à Bernos sont inhumés "au lieu de sépulture de
leurs ancêtres" dans la
chapelle Saint Roch de l'église Notre Dame de Bernos.
Seul, François de Lescalle, archiprêtre de Bernos de 1740 à
1751 est enseveli près du maître autel.
Blason de la famille de Lescalle.
Aucun
document relatif à l'anoblissement des Lescalle n'a pu être retrouvé, mais
nous possédons la photographie d'un sceau, qui nous a été remise par M.
Libet-Descorne. Selon son père la devise des de Lescalle était : "
toujours en montant".
Une étude réalisée en 1994 par les Amitiés Généalogiques Bordelaises, permet de penser que le blason a été composé vers 1750.
"Les
armes sont parlantes un rapport existant entre le nom des signes qui les forment
(une échelle), et celui de la maison à laquelle elles appartiennent. L'aigle
à deux têtes, éployée, est de front les ailes étendues, avec leurs extrémités
tournées vers le haut de l'écu, réputation de force et de courage. La décoration
est probablement celle de l'ordre de Saint Louis.
L'ensemble est surmonté d'une couronne de comte, cercle d'or rehaussé de dix huit grosses perles dont neuf seulement sont apparentes."
Dans
les différents actes notariés consultés, les de Lescalle ne sont jamais
qualifiés de noble ou de comte. Seul joseph François, dernier membre à porter
le nom de la famille, est désigné écuyer ou chevalier de Saint Louis.
L'anoblissement a donc été tardif. Les Lescalle-Descorne ont traversé la période
révolutionnaire sans problème.
Les
DESCORNE (l 761 / 1890)
Peut-être
originaires de Gironde sur Dropt, les Descorne arrivent à Bazas au tout début
du XVIIIe siècle. Guillaume, notaire, épouse en premières noces Jeanne Géraud.
Il se remarie en 1715 avec Pétronille Dubosq, veuve de Guillaume Paragory
Larochelle, propriétaire de la métairie de Jacquette (aujourd'hui Poucet) à
Taleyson, qu'elle lègue à son second époux par testament du 7 mai 1720.
Les Descorne connaissent dans la première moitié du XVIIIe siècle une série de décès, situation relatée dans le testament de Guillaume en 1748:
"
... dit avoir été joint en mariage en premières noces avec feue Jeanne Geraud
et en secondes noces avec feue Peyronne Duboscq, que de son second mariage avec
ladite feue Dubosq il n'y a point d'enfant et du premier mariage avec ladite
feue Geraud il y a eu six enfants desquels il en est mort quatre en bas âge et
ne luy avoir resté que Jean Jacques et Jeanne Descorne qui faisoient toute sa
consolation, desquels le seigneur a voulu l'en priver, après avoir marié ledit
Jean Jacques son fils avec Jeanne d'Anglade qui luy a laissé sa veuve avec
trois enfants de leur mariage, scavoir Guilheaume, Jeanne et Isabeau Descorne,
laquelle Jeanne est aussi décédée depuis son père. Ladite Jeanne Descorne a
aussi été mariée avec maître Bernard Deyriard avocat à la Cour et sont
aussy tout deux décédés ayant laissé Jeanne Deyriard leur fille unique qui
est aussi décédée depuis peu ... "
Ainsi
en 1748, il ne reste que deux membres de cette famille:
Isabeau,
née le 27 août 1737, à laquelle son grand père, laisse une somme
d'argent. Elle épouse à Bernos, le 21 avril 1761, Jean Hyacinthe Loiseau,
Bourgeois de la Réole;
Guillaume,
mari de marguerite Lescalle, qui hérite des biens de la famille.
Guillaume Descorne (1735 / 1796)
Fils de Jean Jacques, notaire royal, et de Jeanne Anglade, il naît dans la paroisse St Jean de Bazas le 27 août 1735. Bachelier en droit, il n'exerce pas comme notaire, mais est doté de la charge de lieutenant de louveterie de France et occupe à la fin de sa vie la fonction de juge de paix à Bazas.
Dès son mariage avec Marguerite de Lescalle il s'installe à Bernos. Le domaine de Libet s'accroît avec l'apport par Guillaume Descorne, de la métairie de Poucet, tandis qu'en 1766 celle de Pijotte, près du chemin allant de Bernos à Taleyson, est vendue à un nommé Lagardère.
Marguerite
de Lescalle donne naissance à huit garçons, tous venus au monde à Bernos.
Guillaume Descorne décède à Bernos le 29 prairial an IV (17 juin 1796) ; son
épouse à Bazas le 10 frimaire an XIII (premier décembre 1804).
Le
cadastre napoléonien et divers actes notariés permettent de cerner à peu de
choses près la fortune du couple. Ils possèdent :
à
Bazas : deux maisons rue Pallas, une place Royale, une rue de Vibeys, ainsi
que la métairie de Mestey avec huit hectares de terre;
à
Sauviac la métairie de Ruppé, soit 38 hectares;
à
Cudos les métairies de Deyres, Mounon, Château, Lapla, soit environ 70
hectares;
à
Bernos le Libet, les métairies de Sarpout, Hourtinot, Poucet, soit 150
hectares;
à
Bourriot-Bergonce : les métairies du Grand Poucheu, de la Vigne, de Nauton,
soit 108 hectares.
A
ces métairies soit environ 400 hectares viennent se rajouter au début du XIXe
siècle, les propriétés de Joseph François Lescalle, frère de Marguerite, décédé
sans postérité à Roquefort en 1812.
Les Descorne possèdent alors entre Bazadais et Marsan, près de 1.200 hectares, 2 moulins, 40 maisons et métairies.
Des
huit enfants de Marguerite de Lescalle et Guillaume, trois décèdent en bas âge,
deux s'engagent dans l'armée et meurent l'un à Bayonne, l'autre à Port au
Prince dans l'île de Saint Domingue.
Il
semble que les trois enfants survivants du couple effectuent entre 1804 et 1809,
un partage des biens de la famille. Le domaine de Libet est attribué à Joseph
François l'aîné, la métairie de Poucet à Jean Hyacinte.
Joseph François Descorne (1761/1823)
Né
à Bernos, le 11 novembre 1762, il reste célibataire. Qualifié dans certains
actes de mousquetaire du roi, il a certainement entrepris une carrière
militaire. Le seul document connu le concernant est son testament en date du 24
mars 1823, par lequel il lègue ses biens à ses neveux:
Joseph
François Ulysse, fils de Jean François et de Gabrielle Salviat, reçoit la
part de son oncle dans les possessions landaises.
Jean
Baptiste Fernand, fils de Jean Hyacinthe et de Jeanne Laffargue, devient propriétaire
de Libet.
Jean Baptiste Fernand Descorne (1810 ?)
Né
vers 1810 à Bordeaux, il hérite de Libet à l'âge de 13 ans. Son père Jean
Hyacinthe, juge de paix à Bazas, gère ses biens jusqu'à sa majorité.
En
1825, lors de la procédure de classement des chemins, Jean Hyacinthe s'oppose
à l'intégration dans les voies communales des allées traversant le domaine,
pourtant empruntées par les habitants.
Le conseil municipal de l'époque ne donne pas suite n'osant pas affronter le juge de paix de Bazas. En 1827, Jean Hyacinthe acquiert de la famille Daurian, pour le compte de son fils, la maison de Claire (la Verrerie).
Au
moment du partage des biens de ses parents en 1852, Fernand Descorne reçoit une
maison à Bazas et la métairie de Poucet à Bernos. Le 7 novembre 1862, il fait
donation des propriétés de Bernos à son neveu Hyacinthe Amédée Puiffe
Magondeaux, s'en réservant l'usufruit auquel il renonce un 1874 moyennant une
pension annuelle de 2000 francs"
Hyacinthe Amédée Puiffe Magondeaux.
(1837 / 1886)
Né
à Bazas le 21 juin 1837, fils de Pierre, notaire, et de Jeanne Athenaïs
Descorne; sa mère décède peu après sa naissance et il est élevé par sa
tante Marie Descorne qui épouse Pierre Puiffe Magondeaux son beau frère, le 25
juillet 1840.
Hyacinthe
Amédée, dont nous ignorons la profession, vit dans un premier temps à
Arveyres près de Libourne, commune d'où était originaire Jeanne Merlet qu'il
épouse en 1864.
Le
couple s'installe à Libet vers 1875. Dès son arrivée à Bernos, monsieur
Magondeaux s'oppose à la municipalité qui désire créer la route allant de la
croix de Lic à celle de Libet. Depuis 1825, le conseil municipal a tenté à
plusieurs reprises d'intégrer dans la voirie communale les allées traversant
le domaine de Libet. La famille Descorne s'y oppose fermement refusant d'en céder
les emprises.
Celles-ci figurent cependant dans le tableau récapitulatif des chemins communaux. Lors de la séance du conseil municipal du 8 février 1879, monsieur Darquey, maire, rappelle l'historique de cette polémique, nous le citons :
" ... monsieur Descorne était juge de paix à Bazas, il
avait des appuis redoutables, le conseil municipal hésita et laissa cette
question en litige. On continua néanmoins de se servir du chemin, mais bientôt
on mit des obstacles à la circulation et les charrettes furent obligées de
passer ailleurs; les cavaliers et les piétons passèrent toujours jusque dans
ces dernières années où monsieur Magondeaux a clôturé sa propriété en
cadenassant les portes ... "
L'affaire
est portée devant le tribunal civil du première instance de Bazas qui, le 29
mars 1884, déclare M. Puiffe Magondeaux mal fondé dans sa demande, le déboute
et le condamne aux dépens.
Il
fait appel; le 7 juillet 1885 la cour d'appel de Bordeaux rend un arrêt, disant
que c'est sans droit que la commune de Bernos prétend être propriétaire du
chemin. Ce jugement restera sans effet et finalement le chemin en question sera
ouvert au public.
La
famille Magondeaux semble mener grand train de vie a Libet et connaît bientôt
des difficultés financières. En 1886, afin de rembourser une partie des
dettes, la métairie de Poucet est vendue à monsieur Ballande, papetier à
l'Auvergne, celle de Sarpout à la famille Delas.
Hyacinthe Amédée Puiffe Magondeaux s'éteint à Bernos le 18 décembre 1886. Sa veuve et ses enfants sont très vite confrontés aux créanciers, le montant de la dette s'élevant début 1887 à 550.000 F, somme considérable. Cette situation aboutit à la vente du domaine de Libet par le tribunal de Bazas le 11 juillet 1887.
Divers
particuliers se portent acquéreurs de différentes parcelles. Jeanne Merlet
parvient à racheter le château et la métairie de Hourtinot. Le premier mai
1890, Fernand Descorne et la veuve Magondeaux qui habitent au château, vendent
celui-ci et ce qui leur reste du domaine de Libet à la famille Cazenave.
Ils
se retirent vraisemblablement dans le Libournais.
La famille CAZENAVE (1890/1945)
Jean Félix Cazenave (1862 / 1907)
Cette famille arrive à Bernos vers 1750. En l'espace de deux générations les Cazenave acquièrent une fortune assez considérable.
Né à Bernos le 5 février 1862; petit fils de charpentier, fils de marchand, il épouse le 22 mai 1888 Antoinette Espagnet originaire de Saint Symphorien et de famille aisée.
Le
premier mai 1890 il achète le château Libet et les métairies de Libet et de
Hourtinot pour la somme de 61.200 F. La famille Descornes perçoit 6.200 F, le
restant soit 55.000 F étant dû aux créanciers.
Jean
Félix crée dans une partie du château une fabrique de chaussons landais. Il
va lui même en Autriche-Hongrie acheter la matière première, mais l'affaire
s'arrête à son décès en 1907.
Jérôme Antoine Edgard Cazenave (1893 / 1977)
Né
le 19 juillet 1893 à Bernos et fils unique des précédents, il fait des études
de médecine et devient un éminent dermatologue bordelais. A la suite d'une
donation entre vifs du 4 mai 1946, il devient propriétaire du domaine de Libet
composé du château incendié et de ses dépendances à usage de chai, écuries,
remises et dépêches, ainsi que des métairies de Libet et Hourtinot
De
son union avec Simone Bayle, le 14 septembre 1917 à Bordeaux, sont nés quatre
enfants : Guy, Roland, Pierre et Jeanne. A son décès le 29 janvier 1977, c'est
Roland Cazenave qui lors du partage des biens obtient la propriété de Libet.
Aujourd'hui
les vestiges du château ont disparu, mais les dépendances sont parfaitement
entretenues ainsi que le domaine aux alentours.
L'incendie du " CHATEAU"
Depuis
sa construction en 1642, le château Libet
avait toujours été habité. Bien entretenu il continuait à braver les siècles,
lorsqu'il fut anéanti le 29 août 1945, peu après 10 heures par un incendie
provoqué par la chute d'un avion.
Aucun
événement marquant n'aurait dû se produire ce jour là à Bernos. Au château,
madame Antoinette Espagnet, veuve de Félix Cazenave vaque à ses occupations de
maîtresse de maison, âgée de 76 ans elle est encore très alerte.
Son
amie d'enfance, madame Sireizol, se trouve dans le salon au rez de chaussée,
elle habite Bordeaux mais vient passer l'été à Libet.
Monsieur
et Madame Maubaret, locataires de deux pièces situées au rez de chaussée, sont
sortis : lui exerce les fonctions de cantonnier dans la commune, tandis qu'elle
jardine derrière le château.
Lors
de l'enquête de gendarmerie, plusieurs personnes apporteront leur témoignage :
Pierre
Darcos, 48 ans, résinier demeurant à Marimbault, travaille dans les bois
au moment des faits;
Abel
Daubagin, 39 ans, résinier, demeurant à Pompéjac, gemme en forêt;
Pierre
Saumon, 51 ans, meunier à la Barie, se trouve au moulin;
Justin
Lacrotte, 61 ans, métayer à Libet, est au devant de sa maison séparée du
parc du château par la route;
Jean
Rouchaley, 69 ans, ouvrier papetier demeurant à Bernos, se trouve dans un
champ a proximité du château;
Charles
Seillier, 38 ans, cultivateur à la Barie travaille les terres lui
appartenant, à quelques centaines de mètres de Libet;
Maurice
Mauquin, 42 ans, facteur à Marimbault.
A
l'époque, le ciel n'est pas sillonné d'avions comme de nos jours. Un lointain
ronflement de moteur fait lever les yeux et sortir les gens des habitations. Les
témoins ont vu un appareil survolant la forêt à basse altitude se dirigeant
vers l'ouest en direction de Beaulac.
Il
laisse échapper de la fumée sur le côté droit, oscille par rapport au plan
horizontal et descend a vue d'oeil. Il fait un demi-tour au-dessus de Beaulac
pour revenir sur la Vallée du Ciron et finalement
prend la direction de Libet, toujours en perdant du l'altitude
Justin
Lacrotte le voit passer à une
vingtaine de mètres au dessus de lui. Dans l'instant qui suit, l'avion décapite
plusieurs arbres du parc du château pour finalement s'écraser contre la façade
du bâtiment. Une forte explosion se produit et l'incendie se déclare aussitôt.
M.
Seillier arrive le premier sur les lieux, accompagné de son neveu. Mme Cazenave
échappe aux flammes en passant par la fenêtre du débarras, mais inquiète du
sort de Mme Sireizol, elle entre dans la partie non encore atteinte par
l'incendie.
M.
Seillier la rejoint en passant par une fenêtre. Il enfonce la porte du salon
derrière laquelle se trouve Mme Sireizol grièvement brûlée mais prononçant
encore quelques paroles.
Le
docteur Langeard de Bazas qui se trouve à Bernos arrive en même temps que le
docteur Soubiran. Il constate que la victime ne pouvait survivre à ses
blessures. Elle décède à l'hôpital de Bazas le même jour vers 14 heures.
Les
pompiers de Bazas arrivent sur les lieux vers 12 heures et ne peuvent que noyer
les décombres. Avant l'embrasement général, une équipe du sauveteurs locaux
a procédé à l'enlèvement de quelques objets. Les quatre militaires qui se
trouvent dans les débris de l'avion ne sont dégagés que vers 15 heures. Les
corps sont entièrement calcinés.
L'avion,
un bimoteur Heinkel 88, a décollé de la base de Cazaux.
L'équipage
appartient au groupe de bombardement 1/31
du cette base. Il est compose des membres suivants :
Jean
Paul Henri Maire, né à Tunis le 19 juin 1911, lieutenant mécanicien,
domicilié à Arles (Bouches du Rhône), marié
Elie
Robert Dumarc, né le 26 avril 1916 à l'isle Jourdan (Gers), Adjudant
pilote domicilié à Castenau Barbarens (Gers), célibataire
Jean Pierre Alfred Vaquier, né le 16 novembre 1919, sergent
chef mitrailleur, domicilié à Marseille (Bouches du Rhône), marié.
Pierre
Paul Henri Mourut, né le 22 août 1921 à Cahors (lot), Sergent mécanicien,
domicilié à Toulouse (Haute Garonne), célibataire.
Ils
sont inhumés provisoirement à Bernos
avant que leurs corps ne soient transférés au lieu de leur domicile. A la
mairie de Bernos chaque acte de décès porte la mention "mort pour France
"
En
cette période de fin de guerre, la presse est limitée dans ses moyens
d'information : faible réseau de correspondants, difficultés de
communications, pénurie de papier... et ce n'est que le surlendemain de
l'accident que le quotidien Sud Ouest publie un entrefilet ainsi rédigé :
"
"Dans
le bazadais un avion tombe sur un
château; quatre morts (sic).
Langon 30 août, jeudi matin à Beaulac Bernos un avion junker 88 de la base de Cazaux est tombé sur le château Libet. Il y a quatre morts, dont un officier et une habitante du château qui a été brûlée vive et est morte à l'hôpital de Bazas.
Le château est entièrement brûlé, il y a quelques millions de dégâts"
Bernos venait de perdre une partie importante de son
patrimoine. Quelque temps après, les pierres provenant des décombres, ont été
vendues à l'armée américaine qui occupait le camp du Poteau à Captieux et
ont servi à la remise en état de la grande piste centrale.
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Réalisée le 16 avril 2003 |
André Cochet |
Mise sur le Web 2003 |
Christian Flages |
Mise à jour juillet 2003 |