Les Pèlerins de Saint JACQUES. | ||
de COMPOSTELLE. | ||
Les amis de la Cité de BAZAS. | ||
Mairie de Bazas. | ||
33430 Bazas. | ||
Tel: 05 56 25 01 14 |
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Contact N° 19. Septembre 1996. Extraits. |
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Sommaire: | ||
Editorial. | ||
Guide du Pélerin XIIe (Extraits) | ||
Bazas, étape sur le chemin. | ||
Salvatierra, une autre étape. | ||
Bazas, halte aujourd'hui. | ||
Saint Antoine et l'hôpital de Bazas. | ||
L'hôpital Saint Antoine de Bazas. | ||
Les Lugues, l'Albret en Lot et Garonne. | ||
Editorial.
La découverte du tombeau de Saint-Jacques au IXème siècle en Galice fut très vite à l'origine d'un culte local puis d'un pèlerinage qui se développa surtout à partir du XIème siècle.
Les chemins de Saint
Jacques de Compostelle. 1648. |
Chaque année, environ cinq cent mille " jacquets ", " jacquots " ou "coquillarts " se mettaient en route pour Saint Jacques, munis de papiers "attestant leur qualité de pèlerins, sous la devise toujours plus oultre".
Large chapeau à bord relevé garni de coquilles, vaste pèlerine, gourde, le bourdon (gros bâton), panetières à la ceinture : telle était la tenue traditionnelle du pèlerin.
Quatre routes traversaient la Guyenne, lieu de passage obligatoire parmi tout un faisceau de chemins orientés plus ou moins Nord Est, Sud Ouest.
Bazas se trouvait sur la voie de Vézelay, dans le Bazadais, les hôpitaux pour pèlerins devaient être nombreux pour satisfaire à la demande :
-
Bazas disposait du grand Hôpital Saint Antoine au Nord de la ville,
- Langon avait un Hôpital Saint
Jacques,
-
Pondaurat avait un Hôpital dédié à Saint Antoine, et tenu par les
religieux hospitaliers des Antonins,
- Beaulac avait un Hôpital Saint Jacques, tenu par l'Ordre de Malte.
Ces routes aboutissaient à Ostabat, près de Saint Palais, grand carrefour, hôpital où les pèlerins se regroupaient pour monter au Col de Roncevaux.
Chemins modernes de Saints Jacques |
Une fois parvenus en Espagne, les pèlerins pouvaient suivre deux chemins : celui des Asturies, considéré comme dangereux jusqu'au XVème siècle, à cause des risques d'incursions barbaresques, et le "Camino Francés" (chemin des Français) sur lequel se trouve Salvatierra qui vient de faire l'objet d'un jumelage avec Bazas.
Promu premier itinéraire culturel européen par le Conseil de l'Europe en 1987 et Patrimoine culturel de l'humanité par l'Unesco en 1994, le chemin de Saint Jacques connaît un regain d'intérêt depuis quelques décennies.
Saluons
à ce propos notre ami Thomas Darriet qui a rallié il y a quelques jours
Saint Jacques de Compostelle après un parcours pédestre de plus de sept cent
kilomètres !
La
Région Aquitaine participe à la mise en valeur touristique des Chemins de
Saint Jacques de Compostelle.
C'est
ainsi que la Ville de Bazas a pu obtenir des subventions en 1987 pour des
travaux sur la cathédrale (restauration du paratonnerre et réouverture de la
baie extérieure donnant sur le jardin du chapitre) et plus récemment pour
les travaux d'aménagement de la place.
Bazas
a l'honneur d'accueillir les représentants de l'Association Régionale des
Amis de Saint Jacques de Compostelle à l'occasion de deux journées
Jacquaires, les 14 et 15 Septembre 1996.
Nous
tenons à remercier son Président, M. Laborde et son Secrétaire, M.
Dupon-Lahitte qui nous ont apporté des informations précieuses pour la réalisation
de ce numéro de "Contact".
Et
puisque nous y traitons de "chemins ", souhaitons à notre Président
Jean Réglat, hôte habituel de cette page, qu'il progresse vite sur celui
d'une santé meilleure !
Eric
FARGEAUDOUX.
Salvatierra -Agurain
Une
autre étape sur les chemins de Saint Jacques.
La ville de Salvatierra-Agurain, dans la province d'Alava, en pays basque espagnol vient d'être jumelée le 20 Juillet dernier avec Bazas. Elles sont toutes deux situées sur un des chemins de Saint Jacques, comme l'atteste la première image.
Le Pays Basque est traversé par plusieurs chemins qui furent empruntés par les pèlerins dans leur marche vers Compostelle.
Camino Francés |
L'un suit la côte, avec la mer en toile de fond ; d'autres passent vers l'intérieur du pays, comme le chemin de San Adriàn au bord duquel se trouve Salvatierra.
Son origine se confond avec les débuts du pèlerinage
à la dévotion du Saint de Compostelle.
Deux églises consacrées, l'une à Saint Jean,
l'autre à Notre Dame, une place à arcades, un château-fort aujourd'hui détruit
un ancien couvent de religieuses, un hôpital remontant au Moyen Age : autant
de points communs avec notre ville de Bazas.
Madame Micaela J. Portilla a bien voulu nous
autoriser à publier le texte suivant, extrait de son livre " una ruta
europea, por alava a compostela del paso de san adrian, al ebro ".
Nous remercions M. Vicente Brifias pour l'aide qu'il nous a apportée.
Les
alentours de Salvatierra.
De nombreux pèlerins n'entraient pas dans Salvatierra.
En
passant par la croix de Ventaberri, ils continuaient à cheminer le long du
flanc Ouest de la ville et ils arrivaient à la chapelle del Humilladero (le
Calvaire), aujourd'hui chapelle du cimetière et ils atteignaient la route
actuelle de Madrid à Irun par la " Caseta del Lazareto " où se
trouve encore la colonne d'une croix, la croix de Arricruz. De là, en
traversant la route, ils prenaient le chemin de Gaceo.
Province d'Alava. |
Nous disions que beaucoup de voyageurs n'entraient pas dans Salvatierra.
Jouvin
dans son " Voyage en
Europe" écrit en 1672 avertissant ceux qui
s'approchaient de la cité :
"Vous devez me croire, ne passez pas par Salvatierra, laissez-la sur la gauche, parce que dans cette petite ville résident les douaniers qui enregistrent tout ce que vous avez".
Aussi
Jouvin proposait-il la descente de San Adriàn par Galaretta ou par La
Magdalena pour arriver au croisement de Gaceo sans entrer dans la ville.
L'environnement
de Salvatierra, " El Llano" la plaine, que contemplaient les
voyageurs et les pèlerins, était très différent de celui qu'avaient vu
pendant le Haut Moyen-Age ceux qui passaient sur ces chemins.
Jusqu'en 1256, sur le lieu de l'actuelle Salvatierra, se trouvait le village de Hagurain ; aux XIème et XIIème siècles, la population y était peu nombreuse.
En 1256, Alfonso X donne le titre de ville à Salvatierra et, en 1258, il lui cède Ula, Sallùrtegui, Ligerdada et Lequedera, petits hameaux des environs.
Les voyageurs de la fin du Moyen-Age et du début du XVème siècle contemplaient les ermitages de Notre-Dame de Sallúrtegui, Albizua, Zumalburu et Ula.
A partir du XVIème siècle, les pèlerins qui avaient dépassé Salvatierra et qui se dirigeaient vers Gaceo découvraient la Croix de Ventaberri et la Chapelle du Calvaire.
La
croix de Ventaberri, datant du début de la Renaissance comporte un pilastre décoré
d'ovales et de motifs courbes.
"El
Humilladero" le Calvaire, chapelle actuelle du cimetière, fut édifié
au milieu du XVIème siècle par Don Ruy Garcia de Zuazo et Doña Catalina
Ruiz de Arrarain dont on peut lire les noms à l'intérieur de l'édifice avec
la date de construction (1557).
Ce calvaire fut construit "à l'entrée des Chemins Royaux", selon les voeux des fondateurs (sur le "Chemin Royal " de Vitoria par Alegría et Arcaya).
En poursuivant son chemin vers l'Ouest, le voyageur découvrait la croix de Arricruz, de style gothique du XVème siècle, et dont il ne reste plus actuellement que le socle et la colonne.
L'hôpital
San Lázaro et La Magdalena
Cet
hôpital se trouvait au point de croisement entre le chemin de San Adrián par
Zalduondo et Ordoñana et celui qui descendait par Araya, Iduya, Amézaga,
Eguilaz et Mezquía. Il est aujourd'hui à côté de l'actuelle route de
Zalduondo au Nord du centre-ville de Salvatierra, en dehors de l'ancienne
enceinte fortifiée.
Son
entrée principale se trouvait sur le chemin de Mezquía. Cette entrée
conserve des restes d'un arc extradossé mouluré, oeuvre de la fin de la
Renaissance. Un écusson représente les armes de la ville : une tour sur les
flots avec un lion qui apparaît à la porte ; il est orné d'un vase de
parfums, symbole de Marie-Madeleine et il porte la légende "S. MAR.
MAGDALENA".
L'intérieur
de l'hôpital totalement reconstruit ne conserve que les restes d'une voûte
Renaissance dans l'une de ces dépendances.
Pèlerin de Saint Jacques Eglise Santa Maria. |
La
belle sculpture de Madeleine qui est aujourd'hui dans l'église de Salvatierra
provient certainement de cet hôpital. Elle est attribuée au sculpteur de
Salvatierra Lope de Larrea et date du début du XVIIème siècle.
Cet
hôpital existait disait-on "
depuis des temps immémoriaux". Dans un document daté de 1487 et
conservé dans les archives de la Ville, on peut lire "Là étaient les pauvres de San Làzaro et d'autres pauvres".
Par
un décret royal signé à Medina Del Campo le 2 Mars 1489, les Rois
Catholiques Don Fernando et Doña Isabel accordaient à la ville le droit de
nommer les administrateurs et les majordomes de l'hôpital, qu'ils
dispensaient des visites pastorales ordinaires. Les Maisons de San Lázaro étaient
placées sous le Patronage Royal.
Les
habitants de la ville entretenaient l'hôpital avec des aumônes et des
donations testamentaires parce que la "Maison de San Lázaro et La
Magdalena" n'avait pas de rentes pour subsister.
Cet
hôpital était le plus important de la région. Dans l'inventaire de 1572, on
enregistre l'existence de six lits. Dans cette maison siégeait la "Confrérie
de San Lázaro" spécialement consacrée à son entretien.
L'enceinte urbaine de la ville.
Les
pèlerins qui entraient dans Salvatierra découvraient une ville typiquement médiévale,
étendue dans son tracé et de forme ovale s'adaptant au relief ondulé. Elle
était située à une altitude peu élevée quoique suffisante pour être une
ville défensive à la limite de la Castille et de la Navarre et sur le chemin
de la frontière française par le tunnel de San Adrián.
Le 23 Janvier 1256, donc, Alphonse X accordait à Salvatierra le "fuero", titre de la ville, après avoir réprimé à Orduna le soulèvement du Seigneur de Vizcaya Don Lope Daz de Haro ; de nombreux hidalgos de la Llanada Orientale avaient rejoint Don Lope en 1255 dans la ville d'Estella pour une rencontre entre le Roi de Navarre, Teobaldo de Champaña et Jaime I d'Aragôn alliés contre la Castille.
Plan de la ville de Salvatierra. |
Le "fuero" était une faveur (coutume particulière d'une ville ou d'une province) identique à celui dont disposaient les habitants de Vitoria, avec le marché le mardi.
A partir de cette époque, la ville médiévale s'étendit à l'intérieur de ses murailles.
On y accédait par deux portes principales. Celle de Santa María, au Nord, était protégée par l'église forteresse de Santa María et par le château aujourd'hui disparu.
Celle de San Juan se trouvait au Sud de l'enceinte près de l'église du même nom.
Par
les deux portes, on arrivait à l'actuelle Calle Mayor (Grand-Rue), axe
principal de la ville.
A
l'Est des remparts s'ouvraient deux portes si l'on en juge par le tracé des
rues intérieures : une entre la rue de la Boucherie et l'actuel couvent de
San Pedro, " la Porte de la Boucherie ", et une autre, " la
Porte de la Madura ", entre l'actuelle place Simon Martinez et les
maisons paires de la rue de la Boucherie.
Ces portes ont disparu totalement.
Seul reste un vestige, le "Portal Chiquito" près de San Juan et quartier juif qui était situé dans l'actuelle rue Arramel appelé aussi "Poco Tocino", nom trouvé dans d'autres villes d'Alava...
C'était sans doute la dénomination populaire des quartiers juifs...
D'après Cantera Montenegro, le quartier juif de Salvatierra à la fin du XVIème siècle comptait de dix à vingt familles.
En 1521, la ville dut faire front à une attaque sérieuse, celle de son seigneur, " le comunero " Don Pedro López de Ayala qui emmena avec lui quinze mille fantassins et cavaliers.
Note:
Ainsi furent appelés les habitants de certaines cités castillanes en révolte
contre Charles Quint.
Après la victoire des habitants de Salvatierra, la ville fut incorporée à la Couronne à la mort du "comunero" et reçut le titre de "Très Loyale" ...
On
plaça à la Porte San Juan el Portal del Rey une pierre tombale en l'honneur
du vainqueur, le Roi Don Carlos.
Les deux églises Santa María et San Juan, ainsi que la forteresse située à côté de l'église Santa María complétaient le système défensif des remparts.
Elles
conservent encore à leur chevet les chemins de ronde, points de défense et
vigies du Nord et de l'Est de Salvatierra.
On
peut vérifier encore ailleurs l'intérêt stratégique de l'église
forteresse de Santa María : pendant la guerre d'Indépendance, plusieurs
soldats français écrivirent durant leur garde leur nom sur les pierres du
chemin de ronde.
L'architecture religieuse.
Les
deux églises de Santa María et de San Juan datent dans leur construction
actuelle de la période comprise entre le XIVème siècle et le début du XVIème.
Quelques clés de voûte nous permettent de situer ces dates : les deux loups, armes des Ayalas que l'on peut voir à Santa María nous permettent de dater la voûte après 1382, moment où la ville passa à la Seigneurie de Don Pedro d'Ayala.
Le blason des Rois Catholiques dans la nef centrale de San Juan est un bon repère pour dater son édification à la fin du XVème siècle.
L'église Santa María conserve sur sa porte Ouest un magnifique exemple d'art gothique tardif hispano-flamenco de Burgos du début du XVIème siècle selon le Professeur Azcarate Ristori.
Le début de la Renaissance fut particulièrement illustré en Alava et surtout à Salvatierra où il eut une résonance particulière à cause du retour à la Couronne après la défaite de son Seigneur le "comunero" comte de Salvatierra.
Le choeur de Santa María est une monumentale oeuvre plateresque construite à partir de 1530 comme exaltation de la victoire de l'Empereur Don Carlos sur le "comunero" mal aimé de ses sujets ; l'aigle impérial se dresse sur deux châteaux avec des lions à leurs portes.
Il ne reste ni demeure ni édifice civil de la Salvatierra d'Alphonse X et de ses successeurs, tout fut détruit par l'incendie de 1564.
Seule
subsiste "la Casa de las Viudas" la Maison des Veuves, avec
un arc très rustique à l'entrée.
Avant le feu, la ville avait souffert d'une terrible épidémie par laquelle moururent plus de six cent personnes.
Après le grand incendie, de nouveaux édifices furent bâtis.
A cette période furent conçues des oeuvres de grande qualité, surtout dans les églises.
En particulier, le grand retable de Santa María réalisé entre 1584 et 1623 par le sculpteur de Salvatierra Lope de Larrea.
Au
XVIIème siècle fut construit le couvent des Clarisses de San Pedro, orné
lui aussi du blason de la ville.
A
l'intérieur de l'église, on peut remarquer une belle statue de Vierge du
XVIIème siècle du style de l'école de Valladolid de G. Femández ainsi
qu'une statue de San Pedro de Alcántara.
L'architecture
civile.
Etudiée
par la Professeur Ana de Begoña, elle présente des exemples intéressants de
constructions de la fin du XVIèmé siècle et du début du XVIIème.
Les
"Olbeas" ou arcades datent de la fin du XVIème siècle, elles
donnent sur la place San Juan.
C'était
le lieu des marchés de grains, de bétail, des ferias de six jours célébrées
en octobre par grâce accordée par Enrique III aux Seigneurs de la ville Don
Pedro López de Ayala en 1395.
Reconstruit
après l'incendie, l'hôpital de la Calle Mayor eut beaucoup d'importance dans
le vie de Salvatierra. On y était accueilli à l'entrée par une statue del
Señor Santiago.
De
nombreuses maisons de la ville conservent des éléments décoratifs du XVIème
siècle. Par exemple, la "Casa de los Diezmos" de la rue de la
Boucherie porte un écusson avec une tour et trois épis de blé qui signalent
la vocation de l'édifice comme maison de grains.
Une maison très représentative de la seconde moitié du XVIème siècle est celle qui porte le numéro 46 de la "Calle Mayor".
On y accède
par un grand arc en plein cintre, une grande fenêtre avec balustrade décorée
de moulures et de denticules enrichit sa façade ornée d'un écusson avec les
armes des Zuazo, Lazarraga, Arraraina et les cinq châteaux des Heredia.
Le XVIIème siècle a marqué également les maisons seigneuriales de la grand rue. Ainsi, le numéro 23, la maison Begoña ; son balcon d'angle, sa porte surmontée d'un écusson avec la tour des Ordoñanas, l'aigle, le cerf des Lazarraga, les lunes, les chaînes et les étoiles des Vicuñas.
Il
faut mentionner aussi la maison des Azcarraga, au numéro 81 ; sa façade
principale porte les écussons avec les armes des Zuazos, le grand cordon, la devise "VERITE", et les deux loups des Eulates.
On
peut dater aussi de la fin du XVIIème l'écusson de la maison au numéro 2,
avec la tour des Ordoñanas-Vicuñas, et des lambrequins ampoulés et
deux grands lions tenants, oeuvre de 1582.
La
maison au numéro 32 de la rue Zapatari est aussi remarquable par son
magnifique écusson avec les cordons, les étoiles des Zumalburus et la chaîne,
les lunes, les étoiles d'une des branches de la famille Vicuñas, soutenu par
deux satyres à l'expression tragique et couronné par de grands lambrequins
finement travaillés.
Au
début du XIXème siècle, le siège des troupes françaises à Salvatierra
durant la guerre d'Indépendance laisse des traces ; on peut voir encore comme
indiqué plus haut les inscriptions françaises du chemin de ronde de l'église
Santa María et l'affiche "Biande" dans une maison de la rue de la
Boucherie.
Les
guerres carlistes affectèrent davantage le centre médiéval, et en 1835,
la ville changea de physionomie du fait de la démolition des remparts pour
fortifier le château de Guevara, vital pour les armées de Don Carlos.
Note:
Carlistes : partisans de Don Carlos, frère de Ferdinand VII et prétendant
à la Couronne d'Espagne.
Peu
à peu, Salvatierra sortit de l'enceinte gothique pour atteindre la voie ferrée
alors que s'élevaient de nouveaux édifices.
Aujourd'hui,
existent deux zones industrielles très actives celles de Agurain et celle de
Lituchipi, avec des industries surtout métallurgiques, de matériaux de
construction, du bois, textiles, et du cuir.
Le
dernier recensement de 1993 fait état d'une population de 3971 habitants.
Michaela
J. PORTILLA
Texte
traduit de l'espagnol par Jeanine GAY
Extraits du
"Guide du Pèlerin de Compostelle
à travers le Sud Ouest"
(XlIème siècle)
L'un
des plus curieux documents que l'on possède sur la Guyenne et la Gascogne au
temps des églises romanes est le " Guide du Pèlerin de Saint Jacques de
Compostelle ".
Jacquet. |
Ce
lointain précurseur du " Guide du Routard " donne non seulement les
principaux itinéraires routiers et la description des sanctuaires que
visitaient les pèlerins au passage, mais encore des conseils pratiques :
comment parer aux dangers du voyage, quelles sont les rivières dont l'eau est
potable, les pays où l'alimentation est malsaine, etc.... On y trouve même
un petit vocabulaire basque pour demander un logement, du pain et de la
viande.
On
a attribué ce guide à un certain Aimeri Picaud, moine à Parthenay Le Vieux.
Voici
la traduction de quelques extraits, pour la partie du trajet entre la Garonne
et le pays basque :
A
près avoir traversé un bras de mer et la Garonne, on arrive dans le
Bordelais où le vin est excellent, le poisson abondant, mais le langage rude.
Les Saintongeais ont déjà un parler grossier, mais celui des Bordelais l'est
davantage. Puis il faut trois journées fatigantes pour traverser les landes
bordelaises.
C'est
un pays désolé, où l'on manque de tout , il n'y a ni pain, ni vin, ni
viande, ni poisson, ni eau, ni sources ; les villages sont rares dans cette
plaine sablonneuse qui abonde en miel, millet, panic et en porcs.
Si,
par hasard, tu traverses les Landes en été, prends soin de préserver ton
visage des mouches énormes qui foisonnent surtout là bas et qu'on appelle guêpes
ou taons, et si tu ne regardes pas tes pieds avec précaution, tu t'enfonceras
rapidement jusqu'au genou dans le sable marin qui là bas est envahissant.
Après
avoir traversé ce pays, on trouve la Gascogne, riche en pain blanc et en
excellent vin rouge ; elle est couverte de bois et de prés, de rivières et
de sources pures.
Les
Gascons sont légers en paroles, bavards, moqueurs, débauchés, ivrognes,
gourmands, mal vêtus de haillons et dépourvus d'argent ; pourtant, ils sont
entraînés aux combats et remarquables par leur hospitalité envers les
pauvres.
Assis
autour du feu, ils ont l'habitude de manger sans table et de boire tous au même
gobelet. Ils mangent beaucoup, boivent sec et sont mal vêtus , ils n'ont pas
honte de coucher tous ensemble sur une mince litière de paille pourrie, les
serviteurs avec le maître et la maîtresse.
En
sortant de ce pays, le chemin de Saint Jacques croise deux fleuves qui coulent
près du village de Saint Jean de Sorde, l'un à droite, l'autre à gauche :
l'un s'appelle gave, l'autre, fleuve ; il est impossible de les traverser
autrement qu'en barque.
Maudits
soient leurs bateliers ! En effet, quoique ces fleuves soient tout à fait étroits,
ces gens ont cependant coutume d'exiger de chaque homme qu'ils font passer de
l'autre côté, aussi bien du pauvre que du riche, une pièce de monnaie et
pour un cheval, ils en extorquent indignement, par la force, quatre.
Or
leur bateau est petit, fait d'un seul tronc d'arbre, pouvant à peine porter
les chevaux , aussi, quand on y monte, faut-il prendre bien garde de ne pas
tomber à l'eau.
Tu
feras bien de tenir ton cheval par la bride, derrière toi, dans l'eau, hors
du bateau, et de ne t'embarquer qu'avec peu de passagers, car si le bateau est
trop chargé, il chavire aussitôt.
Bien
des fois aussi, après avoir reçu l'argent, les passeurs font monter une si
grande troupe de pèlerins, que le bateau se retourne et que les pèlerins
sont noyés ; et alors les bateliers se réjouissent méchamment après s'être
emparés des dépouilles des morts...
A Blaye, sur le bord de la mer, il faut demander la protection de Saint Romain ; dans sa basilique repose le corps du bienheureux Roland, martyr ; issu d'une noble famille, comte de la suite du roi Charlemagne, il était l'un de ses douze compagnons d'armes, et, poussé par le zèle de sa foi, il entra en Espagne pour en expulser les infidèles.
Sa
force était telle qu'à Ronceveaux, il fendit, dit-on, un rocher par le
milieu du haut en bas avec son épée en trois coups ; on raconte aussi qu'en
sonnant du corps, la puissance de son souffle le fendit de même par le
milieu.
Ce corps d'ivoire ainsi fendu se trouve à Bordeaux dans la basilique de Saint Seurin, et sur le rocher de Ronceveaux, une église se construit.
Après
avoir, dans des guerres nombreuses, vaincu les rois et les peuples, Roland épuisé
par la faim, le froid et les chaleurs excessives, frappé de coups violents et
flagellé sans relâche pour l'amour de Dieu, percé de flèches et de coups
de lances, ce valeureux martyr du Christ mourut, dit-on, de soif dans
cette vallée de Ronceveaux. Son très saint corps fut enseveli avec respect
par ses compagnons dans la basilique de Saint Romain à Blaye.
Puis,
à Bordeaux, il faut rendre visite au corps du bienheureux Seurin, évêque et
confesseur; sa fête se célèbre le 23 Octobre.
De
même dans les landes de Bordeaux, dans une petite ville appelée Belin, on
doit rendre visite aux corps des saints martyrs Olivier, Gondebaud, roi de
Frise, Ogier, roi de Dacie , Arastain, roi de Bretagne, Garin,.duc de Lorraine
et de bien d'autres compagnons d'armes de Charlemagne, qui après avoir vaincu
les armées païennes, furent massacrés en Espagne pour la foi du Christ.
Leurs
compagnons rapportèrent leurs corps précieux jusqu'à Belin et les y
ensevelirent avec beaucoup d'égards. C'est là qu'ils gisent tous ensemble
dans un même tombeau ; un parfum très doux en émane qui guérit les
malades.
Bazas,
Une étape sur le chemin
de Saint
Jacques de
Compostelle
Bazas
se trouvait au noeud d'une patte d'oie pour les pèlerins qui cheminaient vers
le Tombeau de l'Apôtre Saint Jacques, au fond de la Galice.
En France, le pèlerinage se répartissait
en quatre grandes routes
la voie de Tours, par Poitiers, Bordeaux, Belin-Beliet.
la voie de Vézelay par
Limoges, Périgueux, La Réole,
la voie du Puy, par Conques, Moissac, Lectoure
la voie d'Arles, par
Toulouse et Auch.
Route Bazas-Caprieux. |
Arrivé
à Bazas, il fallait se regrouper avant la terrible traversée des Landes pour
affronter un paysage hostile et désolé à Bazas, on devait faire provision
de vivres et de bonne humeur.
La devise des pèlerins était :
"Toujours plus oultre"
toujours plus loin, tant dans le cheminement que dans le domaine spirituel.
A partir de Bazas, il y avait environ mille kilomètres à
franchir, et pas commodes, des montagnes, des hauts plateaux dénudés et
arides ! Et le retour à faire !
CHEMINS EN AMONT DE BAZAS
Bazas
recevait les pèlerins de la Via Perigordensis, ainsi que ceux qui s'étaient
regroupés à l'abbaye de la Sauve-Majeure où ils avaient reçu une bénédiction
spéciale du Père Abbé.
La
patte d'oie était formée de trois chemins, venant de trois directions :
Nord-ouest par le vieux " Chemin Gallien ", depuis Bordeaux
par la Brède, Saint-Selve, le carrefour de la voie romaine à Barsac,
franchissement du Ciron au pont d'Aulan, Sautemes, Roaillan, Aubiac et Bazas.
Nord par la grande route de Langon qui recueillait les pèlerins de la
Sauve Majeure, Cadillac, Saint Macaire. Langon avait un hôpital dédié
à Saint Jacques.
Nord est par la voie de Périgueux,
La Réole, Pondaurat, Aillas, Gajac et Bazas.
L'hôpital Saint Antoine de
Pondaurat, avec son pont sur la Bassane, était une halte importante qui
faisait
CHEMIN EN AVAL DE BAZAS.
Si jusqu'à Bazas et dès le XIIIème siècle, tout allait à peu près bien pour nos marcheurs, car on trouvait des gîtes d'étape tous les dix à quinze kilomètres où l'on pouvait boire, se reposer, se laver, manger un quignon de pain, la grande aventure commençait au départ de Bazas.
La
terrible épreuve
des landes faisait l'objet d'un couplet à la chanson des pèlerins :
Quand nous fumes dans les
landes,
Bien étonnés,
Nous avions de l'eau jusqu'à
mi-jambes
De tous côtés.
Il
était donc nécessaire de se regrouper, s'entraider, serrer les rangs,
chanter et prier inlassablement.
Au
franchissement du Ciron, on trouvait la Commanderie de Saint Jacques de Beaulac,
ensuite l'hôpital Saint Blaise de Captieux et à partir de là, on empruntait
une levée de terre au-dessus des marais qui permettait de circuler à pied
presque sec pour se rendre à l'hôpital de Bessaut, à l'Ouest du
lieu-dit " Les Traverses.
Cette levée passait à "La Rigade", traversait le camp du Poteau, elle existe encore de place en place, mais elle a perdu son nom et son intérêt stratégique.
La
chaussée, dite autrefois "La Caussade", avait du être reconstruite
par empierrement par les Chevaliers de l'Epée devenus cantonniers, qui tenaient
l'hôpital de Bessaut .
Des
chênes la bordent toujours. Après, on trouvait Lencouacq, l'hôpital de Canenx,
l'hôpital Saint-Jacques du Mont du Marsan, Saint-Sever, Hagetmau, Orthez,
Ostabat et le col de Roncevaux.
LE ROLE DE BAZAS
Si
l'hôpital Saint-Antoine a joué un rôle important, nous n'en avons guère de
traces et de documents ; il fut entièrement reconstruit au milieu du XVIIIème
siècle, et les archives sont bien maigres.
Aux
Archives Municipales de Bordeaux, on peut compulser les registres des Saints
Jacquaires admis, au retour du grand voyage, dans la Confrérie dédiée à l'Apôtre
érigée en la basilique Saint Michel de Bordeaux, qui répertorie de 1526 à
1602 des noms de Bordelais.
Hélas, à Bazas, il n'y a rien de tel, et pourtant il y avait dans la Cathédrale un autel dédié à Saint Jacques, avec dévotion particulière.
L'hôpital
Saint Antoine de Bazas existait en 1254 selon un document ancien, mais il était
bien antérieur puisque la route Nord-Sud des Antonins fut créée au XIème siècle,
reprise au siècle suivant par l'Ordre de Cluny qui installa de façon à peu près
régulière des hôpitaux pour pèlerins.
L'évêque
de Bazas et son chapitre cathédral devait jouer un rôle déterminant dans la
gestion de cette maison.
Un document nous renseigne très utilement sur le culte jacquaire au XVIème siècle ; son titre est "Manuel de Bazas, estant euesque le Cardinal d'Albret
Note : Explication sur le rituel de Bazas, Revue Historique de Bordeaux Tome XI.X ,Bibliothèque de Bordeaux. Fonds régionaux.
Document. |
Il s'agit d'un rituel du diocèse de Bazas, imprimé à La Réole par Pierre Besson en 1503.
On
y trouve parmi beaucoup d'autres rituels ordinaires, les prières pour la
bénédiction
de la besace et du bâton du pèlerin de Saint-Jacques de Compostelle.
On la retrouve, plus explicite, dans une formule de certificat de bonne vie et moeurs pour deux époux se rendant au pèlerinage de Galice :
"qui q(ui)dem p(re)dicti parrochiani mei habe(n)t votum aut voveru(n)t visitare eccl(es)ias s(an)cti Jacobi in Galatia et su(n)t iter agentes seu aggredientes... "
Cette formule est datée:
"anno Domini
millesimo eccciij".
En
remontant beaucoup plus haut, nous savons que Bazas fut une petite capitale au
Bas Empire romain, et qu'une voie de passage Nord-Sud la faisait communiquer
avec les autres évêchés d'Aire sur Adour, Lescar, avec la vallée d'Ossau, le
col du Pourtalet ; ce fut longtemps un chemin de transhumance pour les moutons
des Pyrénées qui venaient passer l'hiver dans les terres plus chaudes de la
vallée de la Garonne.
On
peut penser que les Romains y avaient installé une "stabula" relais
pour gens et bêtes de trait, courriers de poste et voyageurs de toutes espèces.
Un
autre attrait de Bazas était fourni par les pèlerinages autour des reliques
insignes de Saint-Jean Baptiste conservées à la cathédrale ; il y avait six fêtes
annuelles, mais celles du 24 Juin étaient les plus courues...
Mais
hélas, quand on assistait aux fêtes de la Saint-Jean, on ne pouvait gagner la
Galice pour le 25 Juillet, le grand pardon, car il y avait encore mille kilomètres
environ à franchir !
Il
est vrai que tous les pèlerins n'étaient pas de pauvres piétons, on trouvait
des cavaliers plus aisés, des personnages avec un suite de serviteurs, des
gentilshommes, tel ce seigneur de Caumont, près de Marmande, qui nous a raconté
son épopée au XIVème siècle et nous a laissé un itinéraire.
Si
la plupart des pèlerins vivaient de charité à Bazas, d'autres pouvaient
s'offrir des auberges, comme celles qui s'appelaient au XVIIème siècle "La Chapeau Rouge", dans la rue Saint-Martin, tenue par la famille
Cazemajou, ou "Le Lion d'Or" qui existait déjà !
L'hôpital
de Bazas présente dans une niche une statue de Saint Roch. Saint Roch était
un pèlerin de Saint Jacques, toujours associé à un chien qui l'aurait
secouru.
LES VESTIGES VISIBLES DU PELERINAGE
En
Bazadais, bien des vestiges de cette épopée pieuse ont disparu ; la "levade", ou "caussade", au Sud de Captieux, visible en de
nombreux endroits, est émouvante par les souvenirs qu'elle représente et par
le travail qu'elle a occasionné.
Nous
n'avons guère de statues, d'autel ou de retable dans nos églises du Bazadais,
alors qu'ailleurs en Gironde, à Saint Pierre de la Sauve, à Gradignan,
à Carcans, à Lacanau, à Sainte Hélène , au Teich, des statues sont
encore à leur place dans les églises.
Ces
humbles églises de la façade atlantique nous remettent en mémoire une autre
route qui traversait du Nord au Sud la Gironde et qui n'est pas mentionnée dans
les textes.
Elle
était utilisée par les pèlerins de Bretagne, ou de Grande Bretagne, qui
débarquaient à l'anse du Gurp dans Montalivet, suivaient la route proche des
étangs, du fond du bassin d'Arcachon, et gagnaient une ancienne voie romaine
sur Biscarosse et Parentis.
Dans
le Bazadais du Sud de la Garonne, il n'y a pas d'église dédiée à
Saint Jacques, à part les chapelles des Hôpitaux de Langon et de
Beaulac, toutes deux disparues.
Croix de Saint JACQUES |
Mais nous avons au moins une croix de pèlerins en place dans la campagne, au bord Nord de la route peu après le carrefour de Miton en allant vers Gajac, bien humble, qui pourtant a une grande valeur significative.
Peut-être y a-t-il d'autres croix enfouies dans la végétation ?
Sur la façade de l'église romane de Notre Dame d'Aillas, il y a une scène gravée dans la pierre, bien émouvante : deux personnages sont représentés en pied : à gauche, un pèlerin en marche, avec sa robe courte, son bâton, à droite, le patron, Saint Jacques avec le Livre, semblant protéger l'autre.
La sculpture est vivante, les vêtements sont en mouvement, c'est un bon élément historié que l'on doit dater de la fin du XIIème siècle.
Les
pèlerins arrivaient de la vallée de la Bassane, découvraient la scène
comme pour les encourager, en réponse avec les grandes statues du mur Est de l'église
Saint Pierre de la Sauve.
Il
y a une tradition du passage des pèlerins dans une église disparue, Saint
Martin de Conques, qui était une paroisse annexe de l'église Saint Martin de
Bazas, et desservie par son curé.
Cette
église aurait abrité des reliques, son emplacement est au Nord de la commune
de Cudos.
Le
plus bel ensemble monumental du Bazadais est incontestablement la Commanderie
de Pondaurat, qui présente les souvenirs les plus complets du pèlerinage.
Pondaurat était sur la grande route Nord sud qui depuis Angoulême, Aubeterre, Castillon la Bataille, Bazas, reliait les villes du pied des Pyrénées et les Cols.
On
peut penser qu'il s'agit en fait d'un grand chemin néolithique à l'orientation
simple, comme on en trouve en Auvergne, le long du Rhône, dans le Poitou et
ailleurs.
Il fallait franchir un petit ruisseau, la Bassanne, grossie d'un affluent, la Cadane.
Un point d'eau ! C'était la fortune ! La possibilité de faire un vivier à poissons, d'entretenir des jardins de légumes, d'avoir un troupeau de gros bétail, des volailles et des pigeons...
De plus, un banc calcaire de bonne qualité
permettait d'extraire de la pierre à bâtir solide et belle par sa couleur
légèrement
dorée.
Les religieux antonins, de l'Ordre de SaintAntoine du Dauphiné, se sont intéressés à ce site privilégié dès le XIème siècle, sans doute, et le Prieuré d'Aubeterre sur Dronne essaima en Bazadais.
Jusqu'en
1776 où l'Ordre de Malte prit en charge Pondaurat, la Commanderie dépendait de
la maison mère d'Aubeterre.
Un
pont solide en pierre fut construit au XIIème siècle, en léger dos d'âne,
dont les quatre arches sont suffisamment élancées pour assumer les crues.
Il est probable que la pierre neuve, légèrement ocrée, donna au lieu le nom de "Pontdauré" ou en langue du pays Pontdaurat.
En aval du pont, il fallait un moulin, et il existe toujours il est habité, il a conservé ses meules qui ne peuvent hélas fonctionner car la chambre des meules est envasée, ensablée.
Le bel appareillage des pierres permet de dater ce moulin du XIIIème siècle. Qui dit moulin dit chute d'eau, dénivellation ; l'eau en tombant s'oxygène et devient apte à recueillir un vivier à poissons.
En
amont, les religieux antonins avaient leur vivier, et pratiquaient la
pisciculture.
La
chapelle de pèlerins, dédiée à Saint Antoine, fut reconstruite en ce
XIIIème siècle selon un plan curieux, une croix grecque aux quatre branches égales,
la première travée de la nef ayant été déparée du reste par un mur, c'était
l'endroit où on recueillait les pèlerins avant d'entrer.
Elle
fut arrangée par la suite, on perça la grande fenêtre orientale plus tard.
Si
la construction dura quelque temps, on peut penser qu'une action déterminante
se produisit autour de 1285, au moment où un membre d'une des principales
familles bourgeoises bordelaises, Bernard Soler, neveu d'un maire de Bordeaux
devenu sénéchal de la Saintonge, était Précepteur de Pondaurat.
S'il
y a eu des modifications et des ajouts notamment au XIXème siècle, l'église
conserve cependant deux témoins précieux aux clés de voûte de la nef :
d'abord une croix de Malte à la première travée, symbole de l'appartenance
à cet ordre de 1776 à 1790, puis le Tau caractéristique de
Saint Antoine à la deuxième travée.
La
lettre grecque Tau, comme notre T majuscule , était en effet l'emblème de
l'ordre de Saint Antoine.
Au
mur extérieur Ouest, des ouvertures ont été bouchées.
Un
mini-cloître existe sur le flanc méridional de la nef, avec une galerie
en bois dans une cour intérieure.
Les
bâtiments des religieux ont été reconstruits aux XVIIème et XVIIIème siècles,
mais en conservant les vieux murs, et ils sont habités ; la vue sur la façade
Sud se mirant dans l'eau de la Bassanne est superbe.
Mais
il s'agissait d'un ensemble monastique d'hébergement, le siège de la paroisse
était ailleurs: c'est la petite église Saint Martin de Montphélix,
avec son cimetière autour, qui a été récemment couverte et remise en état.
En
période d'incertitude, il fallait protéger tout cet ensemble économique et
religieux qui constituait une réserve de nourriture et d'objets précieux. On
fortifia tous les édifices, et des meurtrières aux angles de tirs bien étudiés
protégeaient les alentours de la porte.
En
plus, tout le village fut muni de bonnes murailles avec la pierre du pays
puisqu'au XVIème siècle on l'appelait la bicoque de "Pondaurat".
Mais
hélas, en 1577, les troupes huguenotes du Capitaine Fabas prirent le village,
le pillèrent, mirent le couvent à sac, chassèrent les religieux, si bien
qu'il fallut reconstruire les bâtiments, ce que fit le Père Thomé.
L'Ordre de Malte avait mis en place une
pharmacie tenue par le Frère Baudesson, qui était un grand connaisseur en
plantes médicinales, où l'on venait s'approvisionner; ce fut quelque temps une
des premières pharmacies rurales du pays.
Saint
Antoine
est toujours associé à un cochon, on peut penser que, selon l'habitude, il y
avait un élevage de porcs à cet endroit: la graisse de porc présente en effet
des propriétés curatives dans certaines maladies de la peau.
LE RAYONNEMENT DE LA SAUVE MAJEURE
Il n'est pas possible de parler du pèlerinage de Compostelle en Gironde sans évoquer la puissante abbaye Notre Dame de la Sauve Majeure, qui rayonna dans tout le grand Sud Ouest. Fondée en 1079, elle connut au XIIème siècle une apogée, avant la période de la Guerre de Cent Ans.
Elle
jouait le rôle de point de ralliement pour les pèlerins qui étaient préparés
pour le grand départ, encouragés, bénis par le Père Abbé.
Son
rôle fut aussi de créer des prieurés ruraux, de financer la construction d'églises,
de faire la promotion pour que les paysans mettent en culture
l'Entre-Deux Mers, d'organiser la vie sociale et économique par
l'implantation de marchés.
La
plupart des prieurés se trouvaient dans l'Entre-deux-Mers, mais en
Bazadais, la Sauve avait fondé et construit le Prieuré de Notre Dame du
Bourg, à Langon.
Il
n'en reste que quelques murs misérables, sur place, alors que les belles
sculptures ornent une nouvelle chapelle de Langon aux Etats-Unis, sur les
bords de l'Hudson, faisant partie du Musée des Cloîtres du Metropolitan Museum
de New-York. Nous n'avons pas su conserver notre patrimoine !
C'est à l'église Saint Pierre de la Sauve qu'on peut admirer les principales sculptures compostellanes:
-au mur Est, à l'extérieur, quatre grandes statues
dans des niches semblent accompagner du regard, le plus loin possible, jusqu'au
haut des collines, les voyageurs; il y a d'abord Saint Pierre
reconnaissable à sa grande clé, la Vierge assise tenant l'Enfant Jésus sur
ses genoux, Saint Jacques bénissant au chapeau aux bords rabaissés, puis Saint
Michel dans sa représentation habituelle terrassant un dragon ; c'est de la très
bonne sculpture de la fin du XIIème siècle, aux draperies très élaborées.
L'abbaye de la Sauve avait quelques petits prieurés en Bazadais,:
-celui de Niac se
trouvait aux confins de Brouqueyran et de Cazats (Il s'agit
probablement de l'endroit indiqué "Monge" ou "Les Monges". "Monges" ou "La Mongie" dans Brouqueyran. Monge
signifie " Moine " en patois du pays.
-celui de Lagardère dans
Antagnac, dont dépendait l'église de Sillas, et des terres du côté de
Casteljaloux. Mais ce n'étaient que de petites granges agricoles.
CONCLUSION
Les
pèlerins, quand il faisait beau et qu'ils n'étaient pas trop fatigués, flânaient,
allaient prier devant des reliques, des sanctuaires, des points remarquables, ou
faisaient ce que nous appelons aujourd'hui du tourisme.
Certainement
que plusieurs fois les pèlerins s'écartèrent des routes principales pour
aller admirer le tombeau du Pape Clément à Uzeste, pour prier devant les
statues de la Vierge aux églises de Notre Dame d'Aillas, Notre Dame
de Bijoux dans Birac, Fargues près de Langon pour se faire héberger par les
moines cisterciens du Rivet dans l'ancienne paroisse de Rieunave et gagner des
indulgences.
On
peut penser aussi qu'ils béaient d'admiration devant les formidables châteaux
de Roquetaillade, Villandraut, ou Budos, qu'ils allaient se mêler aux foules
joyeuses des marchés et foires du Bazadais, qu'ils participaient aux pèlerinages
locaux où on les interrogeait, on leur demander d'où ils venaient,
qu'est-ce qu'ils avaient vu, su, entendu...
Il y a tout cet aspect "relationnel " du pèlerinage qu'il faut envisager. On les recevait dans les familles car ils avaient des choses intéressantes à dire, à l'aller, mais encore plus au retour.
A une époque où l'information
ne circulait que par la voie orale, un pèlerin et bavard et gai était une bénédiction
!
Des
relations commerciales prenaient naissance au cours du voyage, peut-être
des mariages, des réceptions réciproques, des courants de contacts. Souvent
celui qui partait n'avait pas grand chose à perdre, et il revenait
"riche" de son grand voyage.
La
grande aventure en était une, certes, mais en plus des satisfactions pieuses il
y avait des bonheurs d'enrichissement intellectuel et relationnel. Il faut
effacer ces clichés trop souvent propagés de pèlerins besogneux, efflanqués,
tristes et considérant le pèlerinage comme une punition pour des fautes
commises !
Le
bon vin dont on parle dans la chanson du pèlerin, qu'on dispensait en
traversant la Guyenne, devait bien contribuer à rendre la marche un peu moins
dure...
Lorsque nous partîmes de France
Tristes et marris
Nous quittâmes Pères et Mères,
Tous nos Amis.
Au coeur avions si grand désir
De voir Saint
Jacques,
Avons laissé tous nos plaisirs
Pour ce voyage,
Nous passâmes dans une ville
Nommée Bazas
Et fûmes à l'hôtellerie
Etant fort las
Et puis nous
fûmes visiter la cathédrale
En demandant la charité
Sans grand scandale.
Chanson de pèlerins.
Texte
extrait de
Pierre
COUDROY DE LILLE
Bibliographie :
Catalogue
de l'exposition "Hôpitaux de pèlerins" Cadillac (1967).
Dom Biron :
Précis de l'Histoire
religieuse de Bazas, publié à Bordeaux en 1925.
Dom Biron : notes manuscrites.
Saint Antoine et l'hôpital de Bazas.
Saint
Antoine
est né en l'an 256, dans une famille égyptienne très aisée. Il fréquenta
les plus grandes écoles de son temps ; il devint orphelin à vingt ans.
A
la mort de ses parents, il vendit tous ses biens, quitta ses nombreux amis.
Poussé par son désir de perfection, il se retira dans le désert de Thébaïde
en Haute Egypte où il vécut de façon ascétique.
Cependant
sa réputation de sainteté s'étendit au loin et ses disciples vinrent à lui
pour mener son genre de vie. Il créa pour eux deux monastères non loin du Nil.
Ces fondations ne tardèrent pas à se montrer insuffisantes, d'autres furent
instituées dans la région.
Antoine
les visitait régulièrement, encourageant les moines. Au bout d'un certain
temps, il quitta ses disciples pour s'installer dans une caverne au pied du Mont
Colzim et cultiva un petit jardin pour assurer sa subsistance.
Il
passa plusieurs années dans cet ermitage puis revint auprès de ses frères. Il
se rendit en Alexandrie, afin d'appuyer l'Evêque d'Alexandrie Athanase dans sa
lutte contre les Ariens, il se lia d'amitié avec lui. Athanase après la mort
de l'Ermite survenue en 356 environ s'attacha à rédiger sa biographie.
Cette
vie d'Antoine d'abord rédigée en grec en 360, puis traduite en latin, connut
un immense succès dans tout le monde chrétien et contribua d'une façon très
importante au développement du monarchisme.
Saint
Antoine
Le Grand devint le Père des Moines d'Occident.
Athanase
avait certes inséré dans son ouvrage des renseignements historiques, mais
aussi des faits extraordinaires et, miraculeux. Néanmoins il découvrait la
lutte qu'Antoine dut mener contre les tentations si bien que la "tentation
de Saint Antoine" est plus connue comme thème d'art que la doctrine
ascétique du personnage.
Saint
Antoine
avait demandé à ses disciples de l'ensevelir dans un lieu secret. Cependant sa
tombe fut découverte vers 560 et ses restes portés en Alexandrie.
Plus
tard un seigneur du Dauphiné appelé Jocelyn prit possession de ses reliques.
Vers 1050, il les emmena en France et fit construire pour elle une Eglise à la
Mothe Saint Didier, localité qui s'est ensuite appelée Saint
Antoine en Dauphiné.
Antoine
avait demandé qu'on ne parle pas de lui. Le Moyen-Age eut une grande vénération
pour lui. Notamment, on l'invoquait pour la guérison d'une sorte d'inflammation
appelée "feu sacré", puis "feu de Saint Antoine " (il s'agissait en fait de l'érysipèle).
On
prit l'habitude d'amener à Saint Antoine en Dauphiné les personnes
atteintes de ce mal. On créa bientôt pour elles un hôpital dans lequel se dévoua
une confrérie de religieux dite des Antonins, continué par l'Ordre de Malte au
XVIIIème siècle.
On
sait que l'imagerie populaire présente volontiers Saint Antoine accompagné
d'un cochon. On croit généralement que cet animal symbolise les tentations
impures qui assaillaient le saint.
La vérité est peut-être différente. Selon certains auteurs, les moines hospitaliers du Dauphiné élevaient des porcs pour subvenir à l'entretien de leur établissement et laissaient ces bêtes en liberté dans la localité afin de trouver de quoi se nourrir.
Chacun
de ces cochons portaient une clochette, marquant son appartenance à l'hôpital.
La population ne manquait pas d'apporter d'abondants restes aux cochons de
Saint Antoine traduisant ainsi sa vénération pour le pieux ermite d'Egypte.
Un
document relate les cérémonies officielles survenues à Bazas les 7,8,9 et 10
juin 1739 relatives au transfert des reliques de Saint Vincent de Paul
dans la chapelle de l'Hôpital Saint Antoine.
Saint
Vincent
de Paul est décédé en 1660, et fut canonisé en 1737. La chapelle de l'Hôpital
Saint Antoine s'avérait être en raison de son origine hospitalière
l'unique sanctuaire digne de recevoir les reliques de Saint Vincent de
Paul qui avait été de longues années au service des pauvres.
Certaines
bazadaises se souviendront que leurs grands-mères venaient avant la
guerre de 40, faire une prière à Saint Antoine, déposer une obole de un
franc, et signer leur nom sur un registre.
C'était
une coutume de ce temps. Il existe dans la chapelle de l'hôpital un tableau
accroché à l'un de ses murs latéraux, représentant Saint Antoine. J'ai
connu ce tableau avant mon départ de Bazas en 1944, et à cette époque, on
trouvait un petit cochon aux côtés du personnage de Saint Antoine, comme
le veut la légende. A mon retour à Bazas en 1971, j'eus la surprise de
constater que le petit cochon avait été recouvert de peinture . Peut-être
certaines personnes ignorant la légende avaient-elles trouvé
inconvenable la présence de cet animal dans une chapelle ?
Soeur Marie-Thérèse ROUX
Références :
"Histoire du
Christianisme" Ed. du Centurion.
L'HOPITAL
SAINT ANTOINE DE BAZAS
0n
y exerce la charité depuis bien longtemps. Malades, infirmes, pèlerins y ont
trouvé secours et assistance, repas et couchage. Tout ce faubourg Nord de Bazas
est lié aux activités charitables, aussi à l'artisanat des tanneries le long
du ruisseau de Saint Vincent qui servait d'égout vers le Beuve.
Le
savant, Dom Biron a trouvé des textes mentionnant l'Hôpital dès le XIIIème
siècle, mais il semble bien qu'il faille le faire remonter à l'aube du
Moyen Age. Le patronage de Saint Antoine est en effet révélateur d'une
autre époque.
L'ordre
religieux des Antonins fut créé en Dauphiné en 1070 pour soigner les malades,
et l'abbaye mère existe toujours. C'est un des plus beaux monuments de
l'Est de la France.
Pour
secourir les voyageurs, les religieux avaient organisé tout un réseau de
maisons hospitalières le long des grands chemins (que l'on ne peut qualifier de
routes) et Bazas se trouvait à un point clé de la grande route Nord-Sud
des Antonins, depuis Poitiers vers les Pyrénées.
Il
y avait l'hôpital St Antoine d'Aubeterre, puis on passait l'Isle au pied
de l'Hôpital St Antoine, ensuite la Dordogne.
Dans
l'Entre-deux-Mers, la Commanderie St Antoine du Queyret hébergeait,
on franchissait la Garonne sous le Prieuré St Pierre de La Réole, puis
c'était la Commanderie St Antoine de Pondaurat, dépendante d'Aubeterre,
Bazas, La Commanderie St Jacques de Beaulac et la route de
Roquefort à Mont de Marsan, par la "levade".
Bazas
recevait aussi les voyageurs qui avaient traversé la Garonne à Cadillac ou à
Langon et se trouvaient donc au centre d'une patte d'oie de chemins.
L'HOPITAL AVANT SA
RECONSTRUCTION
On
peut penser que l'Hôpital primitif était géré par les Chanoines du Chapitre
Cathédral de Bazas avec quelques religieux, sans doute Antonins. A Bazas, il
n'y avait pratiquement que le Chapitre à avoir les ressources terriennes
suffisantes pour de telles dépenses alimentaires et autres.
Le
grand événement du XVIIème siècle fut la fondation des "Filles de la
Charité" par St Vincent de Paul et sa fidèle Louise de Marillac en
1634. Ce sont les femmes qui allèrent se dévouer totalement, en un ordre
religieux, pour servir les malheureux.
L'Hôpital
de Bazas fut affilié le 25 Mai 1698, et les documents sont conservés précieusement
dans ses archives. Le curé de Fontet, Pierre Soubès, fut envoyé à Paris par
l'Evêque de Bazas qui était Mgr Jacques- Joseph de Gourgues, le créateur
du Grand Séminaire devenu le Lycée.
Un
contrat fut passé avec le Supérieur général de la Congrégation, Nicolas
Pierron et Julienne la Boue, Supérieure de la Communauté parisienne, pour
fournir trois religieuses afin de desservir l'Hôpital de Bazas géré par des
Syndics et des administrateurs payant d'ores et déjà les voyages des trois
filles de Paris à Bazas.
Un
certain nombre de conditions furent fixées pour l'alimentation, le linge,
etc... et ce nombre de trois religieuses s'est maintenu jusqu'à une date récente
où l'Hôpital a été affilié aux Services de Santé. Le modèle fixé était
l'établissement d'Agen fondé en 1686.
On
aurait aimé connaître ces religieuses parisiennes intrépides qui prirent leur
bâton pour servir au loin, à Bazas, mais leur modestie nous les fera ignorer.
Il semble que la première supérieure fut Soeur Gabrielle Duluard qui exerçait
encore ses fonctions en 1732.
LA RECONSTRUCTION DE
L'HOPITAL
Ce
fut une affaire considérable : les bâtiments, probablement vétustes, réclamaient
une modernisation, la chapelle devait être refaite, et ce chantier semble s'être
produit entre 1730 et 1739, date de consécration de la nouvelle chapelle.
Une
pierre tombale trouvée dans la chapelle de droite et remisée récemment près
de la sacristie nous renseigne sur une religieuse qui joua un rôle clé
dans le chantier :
"Ci-gît Marie Montié qui
par ses soins et son habileté a fait construire cette .... (Maison ?) décédée
le 24 juillet 1778".
On
aimerait connaître l'architecte qui organisa la disposition des bâtiments, qui
surveilla les travaux, mais nous n'avons pas de
Une indication nous est fournie dans les registres paroissiaux de Guiron et l'Hôpital où, à la date du 26 décembre 1767, est inhumée dans la chapelle
"Delle Marguerite Legrand, veuve de feu Marsaudon, architecte de 61 ans, habitant depuis un an dans l'Hôpital".
Or,
il n'y avait que les religieuses et
les bienfaiteurs à avoir droit aux tombes privilégiées.
Les
religieuses firent coïncider le 7 juin 1739 la consécration de la
nouvelle chapelle avec les fêtes qui marquèrent à Bazas la canonisation de
St Vincent de Paul, presque un enfant du pays.
Il
y eut une procession solennelle avec tous les notables, qui se renouvela le
dimanche suivant, et les prêtres mentionnèrent qu'il y eut en ces jours
environ 3.000 communions. Des reliques de St Vincent sont données par le Supérieur
de l'Ordre des Missions "en un reliquaire doré en forme de buste des
morceaux du corps et un fragment de ses habits à son décès."
Un
descriptif de la chapelle dressé en 1739 nous dit que l'on vient de bâtir un
petit clocher sur le frontispice pour lequel le chapitre a donné une cloche
pesant un quintal. Au sanctuaire est un nouveau retable.
La
lampe d'argent donnée par Monseigneur est placée à la chapelle en l'honneur
de St Vincent. La chapelle de St Vincent qui vient d'être finie est
du côté de l'Evangile, l'autel de St Antoine est en face. Il y a un très
beau retable à St Vincent, 2 beaux tableaux de chaque côté de la nef et 4
autres
Mais
les travaux n'étaient pas finis. En 1766 une imposition supplémentaire est
demandée par les jurats de Bazas pour divers travaux à la chapelle, la
jurade fournissait en 1774 le bois pour réfection du retable; enfin, en 1774,
une partie de l'hôpital était reconstruite.
L'Hôpital
bénéficiait de diverses ressources, notamment des revenus de la Commanderie de
Beaulac avec un moulin qui lui avait été cédé. Mais les soucis financiers ne
manquaient pas aux religieuses.
Voici quelques Supérieures :
Soeur Marie-Thérèse de Rancourt jusqu'en 1745,
puis Jeanne Godefroy qui mourut en 1767, Soeur Marie Montier, décédée en
1778.
L'HOPITAL SOUS LA REVOLUTION ET L'EMPIRE
Les décrets de l'assemblée nationale législative qui supprimaient les ordres religieux, nationalisaient les biens du Clergé, et chassaient les réguliers comme les séculiers, firent une exception pour les ordres hospitaliers, en ce sens que les religieuses étaient requises pour rester sur place et continuer leurs services.
Ainsi,
nous savons qu'en 1792, les trois religieuses étaient : Antoinette Barrié, Supérieure,
60 ans, Félicité Foumié, 34 ans, Anne Alaluquetas, 26 ans. Elles restèrent
mais eurent mille difficultés pour se procurer des ressources afin d'assurer
l'hébergement.
Elles furent expulsées le 20 Octobre 1793, et remplacées dans la direction de l'Hospice par la citoyenne Thérée et ses deux filles, dont " le civisme était pur".
Mais, sous leur conduite, l'Hospice arriva promptement à
la ruine. Dans son procès-verbal du 20 Vendémiaire an IV, le Secrétaire
de la Commission dut déclarer que toutes les ressources de l'Hôpital étaient
épuisées et que l'on était à la veille de manquer "entre
autres choses de pain", sans lequel, pensait-il, rien ne pouvait
aller.
Pendant
ce temps, les Filles de la Charité " étaient en prison"
Elles en furent relâchées à condition de prêter serment. Elles furent recueillies par des catholiques dévoués : Mrs Bonfils, Dupont et Raymond. Elles allaient en costumes laïques porter des consolations et des secours aux pauvres malades.
"SaintVincent de Paul et la Révolution Française" (Annales de
la Mission, page 365) Yves Maria Salern
De
grosses difficultés survinrent sous le Premier Empire, à partir de l'été
1808, où il fallut soigner les blessés de la Grande Armée en guerre en
Espagne. Les hôpitaux de la route depuis Bayonne étaient pleins, ils furent
logés à Mont de Marsan, à Bazas, à Bordeaux, quitte à se trouver entassés,
surchargés.
Les
religieuses de Bazas envoient des doléances au Commissaire des guerres de
Bordeaux, le 4 février 1810 :
"L'hospice civil de Bazas,
créé pour le soulagement des pauvres de la commune se trouve comme autrefois
composé de 2 salles, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes. Dans l'état
primitif, il y a 6 lits dans chaque salle mais aujourd'hui 12 lits chez les
hommes, 8 lits chez les femmes. L'hospice civil peut recevoir en ce moment 20
militaires et en doublant les lits 40. (c'est à dire que la salle des femmes
avait été supprimée pour elles)
Mais il faudrait alors évacuer les malades civils, comme on l'a pratiqué depuis le passage des troupes extraordinaires des militaires qui se rendent en Espagne ou en reviennent... Des travaux considérables pourraient être faits... On pourrait aller jusqu'à 80 malades.... Mais les immeubles ont été vendus comme biens nationaux, les créances sur les particuliers sont mal payées, il est dû à l'hospice 4000 francs pour les enfants abandonnés, plus de 12000 francs pour l'hébergement des prisonniers espagnols de 1808... "
enfin,
d'énormes soucis.
D'après
les registres des décès de la ville de Bazas, voici un tableau qui montre
l'activité de l'hôpital et la misère des guerres : ces 7 années furent
terribles, et les Supérieures qui eurent le mérite de les gérer furent Soeur
Guillon jusqu'en 1811, puis Soeur Anne Plaige.
Décès
de l'hospice civil de Bazas
|
||
Années. |
Soldats. |
Prisonniers
Espagnols |
1808 |
48 |
11 |
1809 |
20 |
19 |
1810 | 7 | 1 |
1811 | 9 | 10 |
1812 | 15 | 3 |
1813 | 63 | 2* |
1814 | 61 | 2 |
Total | 223 | 47* |
*Plus un prisonnier anglais. |
Une copie de l'inventaire mobilier de la chapelle, de la sacristie et de la pharmacie de l'hôpital de Bazas dressé le 24 décembre 1811 a été conservée dans les archives et nous donne de nombreux renseignements : il y a 3 chambres : celle du bureau, celle des soeurs, celle de la lingerie, la salle des hommes avec 13 lits, celle des femmes avec 7 lits, l'infirmerie, la souillarde, la cuisine garnie, la buanderie enfin la pharmacie où sont détaillés les pots en faïence, chevrettes, cantines de verre, bouteilles, flacons, carafes. Les ornenents et vases sacrés de la chapelle sont passés en revue.
Dans la chapelle, une plaque émouvante rappelle que le 18 janvier 1792 fut inhumé ici le dernier évêque de Bazas, Mgr Jean Baptiste Amédée de Grégoire de Saint Sauveur,
"ci-devant
évêque de Bazas qui, par la suppression de son siège en était devenu simple
citoyen, âgé d'environ 83 ans."
Pierre CO UDROY DE LILLE
PRESENTATION ARCHITECTURALE
L'ensemble
tel qu'on le découvre depuis la rue Saint Antoine pourrait être daté du
XVIIème siècle par l'ordonnance des volumes et les références du vocabulaire
architectural. En fait, nous savons que la plupart des travaux de construction
sont postérieurs et l'agrafe d'une arcade intérieure porte la date de 1737.
Le
plan obéit à une composition classique : un corps central flanqué de petits
pavillons d'angle (réalisés par des tours pigeonniers) et des ailes en retour
d'équerre qui définissent une cour.
Cette cour, de dimensions modestes, est fermée par un mur d'enceinte et un portail placé dans l'axe médian. Le corps central est couvert par une charpente dite "à la Mansart", caractéristique de l'architecture française aux XVIIème et XVIIIème siècles.
Le brisis est revêtu d'ardoises de même que la
toiture pentue des pavillons d'angle. Au sommet de ceux-ci ont été placés
des épis de faîtage en zinc, terminés par une girouette figurant un dauphin.
Girouette à Dauphin. |
Comment expliquer le
remplacement du coq traditionnel par un dauphin à la queue empanachée à
chacune des deux girouettes de l'Hôpital de Bazas ?
Il est possible qu'une part du financement de la reconstruction de l'hôpital ait été faite par le Roi et la Cour, et qu'en reconnaissance on ait figuré l'emblème du Dauphin royal, fils de Louis XV.
Voici comment on peut l'expliquer : Mgr Mongin fut évêque de Bazas de 1724 à 1746,
Auparavant il fut Précepteur chez les Princes de Bourbon Condé, du Duc de Bourbon, l'aîné, né en 1692, et du Comte de Charolais, né en 1700.
Par eux, Mgr Mongin ftéquentait
la Cour, approchait le Roi et la reine; il était Académicien depuis 1708, et
fut un Prédicateur célèbre à Versailles et auprès des Grands.
0n trouve deux niches
encastrées dans le mur Est situé tout contre la cour d'arrivée du nouvel hôpital.
Saints Roch et Raphaël. |
Hôpital de Bazas. |
Elles contiennent chacune la statue d'un Saint.
Saint ROCH dans la niche de gauche. Saint Roch fut
vraisemblablement un pèlerin languedocien qui se rendit à Rome dans le second
tiers du XIVème siècle. Sur le chemin du retour, à Plaisance, il contracta la
peste et dut se retirer dans un bois des environs, où il fut nourri par son
chien qui allait chaparder du pain dans les maisons voisines, Il guérit
miraculeusement de cette maladie.
Dans la vénération qui entoura
son nom par la suite s'est exprimée l'angoisse des hommes de ce temps face à
la maladie et à la mort qui les menaçaient quotidiennement, mais aussi leur
confiance dans l'intercession d'un pauvre pèlerin que Dieu avait guéri de la
peste en lui conférant le pouvoir d'en délivrer ceux qui se placeraient sous
sa protection.
La
statue de Bazas représente
Saint
Roch portant la barbe, signe
distinctif du voyageur Il porte les
attributs habituels du pèlerin : le chapeau à larges bords et le bourdon.
Il soulève sa tunique pour
montrer sa cuisse gauche porteuse d'un bubon pesteux. Il est accompagné par son
chien.
L'archange Saint
Raphaël
dans la niche de droite. Raphaël est un nom de fonction qui signifie en hébreu:
Dieu a guéri.
Dans l'Ecriture, il est un ange
gardien et un ange médecin qui guérit Tobie de sa cécité. Il est considéré
comme le protecteur des médecins, infirmières , soignants de toutes spécialités,
mais surtout des apothicaires. La statue de Bazas le représente en train de
lutter contre un poisson redoutable qui s'était attaqué au fils de Tobie.
Remerciements à Maître P.
Darriet pour la diffusion de ces informations.
Les
différents corps du bâtiment présentent des chaînages d'angle harpés avec
bossages, également caractéristiques de l'époque.
La
façade principale est régulièrement percée de hautes baies rectangulaires
avec appuis saillants moulurés et linteaux en arc brisé. L'encadrement en
pierre de taille de la porte d'entrée est souligné par un tore
semi-circulaire.
Une
terrasse surélevée de trois degrés et limitée par un gardecorps à
balustres carrés en poire, a été établie sur la largeur créée par l'avancée
des deux tours; cette élégante disposition souligne le soin apporté au
projet, en cela aussi conforme au modèle de la "demeure à la français
".
Sur
le côté gauche a été construite la chapelle.
Sa
façade composée suivant un axe vertical répond avec sobriété aux canons
du classicisme même si le fronton triangulaire qui la termine a été
curieusement tronqué pour correspondre aux exigences du plan.
Le portail, en arc plein cintre, est encadré par deux pilastres à chapiteaux toscans surmontés d'un entablement et d'une corniche. Au dessus, un cartouche, qui devait être orné d'un motif ou d'une inscription aujourd'hui effacés.
Les
deux statues d'anges posées sur la corniche sont des rajoûts.
La
date 1772 est inscrite sur le couronnement en ferronnerie qui surmonte la grille
du portail d'entrée de la cour.
Cet
ornement est sans doute contemporain des piles de pierre avec leurs beaux vases
d'amortissement qui encadrent l'ouverture.
Par
contre, la grille proprement dite est en fonte moulée et date seulement de la
fin du XIXème ou du début du XXème siècle, elle a malheureusement remplacé
l'ouvrage primitif.
Une
visite des combles du bâtiment central permet de s'apercevoir que la
charpente a été entièrement refaite à une époque proche (tout en respectant
la conception d'origine).
La
couverture en tuiles "de Marseille" s'est substituée alors à une
couverture en tuiles canal qui siérait mieux à la typologie de la
construction.
Côté
jardin à l'Est, la façade, linéaire, est simplement marquée par les ressauts
de la partie centrale.
Le
principal élément de décor est le balcon du premier étage avec
garde-corps en fer forgé sur lequel s'ouvre une portefenêtre. Le
comble se signale par trois lucarnes dont le style et la facture sont de la fin
du siècle dernier, reconstruites en même temps que la toiture comme les
souches de la cheminée.
Ces
lucarnes, pour être plus récentes, reprennent certainement une disposition qui
existait dans les années 1730.
Dominique LAMBERT
Bazas :
une " halte"
sur le chemin
d'aujourd'hui
Sur
la route de St Jacques, le pèlerin de Compostelle doit faire des étapes
pour nourrir et reposer son corps.
Mais
il est merveilleux de constater que toutes ces étapes sont aussi pour lui des
haltes porteuses de richesses : richesses spirituelles (la cathédrale de Bazas
en étant un témoin privilégié), richesses humaines (le pèlerin s'arrête
pour rencontrer l'autre), richesses culturelles (émerveillement devant les
sites).
Car
si la marche est majeure dans l'expérience du "Chemin", elle n'est
pas la seule : l'étape, le refuge en font partie intégrante pour ne former
qu'un tout.
Le pèlerinage est à la fois un voyage (se mouvoir, évoluer dans l'espace, effectuer un parcours) et des étapes (arrêts qui donnent ou redonnent sens à la démarche... )
Tout
pèlerin aimera parler à son retour de son expérience de la route mais aussi
de ses rencontres, de ses réflexions qui sont nées et ont pris corps à
l'occasion des haltes salutaires.
Bazas
se trouve sur la route de Vézelay qui prend sa source à Gdansk en Pologne. Les
marcheurs accueillis sont donc en majorité belges, allemands, danois et bien sûr
français.
Localement, le pèlerin arrivant à Bazas vient de La Réole, Pondaurat et va vers Captieux, Retjons, Roquefort.
L'étape
bazadaise est " obligatoire " à en croire le dernier guide européen
de Compostelle : " Bazas est une des
étapes les plus extraordinaires sur le chemin de St
Jacques... "
Pour
cela,
l'accueil doit être organisé pour que le pèlerin ne chante pas le verset du
psaume 141 "Pour moi il n'est plus de refuge, personne qui pense à moi" !
Les origines du petit refuge
Devant
le nombre toujours croissant des demandes d'accueil de nuit, le Secours
Catholique de Bazas a construit en 1989 un abri pour recevoir les "pèlerins" du
XXe siècle : sans domicile fixe, routards, personnes en difficulté,
chercheurs d'emplois saisonniers.
C'est
ce même abri qui accueille les pèlerins de St Jacques. Ce fut un chantier
effectué par les bénévoles du Secours Catholique, aidés par un maçon ayant
été lui-même accueilli quelque temps auparavant.
Même
l'aumônerie des jeunes s'y est associée en trouvant un peu d'argent pour
financer les matériaux.
Depuis
sa naissance, de nombreuses personnes ont bénéficié de cet accueil. Il est un
lieu de passage pour, en principe, une seule nuit, et peut recevoir deux
personnes.
Abri
succinct, il demandait d'une manière urgente des améliorations. C'est la
Mairie de Bazas qui, cette année, a pris en charge la totale rénovation du
local : toiture neuve, aménagement des sanitaires (absents jusque là), bonne
électrification pour le chauffage...
Que trouve le pèlerin arrivant
sur Bazas ?
Tout d'abord l'accueil d'une personne. En effet, ce sont des bénévoles qui consacrent du temps à accueillir, guider et accompagner les futurs "habitants". Les pèlerins y sont très sensibles.
Solitaires ou en couple,
originaires souvent de pays étrangers, ils aiment à entrer en contact avec des
gens du coin et c'est toujours une grande chaleur humaine qui se dégage de ces
rencontres.
Un
vrai logement. Sujets à émerveillement : des draps (alors qu'ils ne
connaissent depuis des mois que leurs sacs de couchage !), une douche avec l'eau
chaude ...
Merveille,
car si en Espagne les refuges sont nombreux et organisés, en France, le pèlerin
est confronté à une course d'obstacles pour trouver un accueil, et cela, pas
toujours avec succès...
Une
table. Il est en effet possible de prendre un petit quelque chose de chaud grâce
au réchaud ; mais l'hôpital peut fournir aussi un sandwich. Dans le cas d'un
S.D.F., le Secours Catholique fournit aussi un colis repas mais les pèlerins
sont en général totalement autonomes.
A
travers tout cela, la "Halte" de Bazas semble correspondre à l'attente
du pèlerin de Compostelle. Ainsi à son départ tôt le matin, nous sommes sûrs
qu'il porte "dans son sac" jusqu'auprès de St-Jacques quelque
chose de son repos à l'ombre de la Cathédrale St-Jean-Baptiste.
Francis AYLIES
La Vie de l'Association.
La
sortie annuelle des Amis de la Cité de Bazas se déroula sous le beau temps jusqu'à présent
traditionnel.
La Bergerie de Gattemina
La
région choisie fut celle, voisine, des " Lugues ", partie lot et
garonnaise de l'Albret qui, pour des raisons historiques et judiciaires, présente
un caractère assez spécial.
En effet, contrairement aux autres parties de l'ancien duché d'Albret, confisqué en entier à la Révolution, cette région des Lugues, qui était du ressort du Parlement de Toulouse, fut restituée à la famille de la TOUR D'AUVERGNE, héritière des Ducs de BOUILLON, et de ce fait, ne possède pas de communaux.
Elle échappa donc aux ventes de 1857 et aux "modernisations" locales qui s'en suivirent. Son habitat et ses monuments ayant conservé l'aspect qu'ils devaient avoir à la fin du XVIIIème siècle.
Ce
pays, quoique reboisé en entier par des propriétaires particuliers, est resté
fort intéressant au point de vue architectural.
Le premier édifice visité fut, à la sortie du village de LARTIGUE, la métairie de HOURTAN, du début du XVIIe siècle, qui renferme une cheminée monumentale de style Renaissance, surprenante dans un environnement plutôt modeste.
Sans
doute cette maison fut-elle bâtie à l'époque par quelque Cadet de
Gascogne plus riche de souvenirs de la Cour de Paris que d'écus !
Derrière la maison de Hourtan, l'assemblée put admirer la bergerie de GATTEMINA (nom gascon de la chenille processionnaire !)
Cette construction, à cour fermée,
est un intéressant spécimen de ces édifices ruraux, chefs d'oeuvres des
charpentiers du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle qui étaient naguère
assez nombreux mais qui, à l'instar des curieuses bergeries de plan circulaire,
ont pour la plupart disparu depuis la guerre de 1914.
Quelques tours de roue nous menèrent ensuite, au bout d'une piste forestière récemment empierrée, à l'importante chapelle de GOUTS, que la carte Michelin orthographie "GOUX" (les cartographes du siècle dernier, peu soucieux des noms locaux, sont d'ailleurs coutumiers du fait.
C'est ainsi qu'ils ont
baptisé "Luxurguey" le petit château de M. de Lafage situé près
d'ALLONS, ce qui amenait son voisin M. Jacques LEMOINE, le regretté fondateur
du Journal Sud-Ouest à se
demander quel genre de luxure pouvait bien être pratiqué dans ce coin reculé
de la lande !
Mais
que, l'on se rassure, il y a certainement moins de "luxure" à cet
endroit qu'ailleurs, ce lieu devant être orthographié "Luc suriguey" c'est-à-dire "le bois aux mulots" ou
sourigues en gascon. Ce qui est plus convenable !
Mais revenons à la Chapelle de GOUTS dont l'importance est surprenante en plein milieu des bois et à quelques mètres du Ciron.
Les chroniques locales nous apprennent que cet édifice fut construit au XIVe siècle pour être une annexe de la paroisse d'ALLONS.
Peut-être un gué sur la rivière incita-t-il ses constructeurs à édifier à cet endroit un sanctuaire et une étape pour les pèlerins de St-Jacques de Compostelle ?
En
tous cas, une communauté de bûcherons s'installa très tôt autour de la
chapelle pour alimenter en bois des verreries et au XVIIIe siècle la population
de GOUTS était supérieure à celle d'ALLONS.
Grâce
à l'obligeance de l'adjoint au Maire de cette commune, qui vint sur place nous
ouvrir les portes de la chapelle, nous pûmes en admirer l'intérieur, du
gothique le plus pur, et constater qu'il existe sous le crépi des murs des
traces de fresques du XIVe siècle dont le dégagement et la restauration mériteraient
à être rapidement entrepris.
Cet
édifice, placé au début sous l'invocation de St-Jean-Baptiste
(St-Christophe, patron des voyageurs, étant celui de l'église d'Allons)
fut placé par la suite sous celui de Saint-Clair à cause des sources
voisines, souveraines parait-il contre les maladies des yeux.
Un
pèlerinage y réunit encore, chaque année, une nombreuse assistance.
Après
GOUTS, la caravane se rendit au Château de TOURNEUVE dont il reste encore une
tour en " garluche " du XIVe siècle, édifiée comme sa soeur la Tour
d'Avance, sur les frontières du Duché d'Albret.
Une piste forestière, plutôt difficile à parcourir, nous conduisit enfin au Château de CAPCHICOT, maison forte du XVIe siècle, encore bien conservé, qui est l'objet d'une légende dont Henri IV est naturellement le héros.
On
raconte en effet que ce roi, chassant dans ses forêts, perdit un soir ses
compagnons et vint demander l'hospitalité à un charbonnier dont la cabane s'élevait
à cet endroit.
Pour
le remercier, il gratifia son hôte de solides subsides qui permirent à ce
dernier d'élever là son château.
L'histoire
serait jolie si les archives de Capchicot ne nous apprenaient pas que ce château
appartenait à l'époque à une famille de LAVAYSSIERE dont un représentant fut
assassiné au moment des Guerres de Religion par son voisin Trajan de PIIS, dont
les démêlés avec la justice alimentèrent la chronique criminelle de la région.
L'heure
de midi étant dépassée, les participants se rendirent à ESCAUDES où un menu
régional fort agréable leur fut servi au restaurant " L'Escaudais ".
Pendant le trajet, ils purent admirer de nombreuses maisons à colombages, la
plupart fort bien entretenues, qui font le charme de cette région peu connue
des Lugues.
Après
le déjeuner, l'excursion se termina par la visite du beau château du BOSCAGE,
récemment restauré, véritable bijou du XVIIe siècle lui aussi plutôt ignoré
de nos concitoyens malgré sa proximité de Bazas.
Jean REGLAT
Réalisée le 20 août 2002 | André Cochet |
Mise sur le Web septembre 2002 |
Christian Flages |