Les ANTONINS en Aquitaine.

Témoignage (Extraits.)

 sur les HOSPITALIERS ANTONINS à Bordeaux.
Association Française des Amis des Antonins.

Annick et François Gourdin   86100 St SAUVEUR de la Foncaudière.

 

 Retour au répertoire. Mémoire de Bommes.  Livre 19.

   

Sommaire: Les Antonins en Aquitaine.
Actions de l'Hôpital.
La peste.
Confusion des diagnostics.
Le Mal de St Antoine
Droits et Devoirs de l'Hôpital
Situation de l'Aquitaine face aux épidémies.
Moyens d'existence, les Quêtes.
Les legs.
Les autres revenus.
Les cochons de ST Antoine.
Les Antonins et les vins.
Quelques épisodes marquants.

 

 

LES ANTONINS en AQUITAINE.

 

La présence des Antonins en Aquitaine était déjà ancienne, quand ils s'installèrent à Bordeaux.

La commanderie générale d'Aubeterre, en Périgord, à moins de deux jours de cheval de Bordeaux, rayonnait déjà sur les évêchés de Bordeaux Bazas, Périgueux et Sarlat depuis près de deux siècles.

En effet, selon Mr Dessalles dans son Histoire du Périgord, cet établis­sement a été fondé durant l'épiscopat de l'évêque de Périgueux, Raynaud de Thiviers et peut être même, nous dit M. Arbelot par ses soins avant sa mort en Terre Sainte en 1101. L'Histoire de cette commanderie générale, écrite par le marquis de Cumond la fait donc remonter à l'an 1100 ; sans que soit précisée son intégration dans les ''Maisons de l'Aumône '' de Saint Antoine.

Le Feu de Saint Antoine, endémique en début du XIIIème siècle, amena Herirî III, roi d'Angleterre et Duc d'Aquitaine à se tourner vers les Antonins appeIés également  "Frères de l'Aumône", aussi le 22 juin 1242, il déclare:

"Pour le grand Maître et les Frères de l'hôpital de Saint   Antoine en Viennois…….Par vénération pour notre très aimé et bienheureux Antoine, nous accordons 20 marcs, à recevoir par eux, dès cette année à la Fête de Saint Michel, jusqu'au moment où nous aurons provisionné pour eux, un bénéfice annuel de 20 marcs dèstiné, à l'entretien des pauvres (malades) de leur hôpital".

Puis il ajoute :

"Le grand Maître et les Frères reçoivent des ''Lettres" pour tous les archevêques et évêques du Royaume d'Angleterre (et donc de l'Aquitaine), les autorisant à prêcher en faveur de Saint Antoine et leur donnant droit de quêter, dans chaque paroisse, pour venir en aide et assurer l'entretien des pauvres malades de l'hôpital ''à établir" .

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Ce serait là, sans doute, en 1242 l'acte de naissance de l'hôpital de Pondaurat que les Frères d'Aubeterre viennent ouvrir sur la paroisse de Saint Martin de Montfélix et à Saint Martin même; hôpital pour lequel en 1254, le Roi d'Angleterre attribue une somme de cinquante marcs (ster­lingorum) . . . "aux Frères de Ponté Deaurato ".

Bien plus, en 1284, il place le précepteur et les Frères de l'Aumône sous sa très haute protection.

Mais, vers l'an 1250, à une vingtaine de kilomètres au Nord de Bordeaux, est aussi ouvert par les Frères de l'Aumône d'Aubeterre, l'hôpital de Saint Antoine d'Artigualonga; puis quelque cinquante ans plus tard, cette fois par les hospitaliers de Pondaurat et d'Aubeterre est créé la précéptorie (ou commanderie) de Saint Antoine du Queyret près de Sauveterre de Guyenne.

Le début du XIIIème siècle a vu également la création des commanderies générales de Golony près de Samadet, citée en 1224 et celles d'Espagne assez antérieures, puisque l'hôpital de Castroxéris existe en 1187 et celui d'Olite en 1200. Avant août 1204 existe aussi, en Aquitaine, Saint Antoine du Pont d'Arrats au Sud-Ouest d'Agen.

 

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ACTIONS de l'HÔPITAL - LA MALADIE

 

La Grande Responsabilité des Antonins.

 

Le Feu Saint Antoine ou "Ignis Sacer" est assez largement subi par les populations du Sud(Ouest à travers les temps anciens. On l'y trouve en 945, en 1020 avec la chronique d'Adhémar de Chavannes, en 1120 en 1130, etc..; mais il éclate avec plus de virulence encore lorsqu'il envahit à nouveau l'Aquitaine, de 1338 à 1342.

Un peu atténué en 1343, le Feu semble être sur son déclin; mais à la fin de l'année viennent des froids assez exceptionnels Le Livre des Coutumes ne dit il pas qu'ils sont si intenses que la mer (l'océan) a gelé sur les Cotes de Gascogne (l'Aquitaine).

Vient l'été de 1344, pluvieux et humide et les récoltes très déficitaires depuis six ans, amènent la disette avec, comme conséquence, une épidémie de Feu de Saint Antoine assez désastreuse, puisqu'au cours de cet été, des milliers de gens meurent.... de maladies pestilentielles (Livre des Coutumes).

Même disette en 1347; alors le Feu sacré reprend brutalement dès 1348 semant encore la mort dans toute l'Aquitaine.

Le docteur Durodié note, en 1924 que le Feu Saint Antoine s'est montré de préférence dans les années marquées par un hiver rigoureux avec un été pluvieux, humide et malsain et ajoute'il:

 "il coincide surtout avec des années où les récoltes plus que déficitaires, amènent la disette et la famine".

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'Le Livre des Coutumes précise:

En 1348 puis en 1365 , le Feu devient si violent qu'il amène la mort, d'une façon effrayante, parmi les populations des quartiers du Pont Saint Jean et de la rue Poitevine frappant surtout les gens misérables des quartiers Est de Bordeaux. Ce qu'il indique en Gascon, langage de l'époque…..

"Et fo lo fue (et fut le Feu) à tant grant que argo la Rosella (la Rousselle), lo pont Sent-Johan et rua Peytabina et lo grant mortandat de gens menuda."

Le Mal a été tel qu'il a fallu raser entièrement le quartier de la Rousselle, assez près de l'hôpital Saint Antoine. Plus du tiers des bordelais a péri.

 

La Peste.

 

L'auteur A. Reche voit dans cette épidémie, la peste noire de 1348, venue d'Asie par les vaisseaux génois et propagée par les rats, elle commence à se manifester à Marseille dès le mois de janvier 1348 pour atteindre Bordeaux au mois de juillet.

Le Mal a irrésistiblement remonté le pays. Mais les activités portuaires de Bordeaux ont pu aussi ne pas être étrangères à cette rapide extension.

A. Reche indique qu'à cette époque J. Bernard avoue :

"... nous ne connaissons pas la nature exacte de ces maux, car     dans une psychose d'épidémies, toute maladie est prise pour peste."

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Ces deux témoignages, de F. Durodié et A. Rèche, se rejoignent pour confirmer l'existence simultanée du Feu sacré, de la peste et aussi comme le dit la Charte de Bordeaux, des "maladies pestilentielles" tout cela pour le malheur des bordelais, devenant maladies contagieuses.

Les chroniques de la Ville, font largement état de ces Maux, tous confondus qu'endurent pendant la décennie, les 30. 000 habitants de Bordeaux.; mais on a peine à entendre que la période de 1348 à 1352 a vu périr 25 millions de personnes en Europe soit le quart de sa population (Sandel).

 

Confusion des diagnostics.

 

Nous comprenons mieux alors, la résignation du Chapitre de Saint André comme celle de l'autorité pontificale,  au 4 novembre 1352, confiant aux hospitaliers de Saint Antoine, sans réserve, le devenir des malades contagieux qui leur sont confiés ; parce qu'à cette époque le diagnostic entre "ignis sacer" et peste noire, est, en début de maladie assez semblable avec une même chaleur interne, un même délire, de mêmes tumeurs gangréneuses, ou bubons charbonneux et les hospitaliers de Saint Antoine, à Bordeaux, comme à Montbrison et comme dans la plupart de leurs hôpitaux de ce temps ont été appelés à soigner les malades du Feu comme ceux atteints de la peste; tous, les uns et les autres, contagieux de l'époque, ainsi que l'atteste la transaction de Bordeaux. Les maladies étaient confondues en leur début Il fallut attendre plus d'un siècle et demi pour caractériser suffisamment des Maux aussi différents dans leur origine puisque le médecin bordelais Guillaume Briet dit en 1599

" .... il semble que la peste dont nous sommes visités, nous vient par contagion, ayant premièrement apparu chez Pierre de Ricault, Maître chirurgien demeurant à la porte du Médoc où arriva un étranger venant d'Espagne……"

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Ce furent nos Frères de Saint Antoine qui eurent, avec bien d'autres à Bordeaux, la redoutable charge d'affronter les premières et les plus térribles pestes de son Histoire car les hôpitaux spécialisés de la peste vinrent bien plus tard.

En 1467, nous savons par le testament de Mathieu Picaret, qu'une maison de la rue Nérigean, constitue un hôpital provisoire de la peste; mais il faudra attendre l'an 1504 pour que Bordeaux construise un hôpital "neuf"de la peste sur la rue Traversanne (Durodié).

 

Le Mal de Saint Antoine - Aspects médicaux.

 

''Quel était donc la nature de cette maladie gangreneuse, se demande en 1924, le Dr Durodié ; mal que les ançiens medecins avaient autrefois confondu avec la peste bubonique et les tumeurs charbonneuses causées par cette redoutable affection ?"

Il y répond aussitôt : 

"ce n'était pas autrechose que les manifestations de l'ergotisme gangreneux ainsi que l'ont montré les travaux de Duhamel au XVIIIème siècle, puis les observations de Read, de Vetillart, de Maret et de Fuchs ."

 Mais, poursuit-il au sujet du Feu

" ... si l'on tient compte des conditions dhygiène de la ville de Bordeaux, de la Province d'Aquitaine et des conditions des habitants, on sait mieux les causes et la genèse ainsi que la marche progressive de ces épouvantables épidémies que l'on décorait du nom de peste, sans qu'elles n'aient de lien de parenté avec la terrible peste dl Orient."

Nos hospitaliers de 1348 pensaient ils déjà à cet ergot qui attaque aussi bien le blé que le seigle et qui rendait la mouture puis le pain, rouge comme du sang ?

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Un dictionnaire, à peine plus tardif puisqu'il date de 1369 définit ainsi le Feu sacré qu'il nomme Erysination.

  "Caractérisé par des gangrènes qui consumment les chairs, les séparent des os et par l'observation sumultanée de pustules gangreneuses sur les pieds, les mains et les mamelles, ainsi que sur la langue, les joues et le pharynx."

C'est aussi dit Rodolph Glaben ,

"un Feu caché (interne) qui dessèche et sépare du corps, les membres auxquels il s'attaque et une nuit suffit à ce mal effrayant pour dévorer sa victime."

 

Le Dr. Durodié note aussi, en 1924 les buts et l'Origine de l'Ordre Antonin. Sa venue à Bordeaux avec son hôpital appelé alors "de Sent Antoni ou combent de Sent Antoni ou encore hospitium Sancti Antoni puis bien plus tard et improprement commanderie de St Antoine des Feuillants, s'est faite pour des raisons qui sont basées sur les soins à. donner aux malheureux atteints du Feu sacré.

 Il dit que c'est en 1093, sous le pontificat d'Urbain II, que cette oeuvre humanitaire a prit naissance par la création de ces pieux et saints religieux pour le soulagement des pauvres malades du Feu infernal que les chroniqueurs anciens ont désigné ainsi: Feu de Saint Firmin, Feu Saint Marcel, Feu Persique, Feu sacré, Feu de la Géhenne ou Feu de l'Enfer.

Devant un diagnostic imprécis et variant selon les temps ou les Lieux, il n'est donc pas surprenant de trouver une si grande variété de termes pour désigner ce mal dont la première caractéristique est le Feu.

L'auteur poursuit sur les origines de l'Ordre de Saint Antoine, par des considérations assez  conformes à celles de l'"Antoniane " d'Ayrnar Falco.

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Il dit la légende de Gaston premier Antonin recevant dans un songe le "Tau"de Saint Antoine ou encore, rentrant chez lui et trouvant son fils guéri du Feu sacré, il fait bâtir un hôpital auprès de l'église ou Jocelin, (en 1050) avait déposé le corps du Saint Ermite.

 

Le Mal de Saint Antoine vu à Bordeaux

 

Bien que plus tardif, ce témoignage émane de Jean de Gaufreteau, avocat et conseiller au Parlement. Il connaît bien la précéptorie de Saint Antoine puisque sa maison donne sur la rue Saint Antoine, face à la chapelle de l'hôpital et en 1625 il dit :

"... que le Conseiller de la Grande Chambre du Parlement de Bordeaux était un homme de complexion grandement replète et de fort embonpoint de graisse. Il fut atteint d'un mal en la jambe droite; petit au commencement puis avec enflure et rougeurs. Il ne voulut pas prêter attention aux conseils d'une sienne métayère, vieille femme, pleine de sagesse et d'expérience, qui lui disait que c'était le Mal et Feu de Saint Antoine et que s'il voulait bien faire son pélérinage dans l'église de ce Saint à Bourdeaux et que s'il lavait son mal avec le vin béni au nom de Saint Antoine, il pourrait en guérir aussitot indubitablement. 

Il fut détourné de faire ainsi par un médecin réputé à Bordeaux, appelé Trotel, qui était Huguenot.

Le mal s'aggrava et la gangrène se mit en sa jambe, en commençant aux pieds, sans que l'expérience et le savoir dudit Trotel ou des autres médecins et chirurgiens consultés, n'y puissent apporter aucun remède pour l'empecher et il fallut couper à pièce, sans que le malade n'en ressentit la douleur quand on lui détranchait la jambe.

Tout au contraire il ne perdit jamais l'appétit du manger et du boire jusqu'à ce qu'on en soit venu aux parties vives, car à ce moment, il sentit venir sa dernière heure………. on peut alors appren­dre que ces recommandations aux saintes prières adréssées à Saint Antoine ne sont pas des idolatries.

A cause de quoi, les Frères, par les mains desquels sont données ces bénédictions, doivent être plus que réspec­tés car on peut dire que c'est un miracle ordinaire qui se voit surtout en faveur des personnes de l'un et l'autre sexe, dans les villages où ils n'ont d'autres médecins ni d'autres remèdes, que ces bénédictions données avec des vins, de l'eau des fontaines sacrées, ou de la graisse, par les mains de leurs religieux, qui, lavant et oignant par après, au nom des Saints auxquels ils se vouent…….  Leurs membres affectés de diverses maladies recouvrent tout aussitôt leur guérison."

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Droits et Devoirs de l'Hôpital et de ses Malades.

 

En l'an 1476, un Chapitre Général réunit autour de l'Abbé de Saint Antoine les Commandeurs généraux, les Prieurs et les Définiteurs de l'Abbaye du Viennois.

Ils décident une Réformation dans l'Ordre de Saint Antoine puis dans l'organisation de chaque Hôpital . La Commanderie de Bordeaux est alors représentée par le Commandeur d'Aubeterre assisté d'Antoine Sagand, Commandeur de Saint Antoine de Breuilh, (près de Ste Foy la Grande).

 Ces Droits et ces Devoirs de l'Hôpital comme ceux des malades et infirmes sont ainsi précisés dans les Statuts de chaque Hôpital et confirmés en 1478 dans le Bullaire de Saint Antoine ainsi qu'il suit:

 

Statuts de l'Hôpital des Infirmes, tant de l'Abbaye que de chaque commanderie.

 

L'Abbé Général Jean Joguet et les Commandeurs déclarent…… 

 

que tous les Biens de l'Ordre de Saint Antoine existant dans chaque partie du monde (l'Europe des Antonins) sont et doivent, sans excuses et avec efficacité, être constamment affectés et réservés à l'Hospitalité des atteints et infirmes du Feu infernal.....

Item….. que chaque Homme ou chaque Femme atteints de ce Mal, s'il a recours à Toute maison de l'Ordre, en implorant et respectant les préceptes du Bienheureux Antoine, doit être reçu toutes affaires cessantes, sans objection ni difficulté.....

Item….. dans le cas où le malade devient infirme et impotant par suites du Feu de Saint Antoine ne pouvant donc plus gagner sa vie dans le siecle ( époque) ; le Commandeur doit l'accueillir à vie, définitivement et sans aucune réserve.

Item….. que tout malade brulé du Feu (ignis sacer), se présen­tant dès le début de sa maladie à l'hôpital de son choix, y sera reçu et nourri , selon les Pratiques de l'Ordre.

Item….. que, après sa maladie et convalescence, si le malade a perdu un membre, il sera également reçu définitivement, mais il peut être affecté, dans une autre commanderie... celle de son Pays d'origine.

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Item….. que: tout malade doit vivre honnêtement et avec décence. Il doit s'efforcer, dans son hôpital, de servir la Communauté et être utile à tous…..Il sera alors soutenu aidé et nourri sa vie durante.

Item….. que chaque Commandeur est tenu de recevoir, de garder et de nourrir les infirmes de sa baillivie (son secteur territorial) .... mais s'il y a difficultés, par un trop grand nombre de malades.... il en rend compte à l'Abbé Général, pour que des places soient assignées dans une autre commanderie Antonine, de telle sorte qu'aucun malade ne puisse être refusé.

 

Les Réformateurs, très attachés aux Anciens Statuts, rappellent le choix proposé aux infirmes:

-soit demander le séjour et l'entretien comme infirmes libres.

-soit se donner à l'Ordre (faisant alors partie intégrante du Tiers­ Ordre Antonin

selon Guy Darrodes ).

Item….. que chaque infirme jure devant le Commandeur d'être obéissant et loyal envers l'Ordre ou son représentant: le Maître du pilier ou la Maitresse des Femmes, choisis parmi les anciens malades pour leur mérite et chargés de la bonne moralité de tous. L'infirme jure aussi de ne rien aliéner, distraire ou porter ailleurs des Biens de l'Ordre, mais au contraire de les entretenir fidèlement pour l'utilité et l'avantage de l'Ordre tout entier.

Item….. que lorsqu'il est d'usage de demander à l'infirme, lors de sa réception, de donner librement une contribution pour l'entretien de l'hôpital; cet usage peut être maintenu.... mais l'Abbé et les Réformateurs veulent que l'infirme n'ait aucune obligation de donner quelque chose à l'Ordre. Il en est de même lorsque le Commandeur succède par legs (Frères et Soeurs donnés) pour une partie des Biens patrimoniaux destinés à l'hôpital, selon les utilisations prescrites... ….. aucune obligation ne peut être imposée ......

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Item….. que les Hommes et les Femmes, infirmes reçus dans l'hôpital, ne peuvent être renvoyés, que sur faute grave ou bien s'ils causent du scandale parmis les autres infirmes et s'ils sont incorrigibles. Dans ce dernier cas, le châtiment mérité peut aller jusqu'à être banni des Maisons de l'Ordre (c'est l'ultime punition).

Item…..que le Commandeur est tenu de payer les mensualités, subventions ou pensions dues aux infirmes, sans restriction ni retard. Après un mois de non payement, le Commandeur devra en solder (payer) le double de la somme due et après deux mois, le Commandeur est passible d'excommunication et de la privation de son Bénéfice ou de ses Biens propres…… Car les pensions ou "cotisations'' aux infirmes sont dues jusqu'à toucher aux revenus de l'hôpital et de son Commandeur, et ce dernier doit toujours arriver au règlements de ces pensions.

Item….. les infirmes résidants hors de l'hôpital ou des Maisons de la commanderie ne doivent rien percevoir des avantages ci-dessus précisés et le Commandeur n'a pas d'obligations envers eux.

 

Si nous considérons que vivaient dans l'hôpital et ses dépendances, des Hommes et des Femmes que le Mal (ignis sacer) avait transformé en infirmes ou ésthioménés, comme ils se nommaient alors ; et qu'ils y trouvaient:

-les remèdes adoucissant leurs maux (baumes, saint vinage (ou vin de St Antoine), plantes vulnéraires et cicatrisantes.

-les soins permanents des Hospitaliers et de leurs aides comme souvent les soins "post opératoirs" suivant l'amputation.

-un pécule de subsistance ou l'allocation quotidienne.

-s'il le fallait, un entretien à vie dans la Communauté (Grande Famille Antonine.

-les mesures de protection , d'aides et de prévoyance que ces oeuvres adressaient à tous les malades du Feu de St Antoine aux plus pauvres comme aux fortunés.

 

Nous voyons là, sans conteste, les origines privilégiées des oeuvres sociales qui nous entourent; origines d'ailleurs si généreusement illustrées au cours des siècles suivants.

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Et l'ancien Hôpital de Bordeaux doit rester dans nos mémoires comme un prestigieux témoignage de la solidarité humaine devant les terribles épreuves de notre Ville.

 

 

Situation de l'Aquitaine face aux épidémies.

 

Le sort de l'ancienne Aquitaine, et en particulier du Pays bordelais est sans doute aussi affligeant que celui des autres régions européennes, car de l'an 857 à 1347, Fuchs compte en Europe 26 épidémies de Feu sacré.

 

L'aquitaine aurait été plus marquée par ces grands maux, puisqu'en 994 le culte de Saint Antoine y est déjà vivace et une épidémie particulièrement violente amène la création de plusieurs hôpitaux dont celui de Saint Antoine d'Agen (Dom J. M. Besse) Il est désservi par des religieux qui seront remplacés en 1093 par les moines de l'Abbaye de la Grande Sauve.

L'Aquitaine est atteinte en 1020, entre autres dates, et le Feu sacré enlève 40.000 personnes à Bordeaux et dans le reste de l'Aquitaine. Mêmes épreuves 100 ans plus tard, lors de l'attaque subite de 1120.

"Alors les Bordelais se rendent en foule à la basilique Saint Seurin pour y passer ces jours et ces nuits de grande épreuve, dans la prière et dans le jeûne"

Plus au Sud, jusqu'à Limoges on invoque Saint Martial mais c'est bien avant la venue des Frères de Saint Antoine à Bordeaux.

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Pour là Ville, l'explication nous vient du Dr Durodié:

Les maladies pestilentielles ont été précédées par des grippes infectieuses, la dysenterie puis les fièvres malignes… Elles sont causées par les émanations des terrains incultes et marécageux des environs de Bordeaux, qui constituent d'ailleurs aussi, le sous sol de notre cité.

 

L'Auteur parle évidement des temps anciens où au Nord s'étendaient les marécages d'Eysines; à l'Est les bords boueux de la Garonne; au Sud les marais de Paludate puis les abords landais, tant redoutés des pèlerins pour leurs palus et marais avec leurs redoutables taons ou mousques.

On reconnaît le bien fondé de ces explications quand on observe à l'intérieur le témoin de profondeur, des assises de la cathédrale Saint André, assises établies sur des troncs d'arbres noyés.

Camille Jullian est encore plus critique : Les marécages, dit-il, complétaient encore l'isolement de Bordeaux, l'eau des Fossés était puante, l'air que l'on respirait était rude , incommode et fort peu salubre......

Ces miasmes et fièvres malignes ajoutent leurs effets néfastes aux manifestations de l'ergotisme gangreneux et dans ces temps d'ignorance médicale, la détermination du mal et les soins à la charge des Frères Antonins a pu en être rendu plus difficile encore à Bordeaux. 

 

Le nombre élevé des hôpitaux de Saint Antoine peut trouver sa justification dans ces conditions désavantageuses de plusieurs régions d'Aquitaine et dans un passage important de pèlerins.

Afin de rassurer ses concitoyens, le Dr Durodié écrit pour notre méditation : 

 

''De toute antiquité l'emplacement occupé dans la suite des temps par la ville de Bordeaux fut couverts d'épais marécages aux eaux croupissantes et nauséabondes." 

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Quelle admirable transfiguration depuis cette première époque lointaine. Ce fut l'oeuvre des siècles, des hommes et des progrès croissants de l'intelligence humaine et de la raison.

 

    MOYENS D'EXISTENCE ET D 'ACTIONS DES HOSPITALIERS.

 

Les Quêtes.

 

Ce sont les quêtes qui assurent le fonctionnement de l'hôpital dès son origine. Forts de l'autorisation de prêcher et de quêter dans toutes les paroisses d'Aquitaine, donnée dès le 22 juin 1242 par le Roi d'Angleterre, Duc d'Aquitaine Henri III; les Frères quêtent " pour l'Aumône" et la subsistance des pauvres malades.

C'est ainsi, entre autres paroisses que l'église Saint Michel à Bordeaux, possède dans ses archives, une convention passée entre l'hôpital et la Fabrique (ou paroisse) autorisant les religieux de Saint Antoine à faire quêter dans cette église les dimanches ainsi qu'aux quatre fêtes annuelles à la condition cependant que les quêteurs Antonins fassent don d'un chevreau, bon et honnête pour la Fête de Pâques, à l'ouvrier de la paroisse, lequel ouvrier est en droit de saisir les quêtes en cas de non respect de cette convention.

Une enquête faite le 28 mai 1532 devant le juge de la Prévôté de Barsac apprend que de temps immémoriaux, le Commandeur des Maisons de Bordeaux, de la Palomeyre et de Bommes est dans l'usage de percevoir les offrandes, voeux et obligations faites dans chacune des chapelles en faveur de Saint Antoine.

 

Cette enquête nous apprend accessoirement que la chapelle de l'hôpital de Bigar à Bommes a été réparée aux frais du Commandeur vers 1480.

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Les Legs.

 

Si l'enquête qui vient d'être citée, confirme l'ancienneté des offrandes, elle indique aussi la réalité des legs, seconde ressource de l'hôpital car chaque famille tient à faire selon ses moyens, une libéralité.

Ces legs vont aux oeuvres charitables et plus particulièrement aux pauvres malades des hôpitaux et ceux de Saint Antoine de Bordeaux sont rarement oubliés. Mêmes très réduits, ces dons s'accompagnent souvent d'une demande de prières pour l'âme des donateurs ou celle de ses proches.

Parmi les très nombreux legs, retenus par l'Histoire, il n'est pas inutile de s'arrêter à quelques uns prouvant la grande diversité des dons ou de leurs donateurs.

C'est en octobre 1355 que Rampnol de Corn, bourgeois et marchand de Bor­deaux, lègue 10 écus d'or pour que les religieux Antonins prient Dieu pour l'âme de son père, de sa mère et pour lui même et il ajoute 10 autres écus d'or pour les pauvres malades.

Quelques années plus tard , c'est le Captal(capitaine) de Buch, Jean III, qui lègue 500 écus d'or aux Frères Antonins.

Puis le 13 juillet 1312 : legs de G. Chambon laissant aux pauvres de l'hôpital Saint Antoine, 5 florins d'or vieux pour l'achat d'un lit garni.

Autre lèg du 31 mars 1374 d'Assalide de Fargues, Veuve, qui donne 50 sous aux pauvres infirmes de Saint Antoine; elle veut être ensevelie dans l'église des Minimes de Bordeaux, en habit de religieuse  "comme une soeur Menue".    Ce qui permet de penser qu'elle avait fait des voeux d'oblation.

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En 1377, l'Official de Bordeaux reçoit le testament de Jeanne Guarin, femme de J. de Fumel, marchand; elle laisse une livre aux pauvres de Saint Antoine.

Les legs se succèdent de plus en plus nombreux, confirmant ainsi, la notoriété et l'interêt porté aux Antonins par les populations bordelaises. Dans la paroisse Saint Michel, on note un legs du 9 février 1418 puis .... le 5 juillet 1462, une veuve offre aux pauvres de l'hôpital non de l'argent, mais ses bijoux: un collier de corail et d'ambre, avec un service d'argent. 

 

En 1436 le Commandeur de Bordeaux, Jean de Pujol, donne quittance par devant le notaire Paludérii, de la somme de 50 sols bordelais que Gaillard de Sens a laissé à son hôpital . Puis le 27 septembre 1443 c'est un autre legs de 20 sols tournois qu'Hélias Calhau marchand à Bordeaux fait à l'hôpital.

Notons en dernier, celui du 18 avril 1467 fait par Matthieu Picaret, savetier en la ville, pour les pauvres des hôpitaux de Bordeaux; il cite ainsi tous les hôpitaux: Celui du Saint Esprit, du quartier de la Corderie, de Notre‑Dame du Grand Cahernan, près de la commanderie de Saint Antoine, de San Johan au quartier du pont Saint Jean, de Saint André, de Saint Jacme, de Sant Antoni, de Sant Marsan de Bouglon, de Sainte Croix de Bordeu, des deux hôpitaux de Sent Pey (Pierre), puis de l'hôpital des Gahets de la peste (qui est l'hôpital provisoire de la rue Nérigean, sur l'emplacement du grand Séminaire ).

         Matthieu Picaret ajoute à sa liste des bénéficiaires : l'hôpital de Puch mouton et celui de Saint Lazare.

Cette énumération est éloquente pour Bordeaux. Autant d'hôpitaux vivaient donc, en cette époque de 1467, de la charité publique ?

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Telle fut, la belle solidarité des Bordelais envers leurs malheureux concitoyens et les pèlerins de passage, envers tous les malades et les infirmes, ceux que les Antonins ont appelé les esthioménés.

En un siècle, nos Antonins, vivant à l'origine du produit de leurs quêtes, sont devenus des hospitaliers reconnus efficaces et généreux mais aussi si l'on peut dire " des mendiants fort riches " .

La commanderie est alors à l'apogée de sa notoriété médicale, sociale et religieuse et lors de la réformation de l'an 1477, la Communauté de Saint Antoine fait voir que la Commanderie de Bordeaux est devenue la première maison dépendante de la Commanderie Générale d'Aubeterre. Elle lui verse chaque année, une aide de 15 florins d'or.

A l'inverse la commanderie fondatrice de la Palomeyre, comme  celle de Bommes sont devenues dépendances de Bordeaux; dépendances nécessaires à la vocation des Antonins puisque " 

 

... les malades puis les infirmes du Feu Saint Antoine, leurs sont confiés sans restrictions.

Grace à ces dons, à ces obligations et à ces legs, le Commandeur pouvait faire face aux besoins de la Commanderie, puisque la responsabilité des Antonins était grande vis à vis de tous ces malades et handicapés et que cette responsabilité était personnelle.

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Les autres revenus : Cens , droits , lods ....

 

A la suite de ces legs et sans doute d'achats, le Précepteur est devenu propriétaire foncier. Outre les domaines de Bommes et de Saint Selve, il possède de nombreux "droits féodaux": cens et lods (ou droit sur les transmissions de Biens).

Ce sont aussi des ''rentes", comme seigneur foncier et direct sur la paroisse de Saint Selve, de terres et Maynes de la Tour de Pugos et des possessions qui en dépendent; et cette rente se monte à environ 6 sols bordelais annuels. Ce sont aussi une livre tournois et 6 sols pour les droits sur les Terres de Grimelle, la Coulayre, le Bedat et sur le Mayne de Granade et d'autres terres au "Garrouillac, soit une vngtaine de lopins " encore.

Ces droits et lods sont aussi importants sur la paroisse du Taillan, près d'Eysines à une lieue et demie de Bordeaux. L'historien Léo Drouyn nous fait connaître une reconnaissance du 21 novembre 1408 ainsi conçue:

 

Il est de notoriété publique que Jean Faur de l'Alemanha fils ainé de Guillaume Forton et de Conthor Faur fille de Guillaume Faure de L'Alemanha (Allemagne)(Lieu dit de la paroisse du Taillan)par sa bonne foi, reconnaît qu'il a tenu et tient en fief, selon la coutume de Bordeaux, de l'Honnorable Frère Ramon Guarsin, Commandeur, au jour que cet acte est fait, de la Maison et Hôpital Saint Antoine de Bordeaux et des Commandeurs et Frères qui lui succederont dans cette charge :

-Une moitié nette de la récolte de foin sur la moitié de la surface qui en­toure la maison.

 

-Plus la moitié nette de tout le jardin délimité aux quatre cotés.

-Plus les neuf ''règes'' (bande de sillons encadrant un rang de vigne) de terre et vignes au lieu dit: les Peyreyres.

-Plus les cinq règes et demi situés entre le chemin communal et la vigne de Guillaume de la Guorsse.

-Plus…. suivent ainsi 45 terres et vignes avec quelques parcelles de près, de bois, de plantations de saules, d'oseraies et de jardins, tous sur la paroisse du Taillan.

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Jean Faur reçoit ainsi l'investiture de Ramon Guarsin. Le Commandeur transige pour un payement en nature et de 5 deniers de la monnaie ayant cours à Bordeaux, pour changement de tenancier et de 5 livres monnaie de Bordeaux, de cens, chaque année à payer le jour de la Fête de Saint Martin.

L'acte est établi dans la ]Maison et Hôpital Saint Antoine à Bordeaux, le 21 novembre 1408 ; Très haut seigneur Henri, par la grace de Dieu, Roi de France et d'Angleterre (Henri IV) et Francois , archevêque de Bordeaux. 

Les témoins sont Frère Pierre Meyre, du couvent de Saint Antoine, Guillaume Forqualdi prèstre, Tessenère, prêtre de Sainte Eulalie.

L'acte passé devant Jean Ruphie, notaire public du Duc d'Aquitaine qui se réfère à une volonté de Richard Il en 1399, sur la protection et la garde des papiers de notaires décédés.

 

         Les Cochons de Saint Antoine.

 

Un autre moyen d'existence et de fonctionnement de l' hôpital réside dans l'élevage des porcs et le privilège qu'ont les Antonins de "tenir pourceaux dans la ville."

Ces porcs à cette époque matinés de sanglier sont devenus une spécialité de nos Freres Antonins. Souvent on peut constater, près d'Anbeterre ou de Saint Antoine sur l'Isle comme ailleurs, des Lieux dits : Porchères, Porcheyrat, Porchaise, etc… éloignés de 2 à 3 kilomètres et l'ancienneté de ces sites permet de les rapprocher sinon de les lier aux Antonins. Outre les élevages en troupeaux "menés", Chaumartin nous dit que les Cochons portant clochette ou bien le "Tau" abondent dans les villes et près des châteaux et c'est bien le cas en Aquitaine.

Ces éboueurs naturels, attentifs familiers mais bruyants, ne manquent pas de causer perturbations et dégâts, en fonction de leur nombre, aussi la Jurade de Bordeaux décide que le Commandeur de l'hôpital ne pourra tenir que deux pourceaux allant par la ville et ceci , hors des temps de peste.

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Par esprit de justice, le Prieur de l'hôpital du Saint Esprit obtient le même droit, les porcs devant alors être "menés" par la ville.

Sur plainte, la jurade (ou Mairie) déclare le 21 octobre 1522:

 

"qu'il est rappelé au Commandeur de Saint Antoine que, selon les bonnes et anciennes coutumes, il ne doit tenir que deux pourceaux par la ville".

Ce nombre n'étant pas respecté, la Jurade renouvelle son ordre, le 22 décembre 1526, puis encore le 19 septembre 1537, mais cette fois, l'ordre est assorti de menaces.

 

'' S'il en tient davantage, il est permis à chacun de demander à Messieurs les Jurats, la permission de tuer ces porcs et de les distribuer aux hôpitaux de la ville ou bien, de faire payer au Commandeur une amende de 100 sols".

 

Sans doute faut-il voir dans ce changement de ton, un moindre prestige et la moindre considération dans laquelle les Antonins de Bordeaux  sont tenus. Ils ne sont plus "à ménager".

 

         Les Antonins et les Vins

 

Les vignobles de l'Eglise étaient des plus réputés. (C. Juilian)

 

Vers l'an 1620, le Frère Antonin Laurent Chambige, religieux à la Commanderie d'Aubeterre est envoyé en mission, à Bordeaux par le Commandeur général Pierre Croizet. Il dit être retourné à la Palomeyre puis à Bommes. 

 

Il y a trouvé quantités de vignes qui rendent de fort bons vins et aussi de grands bois de ''sauzes" utilisés pour la vigne.

"De fort bons vins " comme ils les faisaient autrefois , c'est aussi le témoignage de plusieurs historiens.

L'implantation même, le terroir sur lequel sont établies ces Maisons de vignes chères aux Antonins, est un gage certain de grande qualité.

En effet les vignes de Bommes et de Sauternes, comme celles de la Palomeyre et du Taillan représentent aujourd'hui les Hauts Crus de la région bordelaise:  le Sauternais et les Graves de Bordeaux. Saint Selve fait alors partie de la Prévôté de Barsac, Prévôté royale chargée de protéger ces crus viticoles .

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Comme beaucoup d'autres Prieurés, le désir de la perfection en matière vinicole est lié dans le temps à l'une des vocations de l'Ordre Antonin.

Le ''Muscat des Papes" près d'Avignon ne s'orne-t-il pas de 3 Tau.

Mais les Frères veulent également d'éxcellents vins puisque le Frère Chambige dit que 

 

"le revenu consiste en vignes" 

 

pour la vente et les besoins de la commanderie. Nos hospitaliers ont aussi leur vin spécial ou vin de Saint Antoine , vin beni qui est alors le Saint Vinage.

Il est cité en 1625, par l'avocat Jean de Gaufreteau. 

 

"On lave le Mal de vin beni au nom de Saint Antoine"

 

ainsi que par le Frère Chambige qui dit en 1622 : 

 

"Les Pères Feuillants continuent de distribuer le Saint Vinage, comme il se fait aux autres commanderies de Saint Antoine".

 

Mais ce vin garde son secret, sur sa nature, sa fabrication, sa conservation; on n'en connaît que ses effets.

 

De tous temps les vins médecins sont inscrits pourtant dans la pharmacopée de chaque époque et au XVIIème siècle ce sont plus de 32 types de vins médecins qui sont préconisés: depuis le vin de sauge pour soigner les convulsions ou les nerfs, au vin de sureau contre la sciatique, en passant par le vin des vieilles gens ou vin d'hysope pour la toux ou le vin de roses pour la pleurésie.

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Mais le vin de Saint Antoine, lui , garde son mystère.

Peut-on rapprocher le terme actuel de vinage, qui signifie aujourd'hui une addition d'alcool au moût ou au vin fait ?        ?

 

Tout juste peut-on savoir par les inventaires que ce matériel vinicole est des plus simples ainsi qu'on peut le constater sur cette gravure anciennne. Une cuve, un pressoir et quelques tonneaux et seaux. Le Matèriel vinicole reste simple en fin de XVIIème siècle.

La culture, elle même est aussi simple puisqu'il n'existe encore ni phylloxéra, ni mildiou, ni oidium, ni black-rot et au XVème siècle, le Commandeur gère encore directement ses vignes; comme aussi "celle du Pape" tant à la Palomeyre qu'à Bommes pour le compte de l'archevêché.

Faut-il citer également et plus tard, la région du Haut Médoc tant redevable de sa notoriété, aux Abbayes, dont celle de Vertheuil qui dès le XIIème  siècle y développa les plantations ?

Plus modestement, c'est un Antonin, Commandeur d'Aubeterre, le Père François qui apporte un précieux concours à l'assèchement et à l'assainissement de Cantenac et de Margaux.

 

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QUELQUES EPISODES MARQUANTS DES DEUX SIECLES,

XIVème et XVème siècles,

de Présence Antonine.

 

Cette période englobe les péripéties de la Guerre de Cent Ans, mais les chroniqueurs bordelais s'attachent beaucoup moins aux épisodes militaires faits de succès et de revers qu'aux méfaits des­ maladies infectieuses groupées sous le nom univoque de peste. Elles touchent en effet bien plus directement les habitants de Bordeaux.

Cette histoire durant deux siècles est une suite à peine interrompue de complices et pourvoyeuses de ces Maux nommés: Feu de Saint Antoine ou pestes.

Les campagnes aquitaines, vivant encore en autarcie alimentaires sont moins touchées que la ville et les victimes désignées de ces XIVème et XVème siècles sont bien les habitants de Bordeaux avec les pèlerins plus sensibles encore aux épidémies lors de leur voyage de Compostelle.

En ces dures périodes, les populations déconcertées, se tournent vers les hôpitaux de la ville et de ses environs les Antonins, ce sont les Maisons de Bordeaux, de la Palomeyre, de Bigar près de Bommes , d'Artiguelongue, et plus loin du Queyret, de Mouliers, de l'Isle, du Pizou, du Breuilh et du Grand Castang puis celle de Madurand (1379), Gardonne, Dordogne.

A Bordeaux les Frères de Saint Antoine sont aussi discrets dans leur travail que le sont les hospitaliers ailleurs, ce qui avait fait dire en 1533 à Aymar Falco découragé, 

 

"Tant il est vrai que nos Pères avaient plus le souci d'agir que de laisser par écrit le récit de leurs actions."

Et cependant leur vitalité croissante et leur rapide expansion sont autant de preuves de leur grande utilité et de leur efficacité, au service des populations bordelaises.

Les malades ont trouvé, avec ces Frères Antonins, les preuves d'une charité sans bornes; car dans ces grands malheurs, heureusement oubliés, ces Frères ont été pour eux un recours bienfaisant. C'est ainsi que s'exprime le Dr Durodié, ajoutant

 

"Ils ont surtout, dans leurs hôpitaux, pu joindre aux secours et aux aides matérielles, les lueurs apaisantes de la Foi et des espérances éternelles''.

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Il est nécessaire de rappeler succinctement ces épreuves aussi néfastes pour les populations que pour les Frères Antonins qui les subissaient, dans leur hôpital avec des risques accrus. Risques courus aussi, dans ces périodes par chacun des treize hôpitaux: de la Ville.

C'est l'épidémie de 1411. La chronique bordelaise relate:

"sur la fin de l'été, une dysenterie suivie de peste furent toutes deux si intenses qu'il mourut à Bordeaux plus de 12 000 personnes. On ne trouvait plus de ven­dangeurs en septembre ni dans la ville ni dans ses alentours."

En 1413 puis en 1415, une pénible grippe infectieuse que l'on nommait ailleurs "coqueluche'' se transforme en "fièvres pestilentielles" et dans leur désarroi les jurats ordonnent des processions.

Après une accalmie assez relative durant 50 ans, les '' maladies pestilentielles" reviennent si véhémentes à Bordeaux que la Cour de Parlement doit s'exiler à Libourne durant les mois de décembre, janvier et février 1474.

En 1495, la peste oblige le Parlement à tenir ses Sessions encore plus loin, à Bergerac (qui possède un hôpital de Saint Antoine); et en 1500, c'est Saint Emilion plus épargné qui devient le refuge du Parlement . Il retourne à Libourne en 1545 et 1546 ainsi que durant les mois d'août, septembre et octobre 1555 Autant que possible on fuit la Ville.

Devant de telles difficultés, le Parlement a ordoné, dès le 17 novembre 1546 sur un voeu des jurats du 15 de ce mois, aux médecins de la ville, d'indiquer des confrères propres à les remplacer en cas d'urgence. Le registre de la jurade porte aussi que le 20 mars 1526, les deux médecins assermentés Maître chirurgien et Chirurgien de la peste sont aux gages de 100 livres tournois en temps de peste et 50 livres seulement aux autres temps. (On note aussi qu'après leur serment ils ont droit à une robe de travail à la Noël.

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Il faut constater qu'à cette époque dêjà, la peste a très largement pris le relais du Feu de Saint Antoine.

Si l'hôpital Antonin, en situation matérielle encore brillante, s'efforce de secourir et d'aider ces malades, il est maintenant secondé par un hôpital provisoire. Cet hôpital assez proche des Antonins est cité dans le testament de Matthieu Picaret du 18 avril 1467, c'est celui des Gahets de la peste de la rue Nérigean.

Le premier hôpital de la peste, dit le Dr. Durodié remonte au début du XVIème siècle, dans l'enceinte de la ville sur les rues Saumenude et Nerigean, près de l'hôpital provisoire qu'il remplace puisque le 22 août 1537, est noté sur le registre du Clerc de Bordeaux,

 

"que hôpital provisoire doit être dérnoly ".

Se révélant insuffisant, les jurats achèteront en 1586, l'enclos d'Arnaud Guiraud pour construire un nouvel et grand hôpital de la peste car les Antonins ne sont plus là.

En ce début de XVIème siècle, on relève surtout des actes de gestion de la Commanderie. C'est ainsi qu'en 1525 Jean de Rux, chanoine claustrier et Commandeur de la Maison et hôpital de Bordeaux  passe une reconnaissance en faveur de l'Abbaye de Bonlieu pour une maison sise près de la Chapelle Saint Antoine. 

Et peu après c'est une autre reconnaissance de Biens de la commanderie par le Frère Clar Colombet, religieux de Saint Antoine de Bordeaux et procureur du Commandeur Pierre Maximin.

 

Ces deux siècles de présence et de secours des Frères de Saint Antoine à Bordeaux, marquée par une trop grande discrétion des oeuvres charitables, fut sans doute la plus éprouvante pour les habitants de Bordeaux comme pour les Antonins devant les épidémies dont ils furent impitoyablement les victimes.

 

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Réalisée le 19 juin  2002  André Cochet
Mise ur le Web le  juillet 2002

Christian Flages

Mise à jour le

                 

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