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La GARONNE
 
et ses
 
AFFLUENTS DE LA RIVE GAUCHE
par

André REBSOMEN 

FERET et fils éditeurs
 
9 rue de GRASSI
 
BORDEAUX
1913

Collection privée

Passage concernant:

BUDOS

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Ne nous attardons pas trop en ces parages et rendons-nous tout droit au village de Budos perché sur le sommet du coteau et dominant la vallée de la Garonne au nord, au sud et à l'est, celle du Ciron.

Notre première visite sera pour l'église paroissiale et pour son abside romane. Extérieurement ce chevet se présente avec neuf pans séparés par un groupe de trois colonnes accouplées et se divise en trois zones horizontales. un soubassement et deux étages.

Le premier étage, séparé du soubassement par un gracieux cordon couvert de feuillages, est percé de trois fenêtres encadrées d'une petite arcade cintrée reposant sur des chapiteaux finement fouillés. A l'intérieur, quelques chapiteaux sculptés figurant des entrelacs et des oiseaux soutiennent la base des arcades qui entourent ces mêmes fenêtres.

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Mais la curiosité archéologique de cette église consistait en quatre chapiteaux à figures qui ornaient jadis son portail du XIVe siècle. Aujourd'hui, le portail modernisé n'en conserve plus que deux, représentant la luxure et la gourmandise. La luxure est personnifiée par une femme qui serre avec force deux dragons pendant que des diables à pattes de grenouilles lui peignent les cheveux. 

La gourmandise est symbolisée par un personnage joufflu mangeant un os, un singe et un chien l'accompagnent. Les deux autres chapiteaux sont enchâssés dans le mur du presbytère. L'un figure la colère: deux hommes en robe longue se battent. Sur l'autre, un diable à grosse tête étreint un personnage qui porte une bourse au cou: c'est l'avarice. Ces oeuvres naïves, emblèmes des combats de l’âme chrétienne, rappellent le thème favori des prédicateurs de l'époque.

En prenant la route qui se dirige à l'ouest du bourg nous gagnons, au milieu des pins, les ruines de l'ancienne chapelle Saint‑Pierre. Jadis, le jour de la fête de ce saint il s'y pressait un grand concours de fidèles, mais des abus s'étant glissés dans ces cérémonies, la fête fut supprimée en 1763. Aujourd’hui, cette petite église ne garde plus que trois murs en ruines, l'abside a disparu et les ramures verdoyantes des arbustes et des arbres remplacent les voûtes de pierre.

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Si nous poussons une pointe vers le nord-ouest du bourg, nous découvrirons, à gauche du chemin, un tertre boisé, aux taillis touffus: c'est un tumulus appelé Tuco de la motte de quarante mètres de diamètre à la base. Taco ou tuc, truc, veut dire, en patois, lieu élevé, hauteur. De cet endroit on jouit d'une vue superbe sur la vallée de la Garonne et la petite vallée du Tursan, qui se jette dans le Ciron en face de Bommes.

Revenus maintenant au village, nous nous acheminons vers le nord en suivant la grande route qui s'incline peu à peu vers la vallée. Déjà nous apercevons les ruines élevées du vieux château de Budos, encore quelques pas, et nous serons au pied de ses remparts. En des rapides notes rappelons son histoire.

C'est en 1273 que le premier seigneur de Budos dont fassent mention les anciennes archives, Géraud de Budos, rend hommage au roi d'Angleterre. Raymond de Budos lui succède: ce Raymond avait épousé Jeanne de Goth, soeur du Pape Clément V. Son fils, Raymond Guillaume, baron de Budos, était, grâce à l'autorité de son oncle, gouverneur d'Avignon.

Trouvant sa demeure trop peu importante, il demanda à Edouard I d'Angleterre l'autorisation de la créneler, de l'entourer de murs, de tours et de fossés. Par respect pour le pape, le roi accéda à la demande qui lui était présentée, et son successeur, Edouard II, lui octroya la haute et basse justice avec tous les droits royaux dans la paroisse de Budos. 

Le sire de Budos acquit aussi d'autres seigneuries, entre autres celle de la Motte d'Ayran et la baronnie de Portes Bertrand en Vivarais. Il mourut, laissant ces biens à son fils, André, qui prit parti pour les Anglais. Ce dernier abandonna aux Français les terres que ceux-ci lui confisquaient, compensant ces pertes par de nouvelles acquisitions. 

Il mourut à son tour, laissant une nombreuse lignée de vingt-deux enfants mâles. Son héritier, Thibaut, rend hommage au Prince de Galles, en 1363, dans la cathédrale de Bordeaux, mais, en 1377, il cédait aux troupes de Du Guesclin et du duc d'Anjou et passait dans le parti français. Pendant ce temps, Richard Il d'Angleterre confisquant Budos, donnait la seigneurie de son sujet rebelle à Jean de Stratton, et en 1400 à Henri Bowet.

 André de Budos, fils de Thibaut, animé des sentiments les plus cordiaux pour la France, guerroyait avec une telle ardeur qu'il méritait d'être surnommé le Fléau des Anglais, malgré la perte de ses biens.  

En effet, les Bordelais, pressés par Henri V d'Angleterre de faire le siège de quelques châteaux qui tenaient pour les Français, firent avancer leurs milices, commandées par un jurat, vaillant capitaine et habile homme de guerre, Vigoros Estèbe. Menant de Fabars était à la tête des troupes, anglaises

Pour mieux réduire la forteresse, on avait décidé de se servir de la grande bombarde qui lançait des boulets de pierre de cinq quintaux, engin de guerre assez imposant pour l'époque, et d'y joindre deux canons plus petits. Un gabarier devait amener cette artillerie jusque sous les murs de Budos en remontant la Garonne, puis le Ciron.

Mais André de Budos, effrayé, céda: il livra son château et donna son fils en otage. Les Bordelais en furent pour leurs préparatifs de siège.

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Le roi d’Angleterre prit alors possession du château de Budos et le concéda au duc de Glocester, vers 1433, puis à François de Montferrand, en 1440.

Après la conquête de la Guyenne, Thibaut, fils d'André de Budos, rentra dans le château de ses pères. Il devint, sous Louis XI, capitaine de deux compagnies, puis maître d’hôtel et chambellan de Charles VIII. Son fils, Jean, se distingua au siège de Perpignan et guerroya en Italie avec François ler. Jacques de Budos, son héritier, se bat en Italie sous Henri II, et Charles IX lui confie le commandement de plusieurs places fortes. Sa fille « la plus belle et la plus accomplie dame de son siècle » épouse le maréchal, puis connétable de Montmorency.

En 1571, Jacques de Budos vendait le château de Budos à Raymond de la Roque pour 30.000 livres.

Pendant les guerres de religion, il fut bien gardé et demeura aux catholiques, mais lors de la Fronde, le sieur de Lasserre, capitaine de cavalerie, dont nous avons déjà parlé en retraçant l'histoire de Langon, et qui bataillait contre les soldats du Parlement, s'empara, en 1652, du château de Budos qu'il saccagea. M. de Balthazar, lieutenant général des armées du Prince de Condé, envoya quelques troupes contre lui qui le firent prisonnier.

Depuis cette époque jusqu'à la Révolution, Budos demeura dans la famille de la Roque, connue dès le commencement du XIVe siècle et qui tirait son nom du bourg de La Roque situé au nord-est de Cadillac. Le dernier baron de Budos avant la Révolution fut Charles Armand de Laroque, qui était aussi baron de Montferrand et, en cette dernière qualité, premier baron de Guyenne. Actuellement le comte de Beauregard est propriétaire du vieux château.

Ce qui reste aujourd'hui de l'ancienne habitation de tant de nobles seigneurs offre au visiteur un aspect bien dévasté, mais rempli de détails du plus haut intérêt. Décrivons-le rapidement.

Le plan du château a la forme d'un vaste quadrilatère flanqué à chaque point cardinal d'une tour, fort élevée, portant les boulins des hourds et percée de meurtrières cruciformes.

Trois de ces tours sont rondes: celle de l'ouest, qui fut un colombier, est Octogonale. Au milieu de la façade sud-est se dresse une autre tour carrée sous laquelle s'ouvre la porte d'entrée. Cet ensemble est bordé, de braies très apparentes, puis d'un large fossé dont les lignes reproduisent celles des remparts.

La plus curieuse partie de cette forteresse est la porte d’entrée, relativement bien conservée.

Tout d'abord, au bord de la grande route, on remarque les murs démolis d'une petite tour carrée, jadis fortifiée, placée à l'extrémité d'une barbacane aujourd'hui disparue. De ce point à la porte d'entrée de la façade sud‑est dont nous parlions à l'instant, s'allongeait un couloir entre deux murs dont il ne reste plus que les fondations. L'axe de ce passage était en oblique par rapport à la façade du château.

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A son extrémité se présentait le fossé que l'on franchissait au moyen d'un pont-levis, remplacé plus tard par le pont de pierre que nous voyons maintenant. De ce pont-levis, il demeure, dans le haut du pied droit de la porte d'entrée, les deux pierres échancrées formant les coussinets sur lesquelles reposaient les tourillons de son tablier.

Le seuil franchi, un assommoir pouvait arrêter l’envahisseur. Des soldats, postés dans un chemin de ronde crénelé qui enveloppe la tour à la hauteur du sommet des courtines assuraient le service de ce moyen de défense. 

Une herse venait ensuite, puis une porte consolidée par des barres qui s'enfonçaient dans des trous, de niveau inégal, creusés dans les murs latéraux. On se trouvait ensuite dans une sorte de vestibule voûté en ogive. 

A droite et à gauche, des meurtrières à ouverture cruciforme et pattée défen­daient les fossés. Tout contre, deux petites portes ogivales permettaient aux hommes de garde de passer sur lesbraies. 

Avant et après ces ouvertures on observe les traces de rainures et de trous carrés, seuls restes des deux dernières portes. Au-dessus de ce rez-de-chaussée s'élèvent trois étages: le premier servait d'arsenal, les deux autres, munis de meurtrières, constituaient des postes retranchés d'utile défense.

Une fois qu'on est rentré dans la cour, la végétation variée qui s'y presse semble vouloir arrêter le visiteur et lui dérober la vue de ces murs délabrés. Malgré tout, écartons branches et ramures et parcourons ce vaste emplacement carré, entouré jadis, en face, à droite et à gauche, des appartements seigneuriaux, comme à Villandraut. 

Une poterne, semblable à celle de ce dernier château, ouvrait sur la façade nord-ouest, un peu reportée vers le nord. Dans l'intérieur de la tour sud, on voit encore les traces des deux étages qui s'élevaient au-dessus du rez-de-chaussée, et sur les murs on remarque un revêtement en plâtre chargé de moulures Louis XV à rinceaux qui semblent un véritable anachronisme dans ce château du XIVe siècle.

Continuant notre route nous nous dirigeons vers le Ciron en passant par Fonbanne et en laissant à droite les restes sans intérêt de l'ancienne maison noble de Margaride.  Fonbanne est célèbre par sa source abondante et limpide, dont le débit est de 350 litres par seconde. Ces eaux sont amenées à Bordeaux, depuis 1887, par un aqueduc de 31 kilomètres de longueur.  

Nous allons maintenant traverser le Ciron sur le pont de la Magdelaine, ainsi nommé d'une petite construction en ruines qu'on découvre tout auprès du Ciron, sous les arbres et dans un coin très pittoresque. C'est une simple enceinte rectangulaire bâtie en belle pierre. On l'appelle la chapelle de la Magdelaine.

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Réalisée le 10  janvier  2002  André Cochet
Mise sur le Web    janvier 2002

Christian Flages