L'ERECTION DE CAZALIS EN COMMUNE.

AU MILIEU DU XIXe SIECLE.

 

par M. Roger TORLOIS.

Extraits.

Cahiers du Bazadais N° 93. 1991.

Les Amis du Bazadais. B.P 34  33430 BAZAS.

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Sommaire: La situation de la section de Cazalis.
Les difficultés entraînées par les distances.
Le problème des communaux.
Des démarches difficiles, multiples et longues.
L'échec des premières tentatives.
Vers la réussite du projet.
Les premières ventes de landes.
Une redistribution des rôles.
Les aliénations des dernières landes communales.
Les formalités décisives.
Les enquêtes.
Conclusion.

 

 

 

 

La récente commémoration du bicentenaire de la Révolution de 1789 a donné l’occasion de rappeler les nombreuses réformes réalisées, à l'époque, par les élus du peuple et, parmi elles, la création des communes administrées par les municipalités.

 Au fil des temps, ce découpage a subi quelques modifications. La Gironde, comme d'autres départements, a ainsi vu disparaître certaines communes, par exemple Caudéran en 1965, d’autres ont fusionné, comme Belin-Beliet en 1974 et quelques-unes ont été créée : Arcachon en 1857.

 C'est à la même époque que le Bazadais a lui aussi bénéficié de la création de deux nouvelles communes : Cazalis détachée de Préchac et Sigalens séparée d'Aillas. 

 

Pour cette dernière, la procédure peut paraître longue puisqu'une première demande formulée en 1841 par les sections de Sigalens, Aillas -Vieux, Glayroux et Monclaris reste sans suite et qu'une nouvelle requête, formulée en 1849, n'aboutit qu'en février I851.

 Pourtant le détachement de ces sections qui souffraient de leur éloignement du chef-lieu de la commune ne semble pas, à partir des documents consultés, avoir entraîné de grandes difficultés. 

Il n'en fut pas de même pour Cazalis, dont les habitants durent faire preuve de beaucoup de patience et de persévérance pour obtenir, en 1857, satisfaction à leurs demandes dont la première datait de 1838. 

 

Pour parvenir au résultat souhaité, ils ont présenté à propos de la situation particulière de Cazalis différents arguments qu méritent d'être rapportés et commentés.

Il conviendra ensuite de reconstituer le "parcours d'obstacles" qu'ils ont eu à accomplir pour mener à bonne fin leur entreprise

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LA SITUATION DE LA SECTION DE CAZALIS.

 

Comme plusieurs autres communes de la plaine landaise, Préchac couvre, avant le détachement de Cazalis, une superficie relativement grande. plus de 10.000 hectares sur laquelle sont situés deux bourgs, Préchac au nord et huit kilomètres vers le sud Cazalis, mais aussi de nombreux hameaux et ferme isolées, certains,  ceux situés au sud de Cazalis, se trouvant à quinze kilomètres du bourg, chef-lieu de la commune. (De nos jours, les communes du sud-bazadais, de Captieux et Saint-Symphorien dépassent 10.000 hectares.)

 

Les difficultés entraînées par les distances.

 

 Ce problème des distances constitue l'argument principal, plusieurs fois repris, des habitants de Cazalis. C'est pour les formalités de l'état civil que les distances représentent une première gêne.

 

Alors, qu'avant la Révolution. Le curé de la paroisse de Cazalis consignait sur les registres paroissiaux baptêmes, mariages et sépultures, depuis le rattachement à la commune de Préchac les habitants de Cazalis et des alentours doivent se rendre à Préchac pour les formalités d'état civil qui sont de la compétence du maire.

La première pétition, de 1838, présente ainsi la situation :

"... éloignée de Préchac de plus d'une grande lieue attachée au bourg de cette commune que par quelques petites chaumières qui se perdent de loin en loin dans une grande lande.   

Comment ? quand on est à des distances si éloignées peut-on obéir à des lois qui nous forcent si souvent de nous transporter à la mairie malgré nos grandes occupations, les mauvais temps et les mauvais chemins ? 

Abattus de trop noirs chagrins nous n'avons plus la force d'aller si loin déclarer celui que nous avons perdu.

Nos enfans quand du sein de leurs mères avons, été forcés de les traîner jusqu'au bourg de Préchac pour les faire enregistrer, ne réservent plus qu'un faible signe de vie pour venir recevoir encore à Cazalis le caractère de chrétien.

Les jours de nos enfants nous sont chers; fidèles observateurs de la religion catholique qui conforte les unions, nous voudrions faire bénir nos mariages dans notre paroisse le jour même qu'ils aient été contractés à la mairie mais comment y parvenir ? Toute une matinée est à peine suffisante pour faire avec une suite le voyage de Préchac…"  

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Si le style ampoulé de ce passage prête à sourire, il est certain que ces obligations administratives constituent une gêne réelle aggravée par le mauvais état des chemins tout aussi réel.

Dix ans plus tard, en 1848, une autre pétition parle de "chemins pleins d'eau, de boue et complètement impraticables dans l'hiver ou plutôt durant six mois de l'année.

Notons aussi dans ce même document cette autre argumentation à propos des mariages : 

 

"les graves inconvénients qu'il y a pour la religion et la morale que les mariages ne puissent jamais se célébrer à l'église le jour qu'ils sont contractés à la mairie car une demi-journée ne suffit point, surtout dans l'hiver pour se rendre à Préchac".

 

 Devons-nous comprendre que de jeunes époux consomment leur union avant la consécration religieuse du lendemain ? Mais peut-être ne faut-il voir là qu'exagération comme il en transparaît à d'autres propos.

 

L'absence d'école à Cazalis et l'impossibilité de faire accomplir quotidiennement plusieurs kilomètres aux enfants pour qu'ils se rendent à celle de Préchac constitue un autre problème réel, plusieurs fois évoqué avec, là encore quelques tournures grandiloquentes : 

 

"ne pouvant exposer leur vie au travers d'une route longue et égarée …. nous sommes obligés de garder nos enfants près de nous avec leurs vices et leur ignorance et de refuser à la société des sujets élevés et capables un jour de servir leur roi et leur patrie;  forcément les enfants doivent rester ignorants et vicieux comme leurs pères.

La religion n'est pas à leur portée, la religion ne peut leur faire sentir sa douce influence". 

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Qui sont ces pères ignorants et vicieux ?

Sans doute pas les 32 signataires de la pétition, tous propriétaires sachant lire et écrire, avec maladresse toutefois pour certains d'entre eux. Il s'agit plutôt des colons qu'ils emploient c'est-à-dire du plus grand nombre. 

Ceci atteste donc l'existence au milieu du XIXe siècle, d'une forte population d'analphabètes dans cette lande bazadaise, nous y reviendrons.

 

Autre question, pourquoi n'y a-t-il pas d'instruction religieuse alors qu'à Cazalis, dotée d'une église et d'un  presbytère, un curé baptise, marie, enterre et dit la messe ? 

Les signataires le jugent-ils inapte à dispenser l'instruction religieuse ou ne s'agit-il pas plutôt argument spécieux cherchant à émouvoir les autorités destinataires ?

Néanmoins l'état civil et l'instruction de la jeunesse constituent des difficultés indéniables. 

Mais, dès 1838, les habitants de Cazalis y ajoutent des griefs à l'égard des habitants de Préchac et des conseillers municipaux estimant que ces derniers emploient les ressources de la commune, ressources auxquelles contribuent les habitants de Cazalis, exclusivement au profit de Préchac : 

"nous aurons donc la triste désolation de voir nos chemins se défoncer et notre église avec son presbytère tomber en ruine tandis que nous nous verrons forcés d'aller porter notre argent et nos peines sur toutes les autres parties de Préchac que nous n'habitons pas".

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Impossible de vérifier ces assertions que l'on peut toutefois considérer comme plausibles. Mais pour faire bonne mesure, une autre lettre adressée au sous-préfet de Bazas le 15 mai 1848 développe d'autres arguments:

 

"l'administration des postes nous refuse une boîte et un facteur et nos lettres n'étant pas même remises à domicile, nous languissons toujours avec nos affaires dans notre recoin de lande.

A-t-on fait annoncer ou afficher au bourg de Préchac quelqu'arrêté ou ordonnance royale ? la distance des lieux nous plonge dans la plus complète ignorance : fréquemment l'hydrophobie répand la terreur dans nos campagnes et nous n'avons jamais été prévenus sur aucune précaution à prendre ?

Nos contrées abandonnées du pouvoir ne servent plus que de refuge aux conscrits déserteurs et de sécurité aux échappés des fers. Les portes de nos maisons sont défoncées par des brigands, sans que nous ayons le temps de recourir à Préchac pour faire saisir les coupables.

Tous les jours nous voyons des étrangers inconnus se répandre dans nos campagnes, feignant les mendiants……"  

Manifestement, les habitants de Cazalis, après l'ajournement de leur première requête, font feu de tout bois. Certes, tout est vrai et cette description traduit bien l'isolement dans lequel vivent alors ces populations de la plaine landaise, mais n'y a-t-il pas quelque exagération à faire de Cazalis un sanctuaire pour les canailles ?

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Le problème des communaux.

 

N'est-il pas exagéré aussi d'écrire : 

 

"notre contrée est la meilleure de tout l'arrondissement. Plût au ciel que les habitants des bords de la rivière eussent les mêmes avantages que nous"?

 

Il s'agit là, bien sûr, de rejeter une objection possible des autorités administratives : la commune que vous voulez créer n'aura pas de ressources suffisantes. 

Prudemment toutefois les pétitionnaires évitent, dans un premier temps, de parler d'un problème majeur : la dévolution des biens communaux en cas de scission entre Préchac et Cazalis. 

Voici pourtant une des raisons profondes de la demande de Cazalis qui, il est bon de le souligner, ne survient néanmoins que quelque cinquante ans après le regroupement des deux paroisses de Préchac et Cazalis en une seule commune. 

S'il est évident que la loi de 1857, en imposant l'assainissement et la mise en valeur des landes, a provoqué la vente d'une part importante des communaux de nombreuses communes girondines et landaises, cette loi n'a fait qu'officialiser une pratique déjà largement répandue. 

De nombreuses communes de la plaine landaise ont en effet vendu une partie de leurs communaux dès la Monarchie de Juillet, quelques-unes même plus tôt.

Il s'agit le plus souvent, dans les débuts, de régulariser les usurpation de parcelles de landes perpétrées par certains habitants et portant sur quelques hectares ou dizaines d'hectares par commune.

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Cependant quand les habitants de Cazalis revendiquent leur "indépendance", des ventes plus importantes ont déjà eu lieu. 

Ainsi, à titre d'exemples, en Gironde, Belin a vendu. en 1836, près de sept cents hectares, dans les Landes, Ychoux a vendu mille hectares en 1835-1836.

Comment ne pas penser alors que la demande de Cazalis est étroitement liée au problème des landes communales que leur première pétition se garde bien cependant d'évoquer ?

 

Il faut d'ailleurs observer que dans les lettres et pétitions de Cazalis figurent uniquement les termes "habitants" ou "propriétaires" alors qu'une pétition de Préchac nous apprend que ce bourg compte "dix-huit marchand et plus de trente autres industries" parmi lesquelles on relève, à la suite des signatures, plusieurs forgerons, charrons, menuisiers, charpentiers, boulangers etc... *

 

Il est donc permis de penser qu'existe une certaine répartition des activités : commerce et artisanat à Préchac, agriculture et donc élevage ovin à Cazalis et dans les écarts. 

Dans ces conditions, ceux de Cazalis ne se considèrent-ils pas détenteurs naturels de tous les parcours liés à leur activité ?

 C'est d'ailleurs ce qui ressort de la première discussion que la demande de la section de Cazalis entraîne au conseil d'arrondissement de Bazas en juillet 1839.

 Le sous-préfet, en soumettant cette question aux membres du conseil, signale " l'opposition la plus vive de la part des habitants de Préchac"  et considère que "la propriété des communaux doit exercer une grande influence sur la solution du débat".

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Un des conseillers estime "qu'il y aurait unanimité dans le voeu de séparation parmi les habitants des villages si la certitude était acquise que les parcours seraient la propriété de la nouvelle circonscription.

Dès que le problème se trouve ainsi soulevé, la section de Cazalis  contre-attaque dans une lettre adressée au préfet le ler août 1839 :

 

"Comment. parce que nous ne pourrons pas justifier notre propriété sur toutes les landes en parcours qui nous avoisinent, il faudra toujours nous laisser  dans cet état d'abandon et de délaissement ? nos droits sur toutes les landes nous rendront-ils plus près de Préchac ?

Il ne s'agit pas ici d'une affaire d'intérêt [ ... ] les habitants de Cazalis et des villages environnants, en se séparant de Préchac, n'emporteront-ils pas avec eux une part proportionnelle à leur population ? La loi ne le leur donne-t-elle pas ?.

 

Incontestablement Cazalis ne revendique pas la totalité des parcours. Ses habitants y avaient-ils précédemment pensé ? Pourquoi, dans ces conditions, vouloir malgré cela, la séparation ?

Une nouvelle lettre du 24 août 1839 apporte une réponse apparemment plausible : 

"Tous les jours nous voyons les habitants de Préchac voter des fonds considérables et reposer leurs espérances toutes nos landes, sans que nous puissions jamais y faire opposition, le conseil municipal de Préchac ayant toujours la majorité des voix en raison du petit nombre l'Electeurs représentant notre contrée.

Voici près de vingt mille francs qui viennent d'être votés ; il faut, au premier moment, faire une somme de trois mille francs. Et où prendra-t-on ces fonds ? 

Nul doute qu'on veuille avoir recours à la vente de quelque portion de nos landes".

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La véritable raison de la demande de séparation n'apparaît-elle pas enfin,  au bout d'un an ? Notons qu'à deux reprises, les auteurs de la lettre écrivent "nos landes". 

Craignent-ils vraiment, comme ils l'expliquent, de voir disparaître ces parcours communaux nécessaires à leur économie agro-pastorale ou au contraire ont-ils peur de ne pas recevoir leur juste part des produits des ventes dont ils parlent ? 

 

Puisqu'ils sont prêts à se satisfaire d'une proportionnelle à leur population c'est que tous les parcours ne sont pas  indispensables à leurs activités et donc leur demande de séparation repose, surtout sur la crainte d'être spoliés s'ils restent unis à Préchac. 

En vérité, eux aussi prévoient sûrement de vendre tout ou partie des biens communaux qui reviendront à Cazalis. Compte tenu de l'importance primordiale du problème des communaux, des intérêts sous-jacents et des suspicions existantes, la création de la commune de Cazalis ne peut finalement intervenir qu'une fois résolue cette délicate question, d'où la longueur de la procédure.

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DES DEMARCHES DIFFICILES, MULTIPLES ET LONGUES.

 

L'échec des premières tentatives.

 

Au départ, la pétition de 1838 dont nous avons cité plusieurs passages,  reçoit un accueil favorable du sous-préfet de Bazas.

Le 31 octobre I838, il écrit au préfet qu'il "ne pense pas que le conseil municipal et les plus imposés croient devoir s'opposer à la réalisation du voeu des pétitionnaires"

Il se préoccupe seulement de la procédure administrative à adopter. L'enquête ordonnée par le préfet n'est pas entièrement favorable mais la société syndicale de Cazalis constituée alors dénonce "les boutefeux, semeurs de discorde" qui, à l'instigation de Préchac ont, d'après elle, faussé les résultats. 

Pour étayer la demande de Cazalis, les rédacteurs de cette lettre informent le sous-préfet que "Monseigneur l'Archevêque de Bordeaux a annoncé[ ... ] que tous les villages que nous avons demandés à la formation de notre commune, Sa Grandeur doit les annexer à la paroisse de Cazalis. 

Avec un tel appui, Cazalis a bon espoir. Espoir déçu cependant lorsque, le 21 Juillet 1839, le conseil d'arrondissement de Bazas, tout en reconnaissant "que la section de Cazalis et les villages dénommés dans la pétition ont un véritable intérêt à être érigés en commune séparée",

 

 subordonne son accord à la preuve 

 

"que les landes en parcours seraient reconnues la propriété de Cazalis ou des villages qui devraient y être adjoints"

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Malgré les nouvelles correspondances adressées par la section de Cazalis en août 1839, le problème ne trouve pas alors de règlement.

 

Lorsqu'approchent, l'année suivante. les réunions du conseil d'arrondissement et du conseil général, Cazalis qui a déjà accepté de ne recevoir qu'une part des landes proportionnelle à sa population, revient à la charge.

 

Les conseils reçoivent un dossier concernant toutes les correspondances de 1838 et 1839 avec une lettre d'accompagnement faisant appel aux "coeurs sensibles et généreux" des conseillers pour obtenir satisfaction aux "justes et pressantes" réclamations de Cazalis.

 

La question est largement débattue pendant la session du conseil d'arrondissement de Bazas du 25 juillet 1840 mais, tout en admettant une fois encore que "l'élection d'une nouvelle commune serait avantageuse sous beaucoup de rapports", le conseil ajourne la demande car le sous-préfet a reçu une pétition

 "dans laquelle les habitants qui savent signer des villages de Préchac à comprendre dans la nouvelle circonscription réclament de la manière la plus énergique contre le projet de séparation"

Un membre du conseil explique ce changement d'attitude par le fait que ces habitants des villages et écarts avaient d'abord cru pouvoir 

 

"entraîner pour la circonscription nouvelle la propriété des communaux de parcours". 

Au mois de septembre 1840, le conseil général se saisit à son tour du dossier.

Le changement d'attitude de la population des écarts prouve, selon lui, 

"que d'autres intérêts que le besoin d'une bonne administration dirigent les démarches"

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 ce qui peut se traduire plus clairement par "certaines convoitises à l'égard des landes". 

Observant que, si les populations de Cazalis et des écarts à rattacher peuvent avec 914 habitants, constituer une commune, la seule section de Cazalis, avec 286 habitants, n'est pas assez peuplée pour être détachée de Préchac.

Considérant aussi que la présence d'un des deux adjoints au maire dans la section de Cazalis doit permettre de remédier à une partie des inconvénients en créant un bureau annexe de l'état civil, le conseil général décide "l'ajournement pur et simple" de la demande.

 

Après cet échec, les habitants de Cazalis abandonnent leurs revendications... jusqu'à la Révolution de 1848 et la proclamation de la République. 

Le sous-préfet de Bazas reçoit alors, en septembre 1848, une nouvelle requête. 

La lettre accompagnant le dossier, signée par dix-sept personnes plus le curé de Cazalis, reprend les motifs déjà présentés : état civil, école, iniquité de l'administration municipale de Préchac, mais ne parle pas des communaux, et espère bien que 

 

"sous un gouvernement populaire et bienfaisant [ ... 1 dont toute la sagesse et l'intelligence tendent à améliorer la position de ceux qui souffrent [ ... ] ils peuvent avec confiance frapper à la porte de la raison et de la justice sans craindre d'échouer comme, auparavant."

 

L'opportunisme dont font preuve les habitants de Cazalis ne leur réussit pas, leur requête n'ayant pas de suite.  

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Vers la réussite du projet.

 

Cependant les intéressés ne se découragent pas et, en juin 1854, le sous-préfet reçoit un nouveau dossier. Les correspondances de 1838 et 1839 y sont accompagnées d'une lettre développant toujours les mêmes arguments et dénonçant

 "un impôt arbitraire pour acquitter des dépenses dont le bourg de Préchac profiterait seul". 

Portant trente-deux signatures, suivies de la mention "propriétaire" pour trente d'entre elles, la lettre ne parle toujours pas des communaux.

 

Cependant ceux-ci ne peuvent être étrangers à celle-là.

 

Les premières ventes de landes.

 

Un arrêté préfectoral du 25 juin 1853 avait en effet autorisé la vente, par concessions directes, pour la somme de 3.609,09 F, de 144 ha 40 a 17 ca de landes à quatorze propriétaires qui les avaient usurpées. 

Cette somme doit couvrir le montant de la dépense relative à la construction d'une mairie et d'une maison d'école. 

Cette vente, même s'il ne s'agit que d'une faible partie des communaux et surtout l'affectation de la recette au profit du bourg de Préchac, n'a-t-elle pas provoqué la nouvelle demande de Cazalis de juin 1854 ?

 

Malheureusement, celle-ci parvenue trop tard (??) n'est pas soumise au conseil général. Y a-t-il un lien entre ce retard administratif et le fait qu'un autre projet de vente de landes communales se prépare aussi à la même époque ? 

Le maire de Préchac, Jean Laforgue, dans une lettre du 7 mai lie étroitement la demande de séparation de Cazalis à cette vente à venir :

 "L'érection en commune de la section de Cazalis peut quant à présent porter un grand préjudice à la commune de Préchac.

Si les habitants de cette petite section persistent avec tant d'insistance à vouloir se faire commune et à enlever à celle de Préchac tous les hameaux qui sont sur la bordure des landes communales, c'est afin d'empêcher la vente de ces landes dont nous poursuivons sans relâche l'aliénation dans le but d'abord, de nous procurer les ressources nécessaires pour faire faire les travaux communaux qui nous sont indispensables et ensuite pour faire cesser cet état de rapacité avec laquelle les habitants de ces localités s'emparent successivement par usurpation de nos landes communales". 

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Le maire demande donc de surseoir à la création de Cazalis jusqu'à la vente, se disant

"convaincu qu'alors les habitants de la section de Cazalis ne voudront plus se séparer de Préchac". 

Cette missive traduit bien la situation conflictuelle existant entre Cazalis et Préchac et la course engagée entre les deux partis : séparation avant la vente ou vente avant la séparation ? 

Le sous-préfet ayant transmis l'affaire au préfet, celui-ci tranche en faveur de "l'avis qu'a exprimé M. le maire de Préchac". 

Le 16 juillet 1855, un arrêté préfectoral autorise la vente de la totalité des communaux restants, répartis en 208 ha 8 a 75 ca vendus par concessions directes pour une somme de 18.979 F, soit 91 F l'hectare, et 516 ha 86 a 85 ca à vendre aux enchères publiques avec une mise à prix de 32.629 F soit 63 F l'hectare. 

Les produits de la vente doivent permettre la construction de deux maisons d'école, d'une mairie et d'un presbytère, la translation et reconstruction de deux cimetières, la réparation de deux presbytères et de deux églises, la création et l'entretien de chemins vicinaux. 

Ces divers travaux, à réaliser le plus souvent en double, montrent que Cazalis doit, comme Préchac, bénéficier d'une partie des sommes recueillies. 

Il faut d'ailleurs observer que les prix des landes varient considérablement : lors des ventes de 1853, l'hectare était payé en moyenne vingt-cinq francs, deux ans plus tard, il vaut de soixante-trois à quatre-vingt-onze francs. 

Cette forte augmentation semble résulter de l'action menée par les autorités préfectorales à la suite des abus commis dans plusieurs communes où les conseillers municipaux, principaux bénéficiaires des ventes, avaient fixé des prix dérisoires. 

La première vente des landes préchacaises constitue très probablement un bon exemple de ces abus.  

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Une redistribution des rôles.

Au moment où le problème des landes communales paraît résolu, un renversement de situation se produit au conseil municipal. 

 

Jean Laforgue, maire depuis 1852, est suspendu par arrêté préfectoral du 11 juin 1855 pour avoir refusé d'exécuter un arrêté relatif aux élections des 2 et 3 juin, arrêté qui prévoyait la mise en place de deux bureaux électoraux, l'un à Préchac, l'autre à Cazalis. 

Le maire a vu là, bien sûr, un premier pas vers la scission. Le maire suspendu, sa révocation demandée à l'Empereur, le sous-préfet de Bazas charge le juge de paix de Villandraut de lui proposer des candidats possibles pour exercer la fonction devenue vacante. 

Ce dernier, dans une correspondance du 2 juillet, explique les difficultés rencontrées :

 "je me suis inutilement adressé à tous les hommes de la commune de Préchac, en dehors de Cazalis, que je sais être ou qui m'ont été désignés comme étant aptes à occuper les fonctions de maire, ils ont tous refusé de la manière la plus absolue". 

Devant ce refus unanime, à l'évidence parti pris en faveur de Jean Laforgue, le juge de paix propose pour les fonctions de maire un habitant de Cazalis, Pierre Martin, nommé par décret impérial du 11 juillet 1855.

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Celui-ci ayant aussitôt transporté les archives municipales et le siège de la municipalité à Cazalis avec le plein assentiment du sous-préfet qui semble avoir apprécié la nouvelle situation.

Voilà qu'à leur tour marchands et artisans du bourg de Préchac adressent, le 23 août 1855, une pétition au préfet. Reprenant les arguments développés dès 1838 par les habitants de Cazalis, ils signalent que Préchac devenue section de Cazalis est à huit kilomètres, ce n'est pas nouveau, sauf pour eux et demande de

 

 "considérer encore le danger qu'il y a pour nos enfants à les porter à huit ou dix kilomètres, au travers de sables brûlants, pour les faire enregistrer à Cazalis". 

Il faut remarquer que par manque d'expérience sans doute, ils parlent seulement de sables brûlants n'ayant pas encore connu les chemins boueux, inondés et impraticables de la mauvaise saison. 

A vrai dire, leur souci essentiel est le coup porté à leurs industries "qui ruine leurs familles". Mais ces arguments ne reçoivent pas d'accueil favorable de la part du préfet qui déclare, le 18 septembre 1855, "qu'il ne peut-être donné aucune suite" à la demande.

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Les aliénations des dernières landes communales.

 

 

Après ces démêlés administratifs, la commune procède à la vente aux enchères publiques des 516 hectares de communaux. Pour une mise à prix de 32.629 F elle obtient 55.471 F, soit un prix moyen appréciable de 107 F l'hectare.

Aussitôt après cette vente, Polidore Faugère, avocat et conseiller municipal du bourg de Préchac, adresse une correspondance au préfet à propos de la cession, par concessions directes, des 208 hectares restants, prévue au prix de 18.979 F. 

Il explique qu'au vu des résultats obtenus à la vente aux enchères, cette estimation est trop basse et il informe le préfet que quelques propriétaires proposent une enchère à vingt-cinq mille francs qui, d'après lui, devrait permettre d'en obtenir trente mille. 

Le sous-préfet. de Bazas, informé, écrit au préfet que, selon lui, cette démarche a pour but de nuire aux premiers soumissionnaires.

Le préfet, prenant néanmoins en compte l'offre faite, annule son arrêté de 1855 et, le 5 février 1856, autorise la vente, cette fois aux enchères publiques, des 208 hectares répartis en 78 lots avec une mise à prix de vingt-cinq mille francs. 

La vente par lots n'ayant pas trouvé suffisamment d'acquéreurs, une deuxième enchère pour la totalité trouve preneur pour 25.020 F - vingt francs de surenchère, en la personne de Jean Lafforgue, propriétaire et négociant au bourg de Préchac.

 L'ancien maire, Jean Laforgue (il figure sur un état avec deux "f") était vétérinaire en 1852. Est-ce lui ou s'agit-il d'un homonyme car il y a trois Jean Laforgue au bourg de Préchac lors de l'enquête du 15 juin 1856.

 

Cet acquéreur agissant pour d'autres personnes, le nombre total d'acheteurs, parmi lesquels ni P. Faugère, ni J. Laforgue ne figurent, s'élève à vingt-huit dont cinq de Préchac, sept de Cazalis, quatorze de divers lieux-dits et deux de communes voisines.  

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Les formalités décisives.

 

Après cette vente survenue en avril 1856, plus rien ne s'oppose à la séparation de Préchac et de Cazalis. Cette dernière a d'ailleurs été érigée en paroisse par l'archevêque de Bordeaux le premier mai 1855, le clergé devançant ainsi le pouvoir politique.

 Cependant les habitants de Préchac vont tenter un combat d'arrière-garde.

 

 

Les enquêtes.

 

Le conseil municipal adresse sans tarder une requête au sous-préfet développant différents arguments entre autres:

"la rivalité de localités donnant lieu à des inimitiés personnelles qui entravent le plus souvent les projets de l'administration".

 Le sous-préfet désireux, semble-t-il, d'aboutir rapidement obtient du préfet un arrêté, le 24 mai 1856, prescrivant des enquêtes à Cazalis et Préchac le 15 juin et l'élection à Cazalis, le 29 juin, d'une commission syndicale composée de dix membres et appelée à délibérer "sur le projet de distraction".

 

Le premier juin un avis du maire paraît dans le journal "le Glaneur" informant les administrés desdites enquêtes.

Cet avis "sera publié huit jours avant, à son de caisse, dans les bourgs de Préchac et de Cazalis, à l'issue des offices religieux du matin et du soir et affiché tant aux principales portes des églises qu'à celle de la mairie".

 

André Dupuy, juge de paix du canton de Villandraut et Jean Dupuy, conseiller général, respectivement commissaires enquêteurs à Préchac et Cazalis, recueillent, le 15 juin, les avis des habitants et obtiennent les résultats suivants :

-au bourg de Préchac:  pour 50  contre 101

-à la section de Cazalis: pour 167  contre  0 

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L'enquêteur de Préchac précise que les cinquante votes "favorables" n'ont lieu qu'à la condition que les quartiers de Souis, Chon et l'Extrème ne seront pas séparés de Préchac" mais observe que sur "trois cents habitants environ que contiennent ces villages, neuf seulement se sont présentés à l'enquête".

Ce qu'il n'est pas en mesure de dire c'est que les habitants de ces écarts favorables à la séparation ont fait connaître leur choix à Cazalis.

Le tableau récapitulatif ci-dessus conduit à diverses constatations :

- l'unanimité des opinions exprimées à Cazalis en faveur de la séparation

- la forte mobilisation de cette section qui a déplacé 117 citoyens sur une population masculine adulte d'environ trois cents personnes alors que le bourg de Préchac qui doit renfermer plus de sept cents hommes adultes avec ses écarts n'obtient qu'une participation de 151 citoyens dont le tiers, malgré les réserves signalées par l'enquêteur, se prononce pour la séparation ;

- une forte abstention globale : trois citoyens sur quatre n'ont pas pris part à la consultation.

 

Au vu des opinions exprimées les enquêteurs se prononcent en faveur de l'érection de Cazalis en commune.

Mais les procès-verbaux dressés par les enquêteurs donnent aussi d'intéressantes informations sur les professions exercées et le niveau d'instruction de la population masculine adulte et permettent ainsi non seulement de mieux connaître les habitants mais aussi de comprendre les choix.

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La liste des professions des hommes adultes ayant participé à la consultation confirme l'hypothèse que nous avions émise en étudiant les problèmes des communaux quant à la répartition des activités.

 

Artisanat et commerce sont quasi-inexistants à Cazalis. Cette liste montre aussi une disproportion considérable pour la participation des métayers à la consultation : dix à Préchac contre quarante-huit à Cazalis.

 

Peut-être faut-il ajouter aux dix métayers de Préchac les 23 cultivateurs, terme assez ambigu. Même dans cette hypothèse, compte tenu des populations estimées de part et d'autre, la mobilisation des métayers est plus forte à Cazalis.

 

Les propriétaires de Cazalis ont-ils fait pression sur leurs métayers ? Possible, probable même mais ces 48 métayers approuvant la séparation ne dépendent pas tous de propriétaires de Cazalis.

 

Ne faut-il donc pas voir là, plutôt, le désir de manifester une certaine indépendance "politique" faute de pouvoir en jouir sur le plan économique ?

 

Le relatif équilibre observé pour les propriétaires, 50 pour Préchac, 46 pour Cazalis, penche aussi en faveur de Cazalis compte tenu du nombre d'habitants et de la superficie de la section (environ le tiers de la commune à diviser).

 

Mais comment ne pas remarquer la très forte participation des propriétaires : plus d'un tiers des participants L'abstention a dû être chez eux beaucoup plus faible.

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Pour le niveau d'instruction, les faits doivent être interprétés à deux niveaux et avec prudence : 37,45 % des hommes adultes ayant participé à la consultation ont su signer mais au bourg de Préchac le pourcentage atteint 47 %, à Cazalis 24 % seulement. 

Les griefs formulés par les habitants de Cazalis à propos de l'instruction de leurs enfants trouvent là leur justification et, compte tenu de la forte participation, ces 24 % paraissent bien refléter une réalité. 

Peut-on tenir le même raisonnement pour Préchac ? Une plus forte participation n'aurait-elle pas accru la part des analphabètes ? C'est probable mais la présence au bourg de Préchac d'artisans et commerçants milite en faveur d'un meilleur niveau d'instruction. 

Globalement, cependant, ce pourcentage de 37,45 % traduit une situation préoccupante même s'il est permis de penser que le cas de Préchac n'a rien d'extraordinaire parmi les communes de la plaine landaise.  

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Les dernières formalités et escarmouches.

 

 

 

Le 9 juillet 1856, la commission syndicale de Cazalis se réunit pour prendre acte des résultats positifs des enquêtes et "adhérer à l'unanimité à la séparation projetée". 

Elle émet également l'avis que" tous les fonds votés jusqu'à ce jour par le conseil municipal ne changent pas de destination" 

mais considère aussi que Cazalis devra 

"emporter avec elle une part proportionnelle au nombre de ses habitants" 

des produits de la vente des landes qui vient d'avoir lieu, sommes à consacrer à la remise en état et à la création de voies de communication. 

Le problème majeur de l'isolement réapparaît ainsi au travers de ces prévisions de dépenses ! Le 12 juillet, le maire établit un tableau de renseignements opérant la répartition entre les deux localités dont sont extraites les données suivantes

 

Préchac: 6.331 ha 03 a 10 ca. 2.160 Habitants 7.743,30 F de revenus

Préchac: 4.662 ha 20 a 00 ca.   864  Habitants 2.971,30 F de revenus

 

Le 26 juillet, après que deux séances du conseil n'aient pu avoir lieu les 9 et 23 juillet, faute de quorum, les membres présents à cette troisième réunion seulement sept conseillers sur vingt-et-un, dont un seul du bourg de Préchac et tous ceux de Cazalis, plus douze habitants des plus imposés décident  "que la séparation de Cazalis et l'érection en commune de cette section est juste et  nécessaire."

Deux lettres quasi identiques adressées au préfet, l'une du 3 août, signée de dix conseillers municipaux dont neuf n'ont pas participé au conseil du 26, l'autre, datée du 11 août, signée par l'avocat et conseiller municipal Faugère déjà signataire de la précédente, contestent la validité de la réunion et la décision du conseil du 26 juillet. 

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Ces conseillers reprochent au maire de ne pas avoir respecté les délais en convoquant le conseil à trois reprises sans ménager l'intervalle de huit jours prévu par les textes, alors que le maire avait obtenu une dispense du sous-préfet. 

Mais il s'agit d'un combat d'arrière-garde désespéré car, dès le 30 juillet, le conseil d'arrondissement de Bazas a approuvé la décision du conseil municipal et, le 2 août transmettant le dossier de l'affaire, le sous-préfet de Bazas émet lui aussi 

"l'avis qu'il y a lieu de prononcer la séparation de la section de Cazalis de la commune de Préchac".

 

Le 29 août 1856, le conseil général à son tour donne un avis favorable. Indéniablement les autorités administratives ont voulu régler cette affaire, parce qu'elle n'avait que trop duré ou parce qu'il fallait rapidement procéder au partage des fonds tirés de l'aliénation des landes avant que de nouvelles dissensions n'apparaissent à propos de leur emploi.

 

Ce problème préoccupe en effet le sous-préfet qui l'expose au préfet dans une lettre du 8 septembre 1856 : "[ces landes] dont les sections ont conservé l'usage presqu'exclusif [ ... ] sont néanmoins devenues propriété de la commune [ ... 1 le produit [de la vente] en est généralement employé au profit du chef-lieu [ ... ] Ne paraîtrait-il pas équitable [ ... ] que le produit en fût affecté de préférence à des améliorations profitables à cette section ? "

 

Certes le sous-préfet ne cite aucune commune mais comment ne pas penser qu"il se préoccupe plus particulièrement de la situation de Préchac où un conflit entre le bourg et une section vient de conduire à cette scission approuvée par toutes les autorités locales ? 

Le préfet donne une réponse affirmative. disant que si des erreurs ont pu être commises c'est à l'administration d'éviter qu'elles ne se reproduisent.

 

Il faut cependant attendre jusqu'au 20 juin 1857 pour que "Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français" donne officiellement naissance à la commune de Cazalis... dix-neuf ans après la première pétition ! 

Le 14 août suivant, Pierre Martin, maire de Préchac depuis 1855, devient maire de Cazalis ; son premier adjoint avant la séparation, Joseph Espaignet, notaire, le remplace à la tête de la municipalité de Préchac.  

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CONCLUSION.

Cette étude est née de la découverte, un peu par hasard, de la pétition de 1838 intéressante, au premier abord, par la description de quelques faits bien réels et bien contraignants de la lande bazadaise du milieu du XIXe Siècle. 

Mais comment la curiosité n'aurait-elle pas conduit à rechercher quand et comment les requérants avaient obtenu gain de cause ?

Les autres documents ainsi consultés ont alors permis de mieux appréhender les réalités, les intérêts, les mentalités de l'époque, même si le tableau ainsi dressé reste incomplet. 

Lorsque se manifestent les premières prétentions de Cazalis, il apparaît que coexistent dans la commune de Préchac deux communautés dont les relations se détériorent : les ruraux de Cazalis et des écarts alentour et les habitants du bourg, artisans et commerçants plus instruits et peut-être plus fortunés. 

Ils ont besoin les uns des autres et ont sans doute vécu  longtemps en assez bonne harmonie. Mais voilà que partout dans la lande ces sables brûlants l'été, marécageux l'hiver, jusque-là juste bons au parcours des troupeaux de moutons, retiennent l'attention de certains qui pensent pouvoir les mettre plus efficacement en valeur. 

Alors surviennent les dissensions : les utilisateurs des parcours veulent conserver leur "outil de travail" quitte à le monnayer à leur profit par la suite, les habitants aisés du bourg voient là l'occasion de réaliser de fructueux placements.

 Le devenir des landes communales devient ainsi un problème majeur source de différends mais, comme dans d'autres communes de la plaine landaise, il n'est pas facile de trancher entre propriété et droit d'usage.

 

Ceci peut expliquer que, dans un premier temps, l'administration, arrondissement et département, ait  préféré ajourner les demandes de séparation formulées par Cazalis. 

Mais au début du Second Empire, avant même la loi de 1857, l'appropriation des landes communales provoque des ventes à prix bradés, bien souvent au profit des notables locaux et les autorités administratives doivent intervenir pour mettre fin aux abus, d'où cette accélération dans le traitement de" l'affaire Cazalis" que le changement de maire à Préchac, en 1855, a sans aucun doute facilité. 

Les habitants de la commune, réduite, de Préchac ont certainement mal vécu cette amputation alors que, déjà, ils n'admettaient pas que Villandraut, commune de 910 habitants en 1856, soit chef-lieu de canton alors que Préchac, avec 3.028 habitants, était, de loin, la plus importante commune.

Mais Cazalis, excepté son indépendance, a-t-elle réellement gagné ? 

A la fin du siècle, Préchac n'avait plus de 1.841 habitants contre 2.160 à la séparation, soit une diminution de 15 % et Cazalis était passée de 864 à 677 habitants soit une perte de 22 %, début d'un dépeuplement qui, au XXe siècle, a sévi plus encore, là comme dans la quasi-totalité de la plaine landaise, en frappant davantage cependant Cazalis que Préchac.

 

   

Roger TORLOIS.

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Réalisée le 3 février 2003  André Cochet
Mise sur le Web le  3 février 2003

Christian Flages

Mise à jour le 

                 

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