De l'AMPHORE à la BARRIQUE.

 

 

  Par M. Frédéric BERTHAULT.
  Ingénieur au Service Régional d'Archéologie de Bordeaux.

 

Auteur de l'ouvrage: 

Aux Origines du Vignoble Bordelais.
Il y a 2.000 ans, le vin à Bordeaux.

Editions Feret.

Conférence du 15 mai 2003 à Bommes. 33210.

 

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Amphore de type Aquitain
 produite à Bordeaux.

  Les amphores.

 

Je vais donc vous parler des amphores puisque le titre est "des amphores à la barrique" Comment le vin est arrivé ici à bordeaux, c'est le sujet qui va être abordé ce soir.

 

D'abord l'amphore puisque nous en parlons demande une définition, l'amphore est un conteneur purement méditerranéen c'est une création méditerranéenne.  

C'est un conteneur qui perdure encore aujourd'hui, on l'appelle jarre. C'est en fait une amphore qui sert toujours pour le commerce, pour le transport beaucoup plus limité aujourd'hui, pour le transport local, donc et pour la conservation des produits.

 

 

Ces premières amphores, dont je vous présente la photo, ont été trouvées à Ougarit, en Phénicie, et datent du 18ème siècle avant notre ère. C'était tout simplement une cave qui s'est effondrée. On a retrouvé toutes les amphores rangées dans cet état.

 

Là, sur ce cliché, nous sommes au 14ème siècle avant notre ère, c'est un bas-relief de

 

 l'époque de RAMSES II. Le texte hiéroglyphique nous indique qu'étant vainqueur sur la Syrie, il remporte en Egypte du butin, et en particulier des amphores.

 

Des Amphores qui vont bientôt être adoptées par les Egyptiens.

 

L'amphore arrive ensuite en Grèce; on trouve des amphores phéniciennes dans des tombes mycéniennes. C'est en Grèce qu'elle prend le nom d'amphore.  

Son nom vient en effet du grec amphiphoreos.Qui se porte des deux côtés à l'aide de deux anses. Il est devenu amphora chez les Romains et amphore en Français.

 

Voici la filiation du mot, telle qu'elle nous est arrivée.

 

Sa définition : c'est un conteneur qui sert au transport à longue distance et qui se porte à l'aide de deux anses.

 

C'est la différence avec la cruche qui sert uniquement au transport local, qui est plus légère mais peut aussi posséder deux anses.  

Amphore à vin.
Italique.

 

Voici sur cette image, l'amphore romaine; il en existe plusieurs types. Elle présentent  toutes les formes imaginables; vous avez des formes rondes, des formes cylindriques, des formes plus ou moins fuselées mais chacune de ces amphores, et c'est cela qui est intéressant, a une forme bien particulière, et simplement à voir la forme de chaque amphore, on sait à quoi elle a servi et ce qu'elle a contenu.

 

Pourquoi sait-on ce qu'elle a contenu ? On le sait parce qu'il y a des inscriptions peintes sur certaines, qui nous le révèlent.  

Elles contenaient toutes sortes de produits : du vin, de l'huile, des sauces de poissons.

On sait aussi d'où elles viennent, le nom du vendeur. On connaît le poids de l'amphore à vide, celui de l'Amphore pleine, ce qui permet de savoir le poids du contenu; car on ne mesurait pas en volume mais en poids.

 

Ainsi, même si on retrouve aujourd'hui une amphore sans inscription, selon sa forme on peut déterminer son contenu, huile, vin et sa région d'origine.

 

La forme des amphores à vin étant particulière on s'est aussi aperçu que ces amphores à vin étaient généralement poissées ce qui les distingue aussi des amphores à huile qui n'étaient pas poissées. (Nous reviendrons plus tard sur ce problème de la poix associée au vin).

 

Les amphores c'est de la terre cuite et le grand avantage de la céramique c'est que 2.000 ans après, elle s'est très bien conservée, même 3.800 ans après, comme celles du 18ème siècle avant notre ère.

 

Comme elle se conserve bien, c'est ce qui nous permet d'avoir des traces, de savoir quels étaient les types de commerces, en qu'elles proportions les uns par rapport aux autres et d'où venaient les amphores.

On peut comparer les proportions. Ces proportions nous permettent de savoir s'il y avait plus de vins Grecs, plus de vins Italiens, plus de vins Espagnols a un moment donné et l'on suit ces évolutions. On suit donc l'évolution du commerce.

 

C'est vrai que c'est un outil extraordinaire, les formes et les types évoluent dans le temps et c'est un bon fossile directeur pour dater, très appréciable pour un archéologue.

 

En revanche, voilà son problème, c'est qu'elle est lourde, une amphore d'un mètre, un mètre 15, pèse 20 à 25 kg et va faire pleine 40 à 45 kg.

 

On s'est souvent posé la question du pied; ce pied pointu qui fait que finalement elle ne tient pas debout seule, sans être appuyée ou supportée par quelque chose; ce qui pose un problème. Il ne faut pas considérer ce "pied" comme un vrai pied, car elle n'arrive pas, comme on l'a dit, à tenir debout, mais il faut prendre cela comme un moyen de préhension.  

Il faut s'imaginer avoir 50 kg à vider, ce "pied" devient alors la troisième anse qui vous permet de basculer cette amphore.  

C'est l'hypothèse que l'on fait actuellement, car les archéologues se sont longtemps posés la question : pourquoi ce pied ? Un pied pointu ?

 

Et d'ailleurs, à Pompéi, les amphores retrouvées sont posées les unes contre les autres parce que justement on ne sait pas comment les faire tenir debout. Ce n'est vraiment pas pratique. Le côté pratique, en revanche, c'était pour pouvoir les vider, d'avoir ce pied pointu qui permettait la préhension.

 

  Les amphores de la péninsule Italienne.

 

 

Nous sommes à Bordeaux à la fin du 2ème siècle avant notre ère, nous sommes à Bordeaux vers 125 avant notre ère. C'est la première fois que l'on en voit à Bordeaux et en Gironde car quand je dis Bordeaux c'est de toute la Gironde dont il s'agit.

 

On en a trouvé en grand nombre à Mouliets-et-Villemartin dans l'Entre deux mers, ce sont des amphores que l'on appelle "Dressel 1 a".  

(A ce propos, il faut savoir que les amphores portent des noms. La tradition veut qu'on leur donne le nom du savant qui les a étudiées. Le premier savant à avoir étudié les amphores s'appelait Henrich Dressel, c'est un Allemand qui travaillait à Rome. Il a fait la 1ère  classification dans laquelle il a distingué 44 formes différentes, du n° 1 au n° 44.  

D'autres personnes ont ensuite précisé les différences, ou gommées certaines. L'amphore présentée est donc une amphore classée "Dressel 2/4".

Ne soyez donc pas étonné quand je donne un nom à des amphores c'est une tradition qu'on leur donne un nom).

 

 

Donc en -125 de notre ère, que voit-t-on arriver à Bordeaux et en Gironde d'une façon générale ? On voit arriver ce type d'amphore, 1 mètre de haut, d'un poids de 20 kg à vide, d'une contenance de 20 litres, et donc d'un poids de 40 kg pleine. C'est assez lourd et le rapport poids total/quantité transportée n'est pas très favorable.

 

En -100 de notre ère, au tournant du premier et du deuxième siècle, arrive à ce moment là cet autre type d'amphores la "Dressel 1 b" d'une plus grande capacité et surtout en plus grand nombre. On est donc passé d'un petit commerce avec les "Dressel 1 a", à un grand commerce avec les "Dressel 1 b".  

C'est le moment où les Romains ont conquis la Narbonnaise et ont fait de Toulouse, alors que la Gaule est encore indépendante, leur place avancée.  

A ce moment là, avec les basses vallées de la Garonne et de la Dordogne, ils développent un commerce très important qui fait que nous sommes complètement envahis par ces amphores et notamment à Bordeaux où on en trouve de grandes quantités. Dernièrement encore, les travaux du Tramway de Bordeaux en ont encore mis au jour énormément.

 

Ces amphores arrivent donc en très grand nombre au tournant du 2ème siècle mais cessent de nous parvenir ou parviennent en moins grand nombre à partir de la conquête de la Gaule.

 

On a cru très longtemps que c'était la conquête romaine qui avait développé le commerce entre l'Italie et la Gaule; en fait non, le commerce entre l'Italie et la Gaule a commencé bien avant. Il a commencé dès le 2ème siècle quand les "Negotiatores", c'est-à-dire les marchands romains, ont eu des têtes de pont comme Toulouse pour pouvoir faire leur commerce.

 

On s'est alors posé la question de savoir ce qu'échangeaient alors les Gaulois contre ces produits ?

Nous avons différentes hypothèses qui se concrétisent, différents éléments de réponse.

 

D'abord on sait que les Romains avaient, dans le Sud-Ouest, un regard sur les mines. Tout autour de Toulouse, dans les Pyrénées, ils y avaient des mines qui produisaient pas mal et qui intéressaient beaucoup les Romains.

 

D'ailleurs on a retrouvé dans certaines de ces mines ce type d'amphore. Je ne pense pas que c'était les esclaves qui avaient droit au vin mais cela prouve qu'il y avait des relations commerciales avec les mines et que le vin pouvait être échangé contre du métal.

 

Par ailleurs, l'historien Diodore de Sicile nous rapporte que les Gaulois avaient une grande attirance pour le vin; qu'ils le buvaient pur, ce qui semble tout à fait anormal pour un Grec ou un Romain qui buvait le vin coupé d'eau (ils ne buvaient pas de vin pur).

Vase à boire gaulois.

 

Nos Gaulois buvaient du vin pur et en plus ils s'enivraient. Ils aimaient tellement le vin, et c'est là que c'est important , ils allaient jusqu'à échanger un esclave contre une amphore nous précise l'auteur, si bien que, conclut-il, lorsqu'il avaient du vin, ils n'avaient plus personne pour le servir. 

 

Ce qui semble parfaitement aberrant pour un "civilisé", un Romain, de l'époque.

 

Cela semble donc être un troc où le Gaulois se fait rouler. Mais cela montre que c'est contre des esclaves que les marchands Romains échangeaient leur vin pour les revendre ensuite à d'autres Romains.

 

Les esclaves étaient des prisonniers faits au cours des combats entre tribus gauloises. (Toutes proportions gardées c'est ce que faisaient les Bordelais à l'époque du commerce triangulaire avec l'Afrique au XVIIIème siècle, quand ils allaient échanger en Afrique, auprès des petits rois nègres, des esclaves contre de la pacotille; esclaves revendus ensuite aux Antilles).

 

 

Les Romains échangeaient ces Gaulois, faits prisonniers par d'autres Gaulois dans une tribu voisine, quitte ensuite, 30 km plus loin, à acheter auprès d'autres chefs, d'autres esclaves faits prisonniers dans la tribu précédente.

 

Mais à partir du moment où les Romains ont conquis la Gaule, ces échanges ont cessé parce qu'on ne peut plus tolérer dans un Empire pacifié des combats entre populations voisines mais qui appartiennent à la même entité politique.  

Plus de combat, plus de prisonniers, plus d'esclaves et donc plus d'échanges avantageux.

 

Et à partir de cette époque, on s'aperçoit que les amphores à vin d'Italie se déplacent et se retrouvent sur les frontières allemandes puisque la Germanie est encore indépendante et que les échanges de vin contre des esclaves pouvaient encore s'opérer.

 

 

 

Les amphores Espagnoles.

 

 

 

Amphore 
Rodhienne

 

 

A partir de 40 avant notre ère apparition de nouvelles amphores; et à Bordeaux, aujourd'hui, on ne peut plus faire un trou sans trouver ces amphores dites amphores Pascual 1 (du nom de Ricardo Pascual Guasch qui les a identifiées). Ce sont des amphores à vins catalanes espagnoles.

 

Elles ont remplacé les amphores italiques quand les Romains ont laissé le marché libre pour s'installer à la frontière allemande. Et ce sont les Espagnols qui se sont emparé du marché (dans un rapport d'échange moins intéressant qu'auparavant) pour approvisionner les Gaulois sur le marché du vin.

 

Les Italiens continuent quand même a fournir du vin, en plus petite quantité, mais les formes d'amphores italiennes évoluent, c'est un changement de type. 

 

En fait ces amphores sont des imitations d'amphores grecques, elles imitent les amphores à vin grecques. C'est-à-dire que maintenant que le marché du vin de masse est pratiquement monopolisé par les Espagnols (les Catalans) qui fournissent un vin de moindre qualité, les Italiens vont importer au contraire du vin de qualité et le présenter dans des amphores de type grec pour bien montrer que c'est du vin de qualité (car le vin grec était considéré comme étant de qualité). 

 

Les Italiens cherchent par ce biais à garder le marché du bon vin, alors qu'ils ont abandonné le marché du vin de masse.

 

(Comme on le voit, la forme des amphores est importante et renseigne l'acheteur sur le produit conservé à l'intérieur. Par comparaison, aujourd'hui, si l'on prend une bouteille de Champagne, une bouteille de Bordeaux, une bouteille de vin d'Alsace, la seule forme de la bouteille permet de connaître la provenance du contenu. Pour les Amphores c'était pareil, à l'époque.  

Rien qu'à la forme on savait que c'était un vin qui venait de telle région, ou qui avait une qualité identique; et il n'y avait que ces vins là qui pouvaient s'opposer aux vins Espagnols de masse qui nous ont envahi après le départ des Italiens.

 

Mais comme ces vins italiens sont de meilleur qualité qu'avant, ils sont plus chers et l'on ne retrouve que peu d'amphores les ayant transportés.

 

Cela dit, on reçoit également du vin de la côte Adriatique, la côte Est de l'Italie, vin que les Romains exportaient aussi vers la Grèce, on a retrouvé ces mêmes amphores en construisant le métro d'Athènes et à Bordeaux en construisant le tramway. On commence à recevoir également du vin du Sud-est de la Gaule ou de la région de Narbonne.  

 

  La constitution d'un vignoble local.

 

En 40 de notre ère on constate une baisse, même, de ces amphores espagnoles remplacées par d'autres amphores espagnoles d'un autre type, lui aussi imité d'un type grec, mais lui aussi en moindre quantité.

 

Est-ce que nos Bordelais cessent de boire ? C'est peu probable ! On s'est donc posé la question, pourquoi à partir de 40, il y a-t-il une baisse des importations.

 

Dans ce nouveau type d'amphore espagnole, c'est un vin de qualité que les Espagnols et les Catalans nous envoient maintenant, alors où est la différence. C'est là que l'idée s'est faite que cela pouvait être tout simplement la traduction que le vignoble bordelais et girondin commençait à se développer et qu'il fournissait un produit qui remplaçait peu à peu les produits d'importation de masse qui, donc, arrivait de moins en moins.

 

C'est dans les années 50 que l'on a retrouvé dans les niveaux de l'îlot St Christoly des ceps de vigne.

On en a trouvé comme cela 5, plantés et bien alignés. On ne peut pas savoir s'ils étaient cultivés pour la production de vin ou simplement pour les fruits.

 

En attendant, la vigne est présente à Bordeaux dès 45 de notre ère. Un peu avant même certainement.

 

Autre élément, dans les mêmes niveaux, autour de 40/50 que trouve-t-on ? Tous ces petits gobelets à boire. Ils pouvaient certes servir à boire autre chose que du vin, mais enfin leur nombre se développe à ce moment là.  

Toujours à la même époque apparaissent des cruches et comme par hasard toutes ces cruches sont poissées, donc ce sont des cruches qui ont servi à transporter du vin.  

Il y a ainsi tout un service du vin dont on retrouve aujourd'hui la trace qui apparaît. Donc le vin n'a pas disparu mais les amphores, tout au moins un grand nombre d'amphores, a disparu.

 

La conclusion est évidente c'est qu'à partir de 40 de notre ère nous faisons notre propre vin et nous n'avons plus besoin du vin de masse des autres.

 

Mais le transport se fait soit à l'aide de cruches, soit, il faut bien le supposer, à l'aide de tonneaux qui n'ont pas laissé de traces archéologiques.

 

Autour de 50/60/70 , on voit des amphores apparaître à Bordeaux, mais ces amphores présentent la même pâte, la même forme que les cruches précédentes. Elles sont produites localement. Je les ai faites analyser.

 

 

Nous avons donc la preuve que les Bordelais et ceux des alentours ont fabriqué leurs propres amphores. Et s'ils ont fabriqué leurs propres amphores c'est qu'effectivement ils avaient bien un produit à transporter.

 

Nous sommes, entre 65 et 75, dans un puits retrouvé place de la République à Bordeaux, lorsqu'ils ont fait le parking. Cette amphore est pratiquement entière. Les analyses montre qu'elle a été fabriquée à Bordeaux.

Or ce type d'amphore est totalement inconnu auparavant, aucune ressemblance avec celles que je vous ai montrées précédemment.

 

En fait nos Bordelais ont créé leur propre emballage, leur bouteille de Bordeaux et, encore une fois, pour se démarquer des Italiens, pour se démarquer des Espagnols, ils ont créé leur propre forme. Vous êtes devant la première bouteille de Bordeaux. La Première amphore de Bordeaux.  

De manière à ce que l'acheteur sache que ça, attention, ce n'est plus n'importe quoi, n'importe quel produit, mais un produit de qualité, propre à la région.  

 

 

 

Les premières amphores bordelaises étaient des amphores d'imitation, elles imitaient les amphores des autres. Les Bordelais essayaient d'écouler leur production en cachette en la faisant passer pour une autre. 

 

Mais le jour où ils ont atteint une certaine qualité, ils ont produit ce type d'amphore pour, au contraire, se démarquer des autres produits.

 

Et cette période correspond à celle de deux textes d'auteurs latins que nous possédons. 

 

Un texte de Columelle et un texte de Pline l'Ancien qui disent que les "Bituriques Vivisques" de Bordeaux ont réussi à acclimater dans un pays océanique qui ne connaissait pas la vigne auparavant, un plant, la Biturica, (d'autres l'appellent la Biturigiaca) qui donne un vin de garde, un vin fort; un cépage qui passe rapidement la fleur, donc qui évite le retour de la gelée, donc un plant qui s'est très bien acclimaté.  

Et ces textes, comme on l'a dit, correspondent au moment où l'on voit ces amphores apparaître. Bref, vingt ans avant on commence à voir des ceps, puis apparaissent des vases à boire et maintenant nous sommes devant une amphore particulière, originale, qui montre le triomphe du vin à Bordeaux.

 

Et ce triomphe va se concrétiser, ces amphores, j'en ai retrouvé dans l'Agenais (ce n'est pas très loin) mais j'en ai retrouvé aussi à Angers, et j'en cherche à Rome, maintenant.

 

Analysées, nous sommes sûr que ce sont des productions Bordelaises. Ce ne sont pas simplement des propositions sur la forme, que j'ai faites : les analyses confirment que sur six exemplaires supposés contenir du vin de Bordeaux, quatre ont effectivement été fabriquées à Bordeaux.

 

 

Ledéveloppement de la barrique.

 

Mais il y a le revers de la médaille.  

Nos Bordelais et nos Gaulois, d'une façon générale, ont réussi à imposer leur vin et imposer leur vin à Rome (puisque que l'on constate dans les couches archéologiques du port de Rome à Ostie, datées des années 70 que ce sont les amphores gauloises qui sont les plus nombreuses).  

Les Gaulois d'importateurs sont devenus exportateurs. Mais cette position dominante ne les obligeait plus à utiliser l'amphore pour leur vin et on suppose qu'ensuite ils sont revenus à leur conteneur traditionnel c'est-à-dire le tonneau et qu'ils ont abandonné l'amphore conteneur de tradition méditerranéenne.

 

Pourquoi reprendre le tonneau ? Parce que le rapport poids/contenant est en faveur du tonneau. Il est plus léger, mais aussi beaucoup plus maniable. 

 

Il y a encore quelques années on faisait des courses de barriques dans Bordeaux. Il suffit de la faire pivoter, elle avance en tournant. Une barrique vous pouvez aussi la pousser avec le pied, la faire rouler; ce que vous ne pouvez pas faire avec une amphore. Une barrique en bois supporte beaucoup mieux les chocs qu'une terre cuite qui se casse, d'où la nécessité de faire les amphores si épaisses, donc très lourdes.

 

Donc le tonneau était vraiment le conteneur qui devait triompher et qui a triomphé.

 

Et alors qu'elle preuve en avez-vous, allez-vous me demander ?  

Des preuves écrites d'abord; alors que les bateaux étaient auparavant, jaugé en amphores, à partir du Bas empire, au IIIe siècle, les bateaux sont jaugés en tonneaux (ils sont d'ailleurs encore jaugés en tonneaux).  

Les textes juridiques romains ne parlent plus de l'amphora mais de la cupa (barrique en latin)

 

 

Conclusion.

 

Donc en résumé voici l'arrivée des amphores Italiques Dressel 1a en –125, qui laissent ensuite la place à leurs sœurs cadettes Dressel 1b beaucoup plus grandes qui laissent elles-mêmes la place vers -40 aux amphores catalanes, Pascual1.  

Vers 40 de notre ère ces amphores espagnoles changent de formes, imitent les formes grecques.  

Autour de 50 apparaissent des amphores fabriquées à Bordeaux mais qui imitent des formes qui existent déjà.  

Enfin, vers 65-70, nous trouvons les amphores d'Aquitaine (je dis d'Aquitaine puisqu'il n'y a pas qu'à Bordeaux qu'on en fabrique) qui ont une forme originale et qui représentent les productions de vin local, vanté pour ses qualités par les auteurs anciens.

 

Ces premières amphores on bien été faites à Bordeaux mais malheureusement nous n'avons pas retrouvé les ateliers qui les fabriquaient. D'après les analyses, ils pouvaient se situer autour de la rue Porte Dijeaux, compte tenu de la nature de l'argile utilisée.

 

Les retrouvera-t-on un jour ? Les travaux du XVIIIe siècle à Bordeaux les ont peut-être détruits à jamais.

 

A partir de 140 / 150 vous n'avez plus à Bordeaux d'amphores à vin, c'est fini, il n'y en a plus, elles ont disparu. Ou bien le vin a complètement disparu, lui aussi (ceci semble peu probable) ou alors nos amphores ont été remplacées par d'autres conteneurs plus pratiques. 

 

Ce qui nous fait dire que la barrique a, à partir de cette date, complètement remplacé l'amphore.

 

Pour conforter cette hypothèse de la continuité de la vigne et du vin, malgré la disparition des amphores, je vais vous montrer les traces d'une installation viticole antique.

 

Dans le sud-est de la France, nous sommes en pays méditerranéen, nous sommes ici, sur cette photo, dans un chai, pas de problème, ils sont de tradition méditerranéenne, ils ont de gros vases céramiques

Dans leur chai, ils ont leur stockage pour conserver leur vin.

 

Nous malheureusement que nous reste-t-il ?  

A Cénac, dans l'Entre deux mers, nous avons ce qui reste d'un pressoir et d'une cuve de recueil du moût, voilà donc bien la preuve que l'on continuait à faire du vin puisque nous avons l'établissement viticole. 

 

Et nous avons là un grand bâtiment tout en longueur. On peut supposer que c'est le chai. Malheureusement, nous n'avons pas, comme nos collègues du Sud-est, d'emplacement marqués au sol où l'on pourrait retrouver les barriques qui ont vraisemblablement disparu puisque le bois ne s'est pas conservé, au contraire de leurs vases céramiques

 

 

Stèle funéraire.

 

Nous avons aussi une autre preuve que la production de vin continue avec l'existence d'une stèle funéraire qui représente un tonnelier. Nous sommes un peu plus tard, au IIIe siècle.

 

 Cet artisan est fier de sa réussite et de son habileté et demande à figurer dans son habit de tonnelier avec ses outils et près d'un tonneau sur la stèle funéraire qui surmontera son tombeau.

 

Nous avons là, avec les vestiges d'un établissement viticole, et surtout la stèle d'un tonnelier, des preuves directes, puisque jusqu'à présent nous n'avions que des preuves par défaut (disparition des amphores), des preuves indirectes; nous avons là une preuve directe donc que la culture de la vigne s'est toujours poursuivie et que nous sommes bien passés de l'amphore à la barrique, que la barrique à bien triomphé de sa sœur aînée l'amphore, bref, que le vin de Bordeaux a triomphé des autres.

 

(Fin de la conférence)

 

 

Questions ?

 

1) Comment étaient bouchées les amphores ?

 

Il y avait plusieurs manières de procéder. Beaucoup d'amphores venaient de la région de Pompéi, de la Campanie. Une sorte de poudre volcanique, la pouzzolane, servait à faire un mortier, avec lequel on fabriquait des opercules plats que l'on glissait dans le col de l'amphore.  

On a retrouvé aussi dans les fouilles de Bordeaux une amphore encore bouchée, avec un bouchon en bois. On n'a pas pu déterminer l'essence exacte, mais c'est un conifère.  

Il y avait également des bouchons en liège. On a vu aussi un autre vase, une coupelle, coincé dans le col de l'amphore, mais c'est anecdotique.

 

 

2) A quoi servait la poix ?

 

On a cru très longtemps que la poix servait à imperméabiliser les vases parce que l'argile est poreuse. On a donc cru que la poix servait à tapisser ces vases, ce qui n'est sûrement pas faux.  

Mais on retrouve dans des textes, c'est à nouveau Columelle qui dit que poisser un vase, les jarres, poisser les amphores, est d'un grand intérêt pour pouvoir conserver le vin.  

La poix est un antibactérien et permettait de conserver le vin et le protéger contre la fameuse acetobacter cette bactérie qui transforme le vin en vinaigre. 

 

Tous les textes l'affirment, le gros problème des viticulteurs à l'époque était: comment  pouvoir conserver son vin ? Et la poix était, sinon le seul, tout au moins l'un des moyens utilisés.  

Parce que le but du jus de raisin ce n'est pas de devenir du vin, c'est de devenir du vinaigre; c'est cela son déroulement naturel. Il faut donc empêcher ce déroulement naturel pour que finalement ça reste du vin. Un vin vieux à cette époque était un vin qui se conservait au moins une année.  

C'est pour cela que notre vin produit à partir de la biturica passe pour un vin excellent, justement parce qu'elle donne un vin qui arrive à vieillir et a passer plusieurs années, ce qui était remarquable.  

Un auteur romain, un agronome romain comme Columelle, a tout de suite relevé cette particularité. Pline était naturaliste mais fait pour les mêmes raisons aussi l'éloge de cette biturica.

 

3) Etait-ce pas vernis ?

 

Non ce n'était pas vernis, jamais vernis. Cela aurait pût exister puisque les Romains connaissaient le vernis.  

Poisser les amphores étaient une opération importante. Les textes expliquent qu'il faut, 40 jours avant la récolte nettoyer les jarres, enlever la poix ancienne, les poisser, mettre de la poix neuve pour lutter contre les attaques bactériennes, etc….  

On connaissait le pouvoir de conservation de la poix puisqu'un auteur préconise de mettre dans le vin de la poudre de poix. Mais attention de ne pas en mettre trop car cela donnerait un goût au vin.

 

Ceux qui sont allés en Grèce connaissent le goût du vin grec, du "résiné". C'est agréable de temps en temps…. A l'époque antique on met de la poix dans le vin pour le conserver, mais si l'on en met trop, d'une qualité cela devient un défaut.

 

 

4) Qu'est-ce que la poix ?

 

La poix est le résidu de la résine chauffée, distillée.

Fondue pour enduire l'intérieur des vases.

 

 

5) A-t-on retrouvé des amphores pleines ?

 

Celles qui sont retrouvées dans la terre le contenu s'est évaporé, celles que l'on a retrouvé dans la mer, présentaient un liquide. C'était de l'eau de mer, car l'argile est poreux et les échanges se sont faits au fil du temps. Par contre on a retrouvé des grains entiers de raisin…ce qui montre que le vin était mal soutiré…..!

 

 

5) Pour passer de l'amphore à la barrique, c'est complètement différent ? comment on fait les Gaulois ?

 

La barrique a toujours existé en Gaule. On sait par César que pendant la guerre des Gaules les Gaulois jetaient sur les romains des tonneaux remplis de poix enflammée. Les Gaulois connaissaient déjà les barriques avant l'invasion romaine. Ils abandonnent l'amphore empruntée aux Romains pour reprendre un conteneur qu'ils utilisaient depuis longtemps.  

Que mettaient-ils dedans ? on ne le sait pas, des salaisons, éventuellement, des légumes secs, des poissons…..!

Le problème du bois c'est qu'il ne se conserve pas; il ne se conserve qu'en milieu humide.

On a retrouvé quelques tonneaux antiques qui avaient servi de fosse d'aisance, empilés les uns sur les autres dans un milieu humide, ce qui les a conservés. Mais c'est tout.  

 

 

Frédéric BERTHAULT.

 

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Réalisée le 26 juillet 2003  André Cochet
Mise ur le Web le   juillet  2003

Christian Flages

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