Les conférences du Ciron.

 

 

Histoire anecdotique  des voies bordelaises.

La rue Sainte Catherine

et

des Cours du Chapeau Rouge et de l'Intendance.

 

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Jean DARTIGOLLES.

Première partie le 12 mars 2009 à Bommes :                                             La rue Sainte Catherine.

Deuxième partie le 26 mars 2009 à Preignac :                   Les cours du Chapeau Rouge et de l'Intendance.

 

Sommaire:

Retour au répertoire.
  La rue Sainte Catherine.  Cours du Chapeau Rouge et de l'Intendance.
Première partie Deuxième partie
Les origines. Le Fossé de Tropeyte.
La catastrophe de 276. Un lieu bien fréquenté.
La rue Sainte Catherine. Le Chapeau Rouge.
Pourquoi Sainte Catherine ? Louis XIV ne fait pas dans la dentelle.
Première extension de la Ville. Avant de quitter la place Jean Jaurès.
Le drame de 1206. Un escalier audacieux.
L'expansion de la ville se poursuit. De l'élixir à la liqueur : Marie Brizard.
Le reconquête de l'urbanisme. De la fleur des champs à la fleur des trottoirs.
Et maintenant commençons la visite. La Douane et la Poste.
Une pollution insoutenable. Quand Louis XIII rencontre Anne d'Autriche
La Galerie Bordelaise. Soyons indulgents il n'avait que quatorze ans.
Les Dames de France. De l'hôtel de Saize à la préfecture.
Le marché aux moules. Quand on décide de construire le Grand Théâtre.
Nicolas Beaujon, un destin hors du commun. Un bien curieux personnage.
Les feux de la passion. Bonnafé, un homme chanceux.
La chapelle Sainte Catherine. La Place de la Comédie.
Les pères de la Merci et les pirates barbaresques. Un coup d'oeil sur les Allées de Tourny.
La place Saint Projet. La maison Gobineau.
On apprend que le Cardinal de Richelieu 

souffrait d'hémorroïdes.

Le Cours du XXX juillet.
Que peut-on faire quand votre femme infidèle ...
Le séjour des poètes. Les débuts de l'aventure automobile.
Le Peugue. Ne quittons pas ces lieux
Un collège célèbre et l'Hôtel de ville. Le Cours de l'Intendance.
Le secret des Grands Carmes, 

et le vinaigre à tête noire.

Une demeure imposante : l'Hôtel Pichon.
Les soubresauts de la Fronde à Bordeaux.
Hôpitaux et couvents, les Augustins. Deux jeunes mariès : Louis XIV et Marie Thérèse.
Une importante colonie israélite. Mettons nous à l'abri.
Abraham Gradis. Le commerce du blanc et le passage Sarget.
La déplorable aventure de Moïse Gradis. Tous à table.
Samuel Peixotto. Là où Francisco Goya perdit la tête.
Les pérégrinations de la Synagogue. Le Théâtre Français.
Fripiers, gantiers et parfumeurs. La Porte Dauphine.
De la porte Saint Julien à la porte d'Aquitaine. Les origines de la Place Gambetta.
Le marché des produits résineux. Un environnement sinistre.
Un dernier coup d'oeil sur la place de la Victoire. Les Portes.
La grande vedette du Second Empire. La construction des immeubles qui l'entourent.
Le premier autobus bordelais. Un épisode sinistre.
Pour conclure, la permanence de l'Histoire. La fin de son histoire.
Sources  Sources 
Remerciements. Remerciements.

  La rue Sainte Catherine.

Les origines.

En toutes choses il faut commencer par le commencement.

Au IIIème siècle avant notre ère un simple clan se détache du peuple gaulois des « Bituriges » dans la région de Bourges et entre en migration vers le sud. Ce sont les « Bituriges Vivisques » .

Pourquoi sont-ils partis ?

Nous ne le saurons jamais ... pression démographique, querelle de chefs, on l'ignore.

Parvenus sur le site de ce qui deviendra leur ville, ils découvrirent un grand fleuve aux eaux calmes et un immense marais coupé de quantité de petits cours d'eau d'où émergent quelques terres comme des îles sur la mer.

C'est là qu'ils vont se fixer.

C'est un peuple pacifique peu soucieux de gloire et de conquêtes ils ne répondront pas à l'appel de Vercingétorix et ne participeront pas à la guerre des Gaules, mais ils ont un sens aigu du commerce.

Ils se creusent un port et y attirent les bateaux chargés d'étain en provenance d'Armorique et de Cornouaille et le revendent aux romains à Narbonne qui en sont très demandeurs pour fabriquer le bronze.

César arrive en 51 avant J.C, il est bien accueilli, on ne se bat pas avec son meilleur client. Ils apprécient la « Pax Romana » qui favorise leur commerce. 

De plus les romains leur apportent la vigne, dont ils en tirent un cépage adapté au climat le « Biturica » et constituent un vignoble qui leur fournit un vin qu'ils vont exporter en fret de retour chez leurs fournisseurs d'étain.

Il en résulte une grande prospérité.

Du coup les romains vont chercher à s'y associer et, en très peu d'années sous le règne d'Auguste de -27 à +14 de notre ère, ils vont drainer et assécher les marais et construire là une très belle ville « Burdigala » sur le plan romain commun à toutes les villes qu'ils construisent.

Deux grands axes se croisent à angle droit, le Cardo du nord au sud et le Décumanus d'est en ouest. Toutes les autres rues sont parallèles soit à l'un, soit à l'autre et découpent la ville en îlots réguliers. Au croisement des deux axes, c'est le Forum.

A Bordeaux ces deux axes existent encore : le Cardo est la rue Sainte Catherine, le Décumanus,  l'Intendance et le Chapeau Rouge et le Forum c'est la Comédie.

Bien des choses ont changé, mais 20 siècles plus tard, l'emprise romaine sur Bordeaux reste ferme et déterminante.

Burdigala est une très belle ville, large, aérée avec ses Temples, ses Thermes, l'eau courante, le tout à l'égout, ses beaux quartiers, son port bruissant d'activité.

La campagne est cultivée et tout cela sans protection aucune dans une paix que rien ne peut troubler. 

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La catastrophe de 276.

 

La ville reçoit de Rome le droit de municipe, c'est-à-dire de se gouverner elle-même et tout cela va durer 250 ans et soudain en 276 comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, une horde barbare surgit dans cette ville sans défense, la pille de fond en combles et, bien plus grave encore, l'incendie et la détruit n'en laissant pierre sur pierre.

Dans les années qui vont suivre, au début du  IVème siècle, utilisant les débris de leurs ruines les survivants vont construire un enclos d'épaisses murailles ceinturant un espace de 30 hectares au sein duquel ils vont s'entasser.

C'est ce qu'ils appellent le « Castrum ».

Finies les avenues, fini le grand forum, finis les thermes, tout est désormais resserré, étriqué, tout est claquemuré, même le port est enclos à l'intérieur des murs.

Cela va durer des siècles sans empêcher d'ailleurs que la ville soit de nouveau plusieurs fois forcée et pillée par le wisigoths, par les arabes et plusieurs fois par les normands.

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La rue Sainte Catherine.

La rue sainte Catherine se situe très exactement sur le tracé du Cardo Gallo-romain tel qu'il était au temps de la ville ouverte avant la catastrophe survenue en 276. Et, après les avoir perdues pendant bien des siècles, elle en a retrouvé non moins exactement les mêmes dimensions.

Je dis bien retrouvé car pendant 16 siècles elle a connu bien des vicissitudes qui l'ont modifiée, tronçonnée, voire même supprimée avant de retrouver son tracé initial.

C'est tout une histoire ...

Avec ses 1.175 mètres de longueur, la rue Sainte Catherine est l'une des plus longues voies commerçantes piétonnes d'Europe sinon même peut-être la plus longue.

Lorsque la ville s'enferme dans le Castrum, au  IVème siècle, le Cardo va se limiter à 450 mètres compris entre la porte « Medulli » (la porte du Médoc) située à la hauteur du N° 10 de la rue Sainte Catherine (Pharmacie principale) et la porte de la « Cadène » située sur la rive gauche du Peugue en bordure du cours d'Alsace.

Au delà de ces limites ce qui reste du Cardo va progressivement se transformer en chemin rural défoncé et creusé d'ornières traversant des champs de ruines. Celles-ci servant de carrières, vont peu à peu disparaître à leur tour.

A partir de là, en 16 siècles notre rue Sainte Catherine, tronçon par tronçon, et sous des noms différents va reconquérir le territoire du Cardo primitif et recevoir de bout en bout le nom générique de Sainte Catherine.

En 1848 ce fut chose faite et depuis lors elle n'a plus bougé.

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Pourquoi Sainte Catherine ?

Et tout d'abord d'où vient son nom ? Tout simplement d'une chapelle fondée par les chevaliers de l'Ordre de Saint Jean de Jérusalem, tout à la fin du  XIème siècle et qui se situait en face de la rue Guiraude. (sur l'emplacement de l'actuel magasin Séphora.)

Nous allons la retrouver tout à l'heure en nous promenant dans la rue. Mais elle n'a donné son nom, à l'origine, qu'à une partie de la rue, celle comprise entre la porte du Médoc et Saint Projet.

Au delà, sur une centaine de mètres elle va s'appeler " rue Marchande" et au delà encore, sur quelques dizaines de mètres à parcourir pour atteindre la porte de la Cadène elle changera encore de nom pour s'appeler "rue des trois Maries". 

Ceci parce qu'il y avait là 3 maisons, chacune ornée d'une niche dans laquelle on pouvait voir une statue de la Vierge.

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Première extension de la Ville.

A partir du XIème siècle, la ville se développe et craque dans son périmètre de murs trop étroits. Un faubourg va peu à peu se constituer hors du rempart sur la rive droite du Peugue.

Partant de la Garonne ce sera le quartier de la "Rousselle", quartier actif et commerçant, puis par extensions successives, Saint Michel et, en face de la porte de la Cadène le quartier du "Poisson Salé."

Et en ce point, l'axe de l'ancien Cardo, dans le prolongement des rues Marchande et des 3 Maries, va prendre le nom de rue du Poisson Salé car s'est établi là un marché spécialisé dans le commerce du poisson séché.

Ces constructions nouvelles s'élèvent dans l'anarchie la plus totale. Aucun alignement n'est respecté et la nouvelle rue serpente au hasard des empiètements des maisons. Je rappelle que nous sommes là au dehors du mur de l'enceinte.

Ce quartier se développe encore, toujours dans le plus grand désordre mais toujours aussi en suivant le même axe, celui de l'ancien Cardo.

Parvenue à peu près à la hauteur de la rue Gouvéa, l'extension de la rue du Poisson Salé va devenir la rue Cahernan et finira par atteindre le Cours Victor Hugo.

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Le drame de 1206.

C'est alors que survient une autre catastrophe. 

A la suite d'un conflit né au sujet de la succession d'Aliénor, le roi de Castille, en 1206, vient mettre le siège devant Bordeaux. Il ne prendra pas la ville, mais ses troupes ravageront complètement le faubourg non protégé.

C'est à la suite de ce désastre que l'on décide de construire sur le flan sud du Castrum une sorte d'excroissance de remparts qui, partant de la rivière va suivre la Rousselle, l'actuel Cours Victor Hugo, et suivant le tracé de la rue Dufour-Dubergier, va se refermer sur le mur romain à peu près à la hauteur du carrefour de Pey Berland, c'est le rempart du   XIIIème siècle.

              Le faubourg est désormais protégé et les rue du Poisson Salé et de Cahernan sont désormais incluses dans la ville.  

              Ainsi au  XIIIème siècle, l'axe du Cardo est reconstitué de la porte du Médoc, près de la Comédie, jusqu'au Cours Victor Hugo, au delà c'est la campagne et le chemin redevient détestable.

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L'expansion de la ville se poursuit. 

Mais l'expansion commerciale et démographique de Bordeaux s'accélère. De nouveaux faubourgs se constituent au delà du nouveau rempart. C'est le cas notamment de Saint Michel qui devient un quartier bouillonnant d'activités.

Va-t-on laisser ces quartiers sans protection ?  Non.

Et là en 20 ans de travaux, au début du  XIVème siècle ; on va voir grand, très grand même puisqu'on va construire un mur qui cette fois-ci va englober Sainte Croix, traverser la Victoire, englober Sainte Eulalie et s'étendant au surplus vers le nord jusqu'à Tourny et au milieu des actuels Quinconces.

Cette fois-ci, nous y voici, la totalité du Cardo est circonscrite dans les murs de la Comédie à la Victoire. Nous sommes là en 1326.

Réintégration totale  ... oui, mais dans quel état ?

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Le reconquête de l'urbanisme.

A lui seul, le nom de la nouvelle rue qui va prolonger la rue Cahernan de Victor Hugo à la Victoire fournit une bonne indication : elle va s'appeler le rue Bouhaut, ce qui est la traduction littérale du gascon, lou camin bouhaout, le chemin boueux.

Ajoutons à cela l'incroyable désordre dans l'implantation des immeubles et nous comprendrons aisément que si le parcours du Cardo Gallo-romain est bien reconstitué, nous sommes loin, bien loin, de la belle avenue centrale qu'il avait pu constituer autrefois.

C'est Tourny qui, le premier, va se proposer de mettre un peu d'ordre dans tout cela et faire dresser des plans en ce sens. Mais il quitte Bordeaux trop tôt, en 1757, et ce premier projet n'a pas de suite.

Il sera repris par l'intendant Duré de Saint Maur en 1780, mais celui-ci, trop mobilisé par l'assèchement des marais des Chartrons, ne pourra tout faire en même temps et le projet reste en suspens.

La Révolution arrive là-dessus et a bien d'autres préoccupations que ces projets d'urbanisme. 

Bref ce n'est que sous Louis Philippe que l'on va réellement prendre l'affaire à bras le corps à partir de 1834 et surtout de 1840.

Il faut éventrer des dizaines d'immeubles et refaire les façades en alignement sur une largeur de 10 mètres. Ces travaux vont durer plus de 10 ans. C'est en 1842 que le nom de  rue Sainte Catherine est prolongé de Saint Projet jusqu'au Cours Victor Hugo se substituant aux noms des tronçons successifs utilisés depuis le Moyen Age.

Puis, quelques année plus tard, au fur et à mesure de l'avancement des travaux, le nom de Sainte Catherine est prolongé jusqu'à la porte d'Aquitaine.

En 1848, tout est terminé, le Cardo Gallo romain est reconstitué en longueur et en largeur et portera le nom seul et unique de la Comédie à la place Saint Julien que, depuis 1919, nous appelons place de la Victoire.

La situation est toujours en l'état. Je vous avais prévenu que c'était une longue histoire.

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Et maintenant commençons la visite.

Et maintenant, cette rue, nous allons la visiter ensemble en partant de la Comédie.

Tout de suite à notre gauche, à l'angle de la rue de la Maison Daurade, nous allons évoquer l'emplacement où se situait le bel hôtel particulier que s'était fait construire en 1612 Pierre de Pontac, Premier Président de la Cour du Parlement. 

Un personnage ostentatoire qui avait exigé une architecture chargée comportant, pour donner accès à la cour d'honneur du bâtiment, une grille en fer forgé surchargée de dorures.

Ceci avait déplu au commun populaire qui avait, de ce fait, qualifié cet hôtel du nom de maison dorée, en gascon "daurade". Au surplus, au centre de cette grille, un grand monogramme offrait l'image de 4 P entrelacés pour "Pierre de Pontac, Premier Président" que le bon peuple bordelais, dénonçant les lenteurs de la justice parlementaire avait traduit à sa manière : "pauvres plaideurs prenez patience".

Cet hôtel sera démoli vers 1800.

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Une pollution insoutenable.

A droite, sur toute la surface actuellement occupée par les Galeries Lafayette se situaient au Moyen Age plusieurs boutiques de boucherie et de triperie. On y abattait les animaux sur place, le sang s'écoulant dans le ruisseau, au centre de la rue. 

Tous les viscères et autres déchets étaient évacués hors des remparts tout proches et entassés sur un emplacement traversé par un chemin, ceci à la grande joie des goélands et des mouettes venus de la Garonne par centaines.

L'odeur était insoutenable. Le chemin existe encore et porte bien son nom, c'est la rue Mautrec qui relie la Comédie à Notre Dame. Mautrec, autrement dit en gascon, le "mauvais trajet", celui qui ne faut pas prendre.

Quand vous passez par là ne manquez pas d'évoquer les monceaux d'immondices qui ont pourri là pendant des siècles.

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La Galerie Bordelaise.

Quelques pas lus loin, sur notre gauche, nous découvrons l'entrée de la Galerie Bordelaise ainsi que tout le pâté de maisons qu'elle traverse, elle a été bâtie par une société constituée autour du richissime sud américain le Marquis de La Torre par 4 bordelais qui étaient allés faire fortune au Mexique. 

Revenus à Bordeaux, ils investirent leur argent dans cette opération.  

C'est la toute première réalisation conçue dans le souci du nouvel alignement décidé pour la rue Saint Catherine.  

Vous êtes vous jamais demandé pourquoi cette galerie a été construite en diagonale ?

Eh bien, c'est tout simplement parce que vous n'avez, là,  sous les yeux, que la moitié du projet initial. Ce projet prévoyait en effet la construction de 2 galeries se coupant à angle droit dans une vaste rotonde centrale coiffée d'un dôme.

Mais lorsque la société se préoccupa d'acquérir les parcelles nécessaires à cette réalisation, il lui fut impossible d'obtenir la cession de tous les terrains qu'elle convoitait. 

Il fallut donc se résoudre à abandonner l'idée de la double galerie pour n'en conserver qu'une seule, celle que vous connaissez, et du même coup renoncer à la réalisation de la coupole centrale.

Cette galerie fut inaugurée le 1er avril 1834. Décorée de nombreux miroirs et éclairée au gaz de ville, elle connut un succès immédiat. Il fut désormais de bon ton d'aller se montrer dans les cafés qu'elle abritait.

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Les Dames de France.

 A notre droite, dans l'histoire récente, le magasin des Dames de France a précédé les Galeries Lafayette. 

Ce magasin avait été inauguré en 1903 en se présentant alors sous une enseigne commerciale vraiment peu attractive puisqu'il s'appelait "Société des Grands Magasins du Commerce et de l'Industrie".

Avant de décliner puis de disparaître cet établissement a connu des temps de grande prospérité qui l'avait conduit à plusieurs extensions successives et même à la construction, à grands frais d'un 4 ème étage en 1928.    

 Sommaire.

Le marché aux moules.

A peu de distance de là, à gauche, à l'angle de la rue du Parlement, s'élevait l'église Saint Maixent du Mouscley.  

Par la Devèze toute proche (qui coulait alors à ciel ouvert) et que l'on avait canalisée sur ce parcours, remontaient depuis la Garonne des plates apportant au coeur de la ville les moules en provenance du Médoc. 

C'est ainsi qu'un marché aux moules s'était établi sur le minuscule parvis de cette église.

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Nicolas Beaujon
un destin hors du commun.

Et puisque nous voilà à l'angle de cette rue du Parlement Sainte Catherine, nous allons nous y engager pour y faire quelque pas. Oh ! pas beaucoup. 80 mètres environ tout au plus. 

C'est que je ne voudrais pas passer aussi près de la maison natale de Nicolas Beaujon sans évoquer devant vous l'étonnante figure de ce personnage d'exception.

C'est en effet au N° 11 de la rue du Parlement, juste à l'angle de la rue Métivier que le 28 février 1718, naquit Nicolas, fils de Jean Beaujon, négociant, et de Thérèse Delmestre, également fille de négociants.

Des négociants aisés, certes, mais comme Bordeaux en comptait alors tant et plus. ces familles s'alliaient souvent entre elles, comme c'était ici le cas.

Dès l'âge de 21 ans, Nicolas fit ses premières armes dans le commerce des grains et y obtint d'assez bons résultats. Six ans plus tard, il se lança dans le commerce maritime qui enfiévrait alors tout Bordeaux, et, là encore, il rencontra le succès en faisant de bonnes affaires.

Le voilà qui monte à Paris, et là, en 1753, il épouse Elizabeth Bontemps. Ce nom ne vous dit peut-être pas grand chose .... mais son père n'était autre que le célèbre Bontemps, premier valet de chambre de Louis XV. 

Celui-là même qui était en charge de recruter les jeunes beautés peu farouches qui concouraient assidûment aux divertissements du Roi.

Bontemps était, de ce fait , le personnage le plus intime et le plus complice du souverain et entretenait ainsi d'innombrables relations de très haute influence. 

Avoir un Beau-Père doté d'un carnet d'adresses aussi prestigieuses ne pouvait que promouvoir la carrière d'un gendre avisé. C'est ainsi que Nicolas Beaujon devint d'abord Receveur des finances, puis, enfin, Conseiller d'Etat.

C'est alors qu'il se lança dans la banque, et y amassa une prodigieuse fortune.

L'un des ses bons clients sera le Roi lui même. Il ira jusqu'à lui prêter 6 millions de livres pour régler les factures de toilette et de mode de Mme Du Barry, la maîtresse royale du moment.

Nicolas Beaujon achète alors l'Elysée, l'agrandit, l'aménage et en fait le Palais que nous connaissons encore aujourd'hui. Tout autour, il achète 50 hectares de terrain dont il fait un parc privé à son seul usage.

Imaginez un peu ce que vaudrait aujourd'hui ces 50 hectares de terrain, d'un seul tenant, en plein coeur de Paris, dans les quartiers de l'avenue de Wagram et du faubourg Saint Honoré.

Prodigieux !

De tout cela, le palais actuel n'a conservé que 2 bien modestes hectares dans lesquels se déroulent les traditionnelles garden parties présidentielles de nos 14 juillet. Une misère, en somme ...

Dans cette somptueuse demeure, Nicolas allait rapidement accumuler quantités d'oeuvres d'art de toutes sortes et en faire un véritable musée. C'est là que tous les soirs, il tenait table ouverte pour d'innombrables amis et connaissances; une table toujours fastueuse complétée d'une cave connue pour être l'une des meilleure de France.

Sommaire.

Lui-même, veuf, devenu presqu'aveugle et pratiquement paralysé n'y paraissait que sur sa chaise roulante et se nourrissait à peine de quelques cuillerées de purée ou de légumes. Laissant très vite ses convives à leurs festivités gastronomiques, il s'éclipsait discrètement en faisant pousser sa chaise par un domestique jusqu'au pied de son lit où ses valets le préparaient pour la nuit.

Dès qu'il était couché, ses valets se retiraient, faisant place à l'irruption d'un escadron de 5 à 6 jeunes beautés toutes froufroutantes de soie, de satin et de dentelles qui venaient prendre place tout autour de lui en s'asseyant sur son lit.

Ces jeunes personnes de bonne éducation, vivaient sur place à l'Elysée où chacune disposait d'un petit appartement avec domestiques et attelage personnels. Elles occupaient ainsi une fonction officielle et reconnue comme telle. On les appelait du joli nom de "Berceuses".

Tout autour de Nicolas, enjouées et rieuses, elles papotaient et échangeaient mille propos sur les potins qui agitaient la ville. Des mauvaises langues ont prétendu qu'il se pratiquait là quelques jeux de mains égarées en quelques points stratégiques.

Mais il n'y avait aucun témoin, et de toute façon, le pauvre Nicolas, dans le triste état de sa condition physique, ne pouvait guère se montrer très offensif.

Bref, nous n'en savons rien de plus sinon que le ton des conversations baissait au fur et à mesure que le temps s'écoulait, jusqu'à devenir un discret chuchotement. Et Nicolas s'enfonçait doucement dans un sommeil réparateur tandis que les berceuses, après avoir soufflé les chandelles, se retiraient discrètement sur la pointe des pieds.

A son décès, dépourvu de descendance, Nicolas répartit son immense fortune en nombreux legs parfois somptueux. Il fit don des 4719 volumes de sa bibliothèque, tous reliés de façon somptueuse, à la Bibliothèque de Bordeaux, sa ville natale qu'il n'avait pas oubliée.

Un autre de ses legs fonda le grand hôpital parisien qui porte encore son nom. Il est devenu, dans le nord-est de Paris un important centre universitaire.

Je vous avais bien dit que Nicolas Beaujon, né tout à côté de la rue Sainte Catherine, avait connu un destin hors du commun et qui méritait d'être rapporté ...

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Les feux de la passion.

Revenons donc  maintenant à notre rue, mais n'allons pas beaucoup plus loin, parce que là, à quelques mètres à peine, parallèle à la rue du Parlement, s'ouvre la rue de la Devise sous laquelle coulait le ruisseau de la Devèze désormais détournée.

Regardez bien ces lieux, et donnez libre cours à votre imagination. 

Par un jour de l'hiver 1730, s'avance dans cette rue une chaise à porteur dans laquelle à pris place Monsieur d'Aux un gentilhomme campagnard originaire du Médoc. 

Certains d'entre vous connaissent probablement ce nom qui est encore celui d'un cru médocain.

Soudain, M. d'Aux frappe vivement du pommeau de sa canne sur la vitre de sa chaise. C'est le signal d'arrêt; les laquais déposent la chaise au sol et M. d'Aux jaillit de sa boite comme un diable et se précipite vers un passant en mettant l'épée à la main.

Ce passant, c'est M. Basterot, un magistrat qui passait par là.  M. d'Aux l'agresse : "En garde monsieur ..." M. Basterot tire sa  propre épée, et voilà les deux protagonistes qui se mettent à ferrailler devant quelques badauds ahuris.

C'est que M. d'Aux prétend que M. Basterot est l'amant de sa femme. Tous deux s'escriment si bien qu'ils finissent par se blesser tous les deux réciproquement, heureusement sans gravité. Là, les badauds interviennent et les séparent.

Mais ce que j'ai omis de vous dire et qui constitue pourtant tout le sel de l'histoire, c'est qu'ils ont tous les deux dans les 75 ans et que la supposée maîtresse n'est pas loin d'en avoir autant ...

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La chapelle Sainte Catherine.

A une centaine de mètres de là, toujours à notre gauche, juste en face de la rue Guiraude, se trouvait la chapelle qui a donné son nom à la rue toute entière.

 On l'a démolie en 1835 

ainsi que les immeubles avoisinant

pour construire un théâtre

s'inscrivant lui aussi 

dans le nouvel alignement.

Ce théâtre finira par disparaître laissant la place au magasin des Nouvelles Galeries 

 

que vous avez bien connu et qui, inauguré le13 avril 1894 

vient disparaître à son tour dans un passé récent 

pour laisser la place à divers commerces : 

 

Go Sport, Séphora, H.M et le FNAC

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Les pères de la Merci 
et
 les pirates barbaresques.

A quelques mètres de là, à l'angle de la rue de la Merci, s'élevait le couvent des Pères de la Merci. C'était un très vieil ordre dont la fondation remontait au 1er août 1218, date à laquelle deux religieux catalans auraient eu la vision de la Vierge Marie leur enjoignant de se mobiliser pour racheter au Maghreb les malheureux chrétiens capturés en Méditerranée par les pirates barbaresques.

La navigation atlantique se développant désormais jusqu'au large des côtes mauresques, les Pères de la Merci vinrent fonder ce couvent à Bordeaux en 1460, toujours dans la perspective de leur mission caritative.

A cette fin, ils collectaient des fonds dans toutes les paroisses et allaient négocier sur place le montant des rançons.

Aux grandes fêtes religieuses, on présentait ainsi aux fidèles ce que l'on appelait "le plat des captifs"

Cet usage s'est maintenu jusqu'à la Révolution. Le Baron de Budos, par exemple, à longtemps été le trésorier local de ces quêtes.

Ceux d'entre vous qui ont vu le vieux film "d'Angélique Marquise des Anges" se souviennent peut-être de l'épisode de l'intervention spectaculaire de ces Pères sur le marché aux esclaves d'Alger.

A Bordeaux, l'église de leur couvent était située à l'arrière du bâtiment, sur l'emplacement du N° 27 de la rue Arnaud Miqueu. 

Deux travées gothiques du monument subsistent encore et forment le plafond du restaurant " La Débiterie. 

Un registre conservé aux Archives Départementales de la Gironde recense les noms de tous les aquitains que ces Pères ont ainsi rachetés et libérés.

Le Maréchal d'Ornano, maire de Bordeaux au XVIIème siècle fut l'un de leurs protecteurs et fut enterré dans leur église, donc, sous le restaurant ci-dessus évoqué.

Sommaire

La place Saint Projet.

Nous arrivons ainsi à la place Saint Projet qui, pendant 14 siècles a été le coeur de la ville enfermée dans le Castrum Gallo-Romain. 

On peut se demander ce que vient faire ici Saint Projet qui fut évêque en Auvergne et fut assassiné à Volvic en 676. Comment est-on allé choisir pour patron ce saint peu connu et étranger à la région ?

La réponse restera pendante. 

Reste que cette paroisse, connue là, de façon certaine, depuis 1173, était très active. Il n'en reste plus que le clocher que l'on peut encore apercevoir en bordure de la rue Tustal. 

Elle a été désaffectée à la révolution. Sa démolition, en 1822 ménagea une sacré surprise. Dans ses combles, sous son toit, déposés au-dessus des voûtes on découvrit les restes de 1.500 cadavres.

Le cimetière paroissial était si exigu qu'il fallait très rapidement exhumer les corps pour ménager des places nouvelles, et, ne sachant qu'en faire, on les avait entassés au-dessus de l'édifice.

De ce cimetière il ne reste qu'une croix du XVème siècle qui se dresse actuellement sur la place. Abattue lors de la Révolution elle fut rétablie là en 1803 grâce à la générosité d'un marchand de dentelles habitant le quartier.

Un puits était creusé au centre de la place, il a été remplacé en 1715 par une fontaine plaquée contre le mur sud de la place. C'était le point d'eau de tout le quartier. 

Je vous donne à penser les conséquences qu'a pu avoir sur la santé publique sa proximité immédiate du cimetière, 70 mètres tout au plus ...

Depuis le  XVIème siècle la place Saint Projet était l'une des 3 stations de location de chaises à porteurs de la ville. les porteurs et leurs chaises attendaient là leur client comme le font actuellement les taxis. 

On payait à la course ou au forfait à raison de 30 sols pour une demi journée ce qui, au  XVIIIème siècle représentait à peu près le salaire quotidien d'un manoeuvre.

 Sommaire.

Où l'on apprend 
que le Cardinal de Richelieu 
souffrait d'hémoroïdes.

Sur cette place habitait un homme qui connut son heure de gloire et de célébrité. Je veux parler du maître chirurgien Mingelousault. Figurez-vous qu'en novembre 1632, la Reine, le Cardinal de Richelieu et une grande partie de la Cour se trouvait à Bordeaux. 

Or, il advint que le Cardinal fut,  nous dit le document qui nous a été conservé, "pris d'une suppression d'urine dans laquelle il demeura trois jours". 

Cette rétention avait été provoquée par un abcès, dit le texte : qui s'était formé vers l'extrémité des muscles fessiers, lequel procédait d'un dégorgement des hémorroïdes  auxquelles il était sujet" ce qui mit, nous dit-on : ce grand ministre au bord de la fosse".

Les médecins du Cardinal entendirent parler de Mingelousault qui avait fabriqué une sonde de son invention en forme de bougie cannelée, tout à fait propre à régler ce problème. Mais ils hésitent beaucoup, eux, médecins parisiens de haut niveau, à faire appel à un petit chirurgien de province.

Ils appellent en consultation leurs confrères, médecins de la Reine, qui sont tout aussi perplexes. Finalement, ne sachant vraiment plus quoi faire, ils finissent par se résoudre à convoquer  Mingelousault, lequel, parvenu au chevet de Richelieu opère leur patient. 

Et notre document poursuit : "la bougie cannelée passa fort doucement et son Eminence pissa si commodément et avec tant de joye qu'elle l'appela son père par plusieurs fois et l'urine vint si abondamment qu'elle rendit quatre livres de poids(1920 gr) car, elle fut pesée, gardée, et montrée à toute la Cour."

Richelieu voulut tout aussitôt s'attacher les services de  Mingelousault, mais âgé et souffrant, il déclina cette proposition flatteuse et regagna son domicile place Saint projet. Il y mourut en 1645 et fut enterré dans l'église voisine. Reprenons notre visite en rappelant qu'à l'époque la rue Sainte Catherine s'arrêtait là et devenait la rue Marchande.

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Le séjour des poètes.

A notre gauche au N° 82; nous évoquerons le souvenir de Marceline Desbordes-Valmore, actrice de théâtre et femme de lettres aujourd'hui injustement oubliée.

Déjà, en 1800, très jeune, elle était venue jouer pendant 18 mois au Grand Théâtre. Elle reviendra à Bordeaux de 1823 à 1827 alors qu'elle était déjà connue pour son oeuvre de poésie élégiaque. C'est au cours de ce second séjour qu'elle rencontra Alfred de Vigny, son tout proche voisin, ainsi que nous allons le voir dans un instant.

Alfred de Vigny qui, plus tard, en fera grand éloge en la qualifiant " du plus grand esprit féminin de notre temps ...", ce qui, sous la plume de Vigny, n'est pas un mince compliment ...

Alfred de Vigny, son voisin, disais-je, car, à la même époque, il habitait sur le même trottoir, 3 portes plus loin, au N° 88. Il était alors capitaine au 55ème régiment de ligne et avait élu domicile chez son ami  le capitaine Coudrée, en deux séjours en 1823 et 1824. 

C'était le temps où lui-même publiait  ses premières oeuvres, Eloa et Poèmes Antiques et Modernes. Il avait alors 26 ans. 

Quelques années plus tard, il devait démissionner de l'armée, en 1828, pour se consacrer entièrement à sa carrière littéraire qui devait le conduire jusqu'à un fauteuil de l'Académie Française.

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Le Peugue.

Sitôt franchie la porte de la Cadène, nous traversons le Peugue sur un pont. Au Moyen Age, il coule à ciel ouvert et son débit est suffisant pour faire tourner un moulin qui est là, tout à côté du rempart. plus tard on la canalisera en tunnel sur la fin de son parcours, entre notre rue Sainte Catherine et son embouchure en Garonne.

 Au milieu du  XVIIIème siècle, c'est déjà chose faite.

Ce tunnel, entièrement construit en pierre de taille mesure 4 m 80 de large et 3 m 30 dans sa plus grande hauteur.

 

Dans cette partie couverte le Peugue restait navigable, en souterrain, pour des barques à fond plat dénommées "plates" ou "allèges".

Quelques ouvertures, ménagées comme des fenêtres dans lescaves de certaines maisons riveraines, permettaient de recevoir et d'expédier des marchandises par cette voie jusqu'à la Garonne. 

On dit que certaines de ces ouvertures, désormais condamnées, existeraient toujours.

Plus tard encore, on finira de recouvrir le ruisseau en remontant jusqu'à la place Pey Berland où on lui adjoindra artificiellement l'apport de la Devèze détournée de son cours normal à partir le la rue Elisée Reclus, en face de la cathédrale, ceci afin de n'avoir qu'un seul canal souterrain jusqu'au fleuve. 

Et sur ce canal, toujours en service, on établira ce qui devait devenir par la suite notre Cours d'Alsace.

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Un collège célèbre et l'Hôtel de ville.

A partir de la rue Gouvéa, sur notre gauche, s'élève la masse imposante du Collège de Guyenne construit à partir de 1533. Il fut un des hauts lieux de l'humanisme bordelais à l'heure de la Renaissance. 

C'est là que Montaigne fit ses études. 

Cet emplacement est actuellement occupé par divers magasins.

Sitôt après le collège et mitoyen avec lui s'élève l'une des façades de l'Hôtel de Ville. 

C'est un énorme ensemble immobilier très hétéroclite dans lequel se mêlent des bâtiments hauts et bas, des cours, des passages, des préaux couverts etc... etc..., construits sans cohérence tout au long des siècles. 

Tout cela occupe une superficie considérable jusqu'à l'actuel cours Victor Hugo, et de là jusqu'à la Grosse Cloche. 

Tout cela sera démoli au XIXème siècle.  

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Le secret des Grands Carmes
et
le vinaigre à tête noire.

Traversant notre cours Victor Hugo, nous sortons de l'enceinte du XIIIème siècle  pour emprunter, toujours dans le même axe, la rue Bouhaut. 

Tout de suite à droite, s'élève le vaste couvent des Grands Carmes à partir du magasin "Doc Caviar", il s'étend jusqu'à l'actuelle rue Canihac, toute proche du cours Pasteur. 

C'est lui qui a accueilli la toute nouvelle université de Bordeaux lors de sa fondation par Pey Berland en 1441.

Il n'en reste que peu de choses, deux croisées d'ogives formant une partie de la salle capitulaire sont encore visibles dans la boutique 'Help" au 187 de la rue Sainte Catherine.

Ces grands Carmes possédaient des vignes en bordelais et s'étaient fait une spécialité d'un remarquable vinaigre dont ils conservaient jalousement le secret. 

Le moine qui, au XVIIIème siècle, le commercialisait auprès du grand public était noir. 

Et c'est ainsi que naquit la marque du vinaigre Tête Noire, que nombre d'entre nous ont bien connue à Bordeaux avec son étiquette si caractéristique. Une marque qui existe d'ailleurs encore, je l'ai vérifié. 

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Hôpitaux et  couvents, les Augustins.

Un peu plus loin , toujours à droite, on va construire en 1714 l'hôpital Saint Louis destiné à recueillir les enfants abandonnés. 

Soixante ans plus tard ces enfants seront transférés dans un nouvel établissement créé à Paludate en 1779.

A gauche, pendant 500 ans s'est tenu là le couvent des Augustins sur l'emplacement de la rue qui porte toujours leur nom. 

La place du Général Sarailh était le jardin du couvent au centre duquel se trouvait un puits aujourd'hui comblé. 

Ce couvent avait été fondé en 1263, hors les murs de l'époque et donc exposé à tous les risques de la guerre. 

Il n'a été protégé que 50 ans plus tard lorsque l'érection du rempart de  XIVème siècle l'a intégré dans la ville intra muros.

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Une importante colonie israélite.

Dans ce quartier de couvents et d'hôpitaux va s'établir, dans les intervalles disponibles, une importante communauté israélite. Les juifs bordelais étaient à peu près tous d'origine espagnole et portugaise. Chassés de leur pays par l'inquisition au  XVIème siècle, ne sachant où aller, ils partirent à l'aventure.

A Bordeaux, ils furent bien accueillis et, avec l'accord de la municipalité, par un Edit de Henri II, en 1551, ils reçurent l'autorisation de s'établir dans la ville et d'y vivre normalement sans restrictions. Des descendants de ces familles sont toujours bordelais. Ce sont les Cardoze, les Mendès, Lopez, Pereire, etc. 

Certains ont même donné leur nom à des rues de la ville, Gradis et Furtado par exemple. Si tous ne firent pas fortune, ils se tirèrent plutôt bien d'affaires et surtout apprécièrent hautement  de vivre libres et en paix.

Mais deux fois par an, à l'occasion des grandes foires bordelaises, d'autres juifs fréquentaient assiduement la ville. ceux-ci venaient d'Avignon et s'étaient spécialisés dans le commerce des draperies qu'ils venaient proposer dans ces foires.

En Avignon, terre pontificale, ils avaient trouvé la sécurité de leur personne car la Papauté les a toujours protégés. Mais ils n'y bénéficiaient pas de la plénitude de la citoyenneté. Par exemple, certaines activités leur étaient interdites. Lors de leurs séjours à Bordeaux, ils lorgnaient avec envie en direction du statut de liberté dont bénéficiaient leurs coreligionnaires locaux.

Ils vont donc commencer à quitter Avignon pour venir s'installer à Bordeaux. Ils ne se mélangeront pas aux hispano-portugais mais fonderont une petite communauté à part. Oh ! pas très loin des autres, mais à part. Ils vont s'établir, hors les murs, de l'autre côté de notre place de la Victoire sur l'emplacement de ce qui deviendra la rue Sauteyron.

Cette implantation se développe tout au long du XVIIème siècle, à moins de 300 mètres du quartier juif hispano-portugais, mais toujours à part. Cet antagonisme se manifestera jusque dans la mort. En 1724 David Gradis riche juif d'origine portugaise achète un terrain pour ouvrir un cimetière israélite. Il existe encore, non point cours de l'Yser, qui ne sera ouvert que bien plus tard, mais au fond d'une impasse, bien caché qui s'ouvre au N° 105 de l'actuel cours de la Marne.

Quatre ans plus tard, David Petit, juif avignonais  ouvre à son tour un autre cimetière, minuscule, et lui aussi bien caché, qui envahi de végétation se dissimule encore au N° 49 de la rue Sauteyron sur une surface qui n'excède pas 3 ares.

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Cela déplaît beaucoup aux juifs bordelais. Ils voient dans cette colonisation un danger potentiel car ils craignent qu'une communauté devenue trop importante ne vienne remettre en cause leur statut libéral. Ils font alors le siège de la municipalité en lui demandant avec insistance d'expulser ces intrus et de les renvoyer en Avignon. Ce n'est pas joli, joli, mais c'est comme cela ... Et cette expulsion sera finalement décidée en 1734.

Alors commence une longue bataille administrative de ces malheureux pour obtenir des dérogations individuelles. Nombre de suppliques qu'ils ont rédigé à cette occasion nous sont parvenues . Je ne retiendrai que celle de Salomon Astruc qui se dit : "affligé d'une hernie de la grosseur d'un pain de deux livres " et qui au surplus " est attaqué depuis plusieurs années d'une descente totale des boyaux jusqu'au milieu de la cuisse ..."

Quelques uns vont réussir à se maintenir, mais le plus grand nombre sera renvoyé en Avignon. Mais, têtus, ils reviendront, ce sont les Lange et les Astruc, par exemple qui finiront par être tolérés à la condition qu'ils abandonnent toute activité commerciale locale pour se consacrer au commerce de l'outre mer qui est alors en pleine expansion. Là, il y a de la place pour tout le monde, ils ne gêneront personne.

c'est dans une famille dite "portugaise" alliée, beaucoup plus tard, à une famille avignonaise (le temps, comme souvent, ayant apaisé les conflits) que naîtra le 30 juillet 1830 Camille Pissaro, le célèbre peintre qui avec ses amis Manet, Degas et Renoir, fondera l'Ecole Impressionniste.

C'est également dans le même quartier, à quelques pas de là qu'en 1838 naîtra Judas Colonna qui deviendra le célèbre chef d'orchestre plus connu sous son nom francisé d'Edouard Colonne, fondateur de l'association des Concerts Colonne en 1873.

Mettant à profit le statut libéral que leur reconnaissait Bordeaux, certains membres de cette communauté connurent au  XVIIIème siècle, des réussites exceptionnelles. On peut à cet endroit, évoquer l'exemple des Gradis et des Peixotto.

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Abraham Gradis.

Petit fils d'un "pauvre juif portugais" arrivé à Bordeaux dans un grand dénuement, Abraham Gradis avait hérité de son père une petite affaire de négoce. Déjà, en une génération, l'ascension sociale de la famille était amorcée, mais tout au long du XVIIIème siècle, l'âge d'or bordelais aidant, Abraham allait lui donner une phénoménale impulsion. Il amassa ainsi une fortune que l'on estima à 10 millions de livres-or.

En 1752, il se fit construire un bel hôtel particulier à l'angle de la rue Bouhaut, notre actuelle rue Sainte Catherine et du cours des Fossés, notre actuel cours Victor Hugo, sur l'emplacement actuellement occupé par le café des arts et le magasin Champion. 

 

Et ceci sans préjudice de deux fort belles demeures rurales situées, l'une sur sa propriété de Talence, à peu près sur l'emplacement actuel de la piscine universitaire, à Monadey, et l'autre sur ses terres de Saint Louis de Montferrand, sur la presqu'île d'Ambès.

Abraham Gradis était un homme respecté, pour sa fortune et sa réussite,  certes, tout le monde savait quelles entrées il avait à la Cour de Versailles, mais aussi, et peut-être surtout pour sa générosité. La municipalité lui manifesta de grands égards. Une preuve en est qu'à l'approche de sa mort, en 1780, alors qu'il était octogénaire, les jurats de la ville décidèrent de faire suspendre les sonneries de la grosse cloche sa voisine, afin de ne pas perturber les derniers jours de son agonie.

N'ayant pas d'enfant, il partagea équitablement sa fortune entre ses neveux et les pauvres de la ville, tant juifs que chrétiens, sans distinction de confession, la chose était bien précisée. 

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La déplorable aventure de Moïse Gradis.

Et puisque nous parlons de ses neveux, il nous faut bien évoquer la rocambolesque histoire que connut l'un d'entre eux, post mortem.

Celui-ci, Moïse Gradis, s'était établi en Martinique sur la plantation Gradis située à Basse Pointe. Lorsqu'il mourut, en 1825, son testament exigeait :

"qu'après son décès, son corps soit mis dans un boucaud solide (entendez par là un tonneau), cerclé en bonnes bandes de fer, rempli de fort rhum, et qu'il soit envoyé par ses exécuteurs testamentaires à Bordeaux, à l'adresse de la maison Davis Gradis et fils, pour être enterré auprès de ses ancêtres."

Tout ceci fut scrupuleusement réalisé selon ses voeux. 

Le 5 mai 1826, sa dépouille arrive ainsi à Bordeaux sur le voilier "Le jeune Henri" commandé par le capitaine Castaings. Mais le corps avait subi, en cours de traversée de très graves altérations. 

L'enquête qui s'en suivit révéla que des marins peu scrupuleux avaient, pendant le voyage, percé le fut et pipé le rhum à leur usage. 

Ses restes n'en furent pas moins inhumés, deux jours plus tard, le 7 mai, dans le cimetière israélite du chemin du Sablonat que nous appelons aujourd'hui le cours de l'Yser.

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Samuel Peixotto.

Un autre bel exemple de réussite sociale nous est fournit par Samuel Peixotto  qui, dès la fin du  XVIIIème siècle avait, lui aussi, amassé une immense fortune. 

Il s'était fait construire un fort bel hôtel rue Bouhaut, à l'emplacement de l'actuel N° 190 de la rue Sainte Catherine. Mais de surcroît, en 1765, il avait demandé à l'architecte Louis, celui-là même qui devait plus tard construire le Grand Théâtre, de lui édifier à Talence une résidence de campagne au goût du jour. Ce qui fut fait. 

Vous pouvez encore aller la voir, c'est l'actuelle mairie de Talence.

Accessoirement, il était également propriétaire du château du Pape Clément et de la maison carrée d'Arlac, à Mérignac, construite en 1786, que l'on vient de restaurer après avoir connu le risque d'être rasée sous la pression de promoteurs au cours des années 1970.

Après s'être tardivement converti au catholicisme, Peixotto appointa un avocat pour établir son arbre généalogique qui ne remonta pas moins qu'à Adam et Eve en passant par Noé et, le plus sérieusement du monde, il le fit publier .... Mais tout à la différence de Gradis, Peixotto, homme ambitieux et cupide n'était pas aimé des bordelais.

Sous la révolution, il connut de ce fait des moments difficiles. Il n'échappa d'ailleurs à la guillotine qu'en payant une amende de 1 million 200.000 livres. Ceci ne l'empêcha pas pour autant de spéculer par la suite sur la vente des Biens Nationaux. Il mourut sous l'Empire en juillet 1805.

Deux hommes, Gradis et Peixotto, deux destins exceptionnels, deux immenses fortunes, mais deux souvenirs bien différents. Il existe encore à Bordeaux une rue Gradis mais vous chercherez en vain une rue Peixotto.

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Les pérégrinations de la Synagogue.

Il n'y avait jamais eu de synagogue à Bordeaux jusqu'à la fin du  XVIIIème siècle, sinon des synagogues privées aménagées dans les hôtels particuliers des familles les plus riches. Elles étaient largement ouvertes à l'ensemble de la communauté qui s'y retrouvait chaque jour de  Sabat. Plusieurs témoignages font état de l'animation qui se manifestait rue Bouhaut ces jours là.

C'est Napoléon qui décida de doter la communauté israélite d'un statut représentatif sous la forme d'un Consistoire qui se met en place à Bordeaux le 13 avril 1809. Le premier président en fut Abraham Furtado.

Curieuse histoire que celle de Furtado. Il appartenait à une famille qui avait réussi à se maintenir à Lisbonne en dépit des tracasseries de l'Inquisition. Cette famille fut décimée lors du terrible tremblement de terre qui détruisit la ville le jour de Toussaint 1755, faisant, en quelques instants, 60.000 morts. Son père périt dans cette catastrophe, mais sa mère enceinte, en réchappa.

La pauvre femme, seule, ruinée, vint se réfugier à Bordeaux auprès de la communauté portugaise. C'est ainsi qu'Abraham Furtado naquit à Bordeaux en 1756. Plus tard, prenant une part très active à la vie locale, il sera élu député de la Gironde à la Convention de 1792.

C'est sous sa présidence que le Consistoire bordelais fit construire la première synagogue publique qui fut inaugurée le 14 mai 1812. Elle se trouvait sur l'emplacement du N° 19 de la rue Causserouge, à 250 mètres à vol d'oiseau de son emplacement actuel.

Détruite par un incendie en 1873, elle fut remplacée par un temple provisoire situé sur l'emplacement des N° 7 à 15 de la rue Honoré Tessier. Donc encore plus près du monument actuel, lequel fut inauguré en 1882, rue Labirat, où il se trouve encore.

C'est donc dire à quel point ce quartier, sans jamais pour autant avoir constitué un ghetto, a été profondément marqué par une colonisation israélite. C'est à partir du règne de Charles X que, sans motif réellement évident, cette communauté va progressivement se disperser dans la ville ; et ceci en commençant par les familles les plus aisées.

Cette dispersion se fit en quelques dizaines d'années à tel point qu'à part la présence de la Synagogue de la rue Labirat, rien ne rappelle plus, et depuis bien longtemps que ce quartier a abrité une communauté très homogène.

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Fripiers, gantiers et parfumeurs.

Les maisons et locaux ainsi libérés furent progressivement occupés par quantités de boutiques d'artisans et de petits commerces. La rue Bouhaut prit dès lors un tout nouvel aspect. C'est là que l'on vit s'installer des boutiques de fripiers où l'on pouvait louer des costumes de bal ou de théâtre. 

Et surtout de nombreuses boutiques de gantiers et de parfumeurs, ces deux derniers commerces étant généralement réunis sous une même enseigne.

Nous avons du mal à imaginer la place qu'ont pu tenir les gants dans le quotidien de nos ancêtres, et ceci en toutes saisons. 

Au  XVIème et XVIIème siècles, toute personne de condition tant soit peu aisée, même modeste, portait des gants en permanence. Rappelons ici le propos de Montaigne lorsqu'il écrit en ses Essais ; 

"Je me passerais autant mal de mes gants que de ma chemise ..."

Cette pratique va s'estomper un peu dans la seconde moitié du  XVIIIème siècle. Si l'on compte en effet 31 gantiers à Bordeaux en 1695, ils ne sont plus que 19 en 1784. Reste que l'usage néanmoins bien établi se poursuivit jusqu'au début du  XXème siècle. La fabrication artisanale et le commerce de la ganterie resta longtemps une spécialité de la rue Bouhaut, même après qu'elle fut devenue Sainte Catherine en 1848.

Jusqu'aux travaux d'alignement entrepris sous Louis Philippe, cette rue resta très irrégulière dans son tracé. Des immeubles empiétaient sur la chaussée, d'autres s'en écartaient.

 Il ne subsiste qu'un témoignage de cette situation anarchique. C'est ce qu'on appelle la Cour Dulamon dont le passage d'entrée se situait entre les N° 196 et 198 de la rue Sainte Catherine. 

J'en ai connu les vestiges, mais elle est devenu un espace privé désormais clos d'un portail. On y avait connu, dit-on, un cabaretier qui "mettait un peu de vin dans son eau".

Dans ce dédale sinueux, bruissant de mille cris, les embouteillages étaient permanents et les bousculades désordonnées la règle. C'était l'un des endroits les plus animés de Bordeaux.

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De la porte Saint Julien 
à la porte d'Aquitaine.

Sur les derniers 100 mètres, la rue Bouhaut devenait la rue Saint Julien et débouchait sur la porte du même nom ménagée dans le rempart du  XIVème siècle. 

C'était une lourde porte médiévale qui se situait un peu en avant de l'actuelle porte d'Aquitaine, disons à peu près à la hauteur de l'axe de la rue Elie Gintrac.

Tourny la fit démolir et confia l'aménagement de la place à l'architecte Portier qui conçut un vaste ensemble comportant l'arc triomphal de la porte d'Aquitaine, tel que nous le connaissons aujourd'hui, et une vaste place circulaire qui aurait été entourée  de maisons toute identiques, sur arcades au rez-de-chaussée dotées d'un seul étage avec balcon et surmontées d'un comble mansardé.

La porte construite de 1752  à 1756 fut seule réalisée, mais Tourny ayant quitté Bordeaux en 1757, la poursuite du projet fut abandonnée. 

Cette porte a été construite en pierre de Saint Macaire. Ses frontons ont été sculptés par Francin. Ils portent, à l'extérieur les armes de France portées par deux divinités marines et, côté ville, les armes de Bordeaux dans un décor de fruits, de fleurs, de faux, de serpes et de barils représentant les ressources et la richesse de la cité.

Lorsque vous passerez par là, ne restez pas le nez au vent, levez les yeux et regardez.

Et pourquoi l'appelle-t-on d'Aquitaine ?

Parce qu'on la dédia au jeune Xavier Marie Joseph né à Versailles le 23 août 1754, fils du Dauphin Louis et de sa seconde épouse Marie Josèphe de Saxe. 

A sa naissance, l'enfant avait reçu le titre de Duc d'Aquitaine alors que la porte était en cours de construction. Ce jeune Duc, qui était donc un frère aîné du futur Louis  XVI devait mourir en très bas âge.

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Le marché des produits résineux.

 Au devant de la porte, la place Saint Julien, notre place de la Victoire, était dédiée au marché des produits résineux venus de la lande, tant du Médoc que de notre Sud Gironde. 

Ce commerce avait longtemps été implanté  l'intérieur de la ville, dans les quartiers de la Rousselle et des Salinières, à proximité des chantiers de construction navale, lesquels étaient gros consommateurs  de brais et de goudrons pour le calfatage des navires.

Mais en 1610, un violent incendie alimenté par les stocks de ces produits entassés dans les entrepôts des Salinières, dévora 25 maisons en faisant 4 morts. 

Sept ans plus tard, en 1617, c'est un entrepôt qui s'enflamme et, cette fois-ci, dévore une bonne partie du quartier de la Rousselle.

Trop, c'était trop.

La Municipalité et le Parlement prirent toute une série de mesures interdisant formellement l'entrée dans la ville de tous produits résineux. Ce marché se tiendrait désormais hors les murs, sur la place Saint Julien, et seuls, des échantillons destinés "à la montre", entendez par là, à l'étalage, seraient tolérés dans les magasins situés intra muros.

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Un dernier coup d'oeil 
sur la place de la Victoire.

Ne quittons pas la place de la Victoire sans avoir jeté un rapide coup d'oeil sur la treille qui pousse sur la façade du N° 1. Elle est la seule rescapée des 5 pieds qui grimpaient autrefois sur le bâtiment de l'octroi accolé à la porte d'Aquitaine et aujourd'hui disparu. Ces 5 pieds étaient eux-mêmes descendants d'une vigne qui, pendant des siècles, s'est étendue de là jusqu'aux Capucins.

 

Un autre coup d'oeil à la brasserie située au N° 22.

C'est là qu'en 1917 est née et a passé toute sa jeunesse Georgette Plana dont nous sommes encore nombreux à pouvoir fredonner les succès : 

Riquita, La femme aux bijoux,  

et, surtout, Viva Espana.

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La grande vedette du Second Empire.

Revenons maintenant au milieu du  XIXème siècle, au moment où notre rue Sainte Catherine rigoureusement dégagée et alignée prend sa forme moderne et va porter, de bout en bout, ce même nom de Sainte Catherine. 

Toutes les façades ayant été refaite, c'était maintenant une rue toute neuve. Sa physionomie d'ensemble en est profondément modifiée. Son activité commerciale va elle aussi beaucoup évoluer.

De très nombreux magasins de mode commencent à la coloniser. Et qui dit "mode" à l'époque dit "petite main" celles que l'on appelait alors les "grisettes". 

Parmi celles-ci, en 1851, il en est une qui est, ma foi, bien jolie et aussi fort bien faite. Elle a 18 ans et est ouvrière modiste. 

C'est d'ailleurs une enfant du quartier car elle est née au N° 110 de la rue le 30 avril 1833. Elle s'appelle Hortense Schneider.

Elle découvre le théâtre dans un cercle de comédiens qui se réunit rue Condillac. Et la voilà qui quitte la mode pour se lancer dans la carrière artistique. Elle fait ses débuts au théâtre d'Agen Elle y est fort appréciée et se retrouve à Paris. 

Elle y tombe dans les bras du duc de Morny, puis du Duc de Grammont. Elle triomphe dans le répertoire d'Offenbach qui en fait sa vedette lors de l'exposition universelle du second Empire en 1967 dans le rôle de la Grande duchesse de Gerolstein, souveraine d'opérette d'une principauté tout à fait imaginaire.

Pour accéder à l'enceinte de cette exposition, outre les entrées destinées au public, on avait prévu une porte triomphale spécifiquement destinée à accueillir l'Empereur et les souverains étrangers en visite. Cette porte était donc normalement fermée et n'était ouverte qu'en ces occasions.

Un jour, Hortense a le toupet de s'y présenter en grand apparat avec un somptueux attelage. La porte est fermée, on n'attendait personne ce jour là. 

Les gardiens s'étonnent " mais qui êtes-vous donc ?" Et tout à fait dans son rôle de théâtre, elle lance : "grande Duchesse de Gerolstein"

Et le plus fort c'est qu'on lui livra le passage. Le tout Paris se partagea entre l'indignation pour une part et les gorges chaudes pour l'autre.

Par la suite, Hortense tombera encore dans les bras du Tsar Alexandre II, puis du Prince de Galles, du Roi du Portugal, du Khédive d'Egypte et probablement quelques autre non recensés. cette vie tumultueuse lui avait valu des méchantes langues le surnom du "passage des Princes" qui est à Paris une galerie couverte toute à l'image de notre galerie bordelaise et qui existe d'ailleurs encore, toujours sous le même nom à cent pas de la station de métro Richelieu-Drouot.

Véritable symbole de la vie parisienne débridée du second Empire, mise en scène par Offenbach, Hortense Schneider arrêta sa carrière en 1870. Elle avait alors 37 ans.

Elle termina ses jours, complètement oubliée en consacrant sa vie à un orphelinat. Elle mourut en 1920, une semaine après son 87ème anniversaire. Elle est inhumée à Bordeaux dans le cimetière protestant au N° 149 de la rue Judaïque où sa tombe se trouve encore.

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Le premier autobus bordelais.

Signalons enfin que le premier autobus assurant un transport en commun ayant jamais circulé à Bordeaux a été lancé en 1911 sur une ligne allant de la Victoire au Jardin Public en empruntant la rue Sainte Catherine dans toute sa longueur. Il était, parait-il; fort bruyant ce qui souleva nombre de protestations parmi les riverains.

Une vigoureuse protestation s'ensuivit en 1912 lorsqu'en séance d'un Conseil Municipal, un conseiller contestataire lança au maire à ce sujet : "Sommes-nous transportés dans une cité de sauvages" !

Depuis lors la rue Sainte Catherine en a vu bien d'autres ....

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Pour conclure, la permanence de l'Histoire.

Je ne sais si vous avez pris connaissance de l'article consacré à cette rue dans le Sud-Ouest Dimanche du 16 mai dernier. A sa lecture, j'ai été frappé de l'analyse qu'il faisait de la répartition des commerces qui l'animent. 

Cette rue, disait-il, offre 3 visages, 3 types d'activités, et il en situait les lignes de partage de la Comédie au cours d'Alsace, de là au cours Victor Hugo, et de là, enfin, à la Victoire.

Ce sont très exactement les 3 étapes historiques que nous venons de découvrir, délimitées par le rempart du Castrum, celui du  XIIIème siècle  et celui du  XIVème siècle.

L'histoire nous fait parfois de singuliers clins d'oeil ...

Jean DARTIGOLLES.

Sources.

 Pour en savoir davantage :

De très nombreux ouvrages ont été consacrés à l'histoire anecdotique des rues de Bordeaux. Ceux qui ont été le plus sollicités pour le présent travail sont :

·          La vie quotidienne de Bordeaux au  XVIIIème siècle, de Paul Butel et Jean Pierre Poussous. Editions : Hachette.

·          Naissance et vie des quartiers de Bordeaux d'Albert Rèche. Editions : Seghers.

·          Dix siècles de vie quotidienne à Bordeaux d'Albert Rèche. Editions Seghers.

·          Guide de Bordeaux de Délie Muller et Jean Yves Boscher. Editions : Sud Image.

·          Rues de Bordeaux de Roger Galy. Editions : de l'Orée.

·          Bordeaux secret et insolite de Philippe Prévot. Editions : Les Beaux Jours.

Etc., car il y en a bien d'autres et souvent très riches en détails pittoresques.

Les Archives Départementales de la Gironde et les Archives Municipales de la ville ont été également utilisées et offrent une mine quasiment inépuisable de renseignements et d'anecdotes.

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Remerciements :

Ils iront tout particulièrement à Mme Marie-Jo Mazeau à qui je dois la réalisation des photos illustrant l'exposé, et à M.M. Christian Flages et André Cochet du Club Informatique de Pujols sur Ciron qui en ont réalisé le montage.

Que tous soient remerciés pour la disponibilité toute spontanée et la compétence dont ils ont fait preuve en concourant à ce travail.

 Jean DARTIGOLLES.

 

 


Réalisée le 25 avril 2009

 André Cochet

Mise sur le Web le      mai  2009

Christian Flages

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