Quand BORDEAUX était approvisionné par le CIRON

en bois et en produits résineux.

 

Conférence de M. Jean DARTIGOLLES.

14 avril 2000 à Bommes

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Résine

Utilisations

Découpage

Transport

Flottage

Molinie

BORDEAUX, centre très actif de commerce maritime a connu aux 17 e et 18 e siècles un essor considérable pendant les périodes de calme entre les guerres et les événements politiques très longs et nombreux à cette époque.

Entre 1715 et 1790, la population de BORDEAUX est passée de 45 000 à 110 000 habitants.

 Quelques généralités sur le bois

Les besoins en bois étaient très importants :

- pour la construction des immeubles et bâtiments publics.

- pour la construction navale.

- le chauffage domestique et industriel.

Celui-ci était rare et cher car la forêt ne ressemblait pas du tout à celle que nous connaissons maintenant. A tel point que divers hauts responsables, TOURNY par exemple préconisaient d’arracher ou d’interdire la plantation de vigne pour la remplacer par des bois.

Les bois ne pouvaient prospérer que dans des terrains convenablement drainés et la forêt laissait la place à la lande lorsque le sol devenait marécageux.

Pour retrouver ces divers biotopes, il suffit d’observer la végétation sous futaie. Là où poussent aujourd’hui des fougères s’étendait une belle la forêt naturelle de pins maritimes souvent complétée de sous-bois de taillis de chênes. Où l’on trouve maintenant de la bruyère s’établissait une forêt de pins généralement un peu moins bien venus que la première, et la plupart du temps dépourvue de sous-bois. La molinie, cette plante qui fait des touffes en surface des terrains humides, colonise encore ce qui n’était à l’époque que lande marécageuse, insalubre et désertique sur laquelle on n’apercevait, de loin en loin, que quelques rares pins clairsemés et rabougris.

L’exploitation aussi était différente. La résine étant la ressource principale tirée des pins, la production de bois venait en dernier lieu, lorsque ceux-ci, trop âgés, ne pouvaient plus produire de résine.

 

Jusqu’en 1850, la résine fut donc le principal revenu de la forêt.

De 1850 à 1950, le bois est devenu plus abondant du fait de l’assèchement des landes et des plantations de pins semés à partir de 1815 et par conséquence de l’extension de la forêt. La résine qui a connu des années d’activité florissante au début du 20 ème siècle, particulièrement au cours des années 1920, n’est plus exploitée depuis 1950

 

 La résine

La résine servait depuis la nuit des temps, depuis qu’il existe des bateaux plus grands que les pirogues, elle était employée pour calfater et protéger les bois ou les cordages sous forme de goudrons, de poix, de brai etc..

Elle servait aussi à confectionner des chandelles de résine, fabriquer du savon , des peintures (esence de térébenthine), des vernis, et même de la cire à cacheter etc..

La distillation de la résine apparut au milieu de 18 èm siècle, mais ne devait se généraliser qu’au milieu du siècle suivant. Jusque là, les produits résineux étaient simplement cuits à l’air libre ce qui fut l’occasion d’innombrables incendies. Deux sinistres particulièrement dramatiques survenus à BORDEAUX en 1610 et 1617 firent interdire à ces produits l’accès à l’intérieur de la ville.

 

Utilisation du bois

Outre le chauffage domestique, industriel et la construction où le bois est communément employé, il y avait à BORDEAUX des chantiers navals très actifs. Au cours des quelques périodes de paix qui ont trouvé place entre les multiples conflits qu’a connu le 18 ème siècle, cette activité est devenue débordante. Ainsi, de 1778 à 1782 on lança à BORDEAUX 90 navires dont un certain nombre dépassant les 500 tonneaux. Rappelons, pour fixer les esprits que la reconstitution   de l’HERMIONE (le navire qui conduisit LA FAYETTE en AMERIQUE) que l’on vient d’entreprendre à ROCHEFORT va exiger la coupe de 2 000 arbres.

 

Les petits bois ou bois d’éclaircie servaient au palissage de la vigne. L’acacias n’est arrivé dans nos régions que vers 1850. Il a depuis, supplanté totalement le pin pour les piquets de vigne, aidé du fil de fer.

 Nouveaux débouchés

En 1857 les communes furent sommées de mettre en valeur leurs terrains communaux, souvent très vastes, en y semant des pins ou de les vendre, à charge pour les acheteurs de creuser des fossés et de semer des pins.

A partir de 1815, avec la fin des guerres de l’Empire, le charbon anglais est de retour pour les usages industriels et génère un trafic maritime actif. Les mines anglaises avaient besoin de poteaux de mine en grande quantité. Elles s’approvisionnaient en Finlande. C’est en 1865, à l’occasion d’un hiver particulièrement rigoureux au cours duquel le golfe de BOTNIE se trouva pris par les glaces, que les Anglais découvrirent les ressources de la forêt AQUITAINE. Cette forêt nouvelle produisait des bois d’éclaircie. Ceux-ci ont trouvé un débouché tout naturel dans la production de ces poteaux de mine dont le transport vers l’ANGLETERRE utilisait les navires charbonniers approvisionnant BORDEAUX, sur leur trajet de retour.

En 1923, 900 000 tonnes de poteaux de mine furent chargés à BORDEAUX. Mais à partir de là, ce trafic devait progressivement diminuer aux hazards de la conjoncture, jusqu’au moment de la guerre.

C’est au même moment, de 1925 à 1929, que l’industrie papetière apparut dans la région ( BEAUTIRAN, MIMIZAN, FACTURE, etc.) offrant aux bois d’éclaircissage un débouché de substitution.

 

 Découpage administratif

L’approvisionnement de BORDEAUX en bois et produits résineux s’opérait principalement à partir de trois zones forestières : Le MEDOC, la vallée de la LEYRE et le Pays de BUCH, la vallée du CIRON et le Pays de CERNES (Cernès).

Note : Si le MEDOC et le Pays de BUCH sont resté des entités territoriales contemporaines, le Pays de CERNES a complètement disparu de la mémoire collective. Au 12 ème et 13 ème siècles il s’étendait de GRADIGNAN à la rive gauche du CIRON, entre le Pays de BUCH du bassin d’ARCACHON à BELIN-BELIET à l’ouest, les GRAVES le long de la GARONNE à l’est et l’Evêché de BAZAS au sud.

Le seul témoin qui nous reste est le château, en ruine, de CASTELNAU de CERNES, sis sur la commune de Saint LEGER de BALSON, ancienne place forte importante de cette entité qui était un archi-prêtré.

 

Transport des bois

Dans la vallée du Ciron les produits étaient acheminés selon deux modes de transport :

- par charrois avec des attelages de bœufs sur des routes et chemins difficiles surtout en hiver.

- par flottage sur le Ciron, jusqu’au port de BARSAC où ils étaient chargés sur des bateaux pour BORDEAUX.

 

Les transports par voie terrestre s’effectuaient en convoi pour que les attelages puissent s’entraider dans les passages difficiles, avec des charrettes à quatre roues appelées KA. Les chemins étaient le plus souvent désastreux, ils ne furent empierrés, pour la plupart, que sous le second Empire. Les produits qui ne pouvaient pas flotter étaient transportés par ce moyen ; la résine, les produits de la terre, fruits, vins, céréales, farines etc..

 

Flottage sur le Ciron

Les autres produits, bois de chauffage, poteaux de mine, planches bois d’œuvre étaient acheminés par flottage sur le Ciron.

Pour confectionner les radeaux, les bois étaient assemblés avec des cordes pour former un plateau de près de 2 mètres de large ; plusieurs de ces plateaux reliés ensemble formaient le radeau de 12 à 13 mètres de long, articulé pour épouser les méandres de la rivière.

Le radelier dirigeait son radeau à l’aide d’une gaffe, le plus souvent à l’avant. Pour plus de sécurité il était pied nu, l’hiver ce ne devait pas être très agréable. Il lui fallait beaucoup d’agilité pour diriger cette masse de bois , autour de 17 tonnes, dans le courant, en évitant qu’elle ne s’accroche aux berges ou se coince dans les endroits difficiles. Au passage d’un moulin, il devait même quitter son radeau, faire le tour du moulin en courant et sauter sur son radeau en aval.

 

Il chantait pour avertir les meuniers de son arrivée et aussi peut-être pour le plaisir des lavandières et des pastourelles qui le regardait passer.

La rivière était alors un lieu de vie intense, lien et obstacle à la fois.

En 1872 1 115 radeaux ont descendus la rivière transportant 19 000 tonnes de bois. Les poteaux de mine représentaient une part très importante de ce trafic. En 1911 ce fut 1566 radeaux et 26 300 tonnes de bois qui descendirent la rivière.

Au droit de chaque moulin la rivière était barrée par une digue qui se serait révélée infranchissable aux radeaux si l’on n’y avait ménagé un passage dénommé "  passelis ". C’était un plan incliné d’amont en aval vers lequel on dirigeait, le temps du passage , l’eau du moulin. Il devenait ainsi une sorte de toboggan hydraulique sur lequel glissait le radeau. Le meunier devait souvent arrêter sa meule en fermant son écluse afin qu’il y ait assez d’eau pour que le radeau franchisse le passelis. Le meunier percevait un droit de passage à cet effet.

 

Cette opération donnait lieu à des empoignades verbales d’un fort niveau sonore et acerbe. Le GASCON est, paraît-il, une langue qui se prête à merveille à ces échanges colorés et crus. C’est ce que l’on peut appeler une langue verte.

 

Les moulins de PERNAUD et du PONT appartenaient aux moines chartreux qui n’avaient jamais doté leurs barrages des passelis nécessaires au passage des radeaux. Les bois devaient donc être transportés par charrois à bœufs pour parcourir le dernier kilomètre et rejoindre le port de BARSAC. Cette situation a duré jusqu’à la veille de la révolution où les moines ont dû aménager la rivière pour laisser le passage aux radeaux.

Ce transport connaissait bien des aléas, manque d’eau en été et en période de sécheresse, trop d’eau pendant les crues, gel aussi. En 1709 le CIRON fut pris par les glaces plusieurs semaines.

Parti de PRECHAC ou de VILLANDRAUT, le radelier mettait la journée pour arriver au terme de son voyage et retournait à pied, chargé des cordages mouillés. Quelques auberges jalonnaient son parcours d’une vingtaine de km pour VILLANDRAUT et d’une trentaine pour PRECHAC, où il trouvait repos et réconfort.

Plusieurs études furent menées pour savoir s’il était possible de rendre le CIRON navigable. Toutes ont eu comme conclusion que les travaux indispensables étaient disproportionnés par rapport aux bénéfices escomptés.

Il n’y a donc jamais eu de hallage sur le CIRON.

En 1873 fut mise en service la ligne de chemin de fer, LANGON-le NIZAN-Saint SYMPHORIEN destinée au transport des produits de la région. Celle-ci à réduit l’activité du flottage sans la faire disparaître car les tarifs du transport par cette voie étaient élevés et de ce fait la majeure partie des poteaux de mine sont restés sur le CIRON.


C’est le transport automobile qui a sonné le glas du flottage. En 1917, le premier tracteur de 6 tonnes 70 fut autorisé à rouler au maximum à 30 km/h et à 5 km/h dans les villages.

Le dernier radeau a descendu la rivière en 1931.

 

                                          Compte rendu écrit par André COCHET

Texte revu et corrigé par Monsieur Jean DARTIGOLLES.

 

 

La Molinie bleue

La Molinie est une plante vivace de 30 à 150 cm, commune en en EUROPE, formant des touffes compactes sur des souches épaisses, dont les bourgeons de renouvellement se situent au niveau du sol.

Les tiges dressées et les feuilles sont raides et rugueuses.

Cette plante de pleine lumière accepte la demi-ombre. Elle colonise facilement les sols pauvres qui connaissent de grandes variations d'humidité. C'est le cas dans la lande marécageuse dont le sous-sol "d'alios" imperméable piège les eaux de pluie et interdit aux plantes d'allonger leurs racines.

Dans les zone très humides elle se développe en "touradon" formant des étendue planes mais trompeuses car les touffes masquent l'eau stagnante. Il y a tout lieu de se méfier lors des promenade en forêt. Dans certaines zones humides, il vaut mieux ne pas s'écarter des chemins.

Les incendies de forêt facilite sa dissémination.

Elle est souvent associée à l'Avoine de THORE qui lui ressemble beaucoup et se développe sur les mêmes sols. Celle-ci est une plante typiquement du Sud-Ouest" . J. THORE est le botaniste landais, 1762/1823, qui décrivit cette plante.

André COCHET

Source: Flore forestière Française édité par l'Institut de Développement Forestier.

 

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