Les conférences du Ciron.

 SORTIE BOTANIQUE

Pompéjac le 1 mai 2004.

 

La hêtraie du Ciron.

 

Alexis DUCOUSSO.

Ingénieur de recherche au département Environnement Forêt et Prairie et Milieux Aquatiques de l’INRA.

 

 

La troisième conférence du Ciron était une sortie botanique pour découvrir la flore forestière des gorges du Ciron et de ses environs.

Le rendez-vous était fixé à 9h45 au pont des Gillet sur la commune de Pompéjac. Plus de 50 personnes ont répondu à l’appel malgré une météo incertaine dont un certain nombre de personnalités locales.

La sortie était guidée par M. DUCOUSSO Alexis. La zone visitée est localisée sur la carte.

 

Hêtraie :

La présence de cet îlot de hêtre au milieu de la Lande est tout à fait remarquable d’autant plus ce que cette formation végétale est unique en Europe. Elle est localisée dans les pentes des gorges du Ciron avec un sol très variable allant des sols bruns calciques aux rendzines. 

La roche affleure par endroit. Le paysage est très surprenant et très agréable. Le micro climat est très particulier et de nombreuses espèces végétales d’origine montagnarde sont présentes (sabline des montagne, potentille des montagnes, géranium sanguin,…). 

Le milieu est d’une très grande biodiversité pour la flore, la faune et la mycoflore.

Dans ces gorges vivent de très nombreuses espèces rares de mammifères comme le vison, la loutre, la genette et de chauve souris. Les différentes espèces de chauve souris trouvent des milieux très favorables comme des arbres morts creux, des cavités dans la roche, un corridor de feuillus. 

Les plantes rencontrées sont listées dans le tableau 1. Vous pouvez constater l’originalité de la formation végétale visitée par rapport à la liste des espèces données par CORINE BIOTOPE.

Elle se rapproche le plus des forêts mixtes de pente et ravins que nous pouvons voir dans les montagnes. Ces forêts sur milieu calcaire sont d’une très grande richesse spécifique et sont souvent installées sur des pentes abruptes. 

De nombreux botanistes et phytosociologues ont travaillés sur ce type de forêt et pour illustrer cet attrait voici quelques références : 

Lebrun et al., 1949 ; Vanden Berghen, 1953, 1969 ; Tanghe, 1959, 1964a, 1964b, 1968-1970 ; Noirfalise, 1960, 1984, 1986, 1987 ; Duvigneaud et Mullenders, 1962 ; Roisin et Thill, 1962 ; Ellenberg, 1963, 1988 ; Durin et al., 1967 ; Oberdorfer, 1967, 1990 ; Duvigneaud et Denaeyer-De Smet, 1970 ; Horvat et al., 1974 ; Ozenda et Wagner, 1975 ; Bournérias, 1979, 1984 ; Ozenda, 1985 ; Rodwell, 1991

Celle des gorges du Ciron se rapproche des forêts de ravin à tilleul et à érables dite du Tilio Acerion.  

C’est une formation retenue comme prioritaire par la directive européenne Natura 2000 (Code NATURA 2000 : 9180 ; PAL.CLASS.: 41.4). 

 

Dans la classification Corine Biotope, elle est décrite de la manière suivante :

Forêts mélangées d'espèces secondaires (Acer pseudoplatanus, Fraxinus excelsior, Ulmus glabra, Tilia cordata) des éboulis grossiers, des pentes abruptes rocheuses ou des colluvions grossiers de versants, surtout sur matériaux calcaires, mais aussi parfois siliceux (Tilio-Acerion Klika 55). 

On peut distinguer d'une part un groupement typique des milieux froids et humides (forêts hygrosciaphiles) généralement dominés par l'érable sycomore (Acer pseudoplatanus) sous-alliance Lunario-Acerenion, et d'autre part un groupement typique des éboulis secs et chauds (forêts xérothermophiles) généralement dominés par les tilleuls (Tilia cordata et T. platyphyllos) sous-alliance Tilio-Acerenion.

 

3) Espèces : 

Lunario_Acerenion - Acer pseudoplatanus, Actaea spicata, Fraxinus excelsior, Helleborus viridis, Lunaria rediviva, Taxus baccata, Ulmus glabra. Tilio_Acerenion - Carpinus betulus, Corylus avellana, Quercus sp., Sesleria varia, Tilia cordata, T. platyphyllos.

4) Répartition géographique: 

Allemagne, Autriche, Belgique (Wallonie), Espagne (région Pyrénées et mont Cantabrique), Finlande, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas (Savelbos et Schone Grub), Royaume-Uni, Suède.

Cette hêtraie a fortement régressé ces dernières années car il y a seulement 10 ans des îlots se rencontraient de Pujols sur Ciron à Bernos Beaulac soit plus de 30 km.

Aujourd’hui, il ne reste plus qu’environ 5 km aux environs de Pompéjac. 

La régression du hêtre est due à un exploitation sans soucis de régénération, l’envahissement des stations à hêtre par le robinier faux acacia ou par la plantation de pin maritime. Ce milieu unique et très fragile mérite une protection.

Pour le protéger la végétation des gorges, il faut :

-maintenir un corridor de part et d’autre des gorges sans coupe à blanc pour préserver le microclimat

-les exploitation de bois peuvent se faire par petites unités de quelques ares toutefois il vaut mieux abandonner toute exploitation de bois

-ne pas construire de piste dans les gorges du fait de la fragilité des sols et du micro climat

-éliminer le robinier des gorges et de son pourtour.

 

Chênaie atlantique :

Le deuxième milieu très intéressant visité est une chênaie atlantique à chêne tauzin et pédonculé. Ce type de forêt se rencontrent surtout au Portugal mais est rare à l’échelle européenne pour cela il appartient à la directive européenne Natura 2000

Ce type de chênaie a pu se maintenir dans la vallée du Ciron grâce aux chasseurs. Ce sont d’excellents sites de chasse pour les amateurs de palombière. 

Les menaces pesant sur ce type de forêt sont l’envahissement par le robinier et la plantation d’essence de valeur (pin maritime ou robinier). Il faut remarquer que le milieu est très pauvre et contraignant pour la végétation et la productivité très faible. 

De ce fait, les sylviculteurs sont tentés de convertir ces peuplements en substituant le peuplement naturel par du pin maritime et du robinier faux acacia. Leurs efforts ne seront jamais récompensés car la productivité est trop faible pour permettre un retour sur investissement.

Dans la classification Corine Biotope, elle est décrite de la manière suivante :

41.572 Chênaies acidiphiles xéro-thermophiles, Sileno-Quercetum petraea.

Chênaies xérophiles sur des escarpements ensoleillés avec des sols superficiels secs, siliceux et souvent schisteux de la vallée du Rhin et des secteurs hercyniens schisteux.

41.6 (D.H.) Forets de Chêne Tauzin. Quercion robori-pyrenaicae.

Forêts de Quercus pyrenaica dominant de la Péninsule Ibérique et, localement, du sud-ouest de la France. (Braun-Blanquet, 1967 ; 1983; Noirfalise, 1986, 1987)

41.6 Chênaies galicio-portugaises à Quercus robur et Quercus pyrenaica.

 

Code NATURA 2000 : 9230 PAL.CLASS.: 41.6

1) Chênaies galicio-portugaises à Quercus robur et Quercus pyrenaica.

2) Forêts dominées par Q. pyrenaica du sud-ouest de la France (Quercion robori-pyrenaicae).

3) Espèces: Quercus pyrenaica, Q. robur.

4) Répartition géographique: Espagne, France, Portugal.

 

7) Les types d'habitat suivants sont inclus:

41.65 - Chênaies à Quercus pyrenaica françaises. Betulo-Quercetum pyrenaica i. a.Forêts de Quercus pyrenaica du sud_ouest de la France, au nord jusqu'en Sologne où elles constituent des formations relativement étendues sur des sols pauvres, à Betula pendula, Lonicera periclymenum, Deschampsia flexuosa, Holcus mollis, Molinia caerulea, Teucrium scorodonia.

 

Bois de robinier faux acacia :

Le groupe de botaniste en herbe s’est arrêté une première fois dans un bois de robinier faux acacia. Le robinier est une espèces originaire du Bord Est des Etats-Unis. Les premiers arbres ont été plantés place des Vosges à Paris par Robin, jardinier du roi, en 1601.

Depuis, il a été largement planté pour la production de piquet. Il présente un bois de qualité exceptionnelle car il est très durable. C’est le seul bois des forêts tempérées capable de rivaliser avec les bois tropicaux. Il est donc écologiquement intéressant car il évite des traitements très toxiques (xylophène-Cuivre-Chrome-Arsenic…)

Par contre il est très envahissant et il modifie complètement le milieu. En effet, au niveau de ses racines il existe des nodosités qui hébergent une bactérie (Rhizobium) qui fixe l’azote atmosphérique. La flore présente dans le sous bois est uniquement nitrophile (qui aime les nitrates) et se compose de chélidoine, d’ortie, de gaillet grateron et de sureau noir.

 

Pinède artificielle :

Nous nous sommes arrêtés dans une plantation récente de pin maritime en lisière des gorges du Ciron. Nous avons pu voir le changement du paysage et de la flore. Nous avons pu aussi discuter sur l’impact délétère de cette coupe sur le microclimat des gorges adjacentes.

Je remercie tous les participants avec lesquels j’ai passé une excellente journée et je remercie chaleureusement Mme Dominique de PINOS pour l’organisation des conférences du Ciron. 

Votre guide nature.
DUCOUSSO Alexis.

Tableau 1 : 
Liste des plantes rencontrées
 dans les gorges du Ciron.

Nom français Nom scientifique Famille

Arbres.

Alisier torminal Sorbus torminalis Rosacées
Aubépine monogyne Crataegus monogyna Rosacées
Charme Carpinus betulus Corylacées
Chêne pédonculé Quercus robur Fagacées
Cornouiller mâle Cornus mas Cornacées
Cornouiller sanguin Cornus sanguinea Cornacées
Erable champêtre Acer campestris Aceracées
Fusain d’Europe Euonymus europaeus Célastracées
Hêtre Fagus sylvatica Fagacées
Noisetier Corylus avellana Corylacées
Orme champêtre Ulmus minor Ulmacées
Tilleul à grandes feuilles Tilia platyphyllos Tiliacées
Arbustes.
Chamérisier à balai Lonicera xylosteum Caprifoliacées
Fragon Ruscus aculeatus Liliacées
Houx Ilex aquifolium Aquifoliacées
Lierre Hedera helix Araliacées
Nerprun purgatif Rhamnus cathartica Rhamnacées
Troène Ligustrum vulgare Oléacées
Viorne obier Viburnum opulus Caprifocliacées
Herbacées.
Brachypode penné Brachypodium pinnatum Poacées
Bugle rampant Ajuga repens Lamiacées
Euphorbe des bois Euphorbia amygdaloides Euphorbiacées
Euphorbe douce Euphorbia dulcis Euphorbiacées
Euphorbe poilue Euphorbia pilosa Euphorbiacées
Garance voyageuse Rubia peregrina Rubiacées
Géranium sanguin Geranium sanguineum  Géraniacées
Gouet d’Italie Arum italicum Aracées
Hellébore vert Helleborus viridis Renonculacées
Laîche glauque Carex flacca Cypéracées
Lierre terrestre Glechoma hederacea Lamiacées
Mélique à une fleur Melica uniflora Poacées
Mercuriale pérenne Mercurialis perennis Euphorbiacées
Muguet Convalaria majalis Liliacées
Potentille des montagnes Potentilla montana Rosacées
Primevère acaule Primula acaulis Primulacées
Sabline des montagnes Arenaria montana Caryophyllacées
Sceau de Salomon odorant Polygonatum odoratum Liliacées
Tamier commun Tamus communis Dioscoréacées
Véronique des montagnes Veronica montana Scrophulariacées
Violette des bois Viola rechenbachiana Violacées

Tableau 2 :

Liste des plantes rencontrées
 dans la chênaie à pédonculé et à  tauzin.

Nom français Nom latin Famille

 

Arbres.

Chêne pédonculé Quercus robur Fagacées
Chêne tauzin Quercus pyrenaica Fagacées

 

Arbustes.

Ajonc d’Europe Ulex europeaus Fabacées (Légumineuses)
Bruyère cendrée Erica cinerea Ericacées
 

Herbacées. 

Fougère aigle Pteridium aquilinum Hypolépidacées
     

Tableau 3 :
Liste des plantes rencontrées
 dans le bois de robinier, faux acacia.

Nom français Nom latin Famille

Arbre.

Robinier faux acacia Robinia pseudacacia Fabacées (Légumineuse)

 Arbustes. 

Sureau noir Sambucus nigra Caprifoliacées
 Herbacées. 
Chélidoine Chelidonium majus Papavéracées
Ortie dioïque Urica dioica Urticacées