TEXTES EN GASCON.

 

Ma Garbetto.

(Ma petite gerbe)

 

 

Souvenirs d'un peu partout.

Poésies.

 

Soubenis d'en tsic pertout.

 

Pouesios.

 

 

Récits et poésies en Langue d'Oc (contrée de Lesparre) avec traduction de l'auteur.

 

Abbé D-M. BERGEY. Curé de Saint Emilion 
ex-Aumonier Militaire du 18 ème R.I.

Edition de la Revue Méridionale.  5 rue Fondaudège. Bordeaux. 1923.

 

Collection Christian de Los Angeles.

 

Celui qui suivait...

 

(Petit conte... peut-être vécu)

 

Lou que siguè...

(Pétit counte...beléou biscut.)

 

Ces textes sont issus d'un livre ancien.
Photocopiés et scannés avec reconnaissance de caractères.
Ils peut subsister des erreurs, surtout en gascon.

Prière de nous les signaler. ancochet@wanadoo.fr

 

A Monsieur l'abbé Tuillier, curé de Notre-Dame de Bordeaux.

A l'éloquent « rilayre » qui suit si bien le Maître et dans les traces duquel tant de «fils » essaient de  «suivre »

A Moussu l'Abbè Tuilllé, curè de Nosto-Damo de Bourdèou.  

A l'élouquent « rilayre » (1) que sèc si bien lou Mèste et que tant de «  hills » assayen de segui aou trail !

 

I

Te souvient-il du soir, il y a quelque peu longtemps de cela !

Où tous deux, sans parler, le long de la mer, rougie

Par le soleil couchant, traînant notre âme broyée,

Nous écoutions les battements de notre cœur ?

Te soubèn daou dessey, ya paousetto d'aquo !

Ant tous dus, sans parla, long de la ma, roudzido

Praou sou coutsan, treynants nosto amo escapoutsido,

Escoutaouen lous battemens de noste co ?

Je venais d'endeuiller ta pauvre destinée !

Je t'avais dit : « Nous nous aimons. Mais je vais bientôt te quitter.

Mes yeux, si remplis de toi, point lassés de te regarder,

Ne t’oublieront pas, tu le sais bien, mon aimée.

Binèoui d'énduilla ta praoubo destinádo !

T’aoui dit: « Nous ayman. Mais baouc lèou te quitta.

Mous èils si plens de tu, pugn las de te gayta,

Ne t’oumblideran pas, lou sas bè, moun aymádo.

Va ! je me souviendrai, jusqu'à ce que je sois vieux,

Que c'est auprès de toi qu'est éclose ma pensée,

Et que s'est réchauffée ma pauvre âme blessée,

Comme un oiseau malade, dans un rayon de soleil.

Ba ! me soubinderey, trunqu'a ce qu'èsti beil,

Qu'aco's aouprès de tu qu'espelit ma pensado

Et que s'escaoudinèt ma praoubo amo blassádo,

Coume en aoudèt malaout dens en ray de soureil.

Mais... vois-tu, les amours de notre pauvre vie

Ne peuvent pas combler, au fond de nous,

Le si profond besoin de nous tenir bien hauts,

Au-dessus de la terre et de sa comédie

Mais... bés tu, las amous de nosto praoubo bio

Ne poden pas coumbla, dens lou soou de nous aouts,

Lou si préhount besougn de nous teni bien haouts,

Aou dessus de la terro et de sa coumedio.

J'ai voulu, tu blâmeras ! ne pas me contenter

De promener mes yeux sur ta claire jeunesse...

Le monde, ses eaux croupies, son froid tourbillon

Ne pourront jamais, je le sens bien !... me faire monter

Ey boulut, blaymeras !   ne pas me countenta

De premena mous èils se ta claro dzenesso...

Lou mounde, souts dzampots, sa freydo bouhemesso

Pouyran jamais, lou sènti bè... me ha mounta. »

II

Je me tus. Le Ciel enveloppé de brume

Semblait s'être vêtu d'un long manteau de deuil.

Et la mer déployait, en pleurant, son linceul

Qui frissonnait dans ses franges d'écume.

Me taysèri. Lou cèou, engouloupat de brúmo,

Semblaou sayé bestit d'en long mantèt de dóou.

Et la ma desplegaou, en plourants, soun linçoou

Que s'estrementissè dens sas frandzos d'escúmo.

Tu me regardas, pourtant... comme un petit chien battu.

Elle venait de te faire mal, la nouvelle entendue !

Ton plus âpre malheur, depuis que tu étais née !

Tu retenais ta respiration... Tu me voyais perdu.

Me gaytères, pertant... coume en cagnot battut.

Binè de te ha maou, la nouèro entendúdo !

Toun pes aspre malhurt, dempey qu'ères badúdo !

Retinèoues  ta lèn... Me bedèoues perdut....

Au bout d'un grand moment d'une voix malheureuse

Que tu voulais garder calme dans ta douleur,

Mais que démentait ta mortelle paleur,

Tu me dis: « Tu t'en vas !!…            Quelle est donc la voleuse ?…

Aou bout d'en gran moumen, d'eno bois malherúso   

Que boulèoues garda calmo dens ta doulou,

Mais que desmentissè ta mourtello palou,           

Me dichures : « T’en bas !!… Quey es doun la boulúso ?»

Cela me, suffoqua. Je, me serais presque sauvé.

En sanglotant pour ne pas t’entendre redire

Que pour une autre, je t'aurais fait souffrir le martyre.

... Je te dis, quand même, qui m'avait volé....

Aco me santrasit. M'aouri quasi saoubat

En senglutants, pré pas t'entènde me redire

Que pr'en'aouto t’aouri heyt souffri lou martyre…

Te dichuri, toutün, quey m'aouè daraoubat…

III

En regardant au-dessus, dis-je, petite,

Au-dessus de la boue et de ses éclaboussures,

Des voleurs, des vicieux, des mondes accroupis,

De tout ce qui se plaint sur la terre maudite,

En gaytants aou dessus, dichuri you, petito,

Aou dessus de la hagno et de sous escoupits,

Das boulurts, das bissats, das moundes accroupits,

De tout ce que se plagn se la terro maoudito,

Et même, au-dessus des claires beautés,

De toutes les douceurs qui fleurissent les âmes,

Qui allument des clartés du Ciel sur les grandes lames,

Pour les pauvres bateliers, comme moi démontés,

Et mêmes aou dessus de la claros beoutats,

De toutos las douçous que flourissen las amos,

Qu'alluquen de las lutz daou cèou sé las gran'lámos,

Pras praoubes bateleys, comme you, desmountats,

J'ai vu des yeux qui ont brûlé ma poitrine,

Des yeux profonds et doux, qui m'ont pris pour toujours :

Ceux d'un homme, couvert de sang, beau comme un jour,

Dont chaque mot semblait être chaud comme une étincelle.

Ey bis lusi das èils qu'an burlat ma peytrino,

Das èils prehounts et dous, que m'an pres pré toujoun :

Lous d'en home, coubèrt de sanc, bèt coume en dzoun,

Doun cade mot semblaou caout coume eno lazino.

Il est beaucoup plus beau que toi, toi, tu es belle, pourtant !

Il m'a comme ensorcelé, plus fort que, toi, mon amie !

Et ses lèvres toutes blanches m'ont insufflé une vie

Plus courageuse, que les tiennes que j'aimais tant !

Es fort pe bèt que tu, tu sès bèrou, pertant !

M'a coume ensourcillat, pe fort que tu, ma mio,

Et sous balots tout blancs m'an bouhat eno bio,

Pe couradzouso que lous tons qu'aymaoui tant !

Je l'ai vu sur une croix, la poitrine trouée;

Sur le bois rougi, ses mains et ses pieds cloués,

Le front rayé par les épines, et ses beaux yeux fermés,

Son pauvre corps pâli, sa chair déchiquetée…

L'ey bis ses eno croutz, la peytrino traougàdo;       

Saou boys roudzit sas mans et sous pès claouerats,

Lou ten ristat d'arundro et sous bèts èils barrats,

Soun praoube cors blaousit, sa chairt espichagádo.

Je l'avais cru éteint. Mais il n'était qu'endormi.

Et quand il se releva, vivant, de son suaire,

Sur les soldats renversés, peureux à nous faire horreur,

Il fit entendre sa voix au monde frémissant :

L'aoui querdut esteignt. Mais n'èro qu'endroumit.

Et quand se reluèt, biouèn, de soun sudári

Sas souldats de rebès, paourucs à nous ha nári,

Hit entènde sa bois aou mounde estrementit :

Heureux ceux qui s'en vont sur les sentiers de la vie,

En s'aimant à plein coeur, comme s'aiment les frères,

Qui dès leur enfance, sur les genoux de leurs mères,

Et jusqu'aux frissons de leur froide agonie,

Hérus, lous qué s'en ban sas sendeys de la bio,

En s'aymants a plen co, coume s'aymen lous frays;

Que dzenemen aouant sas dzenouils de lus mays,

Et trunqu'as fresillouns de lu freydo do agounio,

Savent aimer, souffrir, comme j'ai souffert, aimé;

Tendre la main à tous, les relever, les conduire;

Donner du pain à ceux qui ont faim, à ceux qui ont soif donner à boire;

Essuyer les yeux lassés de ceux qui ont pleuré.

Saben ayma, souffri, coume ey souffert, aymat ;

Tènde la man a touts, lous lua, lous counduoure ;

Bailla pan as qu'an hame, as qu'an set bailla buoure ;

Echuga lous èils las de touts lous qu'an bramat.

Heureux, celui qui, pour moi, laissera son village,

Ses vignes et ses bois, ses boeufs et son foyer,

Sa maison, ses amours, sa lande ou sa dune,

Pour me suivre, d'un coeur débordant de courage.

Herus, lou que, pre you, dichera soun billadze,

Sas bignos et sous bos, sous beous et soun houguey,

Soun oustaou, sas amous, sa lando o soun piquey,

Pré me segui, d'en co rifoulants de couradze.

Heureux celui qui voudra du matin au soir,

Dès l'aube levé, jusqu'au crépuscule,

Suivre mes pas à la trace, au soleil, dans la boue,

Me suivre malheureux, pauvre, seul... comme je suis...

Herus, lou gue boudra, daou matin aou dessey.

Des l'ourbaillo luat, trunquos a l'escurágno,

Segui mous pas aou trail, aou soureil, dens la hágno,

Me segui malherus, praoube, soul... coume sey...

Heureux celui qui voudra, comme un nouveau « rilayre » (1)

Aller chanter mon nom où il n'est pas connu,

Dans les petits villages, la ville. Heureux celui qui naquit

Pour devenir pour moi, sur la grande Mer, pêcheur :

Herus, lou que boudra, coume en nouèt rilayre,

Ana canta moun noum an n'es pas counechut,

Dens lous maynes, la bilo. Herus, lou que nechut

Pre debeni pre you, se la Grand'Ma, puscayre :

Non point pour pêcher du poisson avec de pauvres filets,

Sur la grande Mer des vents, des gouffres, des tempêtes,

Mais dans le Monde saoul de vices et de fêtes,

Qui engloutit tant de coeurs, sans lumières, mal envoilés.

Noun pugn pre pusca peys en das praoubes hilats,

Se la grand’ma das bèns, das gurps, de las tempèstos,

Mais dens lou moundé hart de bices et de hèstos,

Qu'engloutis tant de cos, sens lutz, maou embelats.

Heureux les beaux ouvriers de la belle fournée...

Où tous les bateliers chargeront leur bateau,

Pour aller le décharger sur les rivages du Ciel,

Où le Père donnera le prix de la journée.

Herus, lous bèts oubreys de la bèro hournádo...

An touts lous bateleys cargueran lu batèou,

Pr'ana lou descargua sas ribadzes daou Cèou,

An lou Pay baillera lou prèts de la dzournádo.

Heureux, celui qui m'a vu et a su m'aimer...

Qui a rivé son regard sur mes yeux de misère,

Qui n'a plus pu regarder vers la terre,

Qui a compris ce que j'ai dit et le vit sans cesse.

Herus, lou que m'a bis et qu'a sabut m'ayma...

Qu'a ribat soun regart se mous eils de misèro,

Que n'a pas mey pouscut espia bèrt la terro,

Qu'a coumpres ce qu'ey dit et lou biou sens rema.

Prends donc, pour me suivre, ton bâton, ta gibecière,

Ton crucifix, ton coeur pour chanter ma chanson,

Pour apprendre aux tout-petits, aux grands, partout où ils sont,

A me balbutier quelque lambeau de prière.

Pren doun, pré me segui, toun poou, ta gebicièro,

Toun croudzefic, toun co pré canta ma cansoun,

Pr'aprenne as tout petits, as grants, pertout an soun,

A me papouteya quaouque tros de prièro.

On te dira que tu es fou... Courage, mon fils !

Au-dessus de nous, il y a le Père qui veille;

De lumière et de chaleur son coeur nous ensoleille...

Et quand tu es à genoux, il peut te faire lever géant.

Te diran que sès foou... Couradze, moun éhant !

Aou dessus de nous aouts, ya lou Pay que nous beillo;

De lutz et de calou soun co nous ensoureillo....

Et quand sès a dzenouils pot te masta Géant.

IV

Voilà ce que m'a dit, ma pauvrette, le Maître.

J'en suis tout transi depuis que j'ai entendu.

C'est pour cela, qu'aujourd'hui, auprès de toi, je me suis rendu,

Pour broyer sur ton coeur, mon coeur de futur prêtre ...............

Bala ce que m'a dit, ma praoubetto, lou Meste.

N'en sey tout trasannat dempey qu'ey entendut

Aco's pr'aco qu'aneyt prés de tu m'ey rendut,

Pr'esbouilla se toun co moun co de futurt prèste…

Le Ciel semblait vêtu d'un long manteau de deuil.

La nuit l'enveloppait doucement de sa brume...

Et, frémissante dans ses franges d'écume,

La grande mer déployait, en pleurant, son linceul ….

Lou céou, semblaou bestit d'en long mantèt de doou.

La neyt l'engouloupaou doucemen de sa brumo...

Et, s'entrementissènts dens sas frandzos d'escumo,

La grand ma desplegaou, en plourants, soun linçoou .......

V

Tu pleuras un moment... Malheureuse? En colère?

J'attendais ton cri de reproche ou d'amour.

Mais vite, séchant tes yeux, tu avalas ta douleur,

Tu me serras la main pour paraître courageuse.

Plourères en moumen... Malheruso ? Esmalido ?

Attendéoui toun crit de reproche o d'amou.

Mais lèou, secants tous èils, trasires ta doulou,

Me sarères la man pré parèche hardido.

Tu me dis alors: « Tu as bien fait, mon ami. »

De Celui qui t'a volé je ne serai pas jalouse.

Si tu ne L'avais pas choisi, je serai trop honteuse.

Lui, le grand Roi du Ciel, moi la pauvre fourmi !

Me dichures alors : « As bien heyt, moun amic.

Daou que t'a daraoubat ne sarey pas dzelouso.

Se L'aouès pas caousit, n'en sari trop hountouso :

Het lou grant Rèy daou Cèou, you lou praoube hourmic !

Suis-Le... va... laisse-moi... Ta vie sera belle.

Je t'aimerai, tu m'aimeras... cela ne nous est pas défendu.

D'ici je te suivrai. Si mon coeur s'est fendu,

Il n'en laissera que mieux échapper sa prière...

Sèc Lou... ba... dècho me... Ta bio sara bèro.

T'aymerey... m'aymeras... nous es pas defendut.

D'aqui te seguirèy... Se moun co s'a hendut,

N'en quittera que mèy escapa sa prièro...

Je prierai le matin, je prierai le soir,

Pour que tu sois bon ouvrier de la rude journée,

Que, tu demeures vaillant, jusqu'à la soirée

Où il te faudra mourir... Suis-Le... moi, je prierai. »

Préguerèy lou matïn, préguerèy lou dessèy,

Pré qu'èstes bon oubrey de la rudo dzournado,

Que damores balèn trunqu'à la desseyrado

An te fadra mouri... Sèc Lou... you préguerèy.

VI

Je partis sur les chemins où toutes les misères,

Les douleurs et les deuils, les riches et les gueux,

Se traînent, en attendant, les malheureux !

Que notre Grand Ami écoute leurs prières.

Partiri sas camïns an toutos las misèros,

Las doulous et lous daous, lous riches et lous gus

Se roussèguen, en attendènts, lous malherus !

Que noste Grant Amic escoute lus prièros.

Tu partis, toi aussi... là-bas... dans un couvent,

Pour être plus à l'aise pour m'offrir ton aide.

Ta prière, pour me secourir, chaque jour je l'ai eue.

C'est à toi que j'ai dû de bien suivre... souvent...

Partires, tu tabè... la bas... dens en coumbèn,

Presta mey à toun ayze à m'ouffri toun ayúdo.

Ta prièro, en secous, cade dzoun l’ey ayúdo.

Es a tu qu'ey dihut de bien segui... souhèn...

Mais ton coeur s'est cassé, dans une matinée...

Tu l'as trop tôt démoli à trop tort m'étayer...

A force de souffrir, de craindre, de t'essouffler,

En Haut, vers le bon Dieu, ton âme est envolée...

Mais toun co s'a roumput, dens eno matinádo ...

L'as trop lèou desmoulit a trop fort m'accouta ...

A forço de souffri, de cregne, d'halenta...

En Haout, bèrt lou Boun Diou, toun amo es embouládo...

Moi, je Le suis toujours, puisqu'il ne m'appelle pas...

A certains jours le temps, est dur, les jambes fléchissent...

J'en ai tant vu s'endormir! J'en ai tant vu qui grognent !

Il y en a tant qui se sont vendus dans les traces de Ses pas !

You, Lou sègui toujoun tant que m'appèrou pas...

A dzouns, lou tèms es du, las camos me trimólen...

N'ey tant bis s'endroumi ! N'ey tant bis que groumólen !

Gn'a tant que s'an benduts, dens lou trail de sous pas !...

Je L'ai suivi dans les champs, je L'ai suivi dans les villes,

Partout où, pour lutter, il a fallu se lever.

Je L’ai suivi chez la Mort, où j'en ai tant vu tuer

De jeunes et de vieux, égorgés dans les argiles !

L'ey sigut dens lous cams, L'ey sigut dens las bilos,

Pertout an per se batte a fallut se lua.

L'ey sigut ché la Mort, an n'ey tant bis tua

De gouyats et de beils, sannats dens las ardilos !...

J'ai suivi, derrière Lui, pour caresser des blessés,

Qui appelaient leur mère dans les nuits infernales...

J'ai fermé de beaux yeux, crevés par des balles...

J'ai pleuré, à genoux, sur des morts entassés…

Ey sigut, darrey Het, parouna das blassats,

Que huchaouen lu may dens las neyts ïnfernalos...

Ey barrat das bèts èils, crebats pré de las balos...

Ey plourat, à dzenouils, se das morts amassats !

Je L'ai suivi au combat, où Il rayonnait l'espérance,

Sur les champs déchiquetés où hurlait le canon...

Fredonnant, tout bas, l'immortelle chanson

A tous ceux qui sont morts pour que vive la France.

L’ey sigut aou coumbat an rayaou l'esperanço,

Sas cams espichagats an gulaou lou canoun...

Sansouneyants, tout bas, l'immourtello cansoun

A touts lous que soun morts pré que bioue la Franço.

Près des croix de bois où je les ai endormis,

Enveloppés d'amour, sur le bord de la tranchée,

Ma pensée, je le sens, demeurera toujours...

Je suis toujours à genoux près de leurs corps glacés.

Près de las croutz de boys an lous ey endroumits,

Engouloupats d'amou saou born de la tranchado

Damourera toujoun, lou sènti, ma pensado.

Sey toujoun à dzenouils près de lus cors mourdits...

Et pourtant... il faut suivre... suivre toujours l'Etoile...

Sans jamais oublier les grands qui sont partis,

Il faut se retourner... Le mât des tout-petits

Au vent de l'avenir pare la blanche voile...

Et pertant... faou segui... segui toujoun l'Estélo...

Sens jamais oumblida lous grants que soun partits,

Faou se recabira... Lou mas das tout petits

Aou bèn de l'abeni paro la blanco belo.

J'ai pensé que tu voudrais qu'ils ne s'aillent pas noyer.

Pour que je puisse suivre le Maître des lames,

Avec Lui mettre à l'abri des gouffres leurs jeunes âmes,

Pour le, faible batelier, de là-bas... il faut que tu pries...

Ey pensat que boudrès que s'anguen pas nega.

Pre que pusqui segui lou Meste de las lamos, 

En d'Het mette a l'abric das gurps lus dzenos amos,

Praou faible bateley... la bas... te faou prega...

Note de l’auteur.

Noto de l’aouturt.

Le bel ouvrier de Dieu n'est plus sur la terre.

A force de suivre... sur le chemin il s'est arrêté…

Le cher « rilayre » est muet pour avoir longtemps chanté...

Mort d'un morceau de fer reçu à la guerre.

Lou bèt oubrey de Dîou n'es pas mey se la terro.

A forço de segui... saou camïn sarrestat...

Lou chert rilayre es muc, d'aye paouso cantat...

Mort d'en boucïn de fert recebut a la guerro...

Mais un soir d'août, après le coucher du soleil,

Quand la mer me vit seul à regarder ses lames,

Èlle me confia le secret de leurs deux belles âmes,

Et je partis aussitôt pour avertir le passant....

Mais en dessey d'agout, après lou sou coutsan,

Quant la ma me beyut soul a gayta sas lamos,

Me countet lou secret de lus dúos beros amos...

Et partiri saou cop, pr'aberti lou passan.

Tout près du vieux couvent, où mourut la jeune fille,

J'ai trouvé le petit tertre qui couvre ses vingt ans.

L'autre est près d'un clocher, où la houle en chantant,

Semble prier pour le mort que la terre garde précieusement.

Tout près daou beil coumbèn, an mourit la gouyáto,

Ey troubat lou macèo que cobro sous bïnt ans.

L'aoute es près d'en clouchey, an la houlo, en cantants,

Semblo prega praou mort que la terro recáto.

Pour la jeune Soeur, sous le Crucifix,

J'ai écrit : « Ici repose la dépouille d'un ange. »

J'ai mis sur l'autre croix, qu'un jeune lierre frange

« Ici tomba celui qui suivait le Grand Ami. »

Pré la petito So, debat lou Croudzefic

Es escriout : « Aqui drom la.despouillo d'en andze. »

Ey mes se l'aouto croutz, qu'en dzène lèdre frandze

« Aqui toumbèt  lou que siguè lou Grant Amic. »

Saint Emilion-Lesparre.

Juin Juillet 1923.

Semelioun-Lesparre.

Dzugn Dzuillet 1923.

(1) Ribayre : Chanteur populaire de la nuit de Noël.

D-M. BERGEY.

 

 

Réalisée le 1 octobre 2004

 André Cochet

Mise s<ur le Web le     octobre 2004

Christian Flages

Mise à jour le

                 

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