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Recueil      
  des      
    Brochures et écrits 
     

publiés

 
   

depuis 1839 jusqu'à ce jour  (1880.)

   

Henry de Lur-Saluces.

Dates.

Titre. Pages.

15 fev. 1876

Lettre 

305/307

 au directeur du 

"Journal de Bordeaux".

 

Monsieur,

 

J'ai du plusieurs fois, en 1863 et 1869, répondre au Journal de Bordeaux, et je puis dire que la polémique avec lui ne me déplaît point, d'abord parce que je suis un peu enclin à la controverse et aussi parce qu'avec le Journal de Bordeaux cette controverse conserve toujours des formes polies.

Le défenseur d'une cour où l'on portait des culottes courtes et des souliers à boucle ne peut effectivement être qu'un homme bien élevé.

 J'ai, par suite, vite reconnu que l'attaque dirigée contre moi dans le numéro de ce jour venait d'une source étrangère.

Je vais néanmoins y répondre sur le ton, adopté jusqu'ici par le Journal de Bordeaux.

 Et d'abord ; le récit présenté est de tous points inexact.

 Jamais un docteur, deux docteurs, quatre docteurs ne sont venus me proposer ou même m'indiquer une condition quelconque.

Fort heureusement, d'ailleurs ; car malgré mon respect, pour la faculté en général et pour les docteurs de mon canton en particulier ; ils eussent été mal accueillis.

Page 306

Jusqu'à présent, en effet, j'ai pensé et écrit (à moi tout seul) tout ce que j'ai signé, et ma prétention est très certainement d'en agir toujours de même.

D'ailleurs, je n'avais nullement besoin d'être incité, par un intérêt quelconque à adopter, en 1871, le système républicain ; car, en 1848, voici ce que j'écrivais au président d'un club qui me demandait si j'étais dévoué aux institutions républicaines :

 

«  Je vais vous répondre avec une grande netteté.

Deux principes sont en présence en France et en Europe depuis plus d'un demi siècle: la Révolution et la contre Révolution. Que la Révolution s'appelle Charte de 1830 ou République de 1848, c'est toujours la Révolution.

Le but évident, la pensée de la Révolution française, c'est le triomphe de la raison humaine, de la justice et des lois sur la force brutale et les préjugés de toute sorte.

Entendue et comprise ainsi nul n'est plus sincère partisan que moi de la Révolution française.

 Maintenant: si les institutions qui vont être données à la France sont la traduction vraie des sentiments qui animent Lamartine, je réponds à votre question : Oui, je suis partisan des institutions républicaines.

Si ces institutions étaient dictées par les clubs démagogiques de Paris: Non, je ne suis pas leur partisan, car elles ne seraient pas viables. »

 

Enfin, au mois de décembre de la même année, à un banquet de 600 couverts, je portai un toast à la République en des termes qui sont absolument semblables à ceux que j'aurais à employer aujourd'hui pour rendre ma pensée (voir les journaux du temps).

Je renouvelai ce toast pour la fête des artilleurs, en décembre 1849 et en décembre 1850.

On peut très bien n'être pas de mon avis et condamner mes opinions ; mais contester qu'elles ne soient sincères et constamment d'accord entre elles, c'est ce que je ne saurais admettre.

Page 307

Ma profession de foi du 22 février 1839 (Mémorial bordelais) renferme l'énoncé de tous les principes qui sont encore mes guides.

La monarchie élective n'avant pu réaliser les progrès demandés, la logique veut que nous les demandons à la République.

Les inconséquents sont ceux qui ayant fait ou applaudi aux Révolutions de 1789 et de 1830, en renient aujourd'hui les principes !

Ce sont ceux encore qui, voltairiens il y a quarante ans, sont devenus cléricaux zélés !!

Ce sont ceux surtout qui, après avoir combattu comme immorales les candidatures officielles, s'en servent maintenant comme de leur unique et suprême ressource !!!

Je renvoie donc à votre correspondant malavisé les qualifications qu'il m adresse.

Je regrette de vous quitter, Monsieur, car certes j'aurais encore bien des choses à vous dire ; mais la période électorale, est bien courte pour un homme qui va de Belin à Cadillac, d'Arès à Langoiran, d'Audenge à Créon, etc., dans le but de persuader aux électeurs qu'il a raison et que vous avez absolument tort ; ce qui ne m'empêche pas de vous prier d'agréer l'assurance de ma parfaite considération.

   

 

Table des matières.

 

Réalisée le 10 septembre  2005  André Cochet
Mise sur le Web le  septembre  2005

Christian Flages