.

Recueil      
  des      
    Brochures et écrits 
     

publiés

 
   

depuis 1839 jusqu'à ce jour  (1880.)

   

Henry de Lur-Saluces.

Dates.

Titre. Pages.

18 février 1876

Lettre 

308/310

 au rédacteur du journal

"La Province".

L'attaque dirigée contre moi dans la Province de ce jour m'a surpris ; elle ne me parait pas d'accord avec ce que le même journal écrivait à mon sujet au mois d'août 1874.

Il est vrai que la Province a souvent varié dans ses appréciations sur des points plus importants !...

D'ailleurs, je suis trop sincère partisan de la liberté de la presse pour me plaindre aigrement lorsque j'ai à souffrir de ses excès, persuadé que je suis qu'à la longue les violences de langage retombent sur ceux qui y ont eu recours.

Toutefois, vous faites de mon ambition une peinture si extravagante, que je viens vous prier de publier ce que j'écrivais sur ce sujet aux électeurs de La Réole le 15 juin 1846. 

« Enfin, Messieurs, on a dit que j'étais un ambitieux; certes, c'est là un grand mot et qui m'embarrasse quelque peu, parce qu'il laisse supposer ou de grandes vues, ou une grande présomption.

Toutefois, vous m’avouerez que c'est une ambition singulière que celle d'un citoyen qui vous dit : Voilà le seul gouvernement raisonnable, possible même; si on veut de moi, je désire le servir; mais je ne veux ni faveurs, ni places, ni rubans d'aucune espèce... 

Page 309

Eh ! grand Dieu ! si tous les ambitieux étaient animés des mêmes sentiments, le gouvernement d'un grand peuple serait une chose bien facile au lieu d'être la plus difficile de toutes...

Mais après tout, s'il faut absolument que je sois un ambitieux, je veux bien l'être aussi, et je puis même parfaitement faire connaître l'ambition qui m'anime.

Mon ambition, Messieurs, c'est de ne pas vivre oisif au milieu d'une société où chacun travaille; c'est de porter ma part des labeurs sociaux, puisque j'ai ma part des bienfaits de la civilisation; c'est de mériter votre estime à la fin de ma carrière, si vous jugez que ma vie a été utile à d'autres qu'à moi.

Voilà, Messieurs, mon ambition et toute mon ambition; voilà l'ambition que j'avais à dix huit ans, que j'ai encore et que j'aurai toujours...

Et ne pensez pas que je me fasse illusion sur l'importance des services que je puis vous rendre; je ne suis ni avocat, ni jurisconsulte, ni diplomate, ni écrivain; mais je sais ce que je veux et où je vais, et cela dans un temps où quelques hommes sont d’une mobilité extrême.

Ce n'est point au hasard que j'ai adopté les opinions qui sont les miennes; elles sont la suite de consciencieuses réflexions et, j'ose le dire aussi, de quelques études."

Et puis, Messieurs, j'ai cette conviction que lorsqu'un homme parvient dans une assemblée à donner de lui cette opinion, qu'il est animé d'un sincère, loyal et constant désir du bien, il n'a pas besoin d'être doué d'un grand talent pour y acquérir une honorable et légitime influence. »

 Que dites-vous de ce genre d'ambition ?

Il n'y a qu'un point où wus êtes dans le vrai, c'est lorsque vous dites que je suis un libre penseur partisan des principes de la Révolution.

Je suis un libre penseur en effet, et depuis cinquante trois ans environ ; de sorte que le cas peut bien être sans remède.

De plus, je trouve que les principes de la Révolution sont consignés dans Montaigne, La Fontaine, Voltaire, Montesquieu, Condorcet, Mirabeau, etc., et j'avoue que ces gens là m'inspirent une certaine confiance.

Enfin, je me souviens que, dans ma jeunesse, l'opinion publique applaudit fort lorsque le ministère Martignac débarrassa la France des jésuites, et j'ai le malheur de croire qu'il serait très opportun d'en faire autant aujourd'hui.

Page 310

Car je me rappelle que le grand Montesquieu a écrit : « Lorsque les Anglais veulent parler d'un mensonge plus noir que tout autre, ils disent : « Ceci est jésuitiquement faux. »

De plus, je pense que M. Buffet est un affilié de la Société ; d'où je conclus qu'il serait fort à désirer qu'il ne fût plus un des ministres de la République.

Voilà, Monsieur, mes opinions présentes ; je les trouve parfaitement d'accord avec celles que j'ai professées en tout temps.

Qu'en pensez vous ?

   

 

Table des matières.

 

Réalisée le 10 septembre  2005  André Cochet
Mise sur le Web le  septembre  2005

Christian Flages