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Recueil      
  des      
    Brochures et écrits 
     

publiés

 
   

depuis 1839 jusqu'à ce jour  (1880.)

   

Henry de Lur-Saluces.

Dates.

Titre. Pages.

20 mai 1863

Lettre 

204/207

 au rédacteur du 

"Journal de Bordeaux".

Monsieur,

 

Je viens de lire l'article dirigé contre ma candidature, je dois vous dire qu'il n'est que la reproduction abrégée de ce qu'a écrit en 1846 M. Solar, dans des circonstances analogues.

Ma réponse fut un peu vive, mais elle est péremptoire ; vous pouvez la trouver dans le mémorial du 31 juillet de la même année. Si je ne vous prie pas de la reproduire, c'est que je veux être juste vis-à-vis de mon honorable collègue du conseil général, et ne pas donner lieu à un rapprochement qui n'est point dans ma pensée.

Toutefois, je puis vous affirmer que la question des seigneurs féodaux y est abordée carrément et que très pertinemment, si je ne me fais illusion, ils sont mis hors de cause.

Je vous renvoie donc sur ce point au journal précité.

Toutefois, je dois dire que, dans cette réplique, je proteste avec toute l'énergie d'une conviction qui n'a pas faibli contre le mélange de la carrière industrielle et de la carrière législative.

Je crois, en effet, qu'il n'est pas régulier que le député qui discute les conditions d'un emprunt puisse le lendemain se trouver l'adjudicataire principal de cet emprunt.

Page 205

Il me parait peu logique encore que le député qui est en marché permanent avec l’Etat, soit chargé d'examiner le budget, c'est-à-dire les comptes de l'Etat.

Enfin, pour rendre clairement ma pensée par une image, je voudrais voir s'élever entre le palais de la bourse et le sanctuaire où s'élaborent les lois une barrière morale infranchissable.

Est-ce que je repousse les hommes doués, comme mon honorable concurrent, d'une intelligence supérieure ? Non, mille fois non ; mais je leur demande de liquider d'abord, et alors je considère leur concours et leur expérience pratique des affaires comme pouvant être très utiles.

C'est le cumul seul qui me paraît fâcheux.

Maintenant, vous me reprochez de m'être abstenu depuis douze ans ?

Vous vous trompez.

Je n'ai pas cessé de faire partie du conseil municipal de ma commune, et, aux dernières élections, j'ai été réélu à l'unanimité, non seulement dans la même commune, mais aussi dans la commune voisine.

Le peuple donc celui qui me juge en connaissance de cause, puisqu'il me voit de près, raisonne autrement que vous.

De plus, voici ce que je disais aux électeurs de Podensac il y a quelques années:

 

 « Maintenant, messieurs les électeurs, abandonnons les questions d'intérêt local et passons à un ordre d'idées que j'appellerai d'un ordre supérieur, d'accord avec vous, je n'en doute pas !

 J'ai, je le dis très haut, une foi entière dans l'excellence du régime représentatif. Je crois qu'il importe que les citoyens s'occupent avec ardeur du choix de leurs mandataires.

La force et le zèle de ceux-ci sont doublés par la lutte, et la somnolence dans les positions acquises est funeste aux mandataires et aux mandants. Mais il importe aussi que les électeurs prennent au sérieux leur mission.

Page 206

Je pense donc qu'il est très légitime que vous préfériez un candidat à un autre, parce que vous croirez le premier plus actif et plus intelligent que le second, parce que vous le saurez plus indépendant et plus libre, parce qu'il vous aura été recommandé par quelqu'un en qui vous aurez confiance, enfin parce que ses opinions connues ou celles que vous lui supposez sont les vôtres ; mais je ne comprends pas qu'on puisse mettre en avant avec succès des assertions déraisonnables dans le genre de celles que j'ai réfutées plus haut.

Il me semble, et je le dis à regret que c'est manquer d'égards pour le corps électoral que de chercher à agir sur lui par de semblables moyens.

Messieurs les électeurs, remarquez bien ceci :

Une parole mémorable a été prononcée, l'histoire l'a enregistrée et elle ne périra pas !

La liberté est le but !!!

Or, pour vous, la liberté est le but ; mais elle est aussi le moyen, puisque l'autorité, pensant avec raison que vous étiez les meilleurs juges dans la circonstance présente, n’a pas cherché à diriger votre choix.

Il importe donc au plus haut degré que cette élection s'accomplisse avec calme et dignité. Elle servira ainsi à répondre à ceux qui prétendent que les français ne sont pas mûrs pour la pratique de la liberté… »

 

 

Vous voyez donc que je suis toujours le même ; et si je n'ai pas parlé plus souvent, c'est que franchement cela devient difficile lorsqu'une partie des mots du dictionnaire doivent être rayés.

Quant à l'accusation d'avoir cherché l'appui des passions anti-gouvernementales, j'en appelle à tous ceux qui ont lu ma circulaire, elle est d'un bout à l'autre la réfutation d'une pareille assertion.

Bien plus, ayant été chargé, dans l'avant dernière session du conseil général, du rapport sur la répartition des 25 millions attribués aux chemins vicinaux, j'écris dans ce rapport les lignes suivantes : 

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« L'Empereur a dit : l'amélioration des campagnes est encore, plus utile que la reformations des villes. Cette pensée vraie a reçu l'assentiment de tous les hommes qui se préoccupent de l'avenir du pays ; écrite du camp de Châlons, alors que l'Empereur était entouré de cette armée modèle qui, chaque année, vient demander à nos campagnes ses meilleurs et ses plus rudes soldats, il semble que l'empereur ait voulu donner à nos populations rurales une marque de la reconnaissance de la patrie ! »

Ainsi donc, point de parti pris d'avance, j'approuve ce qui me paraît louable ; mais j'entends réserver mon entière liberté d'appréciation !

Au reste, à moins de nier l'évidence, on ne saurait m'accuser d'être un homme de parti ; j'ajoute même que j'ai l'esprit de parti en aversion, parce qu'il rend injuste, intolérant, aveugle !

Et pourtant, mon voeu le plus ardent serait de voir un parti de plus se mêler à nos luttes.

Sur le drapeau de ce parti, je voudrais voir écrit en gros caractères : honnêteté et probité politiques !

Et s'il ne faut, pour entrer dans ses rangs, pour arborer au besoin son étendard, que de la fermeté d'âme, je m'inscris des premiers !

Voilà, monsieur, toute ma pensée, et, quel que soit le résultat des élections prochaines, permettez-moi de vous dire que je suis parfaitement tranquille sur l'opinion définitive qu'auront de moi mes concitoyens.

 

 

 

Table des matières.

 

Réalisée le 10 septembre  2005  André Cochet
Mise sur le Web le  septembre  2005

Christian Flages