Faits mémorables

 

de l'histoire de

 

France. 

L. Michelant. 

Souverain :      François 1er.

Année :  1515

 Bataille de Marignan.

François 1er, monté sur le trône en 1515, à l'âge de vingt et un ans, tourna tout d'abord ses regards vers l'Italie, dont Charles VIII et Louis XII lui avaient montré la route.

Vaillant, enthousiaste, d'un esprit brillant, le jeune monarque se sentait invinciblement attiré vers cette terre de la poésie et des arts, à laquelle l'Europe entière demandait alors des inspirations.

 L'ambition, le désir de la gloire, l'impatience d'illustrer par quelque action d'éclat son règne à peine commencé, offraient à son imagination de trop vives séductions pour qu'il ne se décidât pas à une conquête à laquelle l'engageait d'ailleurs la situation politique de l'Europe.

Henri VIII, trompé par ses alliés dans les guerres précédentes, était las de combattre sans profit pour l'Angleterre ; l'empereur d'Allemagne, Maximilien, aussi bien que le roi d'Aragon, Ferdinand le Catholique, préféraient tous deux le repos aux chances incertaines des batailles ; Charles d'Autriche, qui plus tard, sous le nom de Charles Quint, devait disputer la supériorité politique au roi de France, n'avait encore d'autre souveraineté que la Castille, et la turbulence de ses sujets lui faisait une nécessité de la paix.

Autour de François 1er, tous les princes qui auraient pu le troubler dans ses ambitieux projets désiraient le calme et la tranquillité ; c'était une trêve entre les guerres qu'ils avaient soutenues contre Louis XII, et la lutte qu'ils allaient bientôt engager avec son successeur.

Le roi de France seul ne pouvait se résigner à l'inaction ; il résolut d'entrer dans le Milanais, et de faire valoir les prétentions qui avaient armé quinze ans auparavant Louis XII contre la maison des Sforme.

Aux premières déclarations d'hostilités, François 1er, fut encouragé par la soumission de Gênes, dont le doge échangea son titre contre celui de gouverneur perpétuel au nom de la France ; et par l'alliance des Vénitiens, dont il s'était assuré.

Les Suisses, qui à la vérité passaient pour la meilleure infanterie de l'Europe, s'étaient seuls déclarés en faveur du duc de Milan et de la ligue formée par le pape et le duc de Florence, afin de repousser l'invasion qui menaçait l'Italie.

Ayant confié, durant son absence, la régence du royaume à Louise de Savoie, sa mère, François 1er se rendit à Lyon, où son armée était réunie : elle se composait de vingt deux mille fantassins allemands, appelés lansquenets, commandés par le duc de Gueldres et son neveu le Comte de, Guise ; de six mille Basques ou Gascons, conduits par Pierre de Navarre : de huit mille soldats français à la tête desquels marchaient le roi de France d'abord, puis Bayard, le Chevalier sans peur et sans reproche ; le maréchal de Chabannes, Trivulce, de Lorges, Maugiron ; enfin, d'un corps de trois mille pionniers et d'une nombreuse artillerie.

François 1er se disposait à entrer en Italie, lorsqu'il apprit que seize mille Suisses s'étaient emparés des défilés du mont Genèvre et du mont Cenis, par lesquels il comptait pénétrer dans le Milanais.

Il était impossible de forcer ces positions, et l'on ne pouvait descendre vers Nice et changer de route sans de longs retards et des dépenses considérables.

Dès le début de la campagne l'armée était arrêtée, sa situation presque désespérée, quand un chasseur des montagnes s'offrit d'indiquer à travers les Alpes un chemin par lequel il promettait de faire passer une partie de l'armée ; et sur l'avis de Trivulce, qui alla reconnaître les lieux, on accepta cette proposition.

Deux divisions s'étant engagées dans les passages habituels du mont Cenis et du mont Genèvre, qu'elles feignent de vouloir enlever, une troisième s'avance rapidement par le nouveau défilé, débouche dans le marquisat de Saluces ; et tout d'un coup les Suisses, qui se croyaient maîtres de la position, pris de deux côtés par les troupes de François 1er, abandonnent les gorges où ils s'étaient retranchés et se retirent sur Milan.

Alors le roi de France peut s'avancer sans obstacles dans le Milanais ; Il s'empare de Novare, de Pavie, de Vigevano, et asseoit son camp à Marignan, presque sous les murs de Milan.

Les Suisses, effrayés de cette marche victorieuse, avaient ouvert à Verceil des négociations pour la paix, et malgré son ardeur François 1er, en attendait patiemment l'issue ; un projet de traité avait été dressé, tout semblait enfin annoncer la paix, quand le jeudi 13 septembre 1515 les Suisses sortent à l'improviste de Milan et se dirigent vers le camp français, espérant le surprendre.

Ils marchaient silencieusement, et peut-être auraient-Ils réussi dans leur dessein si deux officiers français, La Trémouille et Fleuranges, ne les eussent aperçus et ne fussent allés en toute hâte prévenir le roi et le connétable de Bourbon, qui commandait l'arrière garde.

François 1er, retiré sous sa tente, essayait une armure qu'on lui avait envoyée d'Allemagne, et causait familièrement avec l'Alviane, général des troupes vénitiennes.

Quand il vit entrer brusquement Fleuranges :,

"Eh quoi, lui dit il, comme je vous vois échauffé et armé de toutes pièces ! vous ne savez donc pas que nous avons la paix ?

Plus de paix s'écria Fleuranges ; armez vous, sire, l'ennemi s'avance."

Cependant le connétable, averti du mouvement des Suisses, avait donné ses ordres ; les trompettes parcourant le camp appelaient les soldats aux armes, les lignes se formaient, le roi disposait son corps de bataille, l'artillerie, vers laquelle on savait que les Suisses allaient diriger tous leurs efforts, élevée sur des plates formes et défendue par un fossé, garantissait l'aile droite de l'armée, qui devait soutenir les premiers chocs de l'ennemi ; enfin, on eut le temps de faire prendre à l'armée sa position ; et quand les Suisses atteignirent le camp, au lieu de trouver des soldats en désordre, comme ils l'espéraient, ils virent en face d'eux des troupes fortement établies et prêtes à se défendre vigoureusement.

Ils hésitèrent un moment, les chefs voulaient remettre l'attaque au lendemain ; mais l'ardeur des soldats l'emporta, et la bataille s'engagea, le 13 septembre 1515, vers quatre heures de l'après midi.

On combattit avec un égal acharnement des deux parts, la nuit même n'arrêta pas la mêlée ; à la clarté de la lune et à la lueur de quelques feux, les deux armées continuèrent leurs efforts ; et la confusion était telle, que les soldats des deux partis, croyant regagner leurs rangs, se mêlaient aux bandes ennemies ; le roi s'avança avec tant de courage parmi les bataillons suisses qu'il faillit être fait prisonnier, et, pour qu'il ne fût pas reconnu, le connétable de Bourbon, qui se trouvait alors à ses côtés, fit éteindre les feux qui les entouraient, afin de protéger le roi de France du moins par l'obscurité.

La lune avait disparu, les ténèbres profondes de la nuit étaient à peine dissipées çà et là par les feux allumés sur le champ de bataille, lorsqu'enfin on se décida à sonner la retraite : tandis que l'aigre accent du clairon rappelait les Français vers le camp, le son retentissant des deux cornes d'Uri et d'Underwald, qui autrefois avait donné à l'Helvétie le signal de la liberté, ralliait les Suisses.

François 1er, ne voulut pas retourner à sa tente et, pour sa première veillée d'armes, il passa courageusement la nuit presqu'au milieu des Suisses, sur un affût de canon.

Le lendemain, dès le point du jour, la lutte recommença avec fureur ; les troupes des deux armées avaient rejoint leurs drapeaux, repris leurs rangs, et ce fut véritablement une nouvelle bataille.

La supériorité de son artillerie, la valeur des lansquenets allemands, qui se battaient contre les Suisses avec cette haine implacable, toute personnelle, qui divisait les deux peuples, assura la victoire aux armes du roi de France.

Toutefois le sort de la journée n'était pas encore décidé ; pendant que l'aile droite de l'armée française repoussait avec fermeté les efforts des Suisses, l'aile gauche, vivement pressée par une division ennemie, faiblissait déjà malgré la résistance courageuse du duc d'Alençon, qui la commandait, lorsque l'Alviane, qui avait reçu un courrier du chancelier Duprat, afin de hâter sa marche, arriva à neuf heures du matin sur le champ de bataille avec la cavalerie vénitienne : sa présence acheva le succès ; les Suisses, surpris de tous côtés, obligés de reculer en suivant le front de l'armée, exposés à toutes les décharges de l'artillerie, plutôt écrasés que vaincus, se retirèrent en laissant à Marignan dix mille hommes morts ou blessés.

Tandis que les Suisses, le désespoir dans le coeur, suivaient en silence la route de Milan, François 1er, qui venait de gagner si glorieusement ses éperons, se faisait armer chevalier de la main de Bayard sur le lieu même du combat, et recevait en présence de son armée l'accolade du Chevalier sans peur et sans reproche.

Cette grande bataille, que le maréchal de Trivulce, qui avait assisté à dix huit affaires importantes, nommait un combat de géants, inaugura heureusement le règne de François 1er et lui assura la possession du Milanais.

Le jour même, il annonçait à la régente sa mère la victoire qu'il venait de remporter, et dans l'enivrement de ce premier triomphe, dont on devait une part à son jeune courage de vingt et un ans, il écrivait :

"Et, tout bien débattu, depuis deux mille ans ça n'a point été vu une si fière ni si cruelle bataille, ainsi que disent ceux de Ravenne."

 

Table chronologique des faits mémorables.....

 

Réalisée le 20 novembre2005

 André Cochet

Mise sur le Web lenovembre2005

Christian Flages