Faits mémorables

 

de l'histoire de

 

France. 

L. Michelant. 

Souverain :      Louis XVI.

Année :  1785

Louis XVI 

 

donnant ses instructions à La Pérouse.

Si Louis XVI manquait de cette fermeté de caractère, de cette énergie, de cette décision politique qui savent dominer les situations difficiles, du moins il possédait, il faut le reconnaître, toutes les vertus à la fois modestes et solides qui dans des temps ordinaires rendent les peuples heureux.

D'une admirable pureté de moeurs, d'un extrême bon sens, d'une profonde sincérité de coeur, formé aux travaux du gouvernement par des études sérieuses et utiles, il apportait sur le trône les qualités capables de réparer les maux et les hontes du règne précédent, s'il n'eût pas fallu à la société corrompue de son époque des remèdes violents, supérieurs pour ainsi dire aux efforts de sa bonté. son règne ne se fût pas illustré par ces guerres brillantes mais ruineuses, par ces tentatives héroïques qui excitent l'ambition des conquérants ; il eût été marqué par ces conquêtes pacifiques et utiles qui profitent aux nations sans leur coûter de sacrifices, et même au milieu des agitations qui, presque dès son avènement, troublèrent l'exercice de son pouvoir il ordonna et encouragea des expéditions qui, si elles n'ont pas toujours réussi au gré de ses voeux, prouvent cependant ses louables intentions et la saine direction de son gouvernement.

La plus célèbre et l'une des plus importantes par son but, par la part active qu'y a prise Louis XVI et par sa malheureuse issue fut le voyage d'exploration scientifique et commerciale entrepris par La Pérouse sur les ordres et d'après les instructions formelles du roi.

Les progrès considérables de notre marine, l'émulation excitée par les recherches scientifiques accomplies par les Anglais, et enfin l'inclination naturelle que Louis XVI avait pour les études géographiques, l'engagèrent à faire exécuter par la marine française un voyage de circumnavigation ; et dès que le traité de Versailles, signé en 1783, nous eut rendu la paix, il fit équiper une escadre destinée à résoudre les problèmes géographiques que Cook n'avait pu approfondir.

D'après les indications mêmes fournies par Louis XVI, un projet de voyage fut esquissé et soumis à son examen.

Le roi l'étudia avec une scrupuleuse attention, et montra, dans les observations qu'il y ajouta, cette justesse d'esprit, ce sens exact qui lui étaient habituels.

Ses connaissances approfondies en géographie s'y déployèrent à l'aise, et ne demeurèrent pas au-dessous de la tâche qu'il avait acceptée ; il traça aux navigateurs leur véritable itinéraire, route précise dont ils s'écartèrent peu.

Il avait indiqué les recherches auxquelles on devait plus particulièrement se livrer et les avantages commerciaux qu'on devait surtout s'efforcer d'obtenir soit immédiatement, soit pour l'avenir ; ses observations enfin attestaient une instruction étendue et solide, une expérience remarquable de l'art difficile de la navigation.

Tout était prévu dans le résumé rapide écrit par Louis XVI : les points de relâche, l'ordre des découvertes à faire ou à perfectionner, les opérations relatives aux observations astronomiques, à la navigation, aux sciences physiques et naturelles.

Mais où surtout éclatait la sollicitude du monarque, c'était dans les instructions remplies d'humanité que lui avaient inspirées la santé et la sûreté des équipages : il réglait tout ce qui devait les garantir des vives souffrances d'une longue navigation, il déterminait la conduite que, dans leur propre intérêt, ils avaient à suivre avec les naturels des pays qu'ils visiteraient ; enfin, il recommandait rigoureusement que les deux navires qui formaient l'escadre d'exploration ne se séparassent pas dans les passages dangereux.

Ce fut après avoir examiné ainsi, dans ses différentes parties, le projet d'expédition, que le roi le remit au navigateur à qui il en avait confié l'exécution : c'était un capitaine de vaisseau arrivé au grade qu'il occupait dans la marine française par de longs et honorables services.

Jean François Galaup de La Pérouse, né en 1741, était entré en 1756 dans la marine avec le grade de simple garde.

En 1780, après une expédition habilement conduite contre les établissements anglais de l'Hudson, on l'avait nommé capitaine de vaisseau ; et lorsque Louis XVI le chargea du commandement de cette importante expédition consacrée à la science et au commerce, bien qu'il fût seulement âgé de quarante trois ans il justifiait, par les travaux de dix huit campagnes, la confiance du monarque.

Les préparatifs de ce voyage, dont le but était de combler toutes les lacunes, de dissiper tous les doutes qui pouvaient exister encore dans la géographie maritime, répondirent à l'étendue de son plan et à l'importance des résultats qu'on en espérait.

Deux frégates, la Boussole et l'Astrolabe,  furent disposées pour cette grande campagne maritime ; elles furent munies de tout ce qui sembla nécessaire ou seulement utile pour un voyage qui devait durer trois années.

Une commission, formée d'hommes supérieurs dans les diverses sciences et dans les arts, accompagnait les navigateurs ; et, après avoir été reçu une dernière fois par le roi, après avoir encore écouté les savantes instructions de Louis, ses touchantes recommandations, La Pérouse se rendit à Brest, où, le 10 août 1785, il s'embarqua, et salua la France d'un adieu qu'il ne croyait pas, hélas ! être éternel.

La grandeur du projet, le soin apporté à son organisation, l'habileté de ceux qui furent choisis pour l'exécuter, tout paraissait promettre à La Pérouse un succès certain ; mais la fortune trompa toutes les espérances, et cette expédition, entreprise dans des conditions si favorables, se termina subitement par un sombre dénoûment presque inouï dans les fastes maritimes.

Durant les premiers temps de son voyage, La Pérouse adressa, aussi régulièrement qu'il le put, ses rapports au ministre de la marine ; son voyage réussissait à son gré : il avait parcouru une portion considérable de la route qui lui avait été tracée, quand il envoya de Botany Bay une lettre, datée du 7 février 1788, qui indiquait la marche qu'il comptait suivre jusqu'à son retour :

"Je remonterai aux îles des Amis, et je ferai absolument tout ce qui m'est enjoint par mes instructions relativement à la partie méridionale de la Nouvelle Calédonie ; je passerai à la fin de 1788 entre la Nouvelle Hollande et la Nouvelle Guinée ; je visiterai, pendant le mois de septembre et une partie d'octobre, le golfe de la Carpentaria et toute la côte occidentale de la Nouvelle Hollande jusqu'à la Terre de Diémen, mais de manière qu'il me soit possible de remonter au nord assez tôt pour arriver au commencement de décembre 1788 à l'île de France."

Ce fut la dernière fois que La Pérouse écrivit en France depuis on ne reçut plus de ses nouvelles.

Deux ans après l'époque fixée pour le retour de La Pérouse il n'était pas encore reparu, et l'on ne pouvait que former de tristes conjectures sur l'issue de sa campagne.

Alors, en 1791, l'Assemblée nationale demanda au roi d'envoyer à la recherche des malheureux navigateurs.

L'amiral d'Entrecasteaux fut chargé de cette mission, mais il n'obtint aucun résultat ; et l'on semblait devoir ignorer à jamais la destinée de La Pérouse, lorsqu'en 1827 le capitaine Dillon, qui naviguait dans les mers de l'Inde, découvrit des débris de vaisseaux et des objets qui avaient appartenu à La Pérouse.

Guidé par ces indices, il poursuivit ses recherches, et il put dire quelle avait été la fin de l'expédition de La Pérouse : il paraît certain que, durant la nuit, elle échoua dans les rescifs de la plus grande île du groupe Vanikoro, et que l'Astrolabe et la Boussole furent englouties sans que personne ait pu échapper à ce désastre.

Le capitaine Dillon fouilla le banc de corail où les navires avaient touché et recueillit des canons de bronze, une cloche marine, quelques fragments de porcelaine, et des tubes barométriques qui provenaient évidemment de l'armement de La Pérouse.

En 1828, le capitaine Dumont d'Urville, qui, lui aussi, devait terminer bien douloureusement une utile carrière, retrouva, en parcourant les mers dans lesquelles avait navigué La Pérouse, de nouveaux débris d'armes et de navires qui confirmèrent tout ce qu'on avait pu prévoir du l'infortuné navigateur.

Avant de quitter ces lieux, Dumont d'Urville rendit un dernier hommage à la mémoire de La Pérouse. Sur ces rochers où s'étaient brisés quarante ans auparavant la Boussole et l'Astrolabe, il éleva un mausolée surmonté d'un obélisque triangulaire qui sur l'une de ses faces porte cette inscription :

 

A la mémoire

De la pérouse et de ses compagnons,

L'astrolabe.

14 mars 1828.

 

Monument de douleur, qui, dans ces lointaines contrées, rappelle les généreux efforts de la France et consacre en même temps le souvenir d'un grand dévouement aux progrès de l'esprit humain.

Table chronologique des faits mémorables.....

 

Réalisée le 20 novembre2005

 André Cochet

Mise sur le Web lenovembre2005

Christian Flages