Faits mémorables

 

de l'histoire de

 

France. 

L. Michelant. 

Souverain :      Louis XVI.

Année :  1789

Ouverture des Etats Généraux.

Après avoir longtemps essayé de concilier les intérêts divers qui luttaient entre eux, de combler le déficit, d'équilibrer les recettes et les dépenses, d'accorder enfin les réformes compatibles avec le maintien de son autorité, Louis XVI, entravé dans ses louables résolutions par les exigences de la noblesse, qui ne voulait céder aucun de ses privilèges ni prendre part aux charges publiques ; par les prodigalités croissantes de la cour, et surtout par sa propre indécision et sa funeste inertie, se décida. à convoquer les États Généraux, qui, depuis près de deux siècles, n'avaient point été réunis.

Pendant les quinze années de son règne, le roi avait appelé quatre ministres à la direction des finances, sans qu'aucun d'eux réussît à rétablir l'ordre dans l'administration ; depuis plusieurs années on suffisait à peine aux dépenses par des emprunts qui chaque jour devenaient plus difficiles à conclure, sans qu'on pût prévoir le terme de ces opérations ruineuses.

Turgot seul avait offert à la royauté les moyens décisifs, il avait voulu le bien avec une ferme résolution ; mais Louis XVI ne s'était pas senti la force de soutenir soit ministre, et il reçut sa démission en disant avec tristesse

"Il n'y a que M Turgot et moi qui aimions le peuple."

Parole de regret qui atteste autant la faiblesse de Louis XVI que ses généreuses intentions.

Incapable de diriger le mouvement révolutionnaire qui envahissait la France et de lui résister, Louis, désirant toujours le bien, mais sans la fermeté nécessaire pour le réaliser, usa d'expédients jusqu'au jour où son administration se vit entièrement compromise.

Alors, il se décida, quelque dangereux que pût être pour la royauté ce remède héroïque, plutôt que de prendre une résolution hardie, à appeler à lui les États Généraux, espérant encore, malgré son impuissance habituelle, les maîtriser et obtenir d'eux au prix de quelques concessions les impôts sans lesquels son gouvernement devenait impossible.

Cette grande mesure, dans laquelle la cour ne voyait qu'une ressource nouvelle, fut accueillie avec enthousiasme par la France entière ; elle en attendit la réforme de tous les abus, l'égalité pour tous les citoyens, l'affranchissement de toutes les servitudes, derniers restes de la féodalité, sous lesquelles la portion la plus active et la plus laborieuse de la population demeurait encore humiliée malgré les progrès de la philosophie.

Si la royauté, a dit M. Mignet en parlant des États Généraux de 1789, en attendait de l'argent, la nation en attendait des lois, et tout le parti philosophique une révolution.

La convocation des États Généraux agita tous les esprits, chacun y vit le commencement d'un avenir nouveau ; et les plus hautes questions, celles qui tenaient à l'organisation même de la monarchie, furent débattues à cette occasion : le peuple annonça hardiment sa prétention de prendre place dans l'assemblée autrement que pour enregistrer les volontés royales, il rappela fièrement que ce tiers état si dédaigné, formait l'immense majorité de la France ; et cette opinion fut hardiment exposée dans un écrit célèbre, où Sieyès résumait ainsi la situation du tiers état : ~

"Qu'est ce que le tiers ? Tout.

Qu'a-t-il été jusqu'alors dans l'ordre politique ? Rien.

Que demande-t-il ? A devenir quelque chose."

L'assemblée des États Généraux fut ouverte le 5 mai 1789, la noblesse y était représentée par deux cent soixante dix députés, le clergé par deux cent quatre vingt onze, et le tiers état par cinq cent soixante dix huit.

La veille de la séance royale, tous les députés furent invités à une messe solennelle, célébrée à l'église Saint Louis de Versailles par M. de La Fare, évêque de Nancy, et les trois ordres se trouvèrent pour la première fois en présence.

La cérémonie fut touchante ; un attendrissement, une bienveillance sincères éclataient sur les visages ; toutes les haines, toutes les discordes avaient disparu ; chacun voulait sincèrement le bien et tous espéraient arriver sans troubles, sans violence, à la liberté et à la gloire qu'on rêvait pour la patrie.

Sur la route que suivit le cortège pour se rendre à l'église, les maisons étaient tendues de tapisseries, les balcons couverts d'étoffes précieuses, les fenêtres garnies de spectateurs qui saluaient le passage des députés.

Les gardes françaises et les gardes suisses formaient la haie et contenaient l'empressement de la foule venue pour assister à cette fête.

De distance en distance des choeurs faisaient retentir l'air ; le son du tambour, des trompettes, de la musique militaire et le chant des prêtres animaient de leurs accents la marche des députés des États Généraux.

A l'église, le roi et la reine s'étant mis sous un dais de velours violet, les trois ordres prirent place, et, après un discours dont quelques phrases, qui rappelaient la solennelle circonstance dans laquelle on se trouvait, furent vivement applaudies malgré la sainteté du lieu et la présence du roi, l'évêque monta à l'autel et donna la sainte bénédiction à l'assemblée.

Le lendemain, Louis XVI, accompagné de la reine et des princes de la famille royale, fit l'ouverture des États Généraux.

Pour cette grande réunion on avait disposé avec magnificence la salle des Menus Plaisirs, située sur l'avenue de Paris.

Dès neuf heures du matin, les députés se pressaient aux entrées de la salle des séances.

A une heure le roi monta sur le trône qui lui avait été préparé, et la reine Marie Antoinette prit place à ses côtés , autour du souverain se pressaient aussi, dans leur splendide costume de cérémonie, les princes, les grands officiers de la couronne, les maréchaux de France et les ministres du roi : à la droite du trône royal siégeaient les membres du clergé, revêtus de pourpre, couverts de riches dentelles, de robes violettes ; en face de l'ordre ecclésiastique, à gauche, se tenait la noblesse, qui brillait d'or, de broderies, de plumes blanches, d'ordres en pierreries ; au fond, sévèrement vêtu de noir, le tiers état, qui devait dominer cette assemblée.

Avant l'entrée du roi, l'assemblée s'était un instant émue à l'arrivée du comte de Mirabeau ; tous les regards se dirigèrent vers le célèbre député qui, rejeté par la noblesse, était allé demander un mandat au tiers état : quelques murmures même se firent entendre ; mais un fier regard de Mirabeau contint l'agitation, et la voix des huissiers qui annonçaient le roi ramena le silence parmi les députés.

Lorsque Louis XVI entra, il fut salué par de nombreuses acclamations ; quand il se fut assis il se couvrit d'un chapeau orné de plumes blanches attachées par une agrafe en diamants, et prononça un discours fréquemment interrompu par les cris de "Vive, le roi !",

Après lui, le garde des sceaux Barentin et le contrôleur général Necker exposèrent la situation générale de la France, les difficultés qui entravaient l'action du gouvernement, et réclamèrent au nom du roi la loyale assistance des États Généraux.

Le roi alors se leva pour partir, et la salle retentit d'un long cri de : Vive le roi !

Au moment où la reine allait le suivre, des acclamations nouvelles mêlèrent son nom aux témoignages de respect et de reconnaissance qui s'adressaient au monarque.

Cette séance royale, où pour la première fois les députés de la France étaient réunis dans l'intérêt public, fut le premier acte d'une révolution qui allait changer la constitution de la société française et la renouveler jusque dans ses bases ; le règne du tiers état, du peuple, commençait, et Louis XVI venait de donner entre les mains de la nation la démission de son pouvoir.

Bientôt les députés du tiers état, convoqués par le roi, se déclarent réunis au nom du peuple, et, en l'absence de la noblesse et du clergé, donnent à la réunion des États Généraux le titre d'Assemblée nationale, qui leur semble mieux annoncer la mission qu'ils se proposent.

Quelques jours plus tard, le 20 juin, le tiers état, chassé pour ainsi dire de la salle de ses séances, se rend au jeu de paume de Versailles, et là, malgré la volonté du roi et les dangers qui les menacent, les mandataires de la nation se lient à l'accomplissement de la réforme par un serment solennel.

A cette formule :

" Nous jurons de ne jamais nous séparer et de nous réunir partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides,"

que le modeste et ferme Bailly, président de l'Assemblée, lit au milieu des éclats de l'orage, tous les bras s'élèvent vers le ciel, et le tiers état, d'une voix qui domine les retentissements du tonnerre, répond :

"Nous le jurons."

La révolution française venait de commencer : le tiers état, qu'on avait essayé de tenir au second rang, s'emparait de la direction des affaires, préparait une constitution où tous les droits fussent garantis, et répondait fièrement à la royauté absolue, qui prétendait lui dicter ses résolutions : 

Nous sommes ici par la puissance du peuple, on ne nous en arrachera que par la puissance des baïonnettes.

Table chronologique des faits mémorables.....

 

Réalisée le 20 novembre2005

 André Cochet

Mise sur le Web lenovembre2005

Christian Flages