Faits mémorables

 

de l'histoire de

 

France. 

L. Michelant. 

Souverain : Assemblée Législative.

Année :  1792

Louis XVI à l'Assemblée Législative.

L'insurrection du 10 août 1792 porta le dernier coup à la monarchie absolue : ce fut la déchéance de fait de l'autorité royale, dont le décret de l'Assemblée législative ne fit en quelque sorte que légaliser la suspension.

Depuis sa tentative de fuite, Louis XVI inspirait de continuelles défiances au parti de la révolution.

La constitution de 1791 lui avait, en apparence, rendu l'exercice du pouvoir ; mais on suspectait ses intentions,

on attaquait ouvertement sa personne, et ses adversaires les plus hardis osaient prononcer le nom de république.

Le manifeste du duc de Brunswick, connu à Paris le 28 juillet ; les résistances opiniâtres du roi, le danger de l'invasion qui menaçait la France, le refus de sanction que Louis XVI avait opposé à deux décrets votés par l'Assemblée constituante avaient animé les esprits d'un ressentiment qui éclata avec violence dans le mouvement du 10 août.

Dès les premiers jours d'août tout était disposé pour l'insurrection.

Les sections, prêtes à marcher, avaient reçu des armes et de la poudre ; le plan de l'attaque des Tuileries était fait, les faubourgs avertis, et au premier signal le peuple de Paris devait envahir le palais du roi.

Pour dernier ajournement, la section des Quinze Vingts, qui donnait l'exemple de l'émeute, arrêta :

"que si le corps législatif ne prononçait pas le 9 la déchéance du roi ; si justice et droit n'étaient pas faits au peuple, à minuit le tocsin sonnerait, la générale battrait, et tout se lèverait à la fois."

Le 9 août au soir , l'assemblée, irrésolue, essayant de résister à l'exaltation générale, n'avait encore pris aucune résolution décisive ; alors, comme on l'avait si audacieusement annoncé, Paris s'agita, et de toutes parts retentirent les bruyants avertissements de l'émeute.

Les ouvriers des faubourgs Saint Antoine et Saint Marceau se dirigèrent vers les Tulleries précédés d'un drapeau sur lequel on lisait :

"Loi martiale du peuple souverain contre la rébellion du pouvoir exécutif."

Danton, par son activité, par son ardeur, avait organisé l'émeute du 10 août ; Pétion, alors maire de Paris, s'y associa par son inaction et son silence : Santerre et Westermann, qui devaient tous deux se faire une réputation révolutionnaire, se mirent à la tête des insurgés.

Au jour naissant, la révolution, en armes, impérieuse, exigeante, se trouvait en présence de la royauté naguère si humblement obéie, si respectée, et maintenant si déchue.

Comme en octobre 1789 à Versailles, comme une première fois en juin 1799 aux Tuileries, un combat allait se livrer, dans lequel se brisa cette fois le sceptre porté durant deux siècles par les Bourbons.

La cour, avertie du complot qui se tramait, s'était mise en mesure de repousser la force par la force.

Les compagnies suisses, la garde nationale et la gendarmerie garnissaient les entrées des Tuileries et du Louvre ; mais de ces troupes il n'y avait guère de réellement dévoué que les Suisses.

Louis XVI passa la revue des troupes qui défendaient le château, il parcourut les Tuileries et le jardin ; mais, dans cette inspection, il reçut peu de témoignages d'affection.

Toutefois on était résolu à la lutte, quand la mort imprévue de Mandat, chef de la garde nationale et chargé du commandement du château, changea les projets de la cour.

On demeura incertain sur le parti qu'il fallait prendre.

Déjà les canons des assaillants étaient pointés sur le palais, ils en menaçaient les abords ; trente mille hommes, dont les piques reluisaient aux rayons du soleil levant , marchaient en colonnes serrées contre les entrées principales, que les résolutions de Louis XVI n'étaient pas arrêtées.

Cependant à chaque minute le danger augmentait, une partie des gardes nationaux manifestaient leurs sympathies pour ceux qu'ils étaient chargés de repousser ; et, dans le cas d'une attaque victorieuse, les quelques serviteurs encore fidèles au roi pouvaient bien mourir à ses côtés, mais non point protéger sa vie.

Dans cette périlleuse extrémité, Roederer, procureur-svndic du conseil départemental, voyant le désordre qui régnait au château, où il s'était rendu, et jugeant des dangers que courait la famille royale, proposa au roi de se confier à l'Assemblée législative.

C'était alors la seule chance de salut ; car, si le peuple l'emportait, il était douteux que dans l'ardeur du combat, il épargnât Louis devenu suspect à la nation.

Néanmoins la reine résista vivement d'abord à la proposition de Roederer ; sa fierté impériale répugnait à aller demander protection à ses ennemis : Marie Antoinette, courageuse fille de Marie Thérèse, aurait préféré pour elle succomber avec orgueil plutôt que de fléchir.

On la vit .. tantôt vouloir résister comme une reine, tantôt pleurer comme une femme.

Enfin la sûreté de son fils, du jeune dauphin, l'emporta.

"Madame, lui dit Roederer, vous exposez la vie de votre époux et celle de vos enfants, songez à la responsabilité dont vous vous chargez."

Elle se décida alors a suivre le roi à l'Assemblée nationale.

Louis XVI, plein d'un calme, d'une fermeté qui l'abandonnaient trop dans ses déterminations politiques, se dirigea vers le jardin des Tuileries, qu'il fallait traverser.

Un peuple furieux, menaçant, dont le roi n'était séparé que par un ruban tricolore tendu comme une barrière, remplissait les abords de l'avenue des Feuillants, que suivait la famille royale.

Louis marchait d'un pas assuré, le visage tranquille et résigné ; la reine , plus agitée, n'était pas sans inquiétude pour son fils.

"Monsieur, dit elle à Rocderer, vous répondez de la vie du roi et de mes enfants. Madame, reprit le procureur syndic, Je réponds de mourir à leur côte, mais je ne promets rien de plus."

A l'arrivée de l'illustre et malheureuse famille, l'Assemblée législative envoya une députation au devant du roi afin de l'introduire dans la salle des séances, dans ce lieu d'asile réputé inviolable, où la monarchie vaincue venait chercher un refuge.

Une foule immense se pressait curieusement sur les pas de Louis XVI.

A un instant où elle formait une barrière presque impénétrable, un grenadier de haute taille, d'une figure farouche, s'empare du dauphin, le prend dans ses bras et l'enlève ; la reine jette un cri

"Ne craignez rien, dit le soldat, je ne veux pas lui faire de mal,"

et porta le royal enfant sur le bureau.

On avait cependant ouvert un passage aux fugitifs des Tuileries ; et Louis XVI, sa jeune fille, la reine Marie Antoinette, madame Élisabeth, soeur du roi , purent enfin pénétrer dans l'Assemblée accompagnés de Roederer et de deux ministres

"Je viens, dit le roi, pour éviter un grand crime ; je me croirai toujours en sûreté lorsque je serai parmi les représentants de la nation."

Vergniaud répondit :

"Sire, vous pouvez compter sur la fermeté, de l'Assemblée législative ; ses membres ont juré de mourir en défendant les droits du peuple et des autorités constituées."

L'Assemblée accueillit cette grande infortune, ce roi et sa famille chassés et poursuivis par l'émeute, avec un silencieux respect, mais sans lui témoigner aucune sympathie.

Louis s'était assis à côté du président : sur l'observation que sa présence gênait la liberté des délibérations, il fut placé dans la loge du journaliste chargé de recueillir les débats ; et la séance continua.

Roederer exposait la situation inquiétante des Tuileries, quand tout à coup on entend le bruit du canon : une consternation profonde régna alors dans la salle.

"Je vous avertis, dit le roi, que je viens de défendre aux Suisses de tirer."

Mais les décharges de l'artillerie continuent, une vive mousqueterie s'y joint bientôt ; on se battait au château : par un malentendu encore inexpliqué, un coup de fusil, parti on ignore de quel rang, vint donner le signal d'un sanglant combat dans lequel succombèrent les derniers défenseurs de la royauté.

Le peuple fut bientôt maître des Tuileries ; dans sa colère, accusant les Suisses d'avoir commencé la lutte, il ne fit grâce à personne ; les cadavres s'amoncelèrent, le sang ruissela dans les appartements royaux ; les femmes mêmes eussent péri, si une voix généreuse ne se fût écriée :

"Grâce aux femmes, ne déshonorez pas la nation. "

Lorsque les vainqueurs en masse vinrent annoncer à l'Assemblée la défaite des Suisses et apprirent au roi que sa cause était perdue aux Tuileries, l'Assemblée législative rendait le décret célèbre par lequel Louis XVI était provisoirement suspendu de la royauté ;

Un plan d'éducation. était ordonné pour le prince royal.

Une Convention nationale était convoquée.

Louis XVI était entré roi à l'Assemblée législative, il en sortit prisonnier : destinée fatale, que depuis trois ans tout avait concouru à accomplir, l'imprudence des amis de Louis XVI, l'inhabileté de ses conseillers, et, il faut l'ajouter, la faiblesse, l'indécision du monarque, ses résolutions incertaines, sa politique mystérieuse et changeante, autant autant au moins que les désirs légitimes, les entraînements violents, les prétentions de la révolution française.

Table chronologique des faits mémorables.....

 

Réalisée le 20 novembre2005

 André Cochet

Mise sur le Web lenovembre2005

Christian Flages