Faits mémorables

 

de l'histoire de

 

France. 

L. Michelant. 

Souverain :        Directoire.

Année :  1796

Mort du général Hoche.

Le souvenir de Hoche est un des plus purs et des plus touchants que nous ait transmis la révolution française ; sa haute renommée, exempte de reproches, de soupçons même, est demeurée intacte au milieu des agitations politiques.

Dévoué à la France, dévoué à la liberté, le jeune général fut honoré de tous les partis, respecté par toutes les opinions ; et, les passions politiques ont fait taire leurs violences en face de cette glorieuse figure, où se réunissent tous les traits,~ qui l'ont l'honneur de cette époque : le dévouement, l'enthousiasme sincère, la scrupuleuse probité.

Dans ces temps difficiles, où tant de fermes caractères se démentirent parfois, Hoche, fidèle à sa foi politique, mais toujours calme, toujours humain, ne s'écarta pas un instant de la noble route qu'il s'était tracée.

La rapidité de sa fortune militaire, justifiée par des talents supérieurs, une si profonde expérience, une intelligence si élevée unie à tant de jeunesse, la mort prématurée qui à vingt neuf ans enleva Hoche à la gloire, ajoutent encore au vif intérêt qu'excite cette belle existence, consacrée tout entière à la cause du pays, sans qu'aucune illégitime ambition en soit venue jamais troubler le cours.

Né à Versailles le 24 juin 1768, Hoche, aux premiers jours de la révolution, était encore sergent dans le régiment des gardes françaises, et assistait, le 14 juillet 1789, à la prise de la Bastille.

Trois ans plus tard, il recevait le commandement en chef de l'armée de Moselle ; dans ce court intervalle, il avait franchi les rangs inférieurs, et s'était élevé au grade de général en chef.

Hoche n'avait alors que vingt cinq ans ; mais il possédait un courage entreprenant, une prodigieuse activité, et surtout une raison sûre, formée par de sérieuses études.

"Notre nouveau général, écrivait, un des officiers de son état major, m'a paru jeune comme la révolution, robuste comme le peuple ; son regard est fier et étendu comme celui de l'aigle."

A ces avantages, Hoche joignait une taille haute, des cheveux noirs, abondants, une physionomie spirituelle, d'une expression habituellement sévère, mais que néanmoins la bienveillance adoucissait aisément ; une longue cicatrice, laissée par une blessure reçue en 1788 à la suite d'un duel, donnait un singulier caractère d'audace à son front, dont la pureté et l'élévation annonçaient le génie.

Sa présence à l'armée de la Moselle se signala par des succès nouveaux pour la France ;'d'une armée indisciplinée, affaiblie, découragée, que lui avait laissée Houchard, il fit, par sa continuelle surveillance, par sa fermeté et son infatigable zèle, une armée forte, soumise, remplie d'ardeur, devant laquelle reculèrent Brunswick et Wurmser.

Un moment il fut arrêté dans cette carrière, qu'il parcourait avec tant d'éclat, par une arrestation qui le retint quelques mois en prison ; il en sortit aussi dévoué qu'avant son emprisonnement, et jamais il ne parla de cette épreuve cruelle qu'avec une rare modération.

"Oublions nos maux pour ne songer qu'à la patrie ! "

écrivait-il alors à l'un de ses aides de camp ; et plus tard, un jeune officier lui ayant rappelé leur commune détention à la Conciergerie

"Mon ami, lui répondit Hoche, ne rappelons plus le passé, et que l'injustice des hommes que nous avons éprouvée nous fasse trembler à notre tour d'être injustes envers notre pays."

La pacification de la Vendée, qui lui fut confiée presque aussitôt qu'il eut recouvré sa liberté, montra toutes les ressources du génie de Hoche.

Il déploya dans cette difficile mission une habileté politique, une expérience administrative égales à ses talents militaires ; et réussit par son humanité, par sa tolérance éclairée, par ses heureuses dispositions, à rendre au repos et à l'ordre ces malheureuses contrées, depuis si longtemps troublées par la guerre civile.

Dans cette tâche importante, il sut mériter à la fois l'estime de ceux qu'il soumettait et celle du gouvernement qui l'employait ; vainqueurs et vaincus rendirent hommage à la grandeur de ce caractère, dont l'ascendant l'emporta sur toutes les haines et les passions qui animaient les Vendéens.

Après une expédition en Irlande, où Hoche voulait porter la guerre contre l'Angleterre, et qui échoua par des obstacles indépendants de son énergique volonté, il fut appelé à l'armée de Sambre et Meuse, où il y avait des fautes à réparer, des défaites à venger.

C'est là que ce général de vingt neuf ans, auquel la France devait déjà tant de reconnaissance, allait terminer sa glorieuse existence en combattant pour la dernière fois les ennemis de la révolution, en consacrant le reste de ses jours au service de la liberté.

Hoche, dans une rapide campagne qu'ouvrit la célèbre bataille de Neuwied, battit entièrement les Autrichiens ; il se disposait par une habile manoeuvre à les envelopper et à leur couper toute retraite, quand la nouvelle de l'armistice de Léoben, signé par Bonaparte, vint arrêter le général de l'armée de Sambre et Meuse dans sa marche victorieuse. Après la journée dit 18 fructidor an V (4 septembre 1797), dans laquelle Hoche avait offert au Directoire attaqué le secours de soit épée, le gouvernement, réunissant les armées de Sambre et Meuse et du Rhin sous le nom d'armée d'Allemagne, lui confia ce beau commandement pour récompenser son dévouement.

Hoche ne devait pas longtemps profiter de cette haute distinction : depuis quelque temps sa santé, naguère si vigoureuse, était profondément altérée ; ses forces, épuisées par les fatigues de la guerre, par de nombreux découragements qui tant de fois l'avaient arrêté au milieu de ses triomphes, trahissaient chaque jour son courage. L'envoyé du Directoire qui lui apporta sa nomination le trouva abattu, épuisé par la souffrance à son quartier général de Wetzlar ; un changement fatal s'était accompli en lui ; ce n'était plus ce visage plein d'éclat ces regards brillants de force des anciens jours ; des yeux éteints, une pâleur extrême, une toux sèche et fréquente, une respiration pénible n'annonçaient que trop la gravité de son mal.

Cependant il reprit un instant son ardeur en apprenant l'issue du 18 fructidor :

"Vive la République ! s'écria t il ; venez vous réjouir avec moi, mes amis, la République triomphe !,

Mais bientôt il retomba dans son premier affaiblissement, et ses amis, en suivant les rapides progrès du mal, purent prévoir le moment où il succomberait.

Cependant Hoche, malgré ses souffrances, était dévoré d'une incroyable agitation ; il parcourait encore le pays, visitait les différents corps d'armée, pressait l'organisation des provinces conquises, lorsque l'heure de l'agonie sonna pour lui.

Le 16 septembre 1797, sentant ses douleurs augmenter, il fit appeler son médecin. Hoche, appuyé sur un de ses amis, près d'une fenêtre, essayait de respirer ; son regard mélancolique, parcourant cette campagne encore toute retentissante de ses victoires, cherchait au loin la patrie qui lui était si chère et qu'il ne devait plus revoir ; arraché à cette triste méditation, il put à peine expliquer ce qu'il ressentait et s'évanouit : il ne se releva plus.

Deux jours après, le 18 septembre, à quatre heures du matin, il rendit le dernier soupir au milieu de ses amis désolés, auxquels, à cet instant suprême, il parlait encore de la France.

A la nouvelle de la mort de Hoche, la douleur fut profonde, les regrets universels, et le deuil de l'armée témoigna d'une tristesse et d'une vénération inaccoutumées.

Pendant toute une journée les soldats se pressèrent pour saluer son corps exposé sur un lit de parade, auprès duquel était placée la glorieuse épée de Neuwied entourée de son écharpe de général et surmontée d'une couronne de laurier.

De Wetzlar un nombreux cortège partit pour conduire à Coblentz les restes de Hoche, qu'on devait ensevelir à côté de Marceau mort une année auparavant, jeune comme lui, comme lui plein d'espérances, mais frappé du moins par une balle ennemie au milieu du combat.

Partout, sur son passage, le cercueil de Hoche fut salué par l'artillerie ; les drapeaux français et les drapeaux autrichiens s'inclinèrent également devant lui.

A son arrivée à Coblentz, la garnison du fort d'Ehrenbreitstein prit les armes ; les soldats autrichiens se mêlèrent à ceux de la République pour rendre les honneurs funèbres à ce général si subitement tombé au sein même de sa victoire.

Cette triste marche s'arrêta dans la citadelle de Petersberg, où Hoche fut déposé auprès de Marceau, à qui un commun patriotisme, une sincère amitié l'avaient constamment uni.

A l'instant où la foule attristée allait se séparer, un hommage, le dernier et le plus touchant, vint attester la popularité du héros que chacun pleurait.

Un grenadier, le regard morne et désolé, sortit des rangs, s'approcha de la fosse où pour toujours reposait un des plus nobles enfants de la France, et, présentant son arme, il Jeta dans cette tombe, qui renfermait tant de gloire, tant d'espérances, hélas ! évanouies, une couronne de laurier en disant

"Hoche, c'est au nom de l'armée que je te donne cette couronne !"

et chacun se retira en silence.

Table chronologique des faits mémorables.....

 

Réalisée le 20 novembre2005

 André Cochet

Mise sur le Web lenovembre2005

Christian Flages