Faits mémorables

 

de l'histoire de

 

France. 

L. Michelant. 

Souverain :       Napoléon.

Année :  1814

Combat de Montereau.

Après avoir confié au patriotisme et à la fidélité de la garde nationale ce qu'il avait de plus cher, sa femme et son fils, l'impératrice et le roi de Rome, qu'il ne devait plus revoir, Napoléon quitta Paris dans la nuit du 24 au 25 janvier 1814 afin d'aller combattre l'invasion étrangère.

Alors commence l'immortelle campagne de France, chef-d'œuvre militaire de Bonaparte, effort suprême pour lequel il retrouve tout le génie, toute l'activité de sa jeunesse.

A la tète de soixante mille hommes seulement, il marche au devant des trois cent mille soldats qui s'avancent sur la capitale ; et sa fortune l'eût encore emporté sans les trahisons qui se succédèrent autour de lui et lui ravirent le prix de chaque victoire.

Les deux principales armées des souverains alliés se dirigeaient vers Paris en suivant, l'une, le cours de la Seine, l'autre celui de la Marne.

Napoléon se jette entre les deux rivières, il s'efforce d'empêcher la jonction des Prussiens du feld maréchal Blücher avec l'armée austro-russe du prince de Schwartzemberg ; il poursuit et attaque séparément ces corps, qu'il ne peut affronter en masse.

Successivement il bat les Prussiens à Brienne, à Champaubert, à Montmirail, à Château Thierry, à Vaux-champ, et force enfin Blücher à opérer un mouvement de retraite sur Châlons avec une perte de 32.000 hommes.

Tandis qu'en moins de quinze jours il remportait sur la Marne cinq victoires décisives et forçait cent cinquante mille hommes à reculer devant lui, le général en chef de l'armée autrichienne franchissait la Seine à Bray et à Nogent, malgré une vive résistance, et s'emparait de la route de Paris.

Aussitôt Napoléon, laissant Marmont et Mortier pour contenir l'armée prussienne, quitte la Marne et court en toute hâte se réunir aux maréchaux Victor et Oudinot, qui reculaient lentement devant le prince Schwartzemberg.

La présence de l'empereur ranime l'ardeur de ses soldats ; et les combats de Mormans, de Nangis et de Valjouan renouvellent sur la Seine les succès obtenus sur la Marne.

L'avant garde du général autrichien se retire avec embarras; et si Montereau eût été occupé par le duc de Bellune, comme Napoléon l'avait ordonne, la marche de Schwartzemberg était compromise.

Malheureusement Victor, si souvent infatigable, s'arrête à deux lieues de Montereau pour donner quelque repos à ses troupes ; ce délai fatal permet aux Bavarois et aux Wurtembergeois de s'emparer des ponts de Montereau, de s'y fortifier, de protéger la retraite des colonnes ennemies, qui regagnent Troyes en toute hâte.

Napoléon apprit la halte du maréchal Victor au château de Nangis, à l'instant même où, confiant dans l'exécution de ses ordres, il écrivait au duc de Vicence, négociateur an congrès de Châtillon :

"La Providence a béni nos armes ; j'ai fait trente à quarante mille prisonniers ; j'ai pris deux cents pièces de canon, un grand nombre de généraux, et détruit plusieurs armées, sans presque coup férir ; J'ai entamé hier l'armée du prince de Schwartzemberg, que j'espère détruire avant qu'elle ait repassé la frontière."

Mais, les résultats qu'il prévoyait étaient changés, au lieu de poursuivre les Autrichiens il fallait enlever la position de Montereau, où les Bavarois s'étaient fortement établis.

A peine reposé de la victoire de Nangis, Napoléon s'avance sur Montereau et commande une attaque générale : les généraux Gérard et Pajol, le général Chateau, gendre du maréchal Victor, l'un des plus vaillants officiers de l'armée, et qui devait racheter par la gloire d'une mort héroïque la faute que Napoléon reprochait au duc de Bellune, se portent sur Montereau d'un mouvement combiné.

Cette affaire fut une des plus acharnées de la campagne de 1814 : les Bavarois disputent pas à pas le terrain, mais ils sont obligés de céder ; une attaque vigoureuse, dirigée sur le plateau de Surville, qui domine le confluent de la Seine et de l'Yonne, livre aux Français cette position importante, d'où nos canons écrasent les Wurtembergeois jusque dans Montereau.

Napoléon, qui occupait la hauteur de Surville avec deux bataillons de sa garde, se rappelant les travaux de sa jeunesse, dirige lui même les coups, et, au milieu des boulets que lancent les ennemis pour reprendre Surville, il pointe avec sang froid les pièces ; les vieux grenadiers, effrayés du péril de leur chef, le veulent éloigner :

"Allez, mes amis, leur dit en souriant l'empereur, ne craignez rien ; le boulet qui me tuera n'est pas encore fondu."

Enfin la victoire couronne les efforts des conscrits de 1814 ; les Wurtembergeois, rudement assaillis, poursuivis par les bataillons français, rentrent en désordre dans Montereau, et, après avoir essayé de faire sauter le pont, effectuent péniblement avec les Bavarois leur retraite au travers des rues de Montereau.

Les habitants, qui subissaient avec impatience la présence des étrangers, se soulèvent aussitôt qu'ils aperçoivent les aigles impériales, et prennent part à la lutte ; de toutes parts les ennemis sont attaqués, on forme des barricades pour embarrasser leur marche, on tire sur eux de toutes les fenêtres, et ils abandonnent Montereau dans un désordre et avec une terreur inexprimables.

Cette journée avait coûté huit mille hommes dont cinq mille prisonniers, quatre drapeaux et six pièces de canon à l'ennemi : c'était une victoire brillante, un avantage considérable ; mais Napoléon, qui depuis deux jours avait vu les fautes se multiplier autour de lui, dont les succès à Nangis n'avaient pas été aussi complets qu'ils auraient pu le devenir sans le retard du maréchal Victor, reçut le duc de Bellune avec une sévérité extrême, à son quartier général de Surville, et lui donna la permission de quitter l'armée.

Le maréchal essaya de se justifier sans que Napoléon lui en laissât le temps.

Enfin, il parvient à se faire écouter, il prononce le nom de son malheureux gendre blessé mortellement, et aussitôt des larmes l'interrompent ; cette douleur touche Napoléon, qui tend la main au maréchal quand celui ci, avec une noble chaleur, .s'écrie :

"Je ne quitterai pas l'armée, je vais prendre un fusil, je n'ai pas oublié mon ancien métier, Victor se placera dans les rangs de la garde..."

De Montereau, Napoléon, qui avait pour un moment éloigné de Paris le danger d'une attaque, se reporte entre la Seine et la Marne ; là il continue entre ses ennemis ses savantes et hardies manoeuvres.

Jusqu'alors on lui avait contesté, la science des marches et des contre marches, il prouva qu'il n'ignorait rien de l'art de la guerre ; il tira de la position des armées alliées, de la configuration du terrain, des moindres incidents, d'inépuisables ressources.

Devant Soissons il poursuit les Prussiens commandés par Blücher, les accule à l'Aisne et à une place mal fortifiée mais suffisamment munie : à Soissons ; la perte du feld maréchal semble inévitable, il faut qu'il mette bas les armes, quand, par un coup de fortune, contre toutes prévisions, le commandant de Soissons, au lieu de résister vingt quatre heures, ouvre ses portes et donne un asile à l'armée de Blücher.

Toujours inférieur en forces, souvent mal secondé, trahi au dedans et au dehors, Napoléon tient en échec ces trois cent mille hommes ; il dispute chèrement Soissons, Reims, Laon, et partout sa présence annonce la victoire.

A Arcis sur Aube trente mille soldats défendent le champ de bataille contre l'armée austro russe de Schwartzemberg ; la cavalerie ennemie, dix fois plus forte que la nôtre, ébranle les divisions des généraux Colbert et Excelmans, déjà les fuyards se précipitent vers le pont de l'Aube ; l'empereur, qui était accouru au bruit de l'attaque, se jette l'épée à la main au milieu d'eux et s'écrie

"Voyons qui de vous le repassera avant moi !"

Et les rangs se reforment.

Après une journée de combat les Français font leur retraite en ordre, et reculent fièrement devant ces forces trop supérieures.

Le combat d'Arcis avait convaincu Napoléon de l'impossibilité d'arrêter avec sa faible armée les forces réunies de Schwartzemberg et de Blücher : alors il combine un nouveau plan ; soudaine et magnifique inspiration qui relevait les destinées. impériales, si la trahison ne l'eût déjouée : il se décide à se jeter sur les derrières de l'ennemi, à couper ses communications et à le placer entre son armée et Paris.

Il opérait dans cette direction, déjà les souverains étaient troublés, ils pensaient à rétrograder, quand Napoléon est averti qu'à Paris on conspire contre lui, que s'il tarde à venir diriger la défense de la capitale tout est fini:

La présence de Napoléon, lui écrit le directeur des postes, Lavalette, est nécessaire, s'il veut que la capitale ne soit pas livrée à l'ennemi ; il n'y a pas un instant à perdre.

Napoléon aussitôt dirige ses troupes sur Fontainebleau, et, les devançant, il se jette dans une voiture de poste.

Il court, il dévore l'espace ; à chaque relais il apprend une nouvelle funeste : que l'impératrice et le roi de Reine ont quitté Paris, que son frère Joseph a fui, que l'ennemi est aux barrières.

Enfin le 30 mars 1814, à dix heures du soir, il n'est plus qu'à cinq lieues de Paris, au relais de la Cour de France ; il va se remettre en route, quand le général Belliard arrive et lui apprend que Paris a capitulé.

Table chronologique des faits mémorables.....

 

Réalisée le 20 novembre2005

 André Cochet

Mise sur le Web lenovembre2005

Christian Flages