VARIÉTÉS

BORDELOISES

ou

E S S A I  HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

LA TOPOGRAPHIE ANCIENNE ET MODERNE  DU DIOCÊSE DE BORDEAUX

PAR

L'ABBÉ BAUREIN

TOME III

BORDEAUX

FERET ET FILS, LIBRAIRES‑ËDITEURS

15 Cours de L'INTENDANCE

1876

 

 

Extrait :

 

 

Livre sixième

 

Article  V

 

Pages :236 à 238

 

Collection :

 

 

 

 

SAINT‑PIERRE de SAUTERNES

P.236                                                                  

 

 

C’est une des Paroisses de l’Archiprêtré de Cernès, sur laquelle on n'a pas jugé à propos de fournir le moindre renseignement. Si on n'a eu en vue, par ce refus, que de faire échouer notre entreprise, qu'il soit permis de le dire, on s’y est mal pris, puisqu'une pareille intention, qui ne manifesteroit rien moins que le Citoyen et le Patriote, ne nous a pas empêché jusqu'ici de poursuivre notre projet, et que si le silence, dans lequel on s'est renfermé, fait quelque tort a notre Ouvrage, il en fait un bien plus grand dans l'esprit de toutes les personnes qui pensent, à ceux qui se sont déterminés à le garder. Cela n'empêchera pas que nous ne disions sur cette Paroisse, le peu que nous pouvons en savoir, ou que nos recherches pourront nous procurer.

 

Si on consulte la lieve des quartieres de l'Archevéché, de l'année 1420, on y lit que la Paroisse de Saint‑Pierre de Sauternes étoit tenue, envers les Archevêques de Bordeaux, à une esquarte et demie de froment, et à autant de millet. Cette redevance est évaluée, dans la lieve de 1546, à quatre boisseaux et demi de froment, et autant de millet; nouvelle preuve que l'esquarte, ancienne mesure du Pays Bordelois, étoit évaluée à trois boisseaux.

 

La nature de cette redevance semble indiquer qu'il existoit, dans cette Paroisse, des fonds gras et propres à produire du froment, et des fonds maigres, qui n'étoient bons qu'à être ensemencés en millet, Si telle étoit l'ancienne culture de

P.337'

                                      cette Paroisse, on peut dire qu'elle a bien changé,

puisqu'on sait qu'on recueille maintenant dans Sauternes de très‑bon vins blancs, qui sont connus dans l'Etranger, sous la dénomination générale de vins de Langon, quoique Sauternes ne soit compris ni dans le territoire de cette Ville, ni dans le district de sa Jurisdiction; il a, au contraire, touj ours et constamment fait partie du Pays Bordelois. Il dépend de la jurisdiction de la Prévôté Royale de Barsac. La dénomination de vins de Langon, qu'on donne dans l'Etranger aux vins de Sauternes, et de quelques autres Paroisses du Pays Bordelois, n'a été occasionnée que par leur proximité de cette Ville.

 

Nous ne dirons rien au sujet de l'Eglise de Sauternes, qui nous est entièrement inconnue, et sur laquelle, non plus que sur quantité d'autres objets concernant cette Paroisse, on ne nous a pas mis à portée de parler. Nous dirons seulement que, selon quelqu'ancien titre, il existoit dans l'étendue de cette Paroisse et dans le voisinage de la petite riviere du Siron, un lieu appellé à la Chapelle. Nous ignorons si elle existe encore à présent; nous savons seulement que M. de Filhot, Conseiller au Parlement de Guienne, a des possessions,

très‑considérables dans l'étendue de cette Paroisse, et que les

vins qu'il y recueille sont d'une très‑bonne qualité. L’Auteur du Dictionnaire universel de la France, ni M. l'Abbe Expilly, ne font aucune mention de la Paroisse de Sauternes.

 

Nous avons observé en bien des rencontres, que les an­ciennes dénominations des lieux avoient, dans le principe,des significations qui nous sont aussi inconnues que l'ancien langage dans lequel elles avoient été puisées; il ne nous est pas défendu de tâcher de les découvrir, s'il est possible. Les secours que nous ont fournis les recherches qu'ont faites dans ce siecle des Ecrivains laborieux, semblent nous y inviter.

M. Bullet, dans son Dictionnaire Celtique, nous apprend que le mot sau signifioit, dans cet ancien langage, tertre, petite,

 

 

P.238              l

 

                                                                       colline, hauteur. Ce même Ecrivain, au mot ternevan, dit qu'il signifie rivage de rivière. On ignore si la Paroisse de Sauternes est en plaine ou en côteau. Si sa Situation étoit en cette derniere manière, la dénomination qu'elle porte signifieroit un tertre., ou côteau, placé sur  le rivage d'une rivière. On n'insiste à cet égard, qu'autant qu'il est bon de revenir du préjugé où l'on pourroit être que les noms des lieux sont barbares, et qu'ils n'ont jamais eu de signification. Au reste, il peut se faire que ces sortes d'étymologies déplaisent à certaines personnes; il peut se faire aussi que tout le monde n'est pas du même avis; car telle est la disposition des esprits dans ce bas monde, que ce qui plait à l'un, déplait à l'autre. Mais est‑on obligé d'avoir égard à ces dégoûts particuliers, sur‑tout dans le cas où il est aisé, à ceux qui les éprouvent, de s'en épargner le désagrément?

 

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