Une Châtaigneraie du Moyen Age.
   

à Fargues.

Article paru dans Sud Ouest.

le 21 septembre 2003. 

Archivé par Francis LAFON.

 

 

Un site d'exception.

 

 

 

La famille Saint-Marc possède une châtaigneraie qui fut plantée à la fin du Moyen Age.

 

Un lieu extraordinaire mais, hélas, menacé.

 

 

 

Chataigniers du Moyen Age.  

 

 

Six cents ans : c'est l'âge la châtaigneraie d'environ un hectare qui se situe au lieu-dit " le Petit de Léglise", à l'extrémité Sud-Ouest de Langon, à la limite de la commune de Fargues. Cette parcelle, qui est la propriété depuis cinq on six générations de la famille Saint Marc productrice de Sauternes, est une véritable curiosité.

 

Des châtaigniers y ont été plantés, en alignement, à diverses époques. Onze d'entre eux, auxquels on attribue cet âge canonique, ont une circonférence supérieure à 8 mètres, 10,50 mètres pour le plus imposant (mesure prise à un mètre du sol).

 

Six cents ans... autant dire qu'ils furent contemporains de Jeanne d'Arc et Charles VII : ça situe mieux! On ne peut être que très impressionné devant ces mastodontes superbes.

 

Ils inspirent l'admiration et le respect. Et évoquent immanquablement la vie des lointains aïeux qui les ont plantés... et greffés ! 

 

En effet, la moindre surprise n'est pas de constater que chacun de ces colosses, voici six cents ans, donc, a été greffé.

 

En témoignent les "bourrelets de greffage" qui se situent à la base du tronc et qui sont à l'échelle de l'arbre : énormes. Claude Saint Marc, qui, en propriétaire curieux, s'est intéressé à la question, aime à rappeler que la technique du greffage remonterait à Charlemagne.  

 

C'est à dire encore six autres siècles plus tôt : un petit détail qui devrait rappeler l'homme du XXIème siècle à la modestie.

 

 

Variétés.

 

Mauricette Saint Marc, la mère de Claude, explique que trois variétés au moins de châtaignes existent sur la parcelle. A défaut de connaître leur nom scientifique exact, on a coutume dans la famille de les désigner avec des noms tout simples et faciles à retenir. 

 

Il y a la châtaigne « de la Saint Michel » (la plus précoce, dit Mauricette, à cueillir dès la fin septembre).

 

La plus tardive, qui arrive à la Toussaint et qui a l'avantage de se peler très facilement, on l'appelle « la ronde », parce qu'elle est toute ronde vous l'avez deviné. Et entre les deux, il y a une variété qu'on appelle « la grosse » : « de vrais marrons ! » C'est celle-là que préfère Mauricette.

 

Claude se souvient que dans les années cinquante, sa grand'mère, à l'automne, se rendait tous les vendredis an marché de Langon pour vendre la récolte... Aujourd'hui, la châtaigneraie n'est plus exploitée, et la cueillette se limite, chaque année, à la consommation familiale et à quelques soirées amicales à la saison du vin nouveau...  

 

Site classé. En 1976, la famille Saint Marc a obtenu que la châtaigneraie soit classée aux Sites et Monuments de France. Ce classement, Claude Saint Marc ne s'en cache pas, avait surtout permis à l'époque de couper court à l'avancée de la zone industrielle pratiquement jusque devant sa porte... 

 

Pour autant, hors cette anecdote, la famille est réellement attachée à ces arbres. Et aimerait qu'en vertu de ce classement. les pouvoirs publics aujourd'hui s'y intéressent de plus près. Car, hélas, la châtaigneraie est en danger. Depuis quelques années, certains des arbres majestueux dépérissent.

 

 

Plusieurs sont déjà morts, n'offrant plus que le spectacle désolé et, hélas, définitif, de leur énorme carcasse grise et nue hérissée vers le ciel. Vieillesse ? Maladie ? Champignons parasites ? Pollution ? La raison à ce jour n'est pas clairement établie (lire ci-dessous) et Claude Saint Marc désespère d'avoir enfin un avis ferme et concret des spécialistes. Et l'ordonnance d'un éventuel traitement...

 

 

Sud Ouest 2002

 

 

 

Une étrange mortalité  depuis 1995.

 

 

Claude Saint Marc, qui n'est pas spécialiste en la matière, a l'impression que les arbres ont commencé à donner des signes de dessèchement à la suite d'un énorme orage survenu en 1995, au cours duquel l'eau avait envahi la parcelle après avoir longuement raviné la voie de chemin de fer saturée de désherhants qui jouxte la châtaigneraie.

 

Une hypothèse comme une autre, qu'un premier spécialiste de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt n'avait d'ailleurs pas totalement écartée, lorsqu'il était venu sur le site et avait procédé à des analyses, en 1996.  

Ces analyses n'avaient décelé ni chancres sur la partie aérienne des arbres, ni champignons sur les racines, lesquelles étaient pourtant malades. A cette époque, ce spécialiste avait avancé une autre explication possible: le rehaussement du niveau de la nappe phréatique qui aurait pu provoquer l'asphyxie partielle, en les noyant, des racines.

 

Selon lui, l'effet des herbicides aurait alors aggravé, mais seulement de façon secondaire, l'effet principal d'asphyxie de la nappe d'eau souterraine.  

Cette même année, l'INRA poussa plus loin les investigations en arrachant un arbre mort. Cet examen plus approfondi allait dans le sens opposé : cette fois, l'on donnait l'asphyxie provoquée par la nappe phréatique comme cause secondaire. 

 

Et comme cause principale « la plus plausible », « l'accumulation de substances phytotoxiques, de type désherbant total, apportées par l'écoulement et l'infiltration dés eaux »... Et l'INRA avait alors demandé à la SNCF d'éviter les désherbants trop radicaux sur cette partie de la voie ferrée. Quoique convaincue de leur « innocuité », la SNCF avait finalement accepté d'y renoncer.

 

En juillet 1998, un courrier au Ministère de l'agriculture a donné lieu à une réponse promettant  un examen attentif du cas « dont le résultat vous sera communiqué dans les meilleurs délais ». 

 

En novembre 2000, la Direction régionale de l'environnement envoie un technicien sur place et écrit à Claude Saint Marc qu'elle va « prendre les contacts nécessaires pour engager une expertise phytosanitaire ». 

 

Laquelle, permettra d'envisager les mesures à prendre ainsi que les moyens à mettre en oeuvre pour la sauvegarde de ces arbres ». Depuis, Claude Saint‑Marc n'a guère plus eu de nouvelles. Et les châtaigniers continuent à mourir doucement.

   

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Réalisée le 24 janvier 2005  André Cochet
Mise sur le Web le  30 janvier 2005

Christian Flages