Les arbres    de la         Vallée du Ciron.

L'Orme champêtre.

Ulmus sp. (Ulmacées) 

(syn : U. campestris)  

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Éric Collin

Cemagref.

Domaine des Barres.

45290 Nogent / Vernisson.

Conserver les ressources génétiques forestières en France.

 

Éric Teissier du Cros, coordonnateur, 1999.

Conserver les ressources génétiques forestières en France.

Ministère de l'Agriculture et de la Pèche, Bureau des Ressources Génétiques.
Commission des Ressources Génétiques Forestières,

INRA-DIC, Paris, 60 pages.

Caractéristiques du genre.

* = Lexique.

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Il existe une trentaine d'espèces d'ormes dans le monde, dont trois indigènes* en Europe. Les deux premières, l'orme champêtre (Umus minor Mill. = U. campestris L. p.p.) et l'orme de montagne (U. glabra Huds.), s'hybrident spontanément et forment un complexe d'espèces. 

La troisième, orme lisse ou orme diffus (U. laevis), est assez éloignée phylogénétiquement du complexe U minor-glabra, avec lequel elle ne s'hybride pas.

Les deux premières espèces sont largement représentées en France : U minor est commun, surtout en plaine. U. glabra est assez fréquent en montagne, ainsi qu'à l'étage collinéen dans le nord et l'est. U. laevis est assez rare et souvent confondu avec les deux précédentes. À l'état spontané, il est présent principalement dans les forêts alluviales de l'est, du nord et du centre, mais aussi dans certaines ripisylves* du sud (Garonne, Ariège, Lot).

U. glabra et U. laevis sont des espèces de demi ombre, bien adaptées au couvert forestier. Elles sont surtout inféodées à des biotopes particuliers (ubacs frais pour U. glabra, ripisylves pour U. laevis). U. minor est une héliophile* préférant des milieux plus ouverts. Il colonise facilement des stations très diverses, même s'il affectionne particulièrement les forêts ripicoles* aux sols riches et profonds.

Les ormes d'Europe sont des arbres longévifs (150‑400 ans) et de grande taille (25‑35 m de haut). Ce sont des espèces disséminées, allogames*, aux fleurs hermaphrodites*, pollinisées principalement par le vent (U. glabra, U. minor) ou par les insectes (U. laevis). Ils fructifient souvent en abondance. 

Quand elles ne sont pas vaines (cas fréquent chez U. minor), les graines germent peu après leur dissémination par le vent. U. minor rejette de souche et drageonne*, formant ainsi de petits bouquets monoclonaux. U. laevis semble rejeter plus difficilement mais drageonne abondamment, tandis qu'U. glabra rejetterait difficilement et ne drageonnerait pas.

Menaces sur les ressources génétiques.

   L'épidémie de graphiose, provoquée par Ophiostoma novo‑ulmi, champignon propagé par un coléoptère, a brutalement fait disparaître la quasi totalité des ormes champêtres adultes. Cette espèce subsiste cependant à l'état de rejets ou de drageons encore fréquemment rabattus par la graphiose. De ce fait, une large part des ressources génétiques de cette espèce est probablement en mesure de se maintenir naturellement in situ. Le devenir de ses écotypes* rares ou moins aptes au drageonnage est plus incertain et nécessite la mise en oeuvre simultanée de méthodes de caractérisation génétique et de conservation ex situ.

L'orme de montagne a été touché plus tardivement et de manière moins spectaculaire, mais peut‑être plus préoccupante.
Étant inapte au drageonnage, il ne peut se maintenir in situ qu'en cas de bonne régénération par semis. On ignore si la régénération actuelle est suffisante pour éviter érosion ou dérive génétique*. L'orme lisse est peu atteint car il est nettement moins attractif pour les coléoptères vecteurs du champignon pathogène.

La destruction de l'habitat de populations remarquables demeure une menace particulièrement grave pour l'orme lisse dont la rareté actuelle résulte du défrichement ancien et récent des forêts alluviales.  

Des pratiques sylvicoles défavorables aux espèces secondaires peuvent anéantir la régénération naturelle des ormes, et donc contribuer à la disparition de ressources génétiques autochtones* pourtant adaptées au milieu.  

Acquis de la recherche.

Afin de mieux cibler les ressources à conserver, le Cemagref s'est attaché la collaboration de divers partenaires scientifiques français et eurropéens.

Étude de la diversité génétique à l'aide de marqueurs moléculaires.  
(Université Paris Sud). 

La diversité alloenzymatique* de 350 clones s'est révélée forte mais très peu structurée géographiquement*.

 Un marqueur propre à U. laevis a été trouvé. La distance génétique entre U. minor et U. glabra est apparue très faible en dépit de certaines différences de fréquences alléliques*.  

Recherche de clones* moins sensibles à la graphiose (INRA Nancy et Cemagref).

L'inoculation de 33 clones par 0pbiostoma novo‑ulmi révèle une assez forte différence de sensibilité.  

  Mise en oeuvre du réseau conservatoire.

Conservation ex situ. 

Depuis 1987, le Cemagref met en oeuvre le programme français. il dirige également un projet européen ayant pour but de coordonner les efforts de conservation et d'étude génétique des ormes indigènes dans 9 états membres de l'Union Européenne (1997‑2001).  

En France, environ 400 clones (300 U. minor, 80 U. laevis, 30 U. glabra) ont été rassemblés par bouturage de pousses herbacées prélevées sur des ormes adultes apparemment indemnes de graphiose. Une dizaine de régions (surtout dans la moitié nord de la France et la région Poitou‑Charentes) ont été prospectées en collaboration avec les services forestiers locaux et diverses associations. Cette collection inclut 70 clones de Basse‑Normandie bouturés au début des années 1980 par la DRAE et l'association CREPAN en vue de constituer un conservatoire régional sur l'île de Chausey.  

La collection nationale est conservée à Nogent‑sur‑Vernisson (Loiret) et à Guémené‑Penfao (Loire‑Atlantique), sous forme de haies basses, peu attractives pour l'insecte vecteur du champignon pathogène.

Par ailleurs, une soixantaine de clones est cryoconservée* par L'AF0CEL. Plusieurs dizaines d'autres clones français seront également cryoconservés en France et en Allemagne dans le cadre du projet européen déjà cité.  

Conservation in situ. 

En 1998, le Cemagref a amorcé, en partenariat avec L'0NF, une étude visant à évaluer la faisabilité de mesures conservatoires in situ pour U. glabra et U. laevis. La gestion durable des populations de ces deux espèces en forêt publique figure parmi les objectifs de ce programme.  

Perspectives.

Marqueurs moléculaires. 

Une étude utilisant les marqueurs de l'ADN chloroplastique est conduite depuis 1998 par l'ONF sur 700 clones européens. Les premiers résultats confirment la singularité d'U.laevis. L'université de Glasgow travaille sur les mêmes clones à l'aide de marqueurs de l'ADN nucléaire.  

La recherche de clones moins sensibles à la graphiose se poursuit sur plus de 300 clones dans 7 instituts de recherche européens.  

Conservatoires. Les résultats des études génétiques en cours orienteront l'extension éventuelle des collections de clones. La conservation in situ d'U. glabra et d'U. laevis doit être développée, mais elle nécessite une amélioration préalable des connaissances sur les systèmes de reproduction de ces deux espèces.  

 

Références bibliographiques :

Pontoppidan A., 1995. L'Orme, Actes Sud, 90 p.

Richens R.H., 1983. Elm, Cambridge university press, Cambridge, GBR, 347 p.

Timbal J., 1981, Un arbre méconnu: l'orme lisse, Rev. For. Fr.,2, 109‑114

Timbal J., 1997 Note sur la présence en Ariège de l'Orme lisse,. J. Bot. Soc. Bot. Fr.,3, 5‑8

Brasier C., 1996. New horizons in Dutch elm disease control, Report on forest research, 20‑28, Rapport annuel de la Foresty Commission, ISBN 0 85538 344 5

Pinon J. et Feugey L. (Coord,), 1993. La graphiose de l'orme, Les dossiers de l'environnement de l'INRA, 7, ISSN 1244‑7986, 60 P.  

Lexique.

Allèle : forme particulière que prend un gène, déterminant l'un des états possibles du caractère codé par ce gène.

Alloenzyme : différentes formes moléculaires d'une enzyme ayant des structures différentes (codée par différents allèles du même gène) mais des fonctions identiques.

Allogamie : mode de reproduction sexuée dans lequel la pollinisation est assurée par le pollen d'un individu génétiquement différent, mais de la même espèce (pollinisation croisée).

Autochtone : se dit d'une espèce ou d'une population originaire du milieu on elle se trouve (non introduite par l'homme).

Clone : groupe d'individus génétiquement identiques, obtenus par voie végétative à partir d'un seul individu originel.

Cryo‑conservation : conservation à très basse température.

Dérive génétique : variations aléatoires de la proportion des différents allèles, dans une population. Peut se produire lorsqu'un petit groupe se sépare d'une population plus grande pour fonder une nouvelle colonie.

Drageon : rejet an niveau des racines.

Écotype : au sein d'une espèce, populations différenciées par la sélection naturelle exercée par un ou plusieurs facteurs écologiques.

Hermaphrodite : espèce dont les fleurs possèdent à la fois les organes mâles et femelles.

Héliophne : se dit d'une espèce qui ne peut se développer complètement qu'en pleine lumière. 

Indigène : se dit d'un arbre, d'une population on d'une espèce n'avant pas été introduits par l'homme (issus des processus naturels de colonisation des milieux et de régénération).  

Ripicole : se dit d'une espèce, population ou formation végétale localisée au bord des cours d'eau.  

Ripisylve : forêt riveraine des cours d'eau.

Structuration géographique : formation de zones où les populations sont homogènes génétiquement du fait de leur proximité géographique.  

Réalisé   le 20  janvier  2007

 André Cochet

Mise sur le Web   janvier 2007

Christian Flages

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