Edition originale
 en
1786

VARIÉTÉS
BORDELOISES

ou

E S S A I  HISTORIQUE ET CRITIQUE

SUR

LA TOPOGRAPHIE ANCIENNE ET MODERNE  DU DIOCÊSE DE BORDEAUX

PAR

L'ABBÉ BAUREIN

Réédité en 1876
BORDEAUX
FERET ET FILS, LIBRAIRES‑ËDITEURS

15 Cours
de L'INTENDANCE

Voir la typographie à Villages/ Sauternes/Histoire/Interprétation.

Extrait: 
TOME III  
 
Livre sixième  
 
Article  VII
  Pages: 241 à 247

 Collection Privée

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 Saint VINCENT de NOAILHAN.

 

Nous ne pouvons pas dire grand chose sur une Paroisse qui nous est inconnue, et sur laquelle d'ailleurs nous n'avons reçu aucun renseignement local. Nous savons seulement qu'elle est située dans l'étendue de l'Archiprêtré de Cernès, et qu'elle est voisine des Landes; aussi ne faut-il pas être surpris si son ancienne culture consistoit à y faire croître des millets; au moins étoit-ce en cette nature de denrées qu'étoient acquittées les redevances dont cette Paroisse étoit tenue envers les Archevêques de Bordeaux.

  Noailhan est beaucoup plus près de la Ville de Bazas que de celle de Bordeaux; aussi le Seigneur de Noailhan, qui étoit anciennement en grande considération, prétendoit-il être premier Baron du Bazadois. On trouve dans les anciens Extraits des Registres du Parlement

  « du Jeudi, 22 Juin de l'année 1559, que Lahet (portant la parole), pour le Procureur Général, dit avoir entendu que le sieur de Roque-Taillade et le sieur de Noailhan faisoient grandes assemblées d'une part et d'autre, pour le jour de Samedi, que l'Evêque de Bazas fait son entrée en ladite Ville, sur ce qu'ils sont  en procès; savoir, qui est le premier Baron du Bazadois;  et pour ce qui se pourroit ensuivre quelque scandale de cette assemblée, a supplié la Cour vouloir députer quelque Conseiller d'icelle, pour aller dans ladite Ville empêcher le scandale : sur quoi la Cour a commis, pour cet effet, jean Ciret, Conseiller, et Louis de la Ferriere, Avocat Général ». T.III(Edt.Baur, vol VI)

  P. 242       

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On peut juger par là en quelle considération étoit dès lors la Cour de Parlement de cette Ville, puisque la présence de deux de ses Officiers étoit suffisante pour contenir la noblesse d'une contrée entière, et on voit par là quelle étoit la vigilance de cette même Cour, pour maintenir le bon ordre dans la Province.

 

On a vu dans quelqu'autre endroit du présent Ouvrage, de quelle manière se faisoit l'entrée solemnelle des Archevêques dans Bordeaux. Les personnes les plus distinguées parmi la Noblesse tenoient à honneur de conduire par la bride la haquenée sur laquelle le Prélat étoit monté : sans doute qu'il en étoit ainsi lors de l'entrée solemnelle de l'Evéque de Bazas, le Seigneur de Roquetaillade et celui de Lamothe de Noailhan se disputoient mutuellement la qualité de premier Baron du Bazadois, à laquelle la prérogative de tenir, par la bride la haquenée sur laquelle étoit monté l'Evêque de Bazas, lors de son entrée solemnelle dans la Ville où étoit placé son Siege.

Si la prétention du Seigneur de Noailhan étoit fondée, c'étoit à sa naissance et non à sa Seigneurie, qu'il en étoit redevable; car une Seigneurie qui n'étoit pas placée dans le Bazadois, ne pouvoit pas lui donner droit à la qualité de premier Baron de cette même Contrée.

La Maison de Noailhan étoit d'une noblesse d'autant plus ancienne, que son nom se trouve identifié avec celui de la Seigneurie. On a déjà observé ailleurs que lorsque les surnoms commencèrent à être en usage, ce qui arriva vers le dixième siècle, chacun en prit un à son choix; mais les Nobles préférèrent ceux de leurs Fiefs et de leurs Seigneuries.

Dans ces siècles reculés, l'identité des noms des Seigneurs avec celui de la Seigneurie, étoit donc la marque certaine de l'ancienne noblesse d'extraction qu'on ne se procuroit pour lors que par cette voie. Or, on trouve un Amanieu de Noalhan qualifié Miles, c'est-à-dire, Chevalier, dans un titre du 2 Mars 1225. Ce n'est pas

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                                                                    le seul Seigneur de cette Maison dont il soit fait mention dans les anciens titres : Guillaume Seguin de Noalhan est décoré de la même qualité de Miles ou Chevalier, dans une Chartre du 9 Février 1241 : Bertrand de Noailhan est qualifié Domicellus ou Damoiseau dans un titre du 13 Décembre 1262, et dans quelques autres postérieurs; et dans un titre du 10 Mars 1273, il est fait mention d'un Pierre de Noalhan, qui y est qualifié Miles

S'il existe encore des descendans de cette ancienne Maison en quelque part de la France, il ne leur sera pas impossible de recouvrer des documens sur l'ancienneté de leur noblesse, en faisant des perquisitions dans les anciens dépôts du Bazadois et du Pays Bordelois, et particuliérement dans ceux des principales Eglises ou des anciens Monasteres.

On a déjà vu par l'extrait rapporté ci-dessus, que le Seigneur de cette Maison disputoit à celui de Roquetaillade la qualité de premier Baron du Bazadois et qu'il étoit à craindre que cette dispute, quoique pendante en justice réglée, n'eût des suites fâcheuses.

Il y a lieu de penser que les assemblées qui se faisoient de part et d'autre, étoient composées de la Noblesse du Bazadois et des environs, qui prenoient parti dans cette querelle. 

Quel qu'en ait été le résultat, il est certain que la prétention des Seigneurs de Noailhan ne devoit pas être dépourvue de quelque espece de droit, dès lors qu'elle avoit été portée en justice réglée. 

On ne sait autre chose à cet égard, sinon que la Maison de Noailhan étoit aussi ancienne que distinguée, par sa noblesse, dans le Pays Bordelois. 

Il y a lieu de penser que dès le commencement du treizieme siecle, les Seigneurs de Noailhan jouissoient du droit de la haute Justice dans l'étendue de leur Seigneurie, puisqu'il est fait mention dans les rôles Gascons des années 1213 et 1214 de certains frais qui avoient été faits pour l'audition des témoins qui avoient déposé sur le fait de la haute justice

P. 244                                             

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             de Noailhan (1). Il est vraisemblablement arrivé à ces anciens Seigneurs, ce qui arrivoit assez fréquemment pendant le temps que la Guienne étoit sous la domination des Rois d'Angleterre; savoir, qu'ils se détacherent du parti de ces Rois, pour se faire François, suivant le langage de ce temps-là. La peine d'une pareille défection étoit la perte de la Seigneurie; mais on ne tardoit pas à en être dédommagé par le Roi dont on embrassoit le parti.

Il paroît par les rôles Gascons des années 1406 et 1407, qu'il fut question, à cette époque, de la concession de la terre de Noailhan, en faveur de Charles de Beaumont (2). Si on consulte ces mêmes rôles aux années 1415 et 1416, on y voit qu'il fut de nouveau question de la concession de la terre de Noailhan, et de quelques autres Seigneuries, en faveur du même Charles de Beaumont. (3)

On voit par là, et par une infinité d'autres exemples, que ces sortes de concessions de la part des Rois d'Angleterre n'étoient pas à perpétuité : ils en gratifioient ceux qu'ils jugeoient à propos, et ordinairement ceux qui étoient le plus en faveur.

  Un de ceux qui paroît en avoir joui d'une très grande auprès des Rois d'Angleterre, et sur lequel ceux-ci répandirent ces sortes de concessions, fut Bernard Angevin, auquel les rôles Gascons des années 1428 et 1429 nous apprennent que le Roi conféra la terre de Noailhan avec celle de Salaunes en Médoc (4). 

Une grande partie des Seigneuries du Pays Bordelois passerent peu à peu sur la tête de ce particulier qui devint dans la suite un grand et puissant Seigneur, dont les terres et héritages sont tombés au pouvoir de l'illustre maison de Durfort-Duras, ainsi qu'on l'a déjà vu dans le présent Ouvrage.  

Il ne paroît pas que les anciens Seigneurs de Noailhan aient été rétablis dans la possession de cette Terre pendant le temps que les Rois d'Angleterre ont été les maîtres de cette Province : il semble même qu'on est autorisé à assurer le contraire, d'après ce qu'on lit dans les rôles Gascons (t. 1, p. 235), qu'en l'année 1451, la terre et le domaine de Noailhan furent donnés à Baudinot Gassies, homme d’Armes. 

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Il pourroit être arrivé que les anciens Seigneurs de Noailhan, qui n'en avoient été dépouillés que pour avoir embrassé le parti des Rois de France, y furent rétablis lorsque ceux-ci eurent fait rentrer sous leur domination la province de Guienne; mais nous ne pouvons rien assurer à cet égard.

Il ne faut pas être surpris si, n'ayant reçu aucun détail sur cette Paroisse, nous nous soyons étendu sur ces anciens Seigneurs. Nous ignorons s'il y existe un ancien château : nous savons seulement qu'il y en existoit un dans le temps que la Guienne étoit sous la puissance des Anglois. 

Cette Paroisse est placée sur la rive gauche de la Garonne, à trois lieues de distance de ce Fleuve, et à neuf lieues de Bordeaux. Quoique nous n'ayons reçu aucun document sur le genre de culture observé dans cette Paroisse, nous ne croyons pas nous écarter du vrai, en disant qu'il ne differe guere de celui qui est pratiqué et en usage dans la contrée des Landes de Bordeaux : nous voyons au moins que les redevances auxquelles cette Paroisse étoit assujettie envers les Archevêques de cette Ville, s'acquittoient en millets, qui sont incontestablement des denrées des Landes.

Nous nous sommes procuré, par toute autre voie que par celle de M. le Curé de Noailhan, les éclaircissemens qui suivent : en premier lieu, qu'il se tient deux foires dans cette

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                                                   Paroisse, dont la premiere est fixée au 23 juillet, et la seconde au 27 du mois de Septembre ……en second lieu, qu'il y existe des terres labourables qui sont sablonneuses, et qu'on n'ensemence qu'en seigles et en millets; qu'une partie est cultivée en vignes, et l'autre en pignadas; ce qui annonce qu'en général , le terrein de cette Paroisse n'est qu'un pur sable. 

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Il faut néanmoins convenir que tout le terrein n'y est pas de cette nature, et qu'il y existe des fonds en bois taillis, en pacages et en prairies; mais celles-ci sont exposées aux fréquentes inondations de la petite riviere du Siron, qui traverse les extrémités de cette Paroisse……. 

en troisieme lieu, que le chemin de Preignac à Villandraut, passe dans cette Paroisse, et que ce chemin est mauvais en bien des endroits ……..... 

en quatrieme lieu, que celui de Noailhan à Langon, n'est guere plus commode…… .... 

en cinquieme lieu, qu'il existe dans Noailhan une Chapelle sous l'Invocation de Saint Michel, placée à la distance de près de six cens pas de l'Eglise Paroissiale, et que le Cimetiere de Noailhan, qui n'est pas placé auprès de celle-ci, ainsi qu'il est d'usage, est situé aux environs de cette Chapelle.

On observera que l'Auteur du Dictionnaire Universel de la France, et M. l'Abbé Expilly, ne font aucune mention de cette Paroisse sous la dénomination simple de Noailhan; mais qu'à force de chercher, on a enfin trouvé qu'il en étoit question dans l'un et l'autre Auteur, sous le mot Motte de Noailhan. 

Nous avons été d'autant plus aise de cette découverte, que, nous ne nous plaisons pas à trouver les Auteurs en défaut. Nous nous croyons néanmoins obligé à relever les erreurs qui peuvent s'être glissées dans leurs Ouvrages, par rapport au Diocese de Bordeaux, uniquement dans la vue qu'elles ne se perpétuent pas.

L'Auteur, par exemple, du Dictionnaire Universel de la France, appelle ce lieu la Motte Nouaillon; mais sa vraie dénomination est la Motte Noailhan. 

Cet Ecrivain lui attribue 4510 habitans. M. l'Abbé Expilly la nomme Motte Nouaillan, dans laquelle il compte 1000 feux, qui donneroient, suivant son calcul, 5ooo habitans. Cet Auteur la place à trois lieues S. 0. de Langon, et à sept et demie S. E. de Bordeaux. Il paroît, d'après ces deux Ecrivains, que la population est assez considérable dans le lieu de Noailhan, quoique placé dans le voisinage des Landes.

 (1) De expensis allocandis super examinatione testium super facto alti justiciatûs de Novelhan (Noalhan). (Rôles Gascons, t. I, P. 45.)

(2) De concedendo Karolo de Beaumont terrant de Noailhan, et costumam vinorum vocatam Loissac, apud Burdegalam. (Ibidem, t. i , p. 191.)

(3) Pro eodem Carolo, de terrd de Noailhan, cum aliis terris et tenementis in Burdegalesio, etc. (Ibid., P. 200.)  

(4) Rex concessit Bernardo Angevin, terram vocatam de Noailhan et de Salaunes. (Ibid., p. 211.)

   

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Réalisée le 6 octobre 2002  André Cochet
Mises ur le Web  octobre 2002

Christian Flages

Mise à jour le 

                 

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