Au château d'Yquem

 Arthur Malo.

Journée des jardins des 4 et 5 juin 2005.

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Les jardins du domaine d'Yquem sont indissociables de sa vigne et de son château médiéval, surplombant les hauteurs du Sauternais dans la vallée de la Garonne.

Jardin nouveau d'Yquem
Il est installé sur le chai souterrain.
Où le vin s'élabore.

On y cultive avant tout le mystère d'un cru d'exception à la belle robe dorée.

Formant une petite enclave dans la partie sud de la région bordelaise des Graves, à environ cinquante kilomètres de Bordeaux, nichées entre les vallées de la Garonne et de son modeste affluent le Ciron, les vignes d'Yquem dominent l'appellation Sauternes, culminant à quelque soixante quinze mètres de hauteur.

Le domaine d'Yquem, ancienne propriété des rois d'Angleterre sous la bannière des ducs d'Aquitaine, puis des rois de France tombe en 1593 sous la coupe des Sauvage, bourgeois de Bordeaux anoblis dans la seconde moitié du XVème siècle.

Le mariage, en 1785, de l'héritière du nom avec le comte Louis-Amédée de Lur Saluces scella les destinées d'Yquem.

L'extension de la propriété fut très faible et toujours savamment pensée.

Malgré les difficultés politiques, économiques ou successorales et les différents rachats de terres environnantes, il y a btoujours eu dans la famille une volonté immuable de conserver ce patrimoine sans le dénaturer.

Vignes, Château et chais.

Des archives datant du milieu du XIXème siècle nous apprennent que la propriété du Bordelais s'étendait à l'époque sur cent soixante dix hectares, une étendue qui n'a que faiblement évolué depuis lors et dans laquelle pignadas et prairies occupent toujours les parcelles non récoltées.

Pénétrer les terres d'Yquem, nom évocateur d'un précieux et célèbre nectar, le plus coté des vins blancs de la planète, procure un réel enchantement. La vigne y est reine, occupant cent treize hectares, près des deux tiers du domaine.

Au coeur de ce joyau, le château d'Yquem, s'apparentant à une ferme fortifiée dont l'origine remonte au XVème siècle,et duquel descendent de toutes parts des coteaux ondulants de vignes, trône fièrement.

Il se profile sans ostentation au détour d'une longue allée longeant les chais et bordée de vignes.

La construction de cet édifice, composé d'une bâtisse seigneuriale ceinte de murs crénelés ponctués de tours rondes avec meurtrières et de tours carrées, s'est prolongée jusqu'au XVIème siècle. 

Façade ouest.
La partie la plus ancienne.

Sa cour intérieure cache un petit trésor: un puits du XVème siècle autour duquel se lovent des rosiers anciens parfumés.

Les mêmes roses aux tonalités rouges, orangées, jaunes et blanches exhalent également leur fragrance enivrante le long des murs intérieurs du logis. Elles furent méticuleusement entretenues par des générations de jardiniers. Tant, que l'on a oublié les noms de ces roses, entretenant ainsi le mystère de leur beauté.

Des roses sont par ailleurs conservées en bout de vignes selon une ancienne tradition bordelaise: plantes particulièrement sensibles, les rosiers ont constitué pendant longtemps d'excellents indicateurs pour l'arrivée de certaines maladies pouvant toucher la vigne.

La rose préside encore au petit jardin à la française qui s'étend dans le prolongement de l'entrée nord-ouest du château avec ses carrés de pelouses fines, ses alignements de buis et ses haies taillée au cordeau.

Ce parterre géométrique cache discrètement un chai souterrain construit en 1987 et en 1998.

Des dizaines de rosiers grimpants couvrent les murs des chais extérieurs et font éclore des milliers de fleurs, séduisant d'emblée le visiteur, ensuite conduit, par tradition, au sortir de l'enceinte du château, sous le marronnier placé sous la bonne garde de quelques pins parasols.

De cet idéal promontoire s'offre le paysage unique d'une vue imprenable sur l'ensemble de l'appellation Sauternes, laquelle invite à la rêverie. Après cette pause onirique et en guise de prélude aux jardins d'Yquem, l'attention sera portée sur l'histoire de l'arbre.

À son pied, une plaque rappelle au bon souvenir les soldats blessés de la guerre 19I4 / 1918.

Pinus Pinea ou pin parasol.

Ces combattants meurtris de la « Der des Der », qui avaient trouvé refuge dans le bâtiment alors mué en hôpital militaire, plantèrent ce marronnier, aujourd'hui quasi centenaire, en signe d'espoir et d'hymne à la vie.

La légende dit qu'il fleurit précocement. À l'angle opposé, un magnolia fleurit l'emplacement du feu majestueux cèdre du Liban, déraciné lors de la terrible tempête de 1999.

Composant avec l'ordonnancement des vignes alentour, le jardin s'égaie sur les terres d'Yquem.

Concentré aux abords du château et des chais, il peut resurgir sur un flanc de coteau, par exemple sous la forme de massifs de rhododendrons roses et mauves bordant un petit arboretum.

C'est le vigneron qui se fait jardinier à ses heures, transformant la nature en jardin. Face au mur crénelé du château, même le petit bois de chênes, dont une plantation récente est venue compléter les arbres ancestraux, semble «jardiné» avec soin.

Façade est du château.

Un grand « raout » végétal longe le mur de la terrasse au nord de l'édifice, dans un déballage de couleurs, sous le règne des hortensias et la coupe odorante du doyen de la colonie, le grand camélia blanc.

Sur ce site orienté face à la vallée de la Garonne, poussent aussi des Aucubas crotonifolia du Japon, remarquables pour l'aspect décoratif de leur feuillage panaché et dont les fleurs à quatre pétales, petites, blanches et en grappes, apparaissent de mai à juin, avant de donner naissance à des fruits verts de la taille d'une olive qui virent au rouge à la fin de l'automne.

Le rhododendron mêlé à l'azalée Mollis Berry participe au décor, et nombre d'Hydrangea arborescens cohabitent avec la glycine de Chine, le buis, le houx et le laurier-tin, ou encore un fusain du Japon aureomarginatus à petites fleurs nectarifères.

Ce déballage printanier est aussi égayé par les fleurs bleues des Caryoptéris x clandonensis et les boutons floraux rouge vin de l'Escallonia rubra macrantha, qui apparaissent dès l'automne pour s'épanouir en une longue floraison estivale rose rouge très décorative, par-dessus un feuillage vert brillant.

La spirée Arguta, dont la floraison très abondante prend la forme de minuscules fleurs regroupées en corymbes, et le subtil Nandina domestica, arbuste au bois aromatique et au grain fin, appelé également bambou céleste, dont les jeunes pousses deviennent vert sombre en été avant d'arborer des nuances de jaune, de rose ou de rouge aux mois plus rigoureux, complètent l'ambiance colorée selon les saisons.

Enfin, le Pittosporum tobira au feuillage dense vert brillant sait se faire remarquer à l'approche des beaux jours par son odeur parfumée rappelant celle de la fleur d'oranger.

Cette légère débauche florale et végétale émoustillant les sens ne saurait en aucun cas faire oublier le merveilleux bouquet d'Yquem, ainsi que la couleur de la robe dorée dont les amateurs, peut être davantage attirés par le secret du cru que par l'invitation aux jardins, cherchent en vain à percer le mystère en se pressant sur son sol.

Yquem.

Rappelons seulement que le choix des cépages Sémillon et Sauvignon, fruits d'une recherche dans la région depuis des lustres, la combinaison naturelle de sables caillouteux et d'un mélange argileux, idéale pour la production d'un grand vin blanc, et une particularité climatique permettant au fameux champignon parasite de la vigne, le Botrytis cinéreéa, alias la pourriture noble, d'accomplir une prodigieuse alchimie sur le raisin peu abondant mais surmûri, lèvent quelques voiles sur le sujet.

Le plus grand mystère de ce vin béni des dieux restant celui-là même de la Nature.

 

Réalisée le 12 juin 2005  André Cochet
Mise ur le Web le  juin 2005

Christian Flages

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