Le pape Clément V.

Par M. de RICHECOURT.

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LE PAPE CLEMENT V

 

 

Il naît au bourg de Villandraut, qui à cette époque est un lieu-dit «la Vigne d’Andron ».

 

Son père le seigneur de Gout (ou de Goult) est apparenté à la famille d’Albret. Sa femme, Ida de Blanquefort lui donne onze enfants : six garçons et cinq filles. 

 

L’aîné Arnaud Garcias était marié en agenais. Le second, Béraud, était prêtre  et devait devenir évêque et cardinal. Le quatrième, Bertrand était celui qui offrait le plus d’espérance à sa famille. Sa mère avait obtenu l’autorisation de l’envoyer tous les jours  à l’école de Bazas. 

 

Un jour, en courant avec ses camarades, il tomba sur un angle de pierre qui lui fit  une entaille au front. Il en garda toute sa vie le stigmate. C’est à ce signe, que les Huguenots venus piller et profaner son tombeau, le reconnurent deux siècles et demi après sa mort.

 

Le castel de Goult, comme ceux de son époque, était fruste et le mobilier pauvre. Quelques tables, bancs, arches, trépieds, blutoir, tamis, chaudières, chaudrons, assiettes, bassines, couettes, coussins, couvertures, draps et nappes, c’était là tout l’équipement  d’une maison.

 

Le jeune Bertrand passant chaque jour devant la petite église  N.D d’Uzeste aimait s’y arrêter pour s’y reposer ou dire quelque prière à la vierge Marie. Il s’en souviendra quand il deviendra Pape et la fera reconstruire en une belle église gothique, telle qu'elle est encore aujourd'hui.

 

A Bazas, le roi d’Angleterre  Edouard 1er vint recevoir l’hommage de l’évêque Guillaume de Piis et des seigneurs locaux. Ce fût une belle fête de même que l’élection du nouvel évêque Hugues de Rochefort.

 

Sa mère emmène Bertrand à Bordeaux où il est présenté au nouvel archevêque. Il fit connaissance avec le fleuve et ses quais marchands où arrivaient de grands navires chargés d’épices.

 

Le roi de France de l’époque était Philippe le Hardi. Bertrand demande à son frère aîné Gaillard de l’aider à gagner Agen, où son oncle l’évêque l’attendait. Gaillard lui donna un cheval avec lequel il mit trois jours pour s’y rendre. Son oncle trouvait naturel de s’occuper de sa famille et avait déjà pris Béraud comme vicaire général. Bertrand fera donc ses études secondaires à Agen. Il y rencontre ceux qui le suivront pendant sa carrière Pontificale : Arnaud Frigier, Guillaume Ruffat et Arnaud de Pellegrue.

 

Le traité d’Amiens venait de transférer la souveraineté d’Agen aux anglais et la transmission des pouvoirs se fit le 9 août 1279 en présence de Bertrand et de Béraud. Le sénéchal de Gascogne Jean de Grailly reçut les nouveaux serments pour le roi d’Angleterre.

 

Le maître de Bertrand à Agen fut Pierre Cahuzac qui enseignait au monastère de Saint-Férréol.

 

Bertrand trouve l’occasion de se rendre à Toulouse et de rencontrer l’évêque Richard de l’Isle-Jourdain qui lui fait visiter ses trois bibliothèques remplis de livres inestimables.

 

Si l’on en croit certains auteurs, il quitte Agen pour Paris, où il rencontra le Dauphin d’alors, qui deviendra en 1285 à la mort de Philippe le Hardi, Philippe IV le Bel. Son grand-père Louis IX sera canonisé en 1297 par le Pape Boniface VIII  et deviendra St Louis roi de France.

 

L’université donnait ses cours Rue du Fouarre et la Sorbonne était établie Rue Coupe-gueule. On y apprenait les 7 lumières : Grammaire, Rhétorique, dialectique, Arithmétique, Géométrie, Musique et Astronomie. La partie la plus prisée était la Rhétorique. Les étudiants disposaient à Paris de tous les ouvrages connus. Le Petit Pont, le Grand Pont et la montagne Ste Geneviève étaient le paradis des livres. « Ecrivez, écrivez, disait un abbé, chaque lettre tracée par vous en ce monde vous enlèvera un péché dans l’autre ».

 

Pour les étudier, on prenait les livres en location et la bibliothèque de la Sorbonne contenait plus de 1000 livres.

 

Le Dauphin de France avait perdu très tôt sa mère Isabelle et il était replié sur lui-même et peu communicatif. L’évêque de Pamiers disait du futur Philippe IV : « C’est le plus bel homme du monde mais il ne sait que regarder les gens en face, sans parler, c’est une statue ». Ils rencontrèrent l’Augustin Gilles de Rome qui était le précepteur du futur roi. Il voulait persuader, sans y parvenir, son élève que le pouvoir religieux était supérieur au pouvoir royal.

 

La langue officielle était le latin, mais le peuple ne l’entendait plus et les nobles ne voulaient plus l’étudier. Les prêtres étaient obligés de prêcher en langue vulgaire et les poètes s’exprimaient en langue populaire.

 

Parmi les ouvrages à la mode, on trouve de Jean Clopinel, poète à la cour, la traduction du latin des lettres d’Abélard et Héloïse.

 

Bertrand de Gout et son ami Arnaud de Pellegrue décident d’étudier le droit à l’Ecole des lois d’Orléans. Leurs maîtres y furent Roger Lefort et Pierre Chappelle. Sous le prétexte d’obtenir son brevet de doctorat, il part pour Bologne et de là à Rome, où il est bien reçu par le Pape Martin III et par Benoît Cajétan, Archevêque de Milan, qui va devenir Pape sous le nom de Boniface VIII.

 

A cause du décès de son père, il rentre dans sa famille puis à Bordeaux dont l’évêque Simon de Rochechouart, décédé depuis 4 ans, n’a pas été remplacé.

 

Philippe III, roi de France, fils de St Louis meurt à Perpignan le 15 septembre 1285 à 41 ans après 15 années de règne.

 

Bertrand est ordonné prêtre à l’âge de 26 ans (1290) par l’Archevêque Guillaume III. Très rapidement, son frère Archidiacre du diocèse d’Agen va être nommé  par Martin IV, Archevêque de Lyon, en remplacement de Rodolphe de Torrete. Il va demander à son frère de venir le seconder en qualité de Vicaire Général. Il y recevra les juifs chassés d’Angleterre par Edouard 1er pour faux monnayage. Il recevra également Benoît Cajétan, légat  du Saint-Père.

 

Beraud de Gout est choisi pour annoncer à Pierre Mouron, en juillet 1294, qu’il était nommé Pape. Le 15 décembre 1294, celui-ci abdiquera et Benoît Cajétan lui succède sous le nom de Boniface VIII.

 

En 1295, le nouveau Pape nomme Bertrand de Gout évêque de St Bertrand de Comminges. Bertrand emmène avec lui son ami Arnaud de Pellegrue qui deviendra son vicaire Général. Il est le candidat personnel du Pape contre l’avis des chanoines. Il lui fallut user de toute sa diplomatie pour se faire admettre des chanoines d’abord et du Comte de Comminges (Bernard XIII) ensuite, père de neuf enfants.

 

Dans un conflit qui oppose Philippe le Bel et le roi Edouard d’Angleterre, le Pape Boniface VIII nomme médiateur, le cardinal Beraud de Gout (frère aîné de Bertrand). Cette médiation échoue et Bertrand voit sa famille se diviser entre pro-anglais et pro-français. Boniface VIII obtiendra une trêve de deux ans et pour faire acte de bonne volonté, canonisa le roi Louis IX (1297) dont la cause avait été introduite par Nicolas IV. L’Aquitaine revint alors sous la souveraineté anglaise.

 

C’est pendant son passage à St Bertrand de Comminges qu’il va rencontrer Brunissende de Foix, la fille du Comte de Foix que les Italiens, tel Mattéo Vilani veulent à tout prix mettre dans son lit. En fait, Bertrand est l’élève de Boniface VIII, l’un des premiers papes à vouloir mettre de l’ordre dans les mœurs de l’Eglise et en particulier à s’attacher au dogme du célibat des prêtres. L’amitié de Brunissende et de Bertrand restera purement platonique. D’ailleurs Brunissende sera mariée au Comte Hélie de Talleyrand Périgord à qui elle donnera 8 enfants.

 

Appelé à Rome à la fin de 1299, le Pape Boniface VIII le nomme Archevêque de Bordeaux par permutation avec Boson de Salignac qui faisait fonction d’Archevêque, le poste n’ayant pas été pourvu depuis 4 ans. Il prit comme vicaires généraux Arnaud de Pellegrue et Arnaud d’Aux.

 

Le sanctuaire de la souveraineté à Bordeaux était toujours le château de l’Ombrière, fort délabré où le Sénéchal, le Connétable et le Prévôt Royal résidaient. Gaillard de Gout (frère de Bertrand) se démet de sa propriété de Pessac en faveur de son frère et cette propriété devenue le Château du Pape Clément restera la propriété des Archevêques de Bordeaux jusqu’à la révolution.

 

Bertrand obtient aussi l’aide de l’abbé de Ste-Croix Guillaume de la Loubère qui lui accorda  les revenus de 1ère année de chaque prieuré qui viendrait à vaquer.

 

Pendant l’année 1301, Bertrand organise son diocèse. Mais, à cette époque naît le conflit entre Philippe le Bel et le Pape Boniface VIII à propos d’impôts levés par le roi sur le clergé. Le 1er novembre 1302, le Pape convoqua à Rome tous les prélats et évêques du royaume pour délibérer sur les libertés de l’Eglise.

 

Philippe le Bel réplique en convoquant pour le 10 avril 1302 les premiers Etats Généraux de la nation (clergé, noblesse et bourgeoisie). Bertrand se rend donc à la convocation du roi, mais prend la précaution de faire une déclaration, dans laquelle il proteste pour lui et son église, qu’il n’est tenu à aucun hommage ou serment de fidélité envers le roi de France.

 

Certes la déclaration de Boniface très violente dans la forme  cabrait tout le monde. Les Etats Généraux décidèrent d’écrire au Pape et aux cardinaux. Le roi interdit aux évêques français de se rendre à la convocation de Boniface VIII. Bertrand décida de s’y rendre. Le Concile s’ouvrit le 1er novembre 1302 (s’y trouvait 39 évêques et 4 abbés français). Le 18 novembre 1302 la bulle « Unam Sanctam »  répondit à la lettre collective des évêques de France et promulguait la thèse selon laquelle : « Les deux glaives, le spirituel et le temporel sont entre les mains de l’Eglise. Le premier pouvoir est tenu par l’Eglise elle-même et l’autre par les rois. Tout homme est soumis au Pape et cette croyance est nécessaire au salut ».

 

Bertrand rentre à Bordeaux au début de l’année 1303. Philippe le Bel répond à la bulle Unam Sanctam en envoyant son émissaire Nogaret  avec une troupe d’hommes armés à Agnani, village natal du Pape. Ils brûlent les portes du palais. Sciarra Colonna gifla le Pape et Nogaret lui lut une sommation d’avoir à paraître devant un prochain concile réuni par Philippe le Bel.

 

Délivré par les gens d’Agnani, le Pape rentre à Rome où il meurt des suites des humiliations subies le 11 octobre 1303. Le Conclave aussitôt réuni va élire Boccasini qui prendra le nom de Benoît XI. C’était un homme de grande aménité qui releva le roi et la France de toutes les sentences fulminées par Boniface VIII avant sa mort sauf celles contre Nogaret et Colonna.

 

Bertrand tenu de participer à la guerre engagée par Philippe le Bel contre les Flandres partit le 22 juin 1305 faire une tournée dans son archidiocèse (six diocèses : Bordeaux, Agen, Périgueux, Angoulême, Saintes et Poitiers). Il visita plus de 300 abbayes ou prieurés. Il rendit visite au Comte et à la comtesse de Périgord (Brunissende).

 

Pendant ce temps, se tenait à Pérouse, le conclave pour l’élection d’un nouveau pape, Benoît XI étant mort empoisonné au bout d’un an de Pontificat. Le 20 Juin 1305, Bertrand se trouvait à Lusigan en Poitou quand on vient lui apprendre qu’il a été nommé Pape.

 L’élection avait eu lieu le 5 juin 1305 grâce à la réunion de 5 cardinaux du parti de Boniface VIII et les 5 cardinaux Orsini, soit 10 cardinaux sur le conclave qui en comptait 15.

 

Par Saintes, il regagne Bordeaux où il est reçu triomphalement par le Sénéchal de Guyenne, John de Havering, le 23 juillet 1305.

 

Bertrand prit le nom de Clément V en souvenir de Clément IV (Guy Fouquet) secrétaire de St Louis puis Archevêque de Narbonne et adopte les armoiries de sa famille : d’or à trois fasces de gueules, c’est-à-dire 3 bandes horizontales en référence au ceinturon militaire. Il choisit la ville de Lyon comme lieu de son couronnement (sur les instances de Philippe le Bel). 

 

Parmi la quantité de provisions offerte au nouveau Pape à l’occasion de son retour triomphale à Bordeaux, figurent 15 hérons et deux esturgeons, met royal qui était la propriété du roi d’Angleterre.

 

La bulle du Pape ou lettre était scellée d’une boule de plomb qui représentait les effigies des apôtres Pierre et Paul et portait la mention : « Benédicat nos Déus ».

 

Clément V se met en route le 26 août pour Lyon, s’arrête le 3 septembre à Villandraut et à Uzeste puis Agen où il est reçu par son oncle. Il passe 8 jours à Toulouse et retrouve son ancien professeur Pierre Chapelle. Il arrive à Lyon le 4 novembre.

 

La cérémonie du couronnement eut lieu le 14 novembre 1305 dans l’église St-Just de Lyon. Elle fut entachée d’un grave accident : un mur surchargé de badauds s’écroula sur le cortège. Le Pape fut renversé de sa mule, il y eut de nombreux morts et blessés dont le Duc de Bretagne qui tenait la bride de la monture papale. Cet événement fut regardé comme un mauvais présage pour la suite du Pontificat. Le cardinal Mathieu des Ursins et un frère du Pape, Gaillard de Gout, furent tués.

 

Le Pape restera trois mois pour pouvoir discuter avec Philippe le Bel des problèmes du moment. Parmi ceux-ci figuraient au premier plan les problèmes financiers du roi, toujours à court d’argent, pour financer en particulier la guerre des Flandres où il avait subi une défaite cinglante à Courtrai en 1302.

 

Le Roi s’en était prit d’abord aux juifs qu’il obligeât à porter la Rouelle (morceau de drap jaune qu’ils devaient porter sur la poitrine). Il déclara que le prêt avec intérêt étant défendu, les fortunes juives étaient mal acquises et devaient être confisquées. Puis il falsifia sa propre monnaie.

 

Pour aider Philippe le Bel, Clément V (1306) lui accorda 1 décime : c’est-à-dire le dixième des revenus de l’Eglise de France, pendant cinq ans, à condition qu’il rétablisse une bonne monnaie dans le royaume.

Le roi remercie le Pape en nommant Garcias de Gout vicomte de Lomagne et d’Auvillars. Il sera le légataire de Clément V à sa mort.

 

Un des premiers actes de Clément fut d’affranchir l’Archevêché de Bordeaux de toute dépendance du siège de Bourges et de nommer cardinal Frigier de Canteloup ainsi que dix autres dont un anglais Thomas de Jorz, le 13 décembre 1305.

 

Au lieu de prendre le chemin de Rome, divisée par les factions et l’anarchie, il se dirigea vers Macon puis Cluny où il reste 3 jours, ensuite Nevers, Bourges où l’évêque Colonna épuisa ses ressources dans cette réception, puis par Limoges et se rend à Périgueux où il est reçu par la Comtesse de Périgord qui vient de donner naissance à celui qui deviendra le futur Cardinal de Périgord.

 

 Brunissende fut une mère exemplaire  et donna 8 enfants à Hélie de Talleyrand, comte de Périgord. Les calomnies de Dante et Villani concernant les relations entre Brunissende et Clément V ne sont fondées sur aucune correspondance ou fait ou début de preuve.

 

Il arrive enfin le 11 mai 1306 à Bordeaux. C’est à cette époque qu’il entreprend la construction du château de Villandraut, la reconstruction de l’église d’Uzeste et de la collégiale de Villandraut (disparue en 1863).

 

En août il tombe malade et fut soigné par le grand médecin Arnaud de Villeneuve dont Raymond Lulle, l’inventeur de l’alcool médical a été l’élève. Le 31 octobre grâce à une médication prescrite par Pierre d’Aschspalt, évêque de Bâle (pour le remercier il le nomme Archevêque de Mayence), il entre en convalescence.

 

Pendant ce temps, Philippe le Bel demandait au Pape une entrevue. Il fut décider que cette entrevue aurait lieu à Poitiers. Le Pape se met en route le 14 mars et arrive le 17 août. Le roi arrive à Poitiers le 27 mai. Clément V va s’occuper des affaires de l’Eglise ainsi que celles pendantes entre la France et l’Angleterre.

 

Il supprime les deux bulles de Boniface VIII (Unam sanctam et Cléricos Laïcos), et proclame la suprématie du Saint-Siège sur les rois en tant que chrétiens seulement. Il reçoit Thomas de Tolentino, porteur des lettres de Montcorvin envoyé en Chine par Boniface VIII. Clément V le nomme Archevêque de Pékin et lui envoie 7 coadjuteurs qu’il sacre évêques avant leur départ.

 

Le Pape convoque Jacques de Molay pour étudier les voies d’une fusion des 4 ordres : Templiers, Hospitaliers, Teutoniques et Calatrava. Jacques de Molay refusa de participer à ce projet, ce qui contribua largement à décider Philippe le Bel à détruire l’ordre du Temple.

 

Une autre question soulevée à Poitiers, fut à nouveau, celle de l’orthodoxie de feu le Pape Boniface VIII  dont le roi voulait faire condamner la mémoire. Clément V s’y refusa et cita les diffamateurs du Pape devant son tribunal, le 1er février 1309.

 

En même temps, le roi d’Angleterre, Edouard 1er mourait le 7 juillet 1307 et fut remplacé par Edouard II, qui épousera Isabelle de France, fille de Philippe le Bel. Mariage qui légitimera les prétentions de ses successeurs à la couronne de France : les fils de Philippe le Bel n’ayant donné aucune postérité mâle.

 

   Ainsi, il demeure à Poitiers jusqu’au 12 août 1308. C’est à cette époque qu’il choisit Avignon pour nouvelle résidence de la Papauté. Cette situation était proche du Comtat-Venaissin qui appartenait à la Papauté depuis 1274. Toutefois, avant de quitter Poitiers, il lui reste à traiter avec le roi, la grave affaire des Templiers.

 

Ceux-ci apparaissent après la prise de Jérusalem en 1099. Au début, ils sont peu nombreux, une dizaine et se constituent en ordre monacal sous l’impulsion de leur premier maître Hugues de Pays (ou de Payens). On commence à parler d’eux à partir de 1118 environ.

 

Hugues de Pays entreprend une tournée dans les pays chrétiens afin de présenter son ordre au pape Honorius II qui le confirme au Concile de Troyes en 1128. L’ordre sera à nouveau confirmé au Concile de Latran en 1138 par Innocent II.

 

 Cet ordre dont la règle est plus ou moins inspirée par Bernard de Clairvaux. Elle comprend 72 articles qui règlent les rapports de l’ordre  avec la religion, des moines soldats entre eux et de leurs relations avec le monde extérieur. Ils font les quatre vœux de chasteté, pauvreté, obéissance et hospitalité. Ils ont les mêmes obligations religieuses que les moines, c’est-à-dire les sept prières quotidiennes. Ils doivent avoir entre eux et leurs serviteurs, des rapports d’une extrême courtoisie. Dans leur dortoir, leurs lits étaient individuels et ils devaient porter pour la nuit, une chemise et un caleçon. Dans leur vie, ils devaient se tenir éloignés des femmes.

 

Ayant été favorisés par les papes en raison de leur spécificité, c’est-à-dire la défense du Royaume de Jérusalem, ils prospérèrent pendant deux siècles, au point de devenir immensément riches et de posséder dans l’occident chrétien 10 000 maisons templières. Ces maisons étaient de grosses fermes vivant en autarcie complète dont les revenus étaient collectés pour alimenter en moyens financiers la maison du Temple de Jérusalem.

 

Comme ils n’obéissaient qu’au grand maître, lequel ne dépendait que du Pape, les conflits avec les autres ordres et avec les rois de Jérusalem furent nombreux. Le plus connu est celui où Joinville demande aux Templiers le complément de la rançon de St Louis, lors de la 7ème croisade. Les Templiers refusent arguant que cet argent ne leur appartient pas. Ils finissent par céder lorsque Joinville menace de défoncer les coffres du Temple à la hache.

 

En fait, ils prêteront beaucoup d’argent à Philippe le Bel, en particulier la dot d’Isabelle, femme d’Edouard II d’Angleterre. Revenus en France en 1307, ils nourrissaient la moitié des pauvres de Paris.

 

Malgré cela, leur orgueil les faisait détester par le peuple et le fait que les évêques n’aient aucune autorité sur eux ne facilitait pas leurs rapports dans les innombrables conflits qui les opposaient.

 

 

 Des Templiers transfuges de l’ordre enfermés à Toulouse pour hérésie firent une première déposition contre l’ordre qu’ils firent transmettre à Philippe le Bel. Suite à de nouvelles dénonciations, le roi décide  de brusquer les choses et le 13 octobre 1307, il fait arrêter par surprise, tous les Templiers français. Il demande également à tous ses frères les rois des royaumes chrétiens de faire de même.

 

Le Pape qui n’a pas été informé de cette arrestation massive, proteste vigoureusement. Le 27 octobre, il envoie à Philippe, les cardinaux Bérenger et Etienne avec une lettre dans laquelle il manifeste son émotion. Le roi ayant chargé les Dominicains de l’instruction du procès, le Pape suspend les pouvoirs des évêques et des Inquisiteurs chargés de ce procès. Mais le roi à déjà fait procéder  à de nombreux interrogatoires par Guillaume de Paris et Humbert Inquisiteur de France. De plus, il convoque les Etats Généraux pour mai 1308 afin de présenter l’affaire aux notables,  prud’hommes et bon peuple de France. 225 villes furent représentées. Ni la Bretagne, ni la Guyenne n’étaient présentes.

 

Tous ces notables furent d’accord pour condamner les Templiers. C’est avec ce consensus en mains, que Philippe se rendit auprès du Pape à Poitiers. Il amenait avec lui 72 prisonniers qui renouvelèrent leurs aveux devant le Pape. Ces aveux étonnants portaient sur les cérémonies de réception au cours desquelles ils reniaient le Christ et se livraient à une prostitution mutuelle.

 

Le Pape se décida à réagir avec vigueur et il demanda aux rois et princes des pays où il y avait des commanderies, d’emprisonner les Templiers et de leur appliquer la question ordinaire pour les faire avouer. Puis il convoqua un concile général qui devait se réunir à Vienne en Dauphiné pour le 1er octobre 1311.

 

Les frères d’Irlande et d’Ecosse ne confessèrent rien. A Londres beaucoup se déclarent coupables et furent livrés au bras séculier. A Salamanque, ils furent déclarés innocents. Ceux de Mayence furent acquittés et ceux de Provence furent arrêtés et plusieurs brûlés. A la suite de Concile de Sens, 54 furent immédiatement brûlés. A Paris, 59 montèrent sur le bûcher. 573 templiers rétractèrent leurs aveux et pour la plupart seront remis en liberté.

 

La question de savoir si l’ordre du Temple était hérétique, serait soumise au Concile de Vienne.

 

Le 18 août 1308, Clément V quitte enfin Poitiers et se met en route par Ligugé, Lusignan, Saintes où il reste une semaine, puis St Emilion. Ensuite Duras où il rend visite à son neveu Bertrand, Caudrot, St-Macaire et le monastère de la Sauve. Il arrive le 6 octobre à Lormont où il passe un mois chez Arnaud de Canteloup.

 Le mois suivant, il se rend à Villandraut, Uzeste et Bazas. Il fait ses adieux au château qu’il vient de faire construire, à la Vierge d’Uzeste et par petites étapes, il s’achemine vers Avignon. Il met 5 mois et demi pour arriver à destination en s’arrêtant à Lectoure, Auvillars, Toulouse, Comminges, Montpellier, Lunel et Orange.

 

A Auvillars, il apprend l’élection de l’empereur d’Allemagne Henri de Luxembourg, dont il avait soutenu la candidature contre celle de Charles de Valois soutenu par Philippe le Bel.

 

A Toulouse, il recevra la Comtesse Brunissende de Périgord venue intercéder pour la seconde fois en faveur de son frère Gaston de Foix frappé par un arrêt du Parlement et par une excommunication du Pape. Ce dernier réussit à le réconcilier avec le Comte d’Armagnac avec qui il avait eu de nombreux démêlés.

 

A St Bertrand de Comminges, il déposa les reliques de St Bertrand dans une châsse d’argent ornée de pierres précieuses dont il fait don à l’église.

 

Le 9 mars 1309, Clément fait son entrée à Avignon par le pont coudé du Rhône. François Magnier, primicier de l’Université fit une belle harangue. Un cardinal italien dit à son voisin : « Espérons que nous ne resterons pas ici pendant les 70 ans que dura la captivité de Babylone. »

 

Clément V, pour bien souligner qu’il était de passage, ne construisit rien en Avignon. Le Palais des Papes fut construit par ses successeurs et dès 1378, la Papauté revint à Rome avec le Pape Grégoire XI.

 

Clément résida au couvent des Dominicains qui était  fort beau, mais surtout à Carpentras, puis au prieuré du Groseau près de Malaucène où il se fit construire une résidence agréable.

 

Il est lui-même constamment malade, il eut fréquemment des coliques, saignements de nez et fièvres. D’où son goût pour les médecins et son souci de développer les connaissances médicales. Il érigea en université Orléans, fonda l’université de Coimbre au Portugal et celle de Pérouse. En outre, il organisa la faculté de Montpellier, conseillé par ses médecins Jean d’Alais et Alain de Villeneuve auteur du livre «Pratique pour le régime du Pape Clément ».

 

Le Pape envoie en Italie son légat, le cardinal de Pellegrue, s’alliant à Florence et Bologne, il gagne la bataille de Francolino qui renforce l’autorité du Pape sur la péninsule.

 

Il nomme 4 cardinaux qui sont Guillaume de Farges, Arnaud de Falguière, Bertrand de Jarre et Bertrand de Bordes, évêque d’Albi, qui se fit inhumer à sa mort en 1313 dans l’église d’Uzeste.

 

Le 16 mars 1310, dans la salle du couvent des frères prêcheurs d’Avignon, comparurent les accusateurs du Pape Boniface VIII. Pour le roi de France : Guillaume de Plasian, Guillaume de Nogaret, Guillaume de Gaillard et Pierre de Broc, assistés d’un clerc Alain de Lamballe. Le plus redoutable était Nogaret, auteur de l’attentat d’Agnani devenu garde des sceaux en 1307. C’est lui, qui le 25 juillet 1306 avait fait arrêter tous les juifs du royaume et le 13 octobre 1307, fait arrêter tous les Templiers de France.

 

Le cardinal Cajétan figurait parmi les défenseurs de son oncle. La controverse fut violente d’autan que Boniface VIII avait mécontenté les ordres religieux qui lui étaient restés hostiles. Clément sut éviter un double danger, soit de commettre une injustice soit de flétrir un pape. Il sortit de cette épineuse affaire, grandi.

 

Vint le temps du Concile de Vienne, où se réunirent dans la cathédrale St Maurice : 12 cardinaux, les Patriarches d’Alexandrie et d’Antioche, 300 évêques, 114 prélats mitrés sans compter les abbés des couvents prieurs, doyens et prévôts des églises. Cinq rois y parurent à différentes reprises. Trois affaires étaient officiellement débattues par le Concile : l’affaire des Templiers, le secours à la Terre Sainte et la discipline du clergé.

 

Il y eut 3 sessions, le 16 octobre 1311, le 3 avril 1312 et le 2 mai 1312. Dès le début, revinrent à nouveau les attaques contre Boniface VIII. Les débats durèrent 3 jours au bout desquels, Clément V rendit un décret par lequel il proclamait Boniface VIII pape légitime et irréprochable au point de vue de la Foi.

 

Enfin, vint l’affaire la plus difficile : celle des Templiers. Le chevalier de Boulogne, mandaté pour défendre les Templiers, soutint que tous les aveux avaient été surpris ou forcés et que toutes les procédures étaient nulles parce que les chevaliers du Temple avaient le privilège de n’être jugés que par le Pape. Mais le Concile ne pouvait se constituer juge d’appel pour réformer les décisions ou les condamnations des conciles provinciaux. Il ne pouvait ni emprisonner les Templiers acquittés ni déclarés innocents ceux qui avaient été exécutés.

 

Dans cette situation, le Pape décida d’éviter un jugement en forme de sentence judiciaire et choisit la seule forme raisonnable, c’est-à-dire de supprimer l’Ordre du Temple par mesure disciplinaire sous sa propre responsabilité. Sentence rendue le 12 mars 1312. Beaucoup d’ordres religieux avaient été ainsi supprimés. Par exemple, l’ordre des Frères de la Pénitence, l’ordre des Martyrs, l’ordre des Apôtres celui des Crucifiés, des Humiliés, des Jésuates.

 

Les chevaliers du Temple qui n’avaient pas été reconnus coupables furent remis en liberté. Beaucoup se firent Hospitaliers, certains Chartreux et les Portugais fondirent l’ordre du Christ pour les recevoir. En ce qui concerne les biens du Temple, malgré la pression de Philippe le Bel venu au Concile avec ses fils et toute une armée, le Pape décida d’attribuer les biens du Temple aux Hospitaliers de St Jean de Jérusalem.

 Ces derniers venaient en 1311 de s’emparer de l’île de Rhodes et devenus les Chevaliers de Rhodes portaient les espoirs de la chrétienté pour une éventuelle nouvelle croisade. Les biens templiers de Castille, Aragon, Portugal furent laissés à la disposition des rois. Ceux d’Allemagne, partagés avec les chevaliers teutoniques. Une bulle du Pape obligea les Templiers restants à se présenter devant un évêque pour justifier qu’ils s’étaient soumis au décret de dissolution. L’Ordre du Temple avait vécu 184 ans.

 

Au Concile, furent critiqués les Dominicains dans la façon dont ils menaient les inquisitions et il fut décidé qu’ils ne pourraient désormais procéder sans les évêques. On décida aussi que nul ne pourrait devenir évêque s’il n’était docteur en théologie ou en droit, que les femmes devront être aussi instruites que les hommes et devront étudier le latin, la grammaire, les sciences naturelles, la chirurgie, la médecine et être invitées à bien connaître la doctrine chrétienne.

 

Clément ayant déjà fondé des chaires d’hébreu, de chaldéen, d’arabe, de syriaque et de grec à Rome, Oxford, Bologne et Salamanque on entreprit de généraliser ces mesures. Ces délibérations donnèrent une impulsion à toutes les études.

 

Il y avait en Europe 19 000 maladreries ou léproseries, mal gérées en général par des ecclésiastiques. Elles seront désormais gérées par des laïcs probes, sages et prudents.

 

Le Concile autorisa la levée d’un décime par an pendant 6 ans pour une nouvelle croisade, qui n’aura jamais lieu. Son œuvre fut cependant si complète, qu’il n’y eut pas d’autre Concile de l’église pendant 100 ans.

 

Après le Concile, le Pape nomma 9 nouveaux cardinaux dont Vital Dufour de Bazas, provincial des Franciscains d’Aquitaine, de même que Jacques Dueze qui devait devenir Jean XXII.

 

En 1311, Hélie de Talleyrand-Périgord meurt, laissant Brunissende avec 8 enfants. Elle eut l’occasion d’aller à la cour d’Avignon pour demander conseil à son ami le Pape Clément. Le florentin Vilani profite de cette circonstance pour se moquer d’elle en la nommant «la Pélagorso» (la chevelure rousse).

 

Clément toujours malade fit faire son portrait par le peintre Giotto. Portrait transmis à son élève Taddéo Gaddi et malheureusement disparu.

 

Le 13 avril 1313, il charge Pierre de Labatut d’ériger en collégiales, les églises d’Uzeste  et de Villandraut et choisit pour sépulture l’église d’Uzeste.

 

Son testament fait état de nombreux legs destinés à des jeunes filles pour leur dot, de nombreuses aumônes pour les pauvres, les lépreux et les infirmes, à de nombreux couvents et enfin aux membres de sa famille et de son entourage. 

 

        

Par sa bulle du 22 décembre 1312, Clément V délègue à Paris 2 cardinaux, Bérenger et Etienne Landulphe pour absoudre ou condamner le grand maître Jacques de Molay, le visiteur de France Hugues de Péyraut, Geoffroy de Gonneville visiteur d’Aquitaine et Geoffroy de Charnay précepteur de Normandie.

 

Les cardinaux estimèrent que la punition devait être le mur perpétuel c’est-à-dire la prison à vie. Ils firent dresser un grand échafaud sur le parvis de Notre-Dame autour duquel la foule du peuple s’assembla. On demanda aux quatre inculpés de renouveler en public le procès-verbal de leurs aveux en date du 25 mai 1308. C’est ce que firent Geoffroy de Gonneville et Hugues de Peyraut. Jacques de Molay et Geoffroy de Charnay crièrent qu’ils rétractaient tout ce qu’ils avaient dit devant les juges et qu’ils avaient déposé faussement contre l’Ordre. Les deux inculpés furent reconduits en prison.

 

Le conseil du roi se réunit d’urgence, déclara que les inculpés étaient relaps et les condamna à être brûlés vifs. Un bûcher fut dressé dans l’îlot aux juifs, à l’emplacement actuel du Pont-Neuf et les deux Templiers furent brûlés le 11 mars 1313. La tradition veut que Jacques de Molay et Guillaume de Charnay donnèrent assignation au pape et au roi de comparaître devant la justice de Dieu dans l’année qui allait suivre. Le pape mourut le 20 avril 1314 et le roi le 29 novembre 1314.

 

Le 5 mai 1313, le pape Clément V prononce solennellement la canonisation du pape Célestin V. Le 12 décembre, il s’installe au château de Monteux et y passe 4 mois d’hiver.

 

Bien que la santé du pape décline, il s’occupe activement à réunir et classer les décrets du Concile avec ses propres décisions. Le septième livre des décrétales comporte 52 chapitres qui organisent l’instruction, la charité, les hôpitaux, imposent de salutaires disciplines au clergé régulier et séculier, répriment les malversations des prélats et le délit d’usure. Il est resté en vigueur jusqu’au début du 20ème siècle. Connu sous le nom de «clémentines», elles furent solennellement promulguées au château de Monteux, le 25 mars 1314.

 

Se sentant mourir, Clément décide de revenir à Villandraut. Le 9 avril, il s’arrête à Roquemaure dans la maison du chevalier Ricaldi. Il dicte un long codicille à son testament et meurt le 20 avril 1314.

 

Son corps est rapporté à Carpentras où une chapelle ardente met le feu à des tapisseries et le pape a les pieds brûlés. Les gascons viennent réclamer le corps de Clément. On se battit en ville et les cardinaux réunis en conclave se sauvèrent. En août 1314, son corps revint enfin à Uzeste où il fut provisoirement inhumé dans la crypte en attendant la réalisation de son tombeau en 1359.

 

 

En 1577, les Huguenots de Marmande vinrent piller, profaner et détruire le tombeau. Ils brûlèrent les restes du pape dans ses ornements pontificaux et s’acharnèrent sur le gisant dont ils mutilèrent le visage.

 

Ce qui restait de son tombeau fut relevé et son épitaphe peut encore se lire : « ici repose d’heureuse mémoire le seigneur Pape Clément V, fondateur des églises d’Uzeste et de Villandraut qui mourut à Roquemaure du diocèse de Nîmes, la neuvième année de son pontificat et qui fut porté en cette église de Notre-Dame le 27 août suivant, l’an du seigneur 1314 et enseveli le … 1359.

 

Sa statue se retrouve au porche septentrional de la cathédrale de Bordeaux, au tympan de la double porte, entouré de 6 évêques. Malheureusement, à la révolution les émeutiers lui firent sauter la tête. Elle a été remplacée par une figure d’emprunt qui ne fut jamais celle de Clément V.

 

Durant ces neuf années de Pontificat, qui fut une période particulièrement difficile pour la Papauté, il sut éviter tous les écueils et l’a laissée après lui, plus responsable et plus forte.     

                

 

 

  

 

Réalisée le 20 août  2002  André Cochet
Mise sur le Web   septembre  2002

Christian Flages

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