Faits mémorables

 

de l'histoire de

 

France. 

L. Michelant. 

Souverain :        Convention.

Année :  1794

Victoire de Fleurus.

Les mesures énergiques décrétées par la Convention au mois d'août 1793 avaient produit d'immenses résultats, l'arrêté, célèbre de l'assemblée révolutionnaire avait été volontairement exécuté.

La France. réunissant toutes ses forces dans un effort sublime dont l'histoire nous offre cet exemple unique, avait en une année créé douze armées, fourni un million de fusils et douze millions de livres de salpêtre.

Sept cent mille jeunes soldats étaient en ligne sur toute cette longue frontière qui de la Méditerranée s'étend à l'Océan.

Les ateliers et les fonderies étaient dans une continuelle activité ; on fabriquait de la poudre, on fondait des canons, on armait des vaisseaux.

Les représentants du peuple, délégués inflexibles de l'autorité nationale, parcouraient la France, surveillant les levées en masse, dirigeant les approvisionnements, réprimant les insurrections ; ils se rendaient aux armées, excitaient le zèle des généraux, décrétaient la victoire ,sous peine de mort, poursuivaient l'exécution des plans de campagne tracés par Carnot au Comité de salut public, et entretenaient par les mots de patriotisme et de liberté l'ardeur de nos jeunes soldats.

La France formait enfin un vaste camp dont l'unique pensée était l'indépendance nationale.

Pour sauver la patrie, il ne fallut pas moins que l'unanimité de ce dévouement.

Après la défection de Dumouriez, les places principales du Nord, Condé, Valenciennes, le Quesnoy, étaient tombées au pouvoir des alliés ; la trahison avait livré Toulon aux Anglais ; notre armée du Midi, coupée dans ses communications avec Paris par l'insurrection des Cévennes, était acculée aux Pyrénées ; de toutes parts des ennemis menaçaient la France, et la moindre hésitation, un instant de doute assuraient le triomphe des armées étrangères.

La France fut délivrée ; salut chèrement acheté, non par le sang glorieusement versé sur le champ de bataille, mais au prix de cette implacable tyrannie, de ce gouvernement de terreur et d'oppression, d'une cruelle nécessité, d'un si douloureux souvenir, qui réduisit impitoyablement toute opposition au silence !

Alors, sous la violente impression de ce pouvoir, qui, pour accomplir son oeuvre, se plaça au-dessus de toutes les lois, de tous les sentiments, avec une énergie qu'on ne peut considérer sans un mélange d'admiration et de terreur. s'ouvrit la campagne de 1794,

"qui donna â la révolution, dit M. Théophile Lavallée dans son Histoire des Français, l'attitude conquérante qu'elle devait garder pendant vingt ans pour venir à bout de se faire reconnaître par l'Europe."

C'est au nord que s'établit toute l'importance de la campagne de 1794 ; c'est là surtout que se concentrèrent les efforts de la France et de la coalition.

A Londres on avait formé le projet d'une marche sur Paris en suivant la ligne tracée par Condé, Valenciennes et le Quesnoy, en passant par Guise.

L'empereur d'Autriche, pour animer le courage des troupes alliées, était venu en Belgique, afin de suivre les mouvements de la guerre.

Les forces de l'Autriche, de l'Angleterre et de la Hollande réunies, s'élevant à cent soixante mille hommes, se partageaient, depuis Dunkerque jusque vers la Meuse, en trois corps d'armée, dont les principaux chefs étaient Kaunitz, Cobourg, Clerfayt et d'York.

La Prusse agissait sur le Rhin dans le but de se joindre aux Autrichiens et de seconder le mouvement de l'invasion.

A cette armée la France opposait cent soixante dix mille soldats commandés par Pichegru et occupant une ligne d'opérations à peu près parallèle à celle des ennemis.

Pendant deux mois, sur ce vaste théâtre, les mouvements se multiplièrent, plusieurs combats furent livrés.

Les Français s'emparèrent, sur leur gauche, de Menin, de Courtray, d'Ypres, sans qu'aucun résultat décisif fit pressentir l'issue de la campagne.

Notre gauche, aux ordres de Moreau et de Souham, obtenait des succès marqués, mais la droite avait inutilement franchi la Sambre et investi Charleroi.

Trois fois elle avait été obligée de reculer et d'abandonner ses attaques.

Enfin Carnot, voyant l'inutilité des mouvements de l'armée de Pichegru, changea son plan, et revint au système général d'attaque qu'il avait adopté : la concentration d'une masse armée sur un point décisif, afin de frapper un coup d'éclat.

La Sambre formait la communication de l'armée autrichienne ; c'est par là qu'elle pouvait au besoin s'appuyer sur l'Allemagne, en tirer des ressources, y faire sa retraite dans le cas d'une défaite.

Carnot devina tout l'avantage de cette position et sut réparer les vaines tentatives de la campagne par une manoeuvre importante.

Il rappela Jourdan avec un corps de quarante cinq mille hommes de l'armée de Moselle, lui donna l'ordre de se joindre à l'aile droite de Pichegru ; et, de ces forces réunies créant une armée distincte sous le nom d'armée de Sambre et Meuse, il lui en confia le commandement, laissant à Pichegru le surplus des troupes, qui formèrent l'armée du Nord.

Jourdan arriva à l'armée de Sambre et Meuse lorsque, après avoir encore une fois traversé la Sambre et investi Charleroi, elle venait d'être repoussée de nouveau.

Saint-Just et Lebas, qui déjà avaient parcouru l'Alsace comme représentants du peuple, surveillaient au même titre les opérations de l'armée commandée par Jourdan : ils demandaient une victoire, ils l'exigeaient.

Jourdan ne perdit pas un instant ; il traversa la Sambre, investit Charleroi, et, après sept jours d'un siége actif, habilement conduit par l'ingénieur Marescot, la place envoya un officier avec un projet de capitulation ; Saint Just, qui dominait dans le conseil de guerre, refusa même d'ouvrir la lettre du parlementaire :

"Ce n*est pas un chiffon de papier, c'est la place qu'il nous faut ;"

ce fut son unique réponse.

Le soir de ce jour Charleroi ouvrait ses portes, et la garnison déposait les armes ; au même moment le canon retentissait sur les hauteurs de Fleurus, Cobourg arrivait en présence des lignes françaises pour secourir la place.

Il ignora la reddition de Charleroi, et, le 26 juin 1794, il offrit à notre armée le combat.

La bataille de Fleurus se livra dans une suite de positions s'étendant de Fleurus à Watignies sur un espace circulaire de dix lieues, et constamment appuyées à la Sambre, qui traverse Charleroi, le centre de cette ligne.

L'armée de Sambre et Meuse était commandée, sous les ordres de Jourdan, par Kléber à la gauche, au centre et à la droite par Championnet et Marceau, noms qui se sont illustrés dans les guerres de la révolution.

L'armée ennemie avait pour chefs le prince d'Orange, l'archiduc Charles, le comte de Kaunitz, Beaulieu, qui montra une habileté et un courage remarquables.

La bataille fut longue, acharnée, la victoire vivement disputée sur tous les points ; les positions occupées par les Français furent successivement enlevées et reprises, et, si le prince de Cobourg avait eu un génie militaire digne de la valeur des troupes qu'il commandait, l'avantage lui fût vraisemblablement resté.

L'effort des deux armées se porta principalement sur le village de Lambusart, vers celui de Fleurus, à l'extrême droite des Français ; le courage de Marceau, à qui était confié la défense de cette position, l'activité, la confiance que Jourdan sut inspirer à ses troupes l'emportèrent.

Trois colonnes autrichiennes, conduites par Beaulieu, s'avancèrent afin d'enlever leur position à nos soldats.

Tandis qu'elles marchaient sur eux, les blés au milieu desquels on combattait s'enflamment ; un obus fait éclater un caisson et jette, comme à Valmy, la confusion dans nos rangs ; le camp est enveloppé de flammes et de fumée ; quelques bataillons demandent l'ordre de la retraite :"

"Non, s'écrie Jourdan, point de retraite aujourd'hui ! Nous retirer quand nous pouvons combattre ! Non, non, point de retraite ! "

Ces paroles se répètent ; les soldats de la république, ces enfants la veille à la charrue, s'animent de l'ardeur de leur général, ils se jettent sur les Autrichiens aux cris de . Point de retraite aujourd'hui !, les repoussent, les obligent à reculer, et, à six heures du soir, l'armée de Sambre et Meuse, après avoir partout montré un courage inébranlable, restait maîtresse du champ de bataille de Fleurus tandis que tous les corps de l'armée alliée opéraient leur retraite et cédaient la victoire aux volontaires de la révolution.

La bataille de Fleurus, où pour la première fois on appliqua à l'art de la guerre les aérostats afin de connaître et de suivre les mouvements de l'ennemi, eut une grande influence sur les opérations militaires de 1794 , elle décida la retraite des Autrichiens et livra pour la seconde fois la Belgique à nos armées.

La France apprit avec enthousiasme la défaite des troupes de la coalition étrangère, dont les vieux généraux avaient été vaincus au nom de la liberté, comme à Valmy, à Jemmapes, par Jourdan, Kléber, Marceau, Championnet, vaillants officiers sortis naguère des rangs de ce peuple dont on menaçait l'indépendance.

Table chronologique des faits mémorables.....

 

Réalisée le 20 novembre2005

 André Cochet

Mise sur le Web lenovembre2005

Christian Flages