Le Bazadais, Situation, 

Généralités, Régions de contact. Etendue.

Première leçon:

Sommes nous en Gascogne dans cette vallée profonde et déserte du Brion qui vient aboutir à la Garonne à Langon ?

Le brave homme à qui je fais cette question en allant visiter le château de Roquetaillade est un peu surpris. Vous êtes en Bazadais, répond-il.

De toutes les divisions territoriales, celle-ci a seule survécu dans l'esprit de la population. La Guyenne fut trop une chose factice pour que l'on s'en souvienne: la Gascogne répond surtout à conception de caractère chez les habitants.

La population a donc oublié ses origines. Privée de La Réole, amputée de Casteljaloux et de Meilhan, la circonscription administrative actuelle est restée le Bazadais.

Depuis que ces lignes ont été écrites, le Bazadais n'est plus division administrative. En 1926, Langon est devenu le chef-lieu d'un arrondissement formé par la réunion des arrondissement de Bazas et La Réole.

Cependant, on désignera longtemps encore sous le nom de Bazadais le territoire qui avait Bazas pour chef lieu.

Cette ville n'a pas seulement un long passé historique; de tous temps elle a servi de trait d'union entre deux contrées bien différentes, elle a été le centre d'un commerce important de produits agricoles. Les Landais y apportaient leurs céréales en échange des vins et autres produits des bords de la Garonne.

Le Bazadais avait même une zone d influence sur le littoral depuis Mimizan jusqu'après le bassin d'Arcachon. Ses frontières avaient peine à se fixer dans l'espace infini des grandes landes. Il fut même question sous la Constituante, de former un département du Bazadais qui, partant de la Garonne à l'est de Bazas aurait atteint l'Océan.

Ce projet, soutenu par le député Bazadais Lavenue, ne fut pas adopté.

L'ancien arrondissement de Bazas, le Bazadais actuel, est situé au sud-est du 

département de la Gironde. Limité au nord par la Garonne, il touche au nord-est au Réolais, à l'est au département du Lot et Garonne, au sud à celui des Landes, à l'ouest à l'arrondissement de Bordeaux vers Hostens et Balizac, au nord-ouest, le Ciron le sépare des coteaux couverts de vignes du Bordelais, entre Léogeats. et Preignac.

Il couvre une superficie d'environ cent quarante mille hectares.

A vol d'oiseau, il y a quarante deux kilomètres du nord au sud (de Langon à Captieux, Le Poteau) et cinquante huit kilomètres de l'est à l'ouest (d'Hostens à Grignols).

Près du bourg d'Hostens passe le méridien du troisième degré de longitude ouest. 

D'autre part, le bourg d'Auros est sensiblement à mi distance entre le quarante quatrième et le quarante cinquième degrés de latitude nord. Le Bazadais est donc en pleine zone tempérée.

Ce vieux pays d'une grâce ondoyante et diverse, d'un attrait tout particulier, déroule aux environs de Bazas l'antique petite ville à moitié morte aujourd'hui sous l'écorce grise de ses remparts, les paysages les plus pittoresques et les plus séduisants.

Une belle rivière aux eaux claires, le Ciron, sorti d'une lagune des Landes et qui va se jeter dans la Garonne entre Preignac et Barsac, divise le Bazadais en deux parties bien distinctes: sur la rive droite une région de coteaux, sur la rive gauche, la plaine landaise.

LE SOL DU BAZADAIS.
 Evolution du sol.   Le relief du sol.  

Deuxième leçon. LE SOL.

La constitution géologique du Bazadais semble assez simple si l'on ne s'arrête qu'aux grandes divisions.

Le sol de notre région, comme celui du bassin aquitain dont il fait partie, est de formation récente. On n'y trouve ni terrains primaires, ni terrains secondaires. L'ensemble du pays a été formé aux époques tertiaire et quaternaire.

Si l'on entre dans le détail des diverses couches formées durant l'époque tertiaire, la plus importante, la constitution géologique de notre région devient assez complexe. Dans ce modeste ouvrage nous nous bornerons à donner un aperçu très sommaire de la formation du sol de la région Bazadaise.

EVOLUTION DU SOL.

Epoque tertiaire.

A l'époque tertiaire le Bazadais et le Bordelais furent longtemps recouverts par la 

mer qui, formant un immense golfe, s'avançait jusqu'à l'emplacement actuel de Fronsac, d'Agen, de l'embouchure de l'Adour et gagnait sans cesse sur les terres.

La mer resta ensuite longtemps stationnaire, puis un grand soulèvement du sol se produisit dans l'est, ayant pour conséquence le retrait des eaux de la mer; des lacs d'eau douce venus de l'Agenais les remplacèrent.

La mer envahit de nouveau la terre, s'étendant moins loin que la première fois, jusqu'à Carbon Blanc, Créon, Meilhan, Cours les Bains, Casteljaloux, Sos.

Le sol se souleva alors plusieurs fois, le Bazadais étant tour à tour envahi par les eaux douces et les eaux de mer. Notre région est donc formée de dépôts lacustres et de dépôts marins. Ces mouvements du sol étaient fréquents et lents, ce qui explique le peu de différence existant entre les formations anciennes et les formations récentes et le peu d'épaisseur des dépôts.

Le dernier envahissement de la mer ne dépassait pas Saint Symphorien et Saint Léger de Balson.

Bien avant la fin de l'époque tertiaire, le Bazadais émergeait définitivement au dessus de la mer et des lacs.

Voici dans quel ordre se sont déposés les matériaux du sol durant l'époque tertiaire:

Période éogène:

-Mollasse dite du Fronsadais, époque de l'envahissement du Bazadais par la mer. (Roche composée de sable, d'argile, de calcaire en proportions variables. La mollasse calcaire durcit à l'air, elle est recherchée pour l'entretien des routes).

-Calcaire à astéries, Calcaire  contenant des restes d'étoiles de mer.

-Mollasse de l'Agenais, la mer étant stationnaire).

-Calcaire lacustre de Villandraut, (calcaire blanc de l'Agenais), les lacs de l'Agenais envahissent le Bazadais.

Période néogène.

-Grès calcaire ou falum marin, nouvelle arrivée de la mer.

-Calcaire lacustre gris de l'Agenais, les lacs reviennent.

-Calcaire grossier de St Léger de Balson et

-Mollasse de St Symphorien, dernier envahissement de la mer jusqu'à St Symphorien et St Léger.

Epoque quaternaire:

Au dessus de ces matériaux se déposèrent à l'époque quaternaire les alluvions de la Garonne et le sable des Landes.

Le sable des Landes recouvre surtout la partie sud du Bazadais. Leur ligne extrême passe à Saint Sauveur de Meilhan (Lot et Garonne), entre Auros et Savignac d'Auros et rejoint le Ciron à Bommes.

On connaît l'âge de ces sables, mais leur origine est inconnue. Ont ils été portés par le vent, déposés par les grands fleuves ou jetés par la mer. On ne le sait pas au juste, l'absence de fossiles rendant les recherches difficiles.

Les alluvions de la Garonne.

Les alluvions sont de deux sortes : les alluvions anciennes et les alluvions récentes ou modernes.

Les premières s'étendent au nord du sable des Landes. Elles sont caractérisées par l'abondance de cailloux et d'argiles plus ou moins sableuses.

Elles se sont formées au début de l'époque quaternaire, durant les périodes chaudes qui alternèrent avec les périodes glaciaires. La fonte des glaciers des Pyrénées provoqua la formation des grande fleuves immenses et impétueux torrents qui transportèrent des quantités énormes de matériaux dont les plus gros se déposèrent au pied des Pyrénées.

Les autres se déposèrent plus ou moins loin de la chaîne par ordre de densité jusqu'à la Garonne et par conséquent, sur notre région. Ce sont les dépôts caillouteux qui recouvrent en partie les plateaux et les pentes qui s'inclinent vers le fleuve.

Les époques glaciaires et chaudes se succédèrent régulièrement jusqu'à la période tempérée qui se continue de nos jours.

Les alluvions anciennes vont jusqu'à la ligne formée Par le niveau extrême des grandes inondations, ligne où commencent les alluvions récentes.

Les alluvions récentes, très voisines du fleuve sont formées de matériaux, limons et sables, que la Garonne a déposés et dépose encore lors de ses crues. Leur fertilité est très grande.

Le sol du Bazadais est donc formé de calcaires, d'argiles, de sables, de terrains d'alluvions.

RELIEF DU SOL.

Au point dé vue du relief, le Bazadais offre plusieurs aspects bien différents qui font varier sensiblement le paysage et les cultures.

La vallée de la Garonne vers laquelle descendent insensiblement les côteaux de la rive gauche.

Les côteaux de Grignols, Auros, Bazas, Langon, Sauternes, dont la hauteur varie de cinquante à cent cinquante trois mètres.

La plaine landaise, cantons de Captieux, Villandraut, Saint Symphorien (rive gauche du Ciron).  

L'alios.

Le sous sol du Bazadais, principalement celui de la région landaise est formé surtout d'un feutre imperméable, l'alios. L'alios, matière brune, plus ou moins dure, imperméable, est composé de sable et de matières organiques fournies par les bruyères. (Si l'on met de l'alios sur une flamme, la matière organique brûle et il reste du sable.)

Comment  l'alios s'est-il formé ?  

La Lande autrefois couverte d'eau en hiver, était brûlée par le soleil en été. Les bruyères se décomposaient dans cette eau qui en entraînait la matière organique en dissolution ou en suspension. Cette eau s'infiltrait dans le sable jusque dans les couches profondes du sol. Là, à l'abri de l'air, la matière organique se desséchait cimentant entre eux les grains de sable. L'alios est généralement tendre et friable, mais plus on descend, plus il est dur et foncé. Il atteint parfois un mètre d'épaisseur.

  LE CLIMAT.

Troisième leçon:

Le climat de la région Bazadaise est le même que celui de la région Bordelaise.

Situé entre le 44, et le 45e degrés de latitude, notre région ne trouve en pleine zone

 tempérée. Elle jouit en outre d'un climat maritime, le climat girondin, caractérisé par la chaleur et l'humidité, favorables à la culture de la vigne, du blé, du maïs, du tabac. La végétation est en avance d'un mois sur celle de la région parisienne, surtout sur les côteaux exposés au soleil.

Sur tous les points du Bazadais, le climat est sain, l'air est pur, même dans la région landaise, jadis si insalubre, aujourd'hui fréquentée par les malades à cause du calme reposant de la forêt  et des senteurs toniques qui s'en exhalent.

Les vents, la pluie.  

Comme il y a peu d'élévations importantes, notre région est ouverte  à tous les vents. Leur direction a une grande influence sur la température et le régime des pluies.

Les vents du nord et de l'est s'accompagnent généralement de beau temps; les vents d'ouest, assez fréquents, nous amènent les nuages de l'océan et sont souvent suivis de pluie.

La quantité de pluie qui tombe sur le Bazadais augmente en allant du nord au sud et de l'est vers l'ouest. D'après un mémoire de la Commission météorologique de la Gironde, la moyenne annuelle serait de 700 à 750 dans la vallée de la Garonne jusqu'à une ligne passant par Grignols, Bazas et rejoignant la Garonne à Bordeaux.

La moyenne atteindrait de 750 à 800 au sud et au sud ouest de cette ligne pour dépasser 800 à la limite extrême du Bazadais, à l'ouest, vers Hostens.

Les saisons.

Les étés sont ordinairement  lumineux et secs. La température extrême en août 1933 a dépassé 30° à Bazas. Les vents d'ouest amènent en cette saison des orages assez fréquents accompagnés de pluies violentes et parfois de grêle.

La grêle fait, tous les ans, des dégâts importants sur plusieurs points du Bazadais, détruisant les récoltes de tabac, de blé, de vin, de fruits, etc.

Le printemps est surtout pluvieux. Les gelées tardives d'avril et de mai sont parfois redoutables pour les jeunes plants et les bourgeons. Elles sont plus fréquentes et plus fortes au fond des vallées que sur les côteaux.

L'automne, presque toujours beau (surtout en octobre) est favorable aux semailles, aux vendanges, à la chasse à la palombe fort pratiquée un peu partout.

L'hiver est généralement doux et humide avec une ou deux périodes assez courtes de froid sec.

La neige est rare, elle ne fait son apparition qu'une fois; rarement deux fois. On a même vu des hivers sans neige.

Les hivers 1931/32 et 1932/33 ont été rigoureux. Le thermomètre est descendu à 15° au dessous de zéro.

La vallée de la Garonne est souvent couverte de brouillard que le soleil dissipe rapidement.  

 HYDROGRAPHIE.

Quatrième leçon.

1. Les cours d'eau du Bazadais. 

2. La Garonne et ses affluents de rive gauche. 

3. Le Ciron et ses affluents. 

4. Les étangs, les marais, les marécages, les sources. 

5. La pêche.

Les cours d'eau du Bazadais.

Tous les cours d'eau qui sillonnent le Bazadais (sauf quelques ruisseaux de peu d'importance de la région d'Hostens, donnant leurs eaux à la Leyre) sont des affluents ou des sous affluents de la Garonne. Ils coulent presque tous à peu près parallèlement du sud au nord.

La Garonne et ses affluents.

La Garonne entre dans notre  région en aval de La Réole, à Barie et la quitte douze kilomètres plus loin à Preignac après (avoir arrosé Castets, Langon et Toulenne. Elle se dirige de l'est à l'ouest. Sur sa rive droite on aperçoit de hautes collines pittoresques dont elle baigne le pied. Sur sa rive gauche c'est par un pente presque insensible que l'on descend du plateau des Landes, vers le lit du fleuve.

Entre Langon et La Réole, le niveau de l'eau n'est qu'à une dizaine de mètres au dessus de celui de la mer; la largeur du fleuve est de deux cents mètres. La Garonne est navigable jusqu'à Castets, là, commence le canal latéral qui se termine à Toulouse.

A Langon, deux ponts métalliques traversent le fleuve, l'un est utilisé par le chemin de fer, l'autre par la route. Un autre beau pont, également métallique, unit les deux rives à Castets en Dorthe.

A Toulenne, un bras de la Garonne se détache et va rejoindre à nouveau le fleuve, formant une petite Île. Le petit cours d'eau, c'est l'Euillot et le terrain encadré c'est l'Ile, parfois envahie par les eaux du fleuve.

La Garonne reçoit dans notre région, sur sa rive gauche, le Lisos, la Bassanne, le Beuve, le Grusson, le Brion, le ruisseau de Roquetaillade ou de Roaillan et, enfin, en aval de Langon, entre Preignac et Barsac, le Ciron qui reçoit lui même de nombreux ruisseaux. La Garonne est sujette dans notre région à des crues subites, au printemps et à l'automne.

Le Lisos, alimenté par les plus hautes collines du Bazadais, passe à l'établissement thérapeutique de La Rode, près de Cours, coule dans une vallée très encaissée où il reçoit de nombreux petits ruisseaux aux vallées profondes, passe au pied de la colline où se dressent les hautes tours élancées du château de Grignols, un des plus beaux du Bazadais.

Le Lisos poursuit son cours toujours dominé par de hautes collines, puis sa vallée s'élargit et la culture se développe. Il sert de limite à notre département sur une dizaine de kilomètres et, quittant le Bazadais pour le Réolais, va donner ses eaux à la Garonne, après être passé sous le canal.

La Bassanne prend sa source entre les bourgs de Sigalens et de Sendets, sur un des plus hauts plateaux du Bazadais. jusqu'à Aillas, c'est un tout petit ruisseau, coulant, visible à peine. Il coule au pied de collines fertiles, dans de frais vallons que le roi Henri IV aimait à parcourir quand il habitait le château d'Aillas, aujourd'hui disparu.

A Savignac, la Bassanne coule dans un étroit vallon où elle déborde facilement parce que les pentes sont tout à fait imperméables. On voit son niveau s'élever parfois de quatre mètres. Elle poursuit son cours encadrée de peupliers et de saules, arrose Pondaurat, "Pont doré", passe sous le canal à Bassanne, met en mouvement plusieurs moulins, et dans la vaste plaine où elle coule maintenant, va se perdre dans le grand fleuve.

Le Beuve prend sa source à l'ouest de Bazas, coule dans un joli vallon entouré d'arbres, de verdure, passe sous le pont de César, au nord de l'ancienne capitale du Bazadais, se dirigeant toujours vers l'Est, puis, la ville dépassée, reçoit le ruisseau de Sauviac dont la vallée est dominée par cinq châteaux très voisins, parmi lesquels quatre forteresses anciennes. Après avoir reçu les eaux du ruisseau de Cajac, le Beuve prend la direction Nord Sud, qu'il ne quittera plus que dans la grande vallée.

Il reçoit encore le ruisseau de Gans, le ruisseau de Lados, passe au pied de pentes escarpées qui conduisent à Auros et à l'ancienne abbaye du Rivet. C'est ensuite le village de Bassanne qui domine la vallée du Beuve. Après Bieujac, le ruisseau tourne brusquement à gauche et va donner ses eaux à la Garonne par ses deux bras.

Le Grusson vient de Coimères; il porte son eau dans le fleuve en amont de Langon.

Le Brion prend sa source entre Aubiac et Cazats ; il est alimenté par plusieurs petits ruisseaux, il passe entre Roaillan et Mazères dominé par les remarquables ruines des châteaux de Roquetaillade. Après avoir contourné Langon, au sud et à l'est, il va se jeter dans la Garonne.

Le Ciron et ses affluents.

 Le Ciron (en latin Sirio), a pour point de départ une lagune du département des

Landes; il passe tout de suite dans le département du Lot et Garonne pour entrer bientôt dans le département de la Gironde à Lartigue, par une centaine de mètres d'altitude.

Long de cent kilomètres, il décrit jusqu'à son embouchure une immense courbe harmonieuse, qui divise le Bazadais en deux régions bien différentes. Sur sa rive droite, les côteaux aux cultures variées s'étendent vers la vallée de la Garonne; sur sa rive gauche, c'est le plateau landais et son immense forêt de pins.

Tour à tour pittoresque et utile, le Ciron est de beaucoup la rivière la plus importante du Bazadais.

A St Michel de Castelnau, il s'élargit en un vaste étang très poissonneux, entouré de grands pins, de beaux chênes.... mais écoutons le nous raconter lui même le début de son voyage dans notre région.

Donc, à la hâte, je traverse

(Tel le Rhône fait le Léman).

Sans rien gaspiller de ma source,

Le lac minuscule et charmant

Que Saint Michel ouvre à ma course.

Là, tout près, dans maint atelier,

L'on me fait pétrir du papier, 

….De ce gros papier roux

Qui, des magasins aux offices

Parmi les cornets pleins d'épices,

Sert à transporter sans à coups

Et les gigots et les saucisses.

J'effleure Goualade en passant,

Sur ma droite. A ma gauche Escaudes,

Fier de sa fontaine d'eau chaude.

Ab. Ferrand.  

Le Ciron poursuit sa course à l'ombre des grands pins et après Giscos et Escaudes, le voilà à Beaulac/Bernos où il passe sous la route nationale encore pavée, qui conduit de Paris en Espagne. Il met en mouvement un moulin, deux papeteries, une fonderie.

Après Bernos, le Ciron se cache dans les arbres au fond de véritables gorges de près de vingt mètres de profondeur. Couvert de taillis, de chênes, de grands pins, de beaux hêtres qui se penchent sur son lit, il se dirige presque invisible vers Pompéjac où de nouveau il actionne une papeterie. Puis c'est Caussarieu, avec son moulin et sa belle chute d'eau.

Là, nous nous laisserons aller doucement au fil de l'eau, jouissant des beautés que la nature déploie devant nos regards nous sommes, en effet, dans la plus jolie partie du Ciron.

La végétation y est d'une variété extrême. Les tilleuls, les peupliers, les vergnes, les chênes aux branches tordues enveloppées de lierre allongent leurs rameaux au dessus des fougères de la berge et des roseaux de la rive. Ces bords sont le plus souvent des rochers où s'accrochent les racines des arbres, et dont les creux aux profondeurs ténébreuses sont tapissés de plantes vertes à la gamme infiniment nuancée.

A travers l'eau jaunâtre et ferrugineuse de la rivière, on aperçoit le sable ridé en petites vagues, et de ci de là, quelque bloc de pierre éboulé du rivage, émergeant à la surface, comme quelque monstre aquatique endormi pendant une baignade. 

Au dessus de la rivière, des libellules vertes, bleues ou dorées voltigent avec des papillons aux ailes étincelantes, tandis que dans l'ombre mystérieuse du courant, passent et repassent les truites, les goujons, les anguilles, les barbeaux ou les cabosses.

Les oiseaux peuplent aussi ces lieux les canards sauvages, les culs blancs, les martins pêcheurs, les bergeronnettes animent ce ravissant paysage de leurs cris et de leurs vols.

La barque du pêcheur s'avance silencieuse et rapide, poussée par la perche ou la rame. Les branches des arbres s'inclinent au dessus d'elle comme pour voiler à l'homme les mystères de cette riche nature. Le calme et la paix de cette atmosphère délicieuse ne sont rompus que par les bruits lointains de la cascade d'un moulin.

A certains endroits, cet enveloppant rideau semble se déchirer et apparaissent de petites clairières où la verdure aux tons variés se développe en un charmant décor tranchant sur le ciel bleu. Quelques fontaines d'eau limpide de ci de là, près de la rive, semblent inviter le voyageur à débarquer et à venir se reposer sous ces frais ombrages.

Soudain, à une courbe de la rivière, au milieu des grands pins et des peupliers, se dresse une fantastique apparition. Ce sont les ruines d'un petit château délabré de la Travette.... Puis la gorge du Ciron se resserre et nous arrivons au château de La Trave, près d'un pont élégamment jeté à dix mètres au dessus de la rivière.

Tout près du château, une importante usine électrique, autrefois active forge, arrête les eaux de la rivière.

Après La Trave, qui sépare Uzeste de Préchac, nous voici à Villandraut. Le Ciron devenu flottable, passe à Noaillan, Léogeats et jusqu'à Preignac coule à l'ouest des côteaux couverts des fameux vignobles du Sauternais.

Entre Preignac et Barsac, se termine cette jolie rivière, une des plus captivantes de notre région. Que de vieux souvenirs elle évoque, soit qu'elle se cache à l'ombre des grands pins, soit qu'elle coule au fond des gorges pittoresques.

Le poète lui fait dire très justement:

Ah ! dans ce pays de Vasates

De Lartigue à Barsac, depuis

Que je sais les dates.

Combien de Plaisirs et d'ennuis

Que j'ai vu Passer de pirates,

Le long de mes berges !  

Sachez qu'aux époques lointaines

Moi, le Ciron, j'ai vu Céans

A l'abri des chênes géants,

Camper les légions romaines.

A. Ferand.

Et depuis que les hordes wisigothes et vasconnes, les bandes sarrasines et normandes remontaient ce cours d'eau sur des embarcations légères et dans les contrées riveraines donnaient libre cours à leur humeur pillarde, le Ciron constituait, pour la région bordelaise, un grand chemin mouvant.

C'est pour défendre la route de Bordeaux que furent construits ces nombreux châteaux qui dominent la rivière et qui sont presque tous détruits aujourd'hui.

Nombreux sont, chaque année, à l'époque des vacances, les excursionnistes qu'attirent les longues promenades en bateau, organisées par le Syndicat touristique Guyenne et Gascogne.

Chaque année  peintres et aquarellistes viennent y prendre de beaux croquis... le fervent du roseau vient pêcher dans la coulée brune de la rivière; le baigneur ne dédaigne pas l'onde bienfaisante toute imprégnée de propriétés balsamiques et dès l'ouverture, les disciples de Nemrod se donnent rendez vous dans les endroits les plus giboyeux de la berge.

Le Ciron, délicieuse petite rivière, poursuit vers l'avenir son éternelle et mélancolique romance.

Les affluents du Ciron.  

Le Ciron reçoit de nombreux cours d'eau : sur sa rive droite, le Gua mort, le Garillon qui arrose Goualade, le Bartos et la Clède, dont une branche passe à Uzeste.

Sur sa rive gauche, le Thus, la Gouaneyre (les eaux noires) qui passe à Captieux, puis le Haurens et le ruisseau de la Citadelle, le Ballion qui, après avoir arrosé Bourideys, forme à Villandraut un bel étang poissonneux.

Enfin, la Hure, le plus long des affluents du Ciron, prend sa source vers Bourideys, arrose St Symphorien où il reçoit le ruisseau blanc, remarquable par la limpidité de ses eaux et la pureté du sable de son lit, passe à Balizac où il s'élargit à la Ferrière, en un bel étang poissonneux bien connu des pêcheurs, reçoit la Nère, et à Noaillan, donne ses eaux au Ciron.

La pêche.

Presque tous les cours d'eau du Bazadais sont poissonneux (moins qu'autrefois), ainsi que les étangs assez nombreux qu'ils traversent.

Dans la Garonne (à Langon et à Toulenne), on se livre tous les ans, au printemps, à la pêche de l'alose et de la lamproie.

Le goujon du Beuve est renommé par la finesse de sa chair, mais il tend malheureusement à disparaître. Le Canal, le Beuve, le Bartos, le Ciron et ses affluents : la Clède, la Gouaneyre, la Hure, aux eaux froides, le ruisseau de Lignan, les étangs de Saint Michel de Castelnau, de Villandraut, de St Symphorien, de La Ferrière, de Sauviac, sont particulièrement riches en brochets, carpes-acèges, tanches, anguilles, goujons, chevesnes (cabots).

On trouve des truites dans le Ciron, la Hure, la Nère, la Gouaneyre, le Bartos, etc...

Les écrevisses sont assez nombreuses dans le Ciron, le Ruisseau blanc, le Bartos et dans quelques autres ruisseaux.

A Noaillan, près de Villandraut, existe un atelier départemental de pisciculture. Il est aménagé en vue d'une production annuelle de 150.000 poissons, mais il est loin d'atteindre actuellement sa production normale.

Marais, marécage, sources.

Dans la, région landaise, partout où le sol est absolument plat, l'écoulement des eaux de pluie se fait uniquement par des fossés dont le curage incombe aux propriétaires, mais le travail étant plus ou moins régulièrement fait, après les fortes pluies, les eaux restent stagnantes jusqu'à évaporation, d'où l'existence d'assez nombreux marais et marécages disséminés dans les landes incultes, surtout à Hostens, St Symphorien, Lucmau, Cazalis et au sud de Captieux, vers Le Poteau.

Enfin, les sources sont nombreuses sur tous les points du Bazadais, elles alimentent des ruisseaux, des lavoirs, des abreuvoirs, des puits, des fontaines. Certaines sont ferrugineuses. Les plus connues sont celles de Cours (La Rode), de la Font au Riche, à Uzeste, à Pompéjac existe une source pétrifiante.

Il n'y a dans le Bazadais qu'un puits artésien, à Langon. Il a été foré en 1905; sa profondeur est de 107  mètres. Une partie de ses eaux, qui ont un débit de neuf mille litres à la minute, actionne des turbines qui élèvent l'autre partie dans des réservoirs alimentant deux grands lavoirs.

LA REGION LANDAISE DU BAZADAIS.  

Cinquième leçon.

La région landaise du Bazadais termine au nord-est une immense plaine qui couvre

 une grande partie du département des Landes. Cette plaine se continue dans le département de la Gironde dont elle occupe toute la partie voisine de l'Océan. Dans le Bazadais elle s'étend dans les cantons de Saint Symphorien, de Villandraut de Captieux sur la rive gauche du Ciron.

Ce nom des Landes éveille encore dans l'esprit de ceux qui ne connaissent pas le pays, une idée de désert, de vaste étendue marécageuse et stérile, peuplée de bergers montés sur leurs échasses et de pauvres êtres malingres et à demi sauvages.  (Lande est un mot saxon qui signifie plaine inculte, et désigne en anglais toutes sortes de terres en général).  

Le sol.

Cela était encore vrai en partie il y a un peu moins d'un siècle. A cette époque, la région landaise était, en effet, presque stérile à cause de son sol formé de sable et surtout de son sous-sol formé presque partout d'une espèce de feutre imperméable: l'alios, dont nous avons déjà parlé. 

Le sol étant uniformément plat, l'eau ne pouvait pas s'écouler et la couche d'alios empêchait complètement son infiltration. Aussi, durant tout l'hiver, les bruyères et les ajoncs baignaient dans un immense marécage.

A partir du printemps et pendant tout l'été, ces marécages se desséchaient et les miasmes fétides qui s'en dégageaient occasionnaient des fièvres qui faisaient mourir un grand nombre d'habitants des agglomérations voisines. On ne devenait pas vieux dans la lande.

Dans la région landaise une maladie était très répandue, "la pellagre" caractérisée par une rougeur vive, accompagnée de démangeaisons sur les mains et les pieds, sur le cou, les pommettes, le nez, par des troubles digestifs très graves, empêchant parfois toute nutrition et fréquemment par une altération de l'intelligence allant jusqu'à la folie.

Cette maladie, souvent héréditaire était due surtout à l'inobservation des règles d'hygiène les plus élémentaires, à la mauvaise qualité de l'eau et des aliments absorbés par les landais. Elle a heureusement disparu.

En été, le sable était brûlant et la plaine nue (la lande rase) devenait un vrai désert.

Cet immense pays plat était peuplé d'êtres pauvres, mal nourris, petits, malingres, maladifs. Dans les campagnes, les habitations étaient très basses, presque toutes en bois et en torchis (mélange d'argile et de paille de seigle) mal aérées par de toutes petites ouvertures, et très sombres. Le sol des appartements, souvent plus bas que les terrains environnants, était presque partout en terre battue, sans carrelage. Il était, en temps de pluie, très humide.

Les paysans se nourrissaient de pain noir, de lard, d'ail, d'oignons, de lait de brebis, de légumes et d'une bouillie appelée "cruchade", faite d'un, mélange de farine de maïs et d'eau. Jamais de viande de boucherie sur la table de famille et rarement du vin.

Le costume était rudimentaire. Les hommes portaient la blouse et le béret, toutes les femmes, même les jeunes filles portaient la coiffe, la mante et les sabots.

C'était l'époque où les nombreux bergers, pour circuler librement dans ces étendues couvertes d'eau  et de vase, montaient sur de longues échasses du haut desquelles, assis sur un long bâton, ils surveillaient leurs troupeaux en filant la laine des brebis.

Il va sans dire que l'ignorance était grande, car les écoles étaient rares et pour presque tous  les enfants, très éloignées. D'ailleurs, elles étaient payantes et la pauvreté ne permettait pas aux paysans de les fréquenter.

Comme tous les peuples ignorants, les Landais étaient superstitieux et croyaient aux sorciers, aux fantômes, aux revenants. Que d'histoires de loups garous, de devins, de mal donné racontaient à la veillée nos grand'mères en faisant tourner leur rouet à la lumière blafarde de la chandelle de résine fixée au coin de la cheminée, histoires tellement terribles que les enfants et même bon nombre de grandes personnes n'osaient plus sortir après la chute du jour de crainte de rencontrer ces êtres malfaisants qui prenaient, dit-on, les formes les plus diverses : chats, chiens, loups, oiseaux, etc.

La conquête du sol:

Comme tout est changé aujourd'hui ! La Lande, jadis à l'état inculte est maintenant couverte d'une immense forêt de pins.

Comment cette transformation a-t-elle pu s'accomplir  ?

Au 19^e siècle, des hommes courageux ont réalisé cette oeuvre gigantesque et magnifique:  

-Fixation des sables mouvants de l'Océan par des plantation de pins.

-Assainissement des espaces considérables où les lagunes et les marécages entretenaient des germes malsains.

-Plantation du pin maritime dans toute la lande.

Les plus illustres de ces hommes sont Brémontier, Chambrelent et d'Haussez.

Brémontier (1738/1809), était ingénieur des Ponts et Chaussée. C'est sous sa direction et celle de ses successeurs que les dunes voisines de l'Océan, furent fixées par des plantations de pins maritimes.

Il ne faut pas croire que Brémontier ait inventé le pin maritime. La région landaise avait été couverte de forêts il y a très longtemps et même de forêts exploitées, puisqu'on a découvert en plusieurs endroits, sous des couches épaisses de tourbe, des troncs de pins entaillés pour l'extraction de la résine.

Aussi loin que l'histoire permet de remonter, elle montre que les Landais s'occupaient de la culture du pin maritime. Certains auteurs disent que les Phéniciens venaient acheter la résine et la poix sur la côte landaise.

Les Romains exploitèrent, mais ne détruisirent pas la forêt qui eut à souffrir plus tard de l'invasion des Germains, des Huns, de la guerre de Cent Ans et même des guerres de religion.

Au 17e siècle, Colbert fit venir des ouvriers de Suède pour apprendre aux Landais la manière d'exploiter les pins et d'en tirer le goudron, mais il n'était pas encore question d'industrie du bois.

D'ailleurs, la forêt n'occupait pas à cette époque comme aujourd'hui d'immenses étendues, mais seulement les hauteurs, dunes du littoral et monts ou dunes de l'intérieur. Le reste du pays était couvert de vastes terrains incultes ou landes où paissaient les troupeaux.

A plusieurs  reprises, la forêt avait été détruite par de gigantesques incendies allumés parfois par des bergers imprudents ou malveillants qui pratiquaient l'écobuage ou même mettaient volontairement le feu à la forêt, cette dernière ne laissant pas assez de place à leurs pâturages; l'herbe poussait très bien sur les emplacements incendiés.

A la fin du 18e siècle, on ne trouvait des restes de l'ancienne forêt que dans les vallées de la Leyre et du Ciron. Sur l'emplacement actuel du département de la Gironde il n'y avait à l'intérieur du pays qu'un seul massif, qui commençait à Captieux et se terminait vers Villandraut.

C'est à peu près à cette époque que l'on commença à s'inquiéter sérieusement de la fixation des dunes de l'Océan, qui s'avançaient vers l'Est, d'environ 20 à 25 mètres par an.L'intérieur du pays était menacé d'une double invasion celle des sables et celle de la mer. Tant que les dunes n'étaient pas fixées, il ne fallait pas songer à la mise en valeur de la plaine.

Un Landais, Guillaume Desbiey, se livra un des premiers à la lutte contre le sable. Le baron Charlevoix de Villers s'inspirant des essais de Desbiey, dressa plus tard un plan d'ensemencement des dunes, puis il quitta la Gascogne.

C'est alors que parut Brémontier, qui devait réaliser la fixation des montagnes mobiles, en appliquant en grand, grâce à l'influence de l'administration officielle qu'il représentait, les procédés de ses devanciers.

Chambrelent et d'Haussez.

Le pin ayant bien réussi dans les dunes, on eut l'idée de boiser l'intérieur du pays. C'est à ce boisement, à ce reboisement plutôt que travaillèrent le baron d'Haussez, préfet des Landes, et Chambrelent, Inspecteur des Eaux et Forêts.

Ce dernier entreprit de débarrasser le pays de l'eau qui l'empoisonnait.

Après des essais couronnés de succès, il réussit à obtenir du gouvernement, en 1857, une loi ordonnant aux communes d'exécuter les travaux nécessaires à l'assainissement et au boisement par semis de pins des terrains qu'elles possédaient.

L'exécution de cette loi fut activement poussée et les propriétaires privés imitèrent bientôt les communes dans toute la région landaise.

Une grande étendue de terrains incultes existe encore à l'extrémité sud du Bazadais, vers Lucmau, Cazalis, et Captieux (Le Poteau) Des propriétaires avisés sont en train de couvrir cette lande rase de semis de pins, après l'avoir débroussaillée et profondément labourée.

Il existe encore (mais beaucoup moins qu'autrefois) des bêtes sauvages dans la forêt. Les plus malfaisantes sont les renards et les sangliers. Les premiers visitent parfois les poulaillers, les seconds dévastent les champs durant la nuit. Des battues organisées de temps en temps amènent peu à peu leur disparition.

LA REGION LANDAISE AUJOURD'HUI.

Les cultures.

Aujourd'hui, le pin maritime peuple presque exclusivement la région landaise sauf l'emplacement occupé par le agglomérations (bourgs et hameaux), les métairies entourées de vieux et beaux chênes rouvres et les champs.

Dans ces champs, on cultive en petite quantité, le seigle, un variété de millet (la millade), le maïs et la pomme de terre. La culture du chanvre autrefois assez répandue a complètement disparu.

Le seigle est cultivé en billons de 50 à 60 centimètres de large. Ces billons permettent l'écoulement des eaux, qui, en temps de fortes pluies ne peuvent s'infiltrer assez rapidement à cause de l'imperméabilité du sous-sol formé d'alios.

Dans l'espace compris entre deux billons, le paysan landais sème une variété de millet, la millade, dont le grain sert à nourrir les volailles.

Près du champ de seigle, on cultive encore dans la lande la pomme de terre, un peu de sarrazin ou blé noir (beaucoup moins qu'autrefois), du maïs et quelques légumes, a peine de quoi satisfaire aux besoins de la famille du métayer.

Le résinier a réduit de plus en plus son champ pour se livrer à l'exploitation de la forêt, surtout à l'époque assez rapprochée où la gemme et les bois se vendaient très cher. Mais la crise économique qui sévit actuellement lui fait comprendre qu'il a intérêt à ne pas abandonner un seul des trois éléments essentiels de l'agriculture landaise: les champs, la forêt, le troupeau; les champs lui fournissent une grande partie de sa nourriture et celle de ses bestiaux, la forêt et le troupeau lui procurent des ressources et le troupeau lui donne en plus le fumier pour engraisser les champs.

LE PAYS ET SES HABITANTS.  

Le pays, autrefois déshérité et laid, offre de nos jours un aspect plutôt grandiose malgré sa monotonie. Il règne dans l'ensemble de cette colonnade sans fin une harmonie qui plaît à voir. Et quand la forêt de chênes se confond avec la forêt de pins dans la vallée du Ciron,  par exemple, le paysage est d'une remarquable fraîcheur et d'un calme reposant et exquis.

L'échassier d'autrefois a complètement disparu avec les marécages et les fièvres. Les êtres chétifs, malades, ont fait place à une population vigoureuse et saine.

Le Landais ne fait plus son pain lui-même et le four (lou hourn) qui existe toujours près de sa maison aujourd'hui construite en briques ou en pierre, ne sert plus qu'à cuire le confit et de gigantesques tourtières, les jours de fête.

Les troupeaux de brebis autrefois très nombreux, aujourd'hui rares, sont remplacés par des troupeaux de vaches laitières qui paissent  dans les grasses prairies en bordure des ruisseaux.

Les volailles sont très nombreuses, la poule landaise est bonne pondeuse et sa chair est excellente.  

Le canard, dit mulet, une fois engraissé, fournit des foies excellents et ses membres sont conservés dans la graisse, ainsi que ceux des dindons et des pintades.

Chaque famille élève au moins un porc dont la chair conservée, soit salée, soit confite, sert à l'alimentation familiale de l'année. La "tuaille" du porc, en hiver, donne lieu dans chaque foyer à de grandes réjouissances auxquelles sont invités parents et amis.

Les ruches d'abeilles deviennent de plus en plus nombreuses dans la région landaise. C'est surtout dans les fleurs de bruyères que les abeilles vont puiser les éléments d'un miel particulièrement transparent et savoureux.

Les vieilles ruches en paille d'autrefois font place à des ruches à cadres modernes qui donnent un miel bien meilleur et plus abondant.

La chasse à la palombe.

Au mois d'octobre, les habitants du Bazadais se livrent à la chasse aux palombes de passage, au moyen de filets et d'appeaux. Ces chasses sont surtout nombreuses dans la région landaise.

Le métayage.

L'ouvrier agricole, payé au mois ou à l'année, est rare dans la forêt Bazadaise.

On n'y trouve que de petits propriétaires, travaillant eux mêmes leur terre et de nombreux métayers. Les conditions de métayage varient un peu d'un canton à l'autre, mais partout le propriétaire fournit la terre, la maison et ses dépendances et le bétail; le métayer apporte son mobilier et ses outils. Chaque année, métayer et propriétaire, partagent la récolte.

Il y a quelques années, les métayers de certains cantons des Landes ont formé des syndicats semblables aux syndicats ouvriers pour défendre leurs intérêts professionnels. Ils adhèrent de plus en plus à des sociétés d'assurances mutuelles contre la mortalité du bétail, sociétés qui existent dans presque toutes les communes.

Le paysan landais est consciencieux, dur à la fatigue, un peu routinier. Une de ses qualités maîtresses est l'économie; il la pratique sans avarice, la consacrant de préférence à l'amélioration du bien être domestique. Il aime son foyer, sa forêt de pins et veut tout sa vie demeurer au pays.

Ces lignes écrites, il y a environ vingt cinq ans, sont encore vraies aujourd'hui.

Cependant, la Grande Guerre, l'attrait de l'usine et de la ville ont dépeuplé bien des métairies.  

Nous voulons décrire ces vieilles métairies à l'ample toiture de tuiles creuses posée

 sur un mur de torchis et soutenue par des assises en brique. Elles forment un angle largement ouvert et présentant toujours à l'Est, côté opposé au vent de pluie, un devant de porte abrité, ayant sur le côté une chambre de débarras en saillie. 

Deux poutres maîtresses verticales soutiennent le toit qui surplombe en auvent. En dessous, les poules picorent, les enfants jouent, la ménagère prépare la cruchade faite de farine de maïs ou la millasse, petits pains ronds de farine de millet.

Pour les cuire, elle les porte au four "au hourn", coiffé d'un toit carré de tuiles, édifié tout près de la demeure et qu'elle chauffera avec de la brande. 

De beaux chênes noirs ou rouvres donnent une ombre bienfaisante près de l'habitation et tranchent sur la monotonie des pins environnants. 

Dans leurs basses branches on a mis le "pourey" ou poulailler afin que la volaille soit à l'abri des dents pointues des renards et des fouines. C'est pour cette gent ailée que l'on a semé dans le voisinage la millade, pour les bestiaux que l'on cultive ce champ de topinambours aux fleurs d'or et pour les oies et les cochons que l'on conserve ces lourds épis de maïs.

D'autres animaux plus petits qui se nourrissent tout seuls et donnent aussi un revenu avantageux sont installés dans un coin tranquille et isolé, dont on ira, à la fin de la saison, vendre à Captieux, le miel assez estimé bien que grossièrement recueilli.

Dans l'étable, aux litières faites de bruyère on entend mugir les vaches Bazadaises utiles par leur travail robuste et les vaches bretonnes qui donnent le lait et les veaux.

Un puits creusé parfois à une grande profondeur fournit l'eau nécessaire à tous ces êtres vivants. Pour amener le liquide à la surface du sol, une longue antenne basculant en son centre sur un montant vertical retient le seau suspendu à son extrémité au moyen d'une perche légère, rappelant les puits égyptiens.

Tout cet ensemble forme un tableau pittoresque, plein de curieux et très gracieux détails. Et le soir, à l'automne, "à la basse ", comme on dit en patois, quand le soleil est très bas à l'horizon, que ses rayons flamboient à travers la masse des pins élev

és, que sous bois, la fougère commence à prendre les chaudes teintes de la rouille et que les feuilles flétries des chênes tapissent le sol, le métayer ramène à sa demeure son attelage indolent.

A ce moment l'atmosphère commence à s'imprégner des brouillards de la nuit, les odeurs délicieuses de la nature se mêlent aux bonnes senteurs d'étable que ces bœufs laissent en un odorant sillage. Les vaches conduites par un jeune berger rentrent doucement à la métairie en agitant leurs sonnettes harmonieuses dont le tintement folâtre se mêle au son, plus grave de l'Angélus du soir.

Puis, tout se tait, la nature et les hommes vont  prendre repos.

LOU PALOUMAÏRE,

(Le Chasseur de palombes) 

Tous les ans, au commencement de l'automne, lorsque dans les sous-bois, la fougère prend les chaudes teintes de la rouille et que les feuilles flétries des chênes et les longues épines des pins tapissent le sol, toute la région du Bazadais s'agite et se passionne pour son sport favori, la chasse à la palombe.

Quel entrain, quel branle bas, quelle fièvre intense ! 

Tout le monde devient chasseur; tous, jeunes et vieux s'intéressent à cette chasse. Tout travail est pour ainsi dire suspendu en forêt, de la St Michel à la Saint Martin. On ne songe qu'à la palombe, tout le monde a le nez en l'air, même les petits enfants qui vont à l'école, et quand un vol de ces gracieux migrateurs paraît à l'horizon, tous ces guetteurs volontaires poussent d'une voix retentissante le cri avertisseur et traditionnel: 

 Semère ! Semère ! 

ce qui veut dire:  Chasseurs, veillez et manœuvrez vos appeaux !

Dans sa cabane faite en branches, en brande et fougère, et généralement prolongée par un couloir, assis sur son banc rustique, du matin au soir, le chasseur   "paloumaïre" attend patiemment qu'un vol passe. Il regarde sans cesse sa girouette primitive, faite de deux plumes de palombe, car le vent joue un grand rôle dans cette chasse. Il se réjouit dans l'espoir de prochaines hécatombes, lorsque le temps et le vent sont favorables.

Quand la vol paraît, avec un bruit de tonnerre et d'ouragan, le  paloumaïre  manoeuvre ses appeaux et subit des émotions violentes. Son coeur bat à grands coups; il tremble, il passe tour à tour par la crainte, l'anxiété et ressent enfin une joie indicible quand les palombes sont prises dans les filets ou abattues à coups de fusil.

Hélas !  tout n'est pas rose dans le métier de chasseur de palombes. Parfois, l'appeau perd l'équilibre sur la mécanique où il est perché et se pend, quelquefois il y voit et effraie le vol prêt à se poser.

Il arrive que le "poulet", appeau destiné à attirer les palombes sur l'emplacement des filets, se renverse sur le dos sans pouvoir se relever, épouvantant les palombes qui quittent le sol avec de bruyants coups d'ailes. Parfois, le filet se croise et les mailles se rompent.

D'autres fois, à peine posés, ces gracieux migrateurs sont mis en fuite par une pomme de pin que l'espièglerie d'un écureuil a fait choir, par la rupture d'une branche morte trop lourdement chargée de gibier. Enfin, l'épervier, "l'astouret"  est l'ennemi des appeaux, d'un seul coup de bec il leur ouvre le gésier. Quand il apparaît dans une chasse, on pousse des cris et l'on frappe dans ses mains pour le faire fuir, car il constitue un terrible épouvantail et l'ennemi le plus féroce de la palombe. 

La fermeture prématurée des filets, due à la nervosité des chasseurs, ou le mauvais fonctionnement des ressorts de détente sont aussi des causes de malchance. Le pauvre nemrod connaît alors de cruelles déceptions.

Quand tout va bien, d'un seul coup de filet, on peut prendre, une cinquantaine de palombes et dans toute la saison en capturer plusieurs centaines. Mais, les jours de pluie, le paloumaïre  reste des heures entières à regarder vainement le nord. Sa philosophie est mise alors à une rude épreuve. Il lui reste toutefois la ressource de capturer quelque rôdeuse  "biroulaïre", mais les rôdeuses sont malignes et ne se laissent pas prendre facilement.

Poète sensible à la beauté des choses et aux splendeurs automnales, durant la journée, le chasseur de palombes a des plaisirs inestimables. Pendant que se prépare la mélancolique féerie de la nature, dans la majesté sereine des garennes et la paix embaumée des "pignadars", le paloumaïre a pour compagnons, les rouges gorges, les mésanges, les roitelets, qui viennent picorer dans sa cabane, les écureuils qui grimpent lestement aux pins, aux chênes, aux châtaigniers, où ils font bombance; les corbeaux "crocs" qui se moquent de lui, du matin au soir, en poussant leur "couare, couare" ce qui signifie:   Misérable. Dépenaillé !  Les corbeaux sont, en effet, très fiers de leur richesse, car ils se gorgent de glands et de châtaignes.

Jamais le chasseur ne s'ennuie. Il vit dans un concert perpétuel d'oiseaux: le chant des rouges gorges et des roitelets, "reiyots" les cris des pics "garailleys" ou autres, des pies, des geais et du grand corbeau, appelé   "croc carugney"  mangeur de charogne.

Dame Nature octroie d'autres plaisirs au chasseur. Pendant que le vent d'automne émet dans la forêt d'étranges harmonies, le paloumaïre cueille en chemin des cèpes, des "bidaouts", des catalans, et autres cryptogames dont il se délecte.

En certaines circonstances, le chasseur convie ses amis à la palombière. Il les traite dignement. Lorsque le passage des palombes se ralentit, en fin de saison, l'hôte ou un de ses amis s'improvise cuistot et il se révèle alors aussi bon cuisinier que gourmet délicat.

Tous gardent un agréable souvenir de ces franches lippées, de ces agapes cynégétiques.

Voilà pourquoi, dans tout le pays de Gascogne et en particulier dans le Bazadais, subsiste à l'état endémique cet amour aigu de la chasse que d'aucuns désignent sous le vocable de palombite.

C'est ainsi qu'un poète Bazadais raille les  " paloumaïre"

Fatigué, l'oeil éteint, ayant, durant un mois

Pris, à défaut d'oiseaux, rhumes et sciatiques,

Le paloumaïre  geint et jure chaque fois

Qu'il brûlera ses mécaniques.

Mais quand septembre vient, que les petits ramiers,

Pour fêter St Michel, volent à tire d'ailes,

Ceux qui juraient si bien sont toujours les premiers

A poser appeaux et ficelles.

Et malgré les échecs trop souvent répétés,

Ceux qui précisément maudissaient cette chasse,

Même pour le fauteuil bien doux d'un député,

Ne vous céderaient pas la place.

Ils préfèrent pester contre le mauvais sort,

Jeter au grand Saint Luc les pires anathèmes

Attraper des coups d'air, des rhumes et la mort,

Mais ils chasseront tout de même !

La chasse à la palombe bat son plein en ce moment. Jusqu'ici, les résultats ont été peu brillants. Espérons que la campagne actuelle se terminera plus favorablement et que les prises seront plus nombreuses jusqu'à la Saint Martin prochaine.