Les carnets

de     Louis Apolinaire Bride.     1917

Années : 1914 1915 1916 1917

 

Du 25 déc 1916 au 1er mars 1917 : Repos à Villiers le Sec pendant 3 semaines. Manoeuvres sur le camp de Villiers le Sec, permission de 7 jours plus 2 pour la citation. Bonne permission. On a vidé quelques bonnes bouteilles. Au bout de 3 semaines nous embarquons pour

 l'Alsace. Nous débarquons à Montreux Vieux et nous cantonnons à Magny. Nous sommes en soutien en cas d'attaque. Reconnaissance des postes à occuper dont une à quelques centaines de mètres de la frontière suisse.

J'ai été mettre les pieds en terre suisse. Je me suis promené pendant 5 minutes. C'est à peu près la même terre que chez nous. Nous sommes restés 3 semaines, nous avons été remplacés et nous avons regagné Villiers le Sec  par étapes. 1ère étape très froide les chevaux ne tiennent pas debout, cantonnement à Chaux assez bon, nous arrivons de nuit, nous couchons dans une usine. 2ème étape encore très froide nous marchons au pas cadencé avec l'infanterie, cantonnement à St Germain très bon. 7 maisons pour la pièce.

3ème étape, très bonne nous n'avons plus l'infanterie. Arrivé à Villiers même cantonnement que la fois précédente . Manoeuvres pendant 3 jours et ensuite repos assez complet. Partie de chasse épatante, inscrits au tableau 3 lièvres de 7 à 8 livres, 15 jours écoulés, nous regagnons l'Alsace par étapes.

4ème étape très courte mais très mauvaise, au pas tout le long avec des arrêts toutes les 5 minutes, c'est la marche avec l'infanterie. Enfin nous sommes arrivés au même cantonnement. Nous avons retrouvé la neige et le froid . Tous les servants sont partis faire des observations et préparer les positions. Je monte pour 6 jours les commander. J'en redescends très malade. Alerte, elle se termine à la fin de la soirée. Le 21 au soir je passe la visite. Le 22 je suis évacué.

 

Du 22 mars au 31 mars 1917 : Evacué en ambulance 223 à Chavannes, faiblesse générale j'en ai pour une quinzaine de jours, 1 mois pour le plus. Je crois que je n'irai pas plus loin, que je resterai là tout près de la batterie. Aujourd'hui 29 cela va assez bien. Encore quelques jours de repos et tout ira bien. Je reprendrai ma place parmi mes copains. Le 30 tout va bien. Le 31 je rentre à la batterie, cela me plaît encore assez.

 

Du 1er avril : au 8 avril 1917 : Repos sur toute la ligne, exempt de tout service.

 

Du 8 avril au 12 avril : Nous nous préparons à partir, pour où ? C'est la question. Nous quittons Magny le jour de Pâques. Nous voyageons sur les routes . Nous cantonnons en dernier lieu à Berches dans le Doubs. Nous embarquons 2 jours après. Nous débarquons en Champagne au pied de Reims. Le canon gronde terriblement. Nous sommes en réserve à la disposition du général en chef. Nous formons avec quelques Corps une armée de poursuite sous les ordres du général. Nous sommes près du front à une étape mais cela ne va pas comme on le désirait, on nous fait reculer plus en arrière. Nous cantonnons à Carrobert (Marne) pendant 6 jours, Encore une de loupée. Elle coûte assez cher.

 

Du 24 au 30 avril : Nous changeons de cantonnement. Nous venons au sud de Château Thiéry. Nous cantonnons à Azy près de Chézy. Emploi du temps, batterie attelée le matin, travail aux champs. Manoeuvre artillerie le soir. C'est ici que je reçois ma croix de guerre, elle a mis longtemps pour venir, le train avait déraillé. Voici déjà une paire de jours que nous sommes ici. Les percots circulent et notre plus grand travail est d'aller à la pêche dans la Marne. Voici le mois d'avril écoulé. Le temps se maintient au beau. Je pense que l'année ne sera pas mauvaise (2 pages déchirées)

 

Le 17 mai au soir : la Compagnie déguste à son tour mais malheureusement un coup mauvais tombe sur l'abri des téléphonistes et s'effondre, résultats les 6 téléphonistes , 3 de la 1ère pièce et le sous off Ygomin sont enterrés. On en retire un seul survivant qui a la jambe cassée et plusieurs blessés, s'il s'en réchappe il aura de la chance. Total pour la Cie, 10 hommes tués, 1 blessés, un pièce démolie. Dans ces hommes se trouvent mes servants !!! C'est dur d'être depuis le début de la campagne avec et les voir bousillés tous d'un seul coup. Jour malheureux. Je vais mettre les noms pour la forme Scheiller, Brissy, Marizot, Boucher, Blin, Bertrand, Dangin ! Tous de la Cie Bahuchet, Carré et notre copain Ygomin de la 1ère pièce.  

 

18 juin 1917 :  Après être resté tranquille tout le matin les boches remettent ça  dans l'après midi mais rien de nouveau . Toutes les précautions avaient été prises afin de ne pas renouveler de pareils accidents.

 

19 juin : Enfin nos lourds commencent à tirer, ce n'est pas trop tôt. Les boches sont musclés. Ils ne bougent pas. Les batteries qui tirent dessus sont repérées.

 

Du 20 au 25 juin : Calme complet sur le secteur, le secteur de gauche est assez mouvementé. Les boches veulent attaquer. Les nôtres aussi. Résultat, je crois que chacun reste sur son terrain, service d'observation permanente. Le service n'est pas trop dur. Le séjour aux tranchées est de 6 jours. De temps en temps les boches essayent des tirs de surprise mais mal réglés, il ne font aucun mal.

 

26 juin : Je quitte provisoirement les éclaireurs pour venir prendre le commandement de la 4ème pièce. Il y a longtemps que je n'avais pas tiré la ficelle, cela va trop mal mais je ne suis plus à la coule.

 

27 juin : Le service commence à être moins dur que le 1er jour. L'habitude est revenue. Quelques tirs de surprise de la part des boches qui nous font rentrer dans les sapes.

 

Du 28 juin au 1er juillet 1917 : Service de nuit tous les 2 jours. Pendant le jour les hommes travaillent aux sapes.

 

Du 2 juillet au 7 juillet : Même service, même boulot. De temps en temps on bondit dans les sapes. Rien de nouveau, Rien d'extraordinaire. Le secteur à l'air de revenir calme. Bazaille rentre et moi je vais retourner au groupe.  

 

Du 8 au 11 juillet : Je monte aux tranchées pour 6 jours(Bat de gauche 109ème) rouge gorge abri blindé. Pas mal de boue pour le 1er jour. Dans la nuit les boches ont fait un coup de main et nous ont fait des prisonniers. De là secteur assez agité et parfois quelques tirs de surprise dans la région de PC nous embêtent beaucoup. Je ne reste que 3 jours car je suis désigné pour suivre un cours. Relevé le 11 au matin je descend à l'échelon où je retrouve l'aspirant Chatonnay qui vient avec moi pour suivre le cours. Bonne petite journée.

 

12 juillet : Nous sommes arrivés cette nuit au cours, logés dans une carrière très vaste Château de la Quincy. Nous sommes là pour 3 semaines jusqu'au 30 courant. Instructions sur le service des chefs de section : éclaireurs, observateurs. Nous sommes une trentaine environ sous la direction : un capitaine Papillon, un lieutenant Robin, un sous lieutenant Legendre. Nous sommes très bien logés et une fois installé cela ira très bien.

 

Du 12 au 30 juillet : Cours (2 conférences intérieures et 1 conférence de tir par jour).

 

28 juillet : Voici le cours terminé. Beaucoup de peine. La perm est proche plus que demain à rester ici.

29 juillet : Examen du cours : Je sors le 1er sur 12.

30 juillet : Perm retardée de 8 jours. Je ferai 6 jours de tranchées avant.

31 juillet : Je monte demain pour mes 6 jours, il pleut c'est la règle.

1er août : Je suis aux tranchées dans la merde jusqu'aux genoux au lieu d'être en perm, cela ne fait pas la même chose.

Du 1er au 7 août : Rien de nouveau, c'est toujours le même travail. Le temps me dure assez.

7 août : Je descend, je prendrai le train demain la journée est longue à tirer.

 

8 août : Départ à 3 h pour Crépy en Valois, changement de train et arrivée à Dijon à 7 h. Le log du trajet nous avons eu 3 h de retard. Arrivée à Dole à 9 h ½.

 

Du 9 au 17 août : Bonne perm mais pour 2 coeurs qui s'aiment, 2 jours ensemble sur 7 n'est guère. Nous commençons à parler fiançailles. Cela va venir je crois, nous ne demandons que cela. Nous décidons de nous fiancer à la prochaine perm. On demandera le consentement plus tard.

 

18 août : Perm terminée. Départ à 5 h 34 ni cafard ni regret aucun ennui. Rentré au Corps le 19 au matin à 8 h, à la place où je les avais laissés. Mais on parle fort de relève. Passé la journée et la nuit à l'échelon.

 

19 août : Monte rejoindre les camarades. On me confirme la relève. Les reconnaissances arrivent aujourd'hui. Cela me plaît pour une fois. J'ai eu de la chance. J'étais en perm pendant le service.

 

20 août : Il y en a qui commencent à descendre, moi je crois que je resterai jusqu'au dernier jour.

 

21, 22, 23 au 30  août 1917 : La relève s'effectue, elle doit être terminée ce soir 22. Elle y est en effet et nous faisons étape et nous venons atterrir dans un coin épatant Russy Bémond. Quel charmant pays je m'en souviendrai et je veux marquer quelques anecdotes, ici il est défendu de causer aux jeunes filles. Alors soyons ours ; notre tempérament de poilu ne s'habitue pas à ce régime et ...on lève les yeux ; moi pour ma part sur une jeune fille (21 ans) petite bonne d'enfant, femme de chambre, exactement comme Lolette. L' idylle ne dure pas longtemps, je suis bientôt repéré mais c'est la demoiselle qui écope (paire de gifles), cela m'a refroidi. Halte là, il y en a quelques uns qui reçoivent des coups de trique. Repos épatant. On sortira d'ici avec le fou rire. Vaut mieux cela que de pleurer. Tous les servants remontent en position pour travailler. Les sous off aussi, je reste seul avec notre chef. On passe les journée au bois, à table ou on chasse. On se fait foutre de nous et ... on est content. Nous commençons à nous habituer à ce régime.

 

Du 1er au 15 septembre : Toujours au repos. Nouvelles connaissances. Nous passons nos soirées en famille. La maman Miot, la petite soeur Lucienne, Luncon avec sa Marcelline. On commence à être bien, seulement il faut les jouer, c'est dommage. Je remonte en position, je passe la journée à Soissons. Je regarde les civils car je ne les reverrai pas de si tôt. Nous remontons là haut.

 

16 septembre : Eh ! Eh ! J'ai le cafard qu'est ce que cela veut dire. Vivement une lettre de ma Loulette pour faire disparaître les mauvaises pensées. Je surveille les travaux de position, travail de carriers.

 

17, 18, 19, 20 septembre : Même travail, même boulot. Le groupe vient en bivouac entre Missy et Condé et ne tardera pas à monter en position. Les lettres arrivent à peu près régulièrement, ça fait plaisir.

 

21, 22 septembre : Le 228 Artillerie vient nous remplacer à la surveillance des travaux. Je me demande ce que l'on va faire de nous. Nous sommes pour le moment à la disposition des Batteries

 

23 septembre :  Date mémorable pour les soldats, il y a 1 an aujourd'hui que la classe 13 devait être libérée. Aujourd'hui dimanche les boches nous sonnent quelque chose de pas mal. Cela commence bien. La nuit arrive sans aucun accident. L'ami Francis est touché mais très légèrement, mais rien d'autre. (pages déchirées)

 

Du 12 au 15 octobre : Je devais monter aux tranchées le 12 au matin mais je suis retardé, je ne monterai que le 17. La continuation des travaux d'attaque se poursuit.

 

Le 15 octobre : Le jour J. approche et mon tour de tranchées aussi.

Le 16 au soir : Le commencement du bombardement se déclenche, l'attaque est pour 4 ou 5 jours.

17 octobre : Je suis retardé encore. L'artillerie tonne. Je ne voudrais pas être à la place des boches.  

 

18 au 20 octobre : Nous continuons à écraser les lignes boches sous un marmitage que je n'ai pas encore vu. Les boches réagissent en arrosant nos positions avec des gaz, plusieurs d'entre nous sont en défaillance et quelques uns s'en vont vers l'arrière. Malgré cela pas trop de bobo.

 

21 octobre: Je m'apprête pour monter car je dois monter à G-1 et il est G-2 c'est pour après demain le grand jour. Le temps se maintient au beau, les boches réagissent et continuent à nous envoyer des gaz. Le ravitaillement est très difficile. Les sections de munitions écopent quelques obus de gaz qui font effet. (2 pages déchirées)

 

27 octobre: Nous sommes assez exposés, nous allons rejoindre les copains et partager leur service. Je suis l'objet d'une proposition de citation, cela me plaît car cela fait 2 jours de perm en plus et puis une chose, elle n'a pas été volée.

 

28 octobre : Je suis désigné par le commandant pour sortir toutes les pièces boches que la 109ème d'infanterie a prises au cours de son avance. Allons voyez boulot. Reconnaissance des pièces et des pistes pour les emmener. Toute la nuit je trace pour cela. La nuit j'enlève les pièce avec les avant trains du groupe. Je rentre à 2 h du matin. Heureusement que les boches nous fichent la paix.

 

29 et 30 octobre : Même travail, j'ai sorti dans mes 3 jours 23 pièce de canon. 9 (105), 14 (17) + sept caissons et 4 avant trains. Il reste encore 1 batterie de 150 à 4 pièces et 1 ou 2 batterie de 105 dans le bois d'Erly. Mais la relève est là.

 

31 octobre : Je quitte les positions à 4 h du matin. J'arrive aux échelons à 8 h . Rassemblement au parc des prises à 8 45. Nous allons défiler à Soissons avec les pièces boches et quelques uns vont recevoir des décorations. A 12 h 30 nous foulons les rues de Soissons. A 3 h nous passons la revue par le général Maistres,  Ct la 5ème armée, l'armée victorieuse de l'Aisne. C'est encore moi qui est l'honneur de conduire les pièces au parc. Alors je rentre à 8 h aux échelons.

 

 1er novembre 1917 : Nous sommes relevés, seulement on nous envoie au repos par étape. Nous allons laisser les chevaux en route. Ah les pauvres bêtes elles sont encore plus malades que nous. On va les retaper. Nous cantonnons le soir à Chaudin.

 

2 novembre : Départ 6 h nous marchons au pas, les chevaux en ont plus que nous et nous nous en avons assez aussi. Cantonnons le soir à Cocherel. Nous y sommes très bien reçus. Grand nettoyage car demain nous passons à Meaux.  

 

4 novembre : Départ 6 h 30. C'est la dernière étape, ce n'est pas dommage car chevaux et hommes sont sur les genoux. Enfin on défile à Meaux et nous allons cantonner à Pont aux Dames à 8 km de Meaux. On parle des perm à 50/100. Je partirai peut-être un des premiers. Tous les sous off et les brigadiers sont logés nous sommes reçus à bras ouverts.

 

5 novembre : On me prévient que je dois partir aujourd'hui, je n'ai que le temps de me préparer. Je suis heureux de filer mais je n'ai rien à me mettre sur le dos. Cela ne fait rien. On prend le train à Crécy. En route pour le pays. J'arrive le 6 mais suivant les conventions la perm n'est signée que le 7.

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Réalisée le 10 juin 2007  André Cochet
Mise sur le Web le  juin 2007

Christian Flages