Une filleule de Bordeaux ....

           

Rions.

Chapitres :

Préface.

Période avant 1789.

Période révolutionnaire.

 Variétés.

Origine de Rions. La Villa Chrétienne.
Plan de la ville.
Rôle politique et militaire de Rions.
La Baronnie.
Coutumes et privilèges. 
Texte traduit du  gascon.

Période antérieure

 à 

1789.

 

L'histoire de la ville de Rions, « Filleule » de Bordeaux, n'a jamais été rédigée. Ses éléments épars se trouvent dans les écrits des chroniqueurs qui se sont occupés du passé de Bordeaux ou de la Guienne, tels que : De Lurbe, Darnal, Ponthelier, Tillet, Gaufreteau, de Cruseau, O'Reilly, etc.

Néanmoins, les renseignements puisés à cette source ne sauraient être admis sans vérification, car il n'est pas rare de voir ces auteurs placer un même événement à des dates très différentes.

La Guienne militaire de Léo Drouyn constitue actuellement le relevé chronologique le plus complet des faits principaux méritant une mention dans les annales rionnaises. Comme sources supplémentaires et instruments de contrôle, il y a lieu de recourir aux belles publications de la Municipalité bordelaise (Livre des Bouillons, Livre des Privilèges, Livre des Coutumes, Registres de la Jurade) et de consulter la très importante collection des volumes de la Société des Archives historiques de la Gironde, sans oublier les archives elles-mêmes de la commune de Rions, qui renferment encore bien des richesses inexploitées.

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Les Comptes rendus de la Commission des monuments et documents historiques de la Gironde fournissent, eux aussi, d'utiles renseignements. Il y a lieu de signaler enfin les Rôles Gascons et la Gallia christiana.

A Rions même, où l'enseignement a toujours été l'objet d'un culte particulier, quelques citoyens éclairés se sont appliqués à sauvegarder le souvenir du passé glorieux de leur chère cité; leurs noms respectés sont encore présents à la mémoire de tous. Signalons, pour terminer, que Rions doit à M. Ferdinand Cardez la conservation et la restauration de la porte fortifiée du Lhyan, dont l'imposante silhouette évoque le fier souvenir des luttes épiques du «bon vieux temps. »

 

Origines de Rions. La « Villa » Chrétienne.

Rions est situé sur la rive droite de la Garonne, à trente kilomètres environ de Bordeaux, en pleine Benauge. La ville est construite sur une plate forme de rochers surplombant, à pic, d'une hauteur respectable, la plaine d'alluvion qui forme la berge du fleuve. La Garonne baignait autrefois le pied de l'escarpement, elle s'en est éloignée depuis plusieurs siècles.

Par sa position défensive naturelle, cet emplacement était de nature à attirer l'attention des premiers habitants de la contrée, il ne parait pourtant pas avoir été occupé à l'époque de la préhistoire.

A la base du rocher s'ouvraient plusieurs grottes, mais aucune d'elles n'a fourni le moindre témoignage d'une utilisation aussi reculée. Deux de ces grottes subsistent à l'heure actuelle. Dans la principale jaillit une fontaine transformée, de temps immémorial, en lavoir et dénommée fontaine de Charles VII. Ce monarque, d'après la légende, se serait reposé un jour auprès de cette source lors de la conquête de la Guienne.

Dans la seconde grotte, que Léo Drouyn indiquait encore comme très vaste en 1865, mais qui a presque entièrement disparu depuis, sous l'affaissement envahissant des terrains voisins, le même Léo Drouyn a signalé aussi une inscription gothique dont il a relevé le texte (Guienne militaire I. p. 25). Cette inscription n'existe plus. Les fouilles n'ont jamais, sur aucun point de la commune, mis à jour de silex taillés, de haches de pierre, d'armes de bronze, etc. ; elles ont seulement fait apparaître des vestiges de mosaïque d'origine gallo-romaine, et amené la découverte d'un cimetière de la même époque.

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Ces indications archéologiques sont conformes à ce que l'on sait, de façon positive, sur l'origine de Rions.

Au début, Rions a été l'une de ces fameuses « villas » gallo romaines, la plupart fort somptueuses, qui du IVème au VIème  siècle dominèrent cette belle et riche contrée.

  Notes : Inscriptions romaines de Bordeaux, par Camille Jullian op. cit (t. II. p. 148)  

Paulin de Nole, Pontius Léontius, l'évêque Léonce et Ausone, possédèrent les plus belles.

  Notes : La villa de saint Paulin (Hebromagus) était dans le voisinage immédiat de Langon (Camille Jullian, toc. cit. p. 141) ; la villa de Pontius Leontius, chantée par Sidoine Apollinaire, était à Bourg (Camille Jullian, toc. cit. p. 158 159); (Conférence de M. Paul Courteault, in Archives historiques de la Gironde, t. XXXIV. p. 501) ; (E. Maufras : Histoire de Bourg sur Gironde depuis sa fondation jusqu'en 1789, Bordeaux 1898, (p. 7 9).

La « villa » de Rions (Reontium) était voisine de la « villa » Vereginis de l'évêque Léonce II, célébrée par le poète Fortunat.

M. Camille Jullian a, en effet, placé la « villa » Vereginis, avec beaucoup de vraisemblance, à Baurech.

  Notes : Inscriptions romaines de Bordeaux, par Camille Jullian op. cit (t. II. p. 145-146)  

La « villa » Reontium avait également comme proche voisine la «villula » d'Ausone.

Cette « villula » avait été sans cesse confondue avec la célèbre « villa » Lucaniacus de l'illustre poète bordelais, jusqu'au jour où M. Reinhold Dezeimeris, éclairé par la lecture sagace des textes de son auteur latin favori, est arrivé à faire cesser cette confusion.

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M. Dezeimeris a pu déterminer l'emplacement exact de la « villula » en l'identifiant, de façon certaine, avec les ruines gallo-romaines qui existent à quelques centaines de mètres de Loupiac de Cadillac.

  Notes : Voir le mémoire de M. R. Dezeinieris dans les Actes de l'Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux, année 1868 (Compte rendu de la séance du 12 novembre 1868, p. 40 et s.) ec année 1869 (Compte rendu de la séance du 22 juillet 1869, p. 132).

La « villa » Reontium appartenait sans doute à quelque riche bordelais, mais le nom de son propriétaire est demeuré enseveli dans l'oubli. Il était chrétien, on ne sait rien de plus sur son compte.

D'après le témoignage de saint Grégoire de Tours la « villa » Reontium possédait une église catholique qui fut souillée de l'arianisme lors de l'invasion des Goths.

  Notes : Camille Jullian. (Op. cit. t. Il. p. 146). « Haud secus et Reontio villa est, in qua cum esset ecclesia catholica, advenientibus Gothis, ad suam sectae immunditatem eam transtulerunt. »

 L'existence d'une église à cette époque, et sur ce point de notre territoire, n'est pas pour surprendre; ce coin de la Benauge, avec Saint Macaire, Verdelais, Bouliac et autres lieux de miracles et de pèlerinages signalés par M. Jullian, peut-être considéré comme ayant été :  le berceau d'abord, puis le foyer du christianisme dans la cité de Bordeaux »

  Notes : Inscriptions romaines de Bordeaux, par Camille Jullian  (op. cit.  t. II. p. 144-147)  

La question s'est posée de savoir si Ausone lui même n'était pas chrétien; elle est encore vivement controversée.

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A mesure que les temps devinrent moins sûrs, et la paix romaine moins efficace, sous la menace perpétuelle des incursions des Barbares, une population se groupa autour de la « villa » et de son église, ce fut la Première agglomération rionnaise. 

Cette Origine n'a rien de commun avec celle des  bastides  telles que Sauveterre, Créon et Cadillac qui s'élevèrent presque à ses côtés, au XIIIème, siècle, sous l'inspiration et la protection des Anglais, et furent construites sur le plan en échiquier cher aux Anglo-Saxons.

La Gallia christiana cite Rions parmi les plus vieilles cités de l'Aquitaine.

  Notes :  Gallia christiana (t. II P. 786)

            Cf. Les filleules de Bordeaux : « Rions », conférence faite à l'Athénée municipal de Bordeaux, le 17 janvier 1902, et à Rions, le 20 mars 1902, par M. Joseph Barrère, avocat à la Cour d'appel. (v. Archives historiques de la Gironde, t. XXXVIII p. 562 et s.).  

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Rôle Politique et militaire de Rions.

Les historiens signalent que Rions eut à souffrir successivement des invasions des Sarrazins (731) et des Normands (857)

Depuis ces temps reculés le sort de Rions a été intimement lié à celui de la Guienne et de Bordeaux. Son histoire se rattache souvent aussi à celle de la célèbre abbaye de La Sauve.

Le 29 octobre 1079 (1), un moine fameux, Geraldus, (saint Gérald ou saint Gérard), traversant le pays, à la recherche d'un emplacement favorable à la fondation d'un monastère, découvrit dans la Sylva Major (la Sauve Majeure) les ruines abandonnées du château d'Hauteville (Altus villaris, Hautevilla ou Hautevilliers), à dix kilomètres environ de Rions. L'endroit lui parut propice, il s'y arrêta, et divers signes miraculeux l'assurèrent de la bénédiction du ciel.  

  Notes :  Gallia christiana. (t. II. Instrumenta ecclesiae burdigalensis, p. 314).  

  Histoire de l'abbaye et congrégation de Notre Dame de la Grande Sauve, par Cirot de la Ville (t. I. p. 260 et s.).

  Histoire de la Sauve Majeur, manuscrit de Dom Étienne du Laura, de l'ordre de Saint Benoît. (copie de M. Léo Drouyn. p. 33 et s.-37.)

La moitié du terrain allodial sur lequel saint Gérard avait jeté son dévolu appartenait au seigneur Auger de Rions; celui ci s'empressa d'en faire don à saint Gérard et se démit également, en faveur du saint religieux, du droit de justice et du droit à la dîme qu'il possédait sur la contrée.

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La propriété de l'autre moitié du terrain appartenait à un certain nombre d'intéressés (nam alterius medietatis multi participes erant) qui s'empressèrent de suivre le généreux exemple d'Auger de Rions. La première pierre fut posée le 11 mai 1080. Mais presque aussitôt de graves difficultés s'élevèrent, menaçant l'oeuvre entreprise par saint Gérard. L'une d'elles se rattache à l'histoire de Rions, c'est la seule qu'il convienne de rappeler.

  Notes :  Gallia christiana (t. II P. 314-315) Cirot de la Ville (op. cit. p. 264 et s.); Du Laura (op. cit. p. 43 et s.).

A peine saint Gérard avait il commencé la construction de son église et réglé un premier conflit avec l'abbé Drogon, du monastère de Maillezais

qu'un nouvel obstacle surgit. Le seigneur Bernard d'Escoussans se prétendit propriétaire d'une partie du terrain sur lequel allait s'élever l'édifice sacré et protesta vivement contre la générosité d'Auger de Rions, générosité faite aux dépens de ses voisins.

  Notes :  Du Laura (op. cit. p. 45  

Les juges bordelais saisis du litige s'en remirent à la justice de Dieu et ordonnèrent le combat judiciaire.

  Notes :  La procédure du combat judiciaire à Bordeaux se trouve rapportée dans le Livre des Coutumes publié par la Municipalité bordelaise. V. aussi : Coutumes de Bordeaux, des frères Lamothe (édition de 1769, p. 411 et s.)

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Saint Gérard s'empressa d'intervenir pour empêcher la rencontre ; ses efforts amenèrent une transaction entre ces orgueils féodaux en conflit. Le duel n'eut pas lieu. Auger de Rions consentit à céder le terrain litigieux à Bernard d'Escoussans, celui-ci, de son côté, s'engageait à le rétrocéder séance tenante à saint Gérard.

Saint Gérard n'oublia jamais ses amis de la première heure et, même après sa mort, survenue le 5 avril 1095, sa reconnaissance se manifesta parfois, suivant la légende, de façon miraculeuse. C'est ainsi que, bien des années plus tard, Olivier de Rions, fils du bienfaiteur de l'abbaye, étant tombé entre les mains de ses ennemis, saint Gérard lui apparut et le délivra dans des circonstances merveilleuses que la chronique de l'abbaye de La Sauve a pieusement conservées.

  Notes :   Du Laura (op. cit. p. 66). Cirot de la Ville (op. cit. t.I. p. 430).

Les relations toujours cordiales des seigneurs de Rions et de l'abbaye se troublèrent cependant une fois.

En 1184, une difficulté mit aux prises le neuvième abbé de La Sauve, Raymond de Laubesq (ou de Laubec), avec les seigneurs Guillaume de Curton et Richard de Rions. Il s'agissait de la justice de Corbelac. Tout d'abord les deux seigneurs, n'ayant pas daigné comparaître devant l'archevêque de Bordeaux saisi du différent, furent frappés d'excommunication (in eos excommunicationis tulit sententiam). Ils acceptèrent alors de s'incliner devant la prétention de l'abbaye si l'abbé pouvait faire affirmer, sous la foi du. serment, par l'un de ses religieux, que le droit de justice, objet du litige, appartenait réellement à l'abbaye.

  Notes :  Gallia christiana (t. Il. p. 870 et Instrumenta ecelesiae burdigalensis, p. 284). Cirot de la Ville (op. cit. p. 280)

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Au jour fixé, 10 avril, l'abbé se rendit dans l'église du bourg de La Sauve, et là, devant les fidèles accourus en foule, présenta un frère convers, d'âge avancé, d'une honnêteté certaine et éprouvée

(virum utique honestum, grandaevum, longa conversionis conversatione probatum)  

prêt à fournir le serment demandé. Guillaume de Curton, grand seigneur, abandonna sur le champ sa revendication. Richard de Rions, seul, persista dans sa résistance, mais sans succès; il dut se retirer couvert de confusion (confusus, convictus ac redargutus), après avoir assisté au triomphe de l'abbaye.

L'abbaye de La Sauve ne garda pas rancune aux seigneurs de Rions. En l'année 1192, le même Raymond de Laubesq s'étant démis de ses fonctions d'abbé pour faire pénitence en un lieu plus solitaire encore que La Sauve, choisit une petite localité, tout à côté de Rions, où se trouvaient les ruines d'une antique chapelle, dite de Saint Jean de Campaignes, qui avait possédé autrefois de saintes reliques et appartenait à son frère, Bernard de Laubesq. Raymond de Laubesq demanda à l'archevêque de Bordeaux, Élie de Malemort, l'autorisation de relever cette chapelle et fonda ainsi, en 1200, le prieuré de Saint Jean de Campaignes qui disparut au XV ème siècle.

  Notes :   Gallia christiana (t. II P. 870)               Cf. Du Laura (op. cit. p. 309 310  

Aujourd'hui le château de Jourdan s'élève sur les ruines de ce prieuré.

Depuis cette époque, les événements militaires, autrement dramatiques, se multiplièrent dans l'histoire de Rions.

  Notes :  Compte rendu des travaux de la Commission des monuments et documents historiques de la Gironde (année 1850-1851 p. 29). V. aussi Guienne militaire (t. I. p. 18).  

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Zoom sur l'image.

Pendant la guerre de 1294, sous le règne de Philippe le Bel, les Anglais prirent Rions. 

Le connétable Raoul de Nesle et Charles de Valois, qui commandaient la Guienne pour le roi de France, sortirent de Bordeaux avec une armée pour reprendre les places tombées au pouvoir des Anglais. Pour venir à bout de Rion s, dont la résistance était des plus opiniâtres, Charles de Valois s'avisa d'un expédient barbare; il fit pendre, devant les murailles assiégées, soixante notables capturés à Podensac par Raoul de Nesle.

Ce spectacle, précurseur d'un traitement analogue, jeta la consternation dans la garnison anglaise, qui s'empressa de battre en retraite et de se réfugier sur ses navires, poursuivie par les Rionnais indignés de se voir ainsi abandonnés.

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Charles de Valois profitant du désarroi des défenseurs s'empara de Rions. La garnison fut passée au fil de l'épée, le château détruit, les murailles rasées.

Si l'on en croit les historiens, s'appuyant sur un passage des Rôles gascons, Rions se serait alors trouvé sans murailles jusqu'en 1330, époque à laquelle Édouard III aurait autorisé Guillaume Seguin, seigneur de Rions, à relever ces murailles « aux dépens de la couronne d'Angleterre »

  Notes :  Guienne militaire (t. I, p. 18). Commission des monuments historiques de la Gironde (année 1850-51, p. 29).

Mais le texte des Rôles gascons qui est ainsi visé semble devoir être interprété de façon différente. Le seigneur de Rions dut probablement relever assez vite les murs de la cité. Les Rôles gascons disent seulement qu'il s'en fit rembourser, en 1330, par Édouard III.

  Notes : «  Pro Guillelmo Segini domino de Rynuncio habendo expensas suas pro constructione murorum circa villam de Rynuncio ... » Rôles gascons (t. I, p. 73).  

Il paraît peu vraisemblable, d'ailleurs, que la ville soit demeurée sans défense, ouverte à tous, pendant près de quarante ans.

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Au cours de la guerre de Cent Ans, Rions, comme Bordeaux et autres villes de la région, fut alternativement pris et repris par les Anglais et les Français suivant les vicissitudes de succès et de revers des armées en présence.

En 1316, Rions fut pris par les Anglais commandés par le duc de Lancastre et Gautier de Mauny.

  Notes :   (Guienne militaire, t. I, p. 18).  

En l'année 1379, la Ville de Bordeaux, obéissant à une pensée politique qui n'a jamais été clairement précisée, entreprit d'organiser une sorte de confédération des principales cités de la région bordelaise.

  Notes : De Lurbe (Chronique bourdeloise, f. 30 recto).

 Son appel fuit entendu par huit d'entre elles. Blaye, Bourg, Libourne, Saint Emilion, Castillon, Cadillac, Saint Macaire et Rions conclurent avec la capitale de la Guienne une alliance défensive et offensive, dont les conditions furent sans doute les mêmes pour toutes et dont le texte nous a été conservé pour la ville de Bourg.

  Notes :  V. le texte de ce traité du 18 juillet 1379 ; « Liguantia facta inter civitatem Burdegale et villam de Burgo », dans le Livre des Bouillons (t.I des Archives municipales), Bordeaux, Gounouilhou 1867 (p. 440). Le traité conclu avec la ville de Saint Macaire figure dans l'inventaire des archives de l'Hôtel de Ville de Bordeaux de 1388 reproduit dans le Livre des Coutumes (t. V des Archives municipales de Bordeaux), Gounouilhou 1890 (p. 417).  

Depuis lors, dit de Lurbe, ces huit villes «sont appelées filleules de la dicte ville de Bourdeaux ».  

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Le simple examen d'une carte de la région permet de constater que ce n'est point à la légère que Bordeaux a choisi ses filleules. Au point de vue militaire, les places de Blaye, Bourg, Libourne, Saint Emilion et Castillon constituaient une première et solide ligne de défense contre un ennemi venu du Nord, tandis que Cadillac, Rions et Saint Macaire, formaient une seconde ligne, doublant l'aile droite de la première, et complétant vers le nord-est l'éventail protecteur derrière lequel Bordeaux se préparait à profiter de l'interminable conflit de la France et de l'Angleterre pour se soustraire à la domination du roi de France, tout en caressant l'idée de se débarrasser aussi, plus tard, de celle des Anglais.

Quoi qu'il en soit, les huit villes ainsi affiliées à la fortune de la capitale de la Guienne prirent le nom de « filleules ». L'origine et la raison d'être de cette appellation sont demeurées aussi obscures que le but de la confédération même. Les plus savantes conjectures se sont donné libre cours à ce sujet.

En 1404, Rions tenait pour le roi de France.

En 1420, les bordelais, agissant pour le compte du roi d'Angleterre, vinrent l'assiéger. Le siège fut long. Les registres de la jurade bordelaise contiennent une série de délibérations relatives à cette expédition militaire (vote de crédits, ordres aux canonniers, etc.)

  Notes :  Archives municipales de Bordeaux. Registres de la Jurade, 1411-1422 (t. II, passim).

Les opérations se prolongèrent pendant les mois de juin et de juillet. Pour arriver à réduire sa « filleule », Bordeaux dut employer les grands moyens et utiliser notamment la fameuse bombarde dont les boulets de pierre pesaient « VII quintaus ». Rions fut pris, mais pendant bien des mois encore la jurade bordelaise eut à prendre des dispositions financières pour achever de payer les frais nécessités par ce siège.

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Au mois de mai 1451, Rions fut assiégé par un corps de l'armée de Charles VII commandée par le comte d'Armagnac (Guienne militaire, t.I, p. 19) et rentra sous la domination française par l'effet du traité du 20 juin 1451. Par ce traité, les bordelais avaient promis de se rendre s'ils n'étaient pas secourus par les Anglais le 23 juin.

  Notes :  V. le texte de ce traité du 20 juin 1451 dans le Livre des Bouillons (p. 533 et s.)

En attendant l'expiration de ce délai, Rions fut l'une des villes données en gage et « baillée ès mains de mon seigneur le comte de Dunois ». Ce fut la première conquête de la Guienne par Charles VII.

L'année suivante, au mépris de la foi jurée, Bordeaux ayant rappelé les Anglais, le vieux Talbot revint à la tête d'une dernière armée anglaise, mais il fut battu et tué, comme on sait, à la bataille de Castillon le 16 juillet 1453, et la Guienne rentra, pour toujours, au sein de la patrie française.

Rions qui avait pris part à la révolte de Bordeaux, ne se rendit aux Français qu'après une résistance aussi désespérée qu'inutile.

  Notes :  Guienne militaire (t. I, p. 19).

Rions a revu les Anglais en 1814. Après la bataille de Toulouse, leur armée, refoulant le maréchal Soult, remontait la rive gauche de la Garonne avec Bordeaux comme objectif. Leur chef, lord Beresford, se souvenant de l'antique cité de Rions, supposa, sans doute, qu'elle était demeurée une place forte dont la valeur militaire était touJours à la hauteur de sa réputation. En conséquence, il la traita comme telle et lui adressa une sommation régulière. Rions dut négocier une reddition en règle. Le commandant de la garde nationale, M. Marc Bordes, signa une capitulation conforme aux lois de la guerre et au protocole militaire.

  Notes :  Guienne militaire (t. I, p. 20).

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Le dernier écho des relations de Rions avec l'Angleterre a retenti, il y a quelques années à peine, véritable prélude de « l'entente cordiale ». Le 12 septembre 1895, le Lord Maire de Londres, Son Excellence lord Renals, accompagné de la gracieuse Lady Mayoress, venu à Bordeaux, à l'occasion de l'Exposition de la Société Philomathique, avait inscrit sur son programme une visite à Rions. Cette visite avait été fixée au retour d'une excursion dans le pays de Sauternes. Par suite de divers retards dans l'emploi de leur journée, les deux illustres visiteurs durent, à leur grand regret, brûler cette dernière étape. M. Ferdinand Cardez, alors maire de Rions, fit parvenir à Son Excellence lord Renals le texte du discours de bienvenue qu'il lui avait destiné, et le Lord Maire traduisit ses sentiments de gratitude dans une lettre que les journaux de Bordeaux ont tenu à reproduire.

Le discours de M. F. Cardez a été publié par le Bordeaux Journal (n° du 15 septembre 1895).   La lettre de S. E. le Lord Maire a été publiée par le même journal (n° du 16 septembre).

Cette lettre était accompagnée des photographies de Lady Mayoress et du Lord Maire, avec dédicaces des plus aimables.

A la guerre de Cent Ans succéda, pour Rions, la longue période des guerres religieuses et des convulsions politiques de la Ligue et de la Fronde.

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Au mois d'octobre 1590, pendant les troubles qui suivirent l'avènement d'Henri IV, alors que Paris tenait pour la Ligue, Rions fut surpris et occupé par les Ligueurs.

  Notes :  De Lurbe (Chronique bourdeloise, f. 50 verso).

  François Gébelin. Le gouvernement dit maréchal de Matignon pendant les premières années du règne d'Henri IV. (Revue historique de Bordeaux, année 1910, p. 113-275).  

Le maréchal de Matignon venu de Bordeaux pour reprendre la ville se heurta à une résistance telle qu'il dut négocier et accorder aux rebelles une capitulation honorable.

En 1652, les Rionnais repoussèrent le fameux marquis de Galapian.

Depuis lors, et jusqu'en 1789, Rions a vécu tranquille, son rôle dans l'histoire politique et militaire de la Guienne était terminé.

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La Baronnie.

 

A l'époque de la féodalité, la terre, en principe, n'était pas libre, et le régime féodal s'appliqua pleinement à la ville de Rions. Son territoire dépendait du comté de Benauge et avait été érigé en baronnie. Il comprenait les terres et paroisses de Virelade, Cérons, Barsac, Illats et Loupiac.

  Notes :   Guienne militaire (t. I, p. 18)

Guienne militaire (t.I, p. 18). Compte rendu des travaux de la Commission des monuments et documents historiques de la Gironde (année 1850-51, p. 29).

Ses premiers seigneurs appartenaient à la famille Seguin, qui semble descendre d'un Seguin, lieutenant de Charles le Chauve en Aquitaine en 857, et même du comte Seguin, lieutenant de Charlemagne.

  Notes :  Commission des monuments historiques de la Gironde (années 1850 51, p. 29). Guienne militaire (t.I, p. 17). M. Léo Drouyn signale qu'en 1485 un Seguin était encore seigneur de Rions.  

En 1317, « Bérard d'Albret acheta de Guilhem Seguin, de Rions, le château et la justice de Rions, qu'il lui vendit par inféodation à la suite d'un long procès en 1327 ».

  Notes :  Guienne militaire (t. I, p. 18)

Rions eut ainsi l'honneur d'avoir successivement pour seigneurs le captal de Buch, le roi de Navarre, Henri IV et Louis XIII.

  Notes :   Guienne militaire (t. I, p. 20)

La baronnie de Rions passa ensuite au duc d'Épernon, à la famille de Chabannes Carton, à la famille de Ribérac, enfin, de 1724 jusqu'à la Révolution, à la maison de Sallegourde.

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Les armoiries de Charles d'Albret, comte de Dreux et captal de Buch, figurent encore sur un écusson de pierre, sculpté au dessus de la porte du clocher de l'église Saint Seurin de Rions; elles ont été décrites par Léo Drouyn.

  Notes :   Guienne militaire (t. I, p. 27)

« Charles d'Albret portait en ses armes . écartelé de Foix, qui est d'or à trois pals de gueules, et de Béarn, qui est d'or à deux vaches de gueules, passantes, accolées, clarinées et accornées d'azur. »

La tradition des habitants  veut que la Ville ait reçu de Charles d'Albret l'autorisation de porter ces armoiries. Le fait qu'elles ont été sculptées sur le clocher de l'église de la vieille cité corrobore puissamment cette tradition.

Sauf en deux circonstances, qui seront indiquées plus loin, Rions n'eut pas à se plaindre de ses barons et vécut en paix avec eux.

 

Coutumes et Privilèges.

 

D'une manière générale, les seigneurs de Rions entretinrent avec la cité des rapports empreints de bienveillance et de libéralisme. Ils paraissent lui avoir accordé sans difficulté toutes les franchises et libertés, compatibles avec l'état social de ces temps imprégnés des mœurs et idées féodales.  

Dès 1328, Bérard d'Albret fit recueillir et rédiger les coutumes de Rions et en octroya officiellement les privilèges à ses habitants. Ces privilèges, franchises et libertés furent successivement confirmés en 1463 par Charles d'Albret, comte de Dreux et captal de Buch, puis en 1585 par le duc d'Albret, roi de Navarre, qui depuis, fut Henri IV, et enfin, en 1655, par lettres patentes de Louis XIV, enregistrées parle Parlement de Bordeaux, le 23 février 1656.

  Notes :   Guienne militaire (t. I, p. 18)

                 Commission des monuments historiques de la Gironde (année 1850-51, p. 29-35).

Aux termes de ces coutumes ou privilèges, primitivement rédigés en gascon et traduits en français en 1585, Rions était administré par quatre jurats, dont les fonctions étaient annuelles, assistés d'un corps de prud'hommes composé de seize notables recrutés parmi les bourgeois les plus considérables de la ville. Ces seize bourgeois étaient nommés à vie et constituaient le Conseil de la ville.

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Huit de ces bourgeois étaient eux-mêmes nommés par les jurats, les huit autres étaient désignés par les officiers représentant le seigneur d'Albret. C'est dans le Conseil de la ville que les jurats étaient choisis chaque année.

Les pouvoirs des jurats, limités d'un côté par l'autorité des officiers seigneuriaux, et d'un autre côté par le contrôle du Conseil de ville, se réduisaient à peu près exclusivement à des fonctions de police.

La réglementation de la vente du vin tient la plus grande place dans ces privilèges, ainsi que l'on peut s'en rendre compte par la lecture des nombreux articles qui sont consacrés à cette importante question.

  Notes :   La traduction française des privilèges de Rions, faite en 1585, figure dans le Compte rendu des travaux de la Commission des monuments historiques de la Gironde (année 1850-51, p. 29).

   Le texte publié ci dessus a été relevé par M. Durepaire dans les archives même de Rions.

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Voici le texte de ces privilèges :

 

S'ensuict le cayer des privilèges, franchises, libertés ci-devant octroyés par les sires d'Albret et confirmés de main en main aux bourgeois de la  ville de Rions avec d'autres articles les tous tandant tant à la conservation des droicts du roy de Navarre, duc d'Albret, qu'au bien, proffict, soulagement commun des dicts de Rions :

Premièrement, est ordonné que, appelé le juge procureur et autres officiers du roy de Navarre, duc d'Albret, et la pluspart des habitans de la dicte ville par advis d'iceux habitans, les dicts officiers et jurats esliront la présente année, le jour accoustumé muer la jurade, scavoir :

Le nombre de sèze personnages des plus aparans et notables bourgeois restans en la dicte ville pour, leur vie durant, estre prud'hommes et du Conseil de ville, desquels sèze les juratz quy sont à présent en charge en nommeront huict, sçavoir chacun des dicts juratz deux, desquels les dicts prud'hommes en esliront quatre qu'ils penseront estre les plus propres pour être créés juratz pour l'année ensuivant. et ainsin sera faict d'année en année et eslus qu'ils seront presteront le serment entre les mains des officiers et selon qu'il est de touct temps accoustumé, sans que les juratz ainsi eslus puissent rien faire ny administrer sans l'advis des dicts officiers et prud'hommes.

  Il Item. Ceux quy sortiront de charge ne pourront être esleus juratz de trois ans après sans nécessité.

  III Item. Seront tenus les dicts prud'hommes lorsqu'ils seront appelés par les dicts juratz, se trouver aux délibérations qu'il conviendra faire pour le bien public, à peine de vingt cinq sols contre chacun défaillant, pour raison de laquelle somme seront exécutés, nonobstant oppositions ou appellations, sauf s'ils avoient excuse légitime ou d'absence ou de maladie ; sera enjoint à tous les habitans de la dicte ville et juridiction, à peine de désobéissance et rebellion, obéir aux dicts juratz ez choses qui concernent leurs estats et offices et en événement qu'il se trouvât personne quy les provoca de faict ou de parolle, se trouvât faire ou dire chose aucune par irrévérence, leur sera permis les mettre ez prisons de la jurade quy sont en la dicte ville et illec les tenir par l'espace de vingt quatre heures ou plus longtemps, selon l'exigence du cas , et pour l'irrévérence, désobéissance et rébellion les condemner jusqu'à la somme de soixante sols.  

IV Item. Pourront les dicts juratz s'ils treuvent quelqu'un se quereller et entrebattre par les ruhes, les prendre sur l'heure et iceux mener et conduire ez prisons de la dicte jurade pour y être tenus par l'espace de vingt quatre heures ; et s'il s'y trouve crisme qui mérite plus grande punition que de prison, les dellivrer ez mains du prévot pour les conduire ez prisons du dict Rions, pour la leur estre faict leur procès, suivant l'exigence du cas.  

V Item. Seront tenus les babitans de la dicte ville et paroisse obéir aux dictz juratz pour les affaires publicqs et réparations de la dicte  ville et y aller travailler par manoeuvres et ainsin qu'il sera advisé, à peine de sept sols six deniers dont seront exécutés les reffusans et deslayans chasques fois qu'ilz seront trouvés reffusans, nonobstant opposition ou appellation quelconque.  

VI Item. Sera permis aux dictz bourgeois, manans et habitans du dict Rions, passer et repasser avec leurs bateaux et filladières de Ruscaudy, juridiction de Rions à Poudensac, non sullement les jours de foire, mais tous les autres jours et à toutes heures ainsin qu'il est de tout temps accoustumé, s'ans qu'ilz puissent pour raison de ce ny de ce qu'ilz passeront avec leurs dicts bateaux estre en rien tenuz aux seigneurs de Poudensac.  

VII Item. Pourront les ditz bourgeois, manans et habitans du dict Rions mettre et tenir à la pêche à la bette (fossé) de Ruscaudy, trois tressons ou tresses en payant au dict sieur la huitaine du poisson qu'ilz prendront en la dicte pêche, le tout selon ce qu'ils ont accoustumé de tout temps.

 VIII Item. Ne pourra aucun étranger ne privé mettre  vin en la dicte ville de Rions, sinon bourgeois et habitans de Rions, en considération duquel, par coustume observée de tel temps dont n'est mémoire du contraire, aucun des dicts bourgeois, manans et habitans n'ont mis sans permission et ne pourront mettre cy après vin rebelle et estranger, c'est-à-dire recueilly en autre juridiction que celle du dict Rions ; et en cas qu'il sera trouvé que aucun des dicts bourgeois, manans et habitans de la dicte ville et juridiction en y aurait mis d'ailleurs, sera le dict vin pris, saisy par les dicts juratz comme rebelle et estranger et conduict sur  le grand quanton et ruhe publicque, pour assembler par les dicts juratz, les dicts prud'hommes, défoncer illec le dict vin, estre distribué et baillé aux pauvres et à tous autres qui en demanderont, et, ce faict, le bois et feust des dictes barriques ou autres vaisseaux estre brûlé publicquement au lieu même; et celluy quy appartiendra le dict vin, s'il est bourgeois, sera pour infraction des ditz privilèges, contrevention à iceux, privé de tout droict de bourgeoisie et condamné à l'amende de dix livres ; et s'il n'est bourgeois, les dictes barriques défoncées et le vin distribué et bois brûlé, comme dict est, et condamné à l'amende de  vingt livres, aplicables la moitié au dict sieur et l'autre moitié à la dicte ville.

IX Item. Pourra le dict seigneur, lorsqu'il sera en la dicte ville, porter du vin d'où bon lui semblera pour luy, son train et suitte pour leur provision.  

X Item. Que aucungns des hostes, soict u port de Béguey ou d'ailleurs en la dicte juridiction ne pourront accepter vin pour vendre et débiter en leurs hostelleries, en charger ny nullement mettre à couvert, s'il n'est du creu et recueilhv dans la dicte juridiction, à peine, s'il leur  en est trouvé d'estre défoncé, distribué et le bois brûlé comme dessus est dict; et en outre sy celluy quy sera trouvé saisy du dict vin est bourgeois, sera privé du droict de bourgeoisie et condamné en l'amende de dix livres, le non bourgeois en vingt livres, applicables comme dessus ; et en cas qu'il ne s'en trouvast du creu de la dicte juridiction, au préalable que les dictz hostelliers en puissent acheter d'autres lieux ; présenteront requeste par devant le juge ordinaire du dict Rions suivant la coustume ancienne et de tout temps observée contre les juratz à ce qu'ils soient pourveus de vins pour l'entretenement de leurs hostelleries, et enjoinct et recherché par la dicte ville pour sçavoir s'il s'en y trouvera pour les recherches et rapport faict au greffe en événement qu'il n'en soict trouvé, leur estre permis en prendre et acheter ailleurs où bon leur semblera pour l'entretenement de leurs hostelleries.  

XI Item. Pendant le mois du debet appelé mayade, autrement pendant lequel autre que le seigneur, ou celluy qui a droict du seigneur, ne peult vendre  vin en taverne et destail, sera tenu le fermier des droits du dict seigneur fournir de deux sortes de vin blanc et clairet, bon et suffisant comme de tout temps a esté faict; et où il fera faulte, les juratz seront tenus modérer le prix du dict vin blanc et clairet, sellon la valleur ou permettre aux dicts bourgeois de bailler liberté d'en vendre de leurs creus, à la charge de payer la coustume au dict fermier pendant les dicts mois.

 XII Item. S'il se trouve aucun bourgeois ou autre quy pendant le dict mois du debet ou mayade entreprenne vendre aucun vin à pot et à pinte, si non qu'il luy soit permis par les dicts juratz ou fermier d'icelluy, a faute comme dict est, que le fermier du dict seigneur n'en fournira de vin blanc et clairet, sera le dict vendeur, comme il est porté par les privilèges entiens, condamné en l'amende de soixante six sols envers le dit seigneur ou son recepveur fermier, pour le trouble a lui faict en ses droitz.  

XIII Item. Ne pourra le dict seigneur ou son fermier dudict debet, pendant ycelluy, vendre vin blanc et clairet à plus haut prix qu'il a été vendu en taverne et détail les derniers mois auparavant icelluy debet ; pendant lequel pourra  vendre vin blanc et clairet, bon et suffisant, de quelque juridiction que ce soigt de la sénéchaussée de Guvenne.

XIV Item. Ne sera permis à aucun habitant s'il n'est bourgeois tant de la dicte ville que paroisse, vendre son vin en taverne bien qu'il soit de la dicte juridiction et de son creu, et où ils mettroient leur vin en la dicte ville, sera marqué de la marque de la dicte ville pour estre comme vin non bourgeois, à ce qu'il ne puisse estre vendu tant qu'il s'en trouvera vin du creu des bourgeois en la dicte juridiction.

XV Item. Pour le droict de marque de vin non bourgeois qui entrera en la dicte ville, soict en vendange ou en vin provenu de la dicte vendange, sera payé cinq sols par thonneau, moitié au dict seigneur moitié à la dicte  ville.  

XVI Item. Que les dicts juratz pour les coustumes de la  ville appelé : le Soquet ou Lect (Lebt), prendront suivant qu'ils ont accoustumé, sur les dicts bourgeois ou vendans vin en détail, pour chasque barrique quy sera vendue six pots de vin ou sol tournois pour franc bourdellois, tant dans la dicte  ville que paroisse d'icelle.  

XVII Item. Auparavant mettre vin en taverne les bourgeois seront tenus appeler les juratz ou proches  voisins pour prendre le som (sem) et vide de la barrique qu'ils vendront et à faute de les avoir appelés, ou l'un d'eux, payeront entièrement les six pots de vin par barrique, ou sou tournois pour franc comme dict est, tant dans la dicte  ville que susdictes paroisses d'icelle.  

XVIII Item. Les dicts juratz à la fin de leur jurade rendront compte à leurs successeurs des deniers provenant du dict debet et coustumes de la ville, comme de tout le reste de leur charge et administration, les juge, procureur et prud'hommes appelés à leur dicte redition sans qu'ils soient tenus en appeler d'autres.

XIX Item. De l'argent provenant de la dicte coustume, autres que les bourgeois, ne s'en pourront prévaloir, ains seront convertis à leurs décharges aux affaires de la chose publicque.

XX Item. Que aucuns bourgeois ni babitans de la dicte ville ni jurisdixtion ne pourront mener paistre pourceaux, grandz ni petitz audessoubz le chemin appelé du Mitan, autrement du Deymary, par lequel on va du Tourne à Cadillac, et l'enclos appelé : le Deymary de Rions ; et sy les dictz pourceaux sont trouvés dans les bledz, vignes et jardins, sera permis aux propriétaires des lieux, les tuer, sans que pour raison de ce, ilz puissent estre poursuivis par justice, et ce suivant les entiens privilèges.  

XXI Item. Les dicts juratz. suivant la coustume entienne de laquelle ilz sont en possession immémoriale, pourront prendre en l'isle de Rions en toute saison les brebis, moutons, chèvres et pourceaux qu'ilz y trouveront paistre et icelles mener et conduire en la place du chasteau lesquelles pourront tenir vingt quatre heures sans les rendre au prévost; et prendront les dicts juratz pour chacun chef sept sols deniers de pignore, et pour pourceaux deux sols tournois, auparavant que les propriétaires d'icelles les puissent retirer d'entre leurs mains, sans toucher au droict du dit prévost sy elles lui avaient été données en garde.  

XXII Item. S'il se trouve aucungs pourceaux, brebis, moutons et chèvres, ni austres sortes de bestail gros et menus paistre dans les douves des fossés de la dicte ville, les pourront les dicts juratz prendre et pignorer, scavoir est : les brebis sept deniers pour chef, les pourceaux, boeufs et chèvres et autre bestail deux sols tournois ; et ne seront tenus dellivrer le dict bestail que la dicte somme et pignore ne leur soict payée et ce en tout temps.

XXIII Item. Le greffier et prévost ne pourront prendre outre et plus grand droict que celluy qu'ilz ont accoustumé de tout temps.

XXIV Item. Sera mis au tableau dans le parquet et auditoire de la cour du dict Rions, ou seront escritz par articles les droicts que les dicts greffier, prévost et sergens ont accoustumé de toute antiquité et doibvent prendre, sans que à l'advenir ilz en puissent prendre d'austres et de plus grands.

En foy et témoignage de quoy, nous Mathieu de Marsilly, docteur, et Pierre Paschal, licentiez ez droitz, commissaires du Roi de Navarre, duc d'Albret et maistres des requestes ordinaires de son hostel, nous sommes cy soubzsignés.

Le dix huitième jour du mois de Febvrier mil cinq cens quatre vingtz et cinq,

Ainsin signé

   M. de MARSILLY,                             PASCHAL,

Commissaire susdict.                      Commissaire susdict.

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Au mois d'avril 1565, Charles IX autorisa, par lettres patentes, la ville de Rions à tenir quatre foires, aux dates suivantes : 20 janvier (fête de saint Fabien), 25 avril (fête de saint Marc), 26 juin (fête de sainte Anne), 15 novembre (fête de la saint Martin), il autorisait en même temps un marché le lundi de chaque semaine.

Dans deux circonstances, Rions dut défendre ses franchises et privilèges contre les prétentions de ses derniers barons.

En 1688 (1), le vicomte de Ribérac, comte de Benauge et baron de Rions, avait nommé un jurat (Jean Granlocq) en dehors de la liste dressée par le corps des prud'hommes.

  Notes :   Inventaire sommaire des Archives départementales (Gironde). E. Suppt (t. I, n° 775).

La ville de Rions, jalouse de faire respecter sa charte municipale, se pourvut devant le parlement de Bordeaux. En 1689, un arrêt ordonna que le seigneur de Rions devrait choisir désormais les jurats sur une liste de huit personnes désignées conformément aux privilèges de la ville.

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Au mois de mars 1788, le seigneur de Rions, M. de Sallegourde s'étant fait remettre le texte original des privilèges, sous prétexte de les faire confirmer, refusa de remettre ce titre précieux. Il s'empara, en outre, des douves et fossés de la ville, convertis en jardins, affermés cent vingt livres; il se saisit aussi du droit de pêche, et ses officiers s'opposèrent à l'usage par les jurats de la prison municipale.

Les jurats de Rions demandèrent à l'Intendant de la province l'autorisation d'assigner M. de Sallegourde. Le procès fut introduit, mais la Révolution, en supprimant les droits et privilèges seigneuriaux et communaux, rendit inutile une solution judiciaire.

  Notes :   Inventaire sommaire des Archives départementales (Gironde) E. suppt (t. I, n° 779).

Rions préface.

 

Réalisée le 28 décembre  2005  André Cochet
Mise sur le Web le  décembre  2005

Christian Flages