Avant Propos

 

 

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L'idée du travail que l'on va découvrir m'est venue de fort loin.

 

C'était tout au début des années trente, et je pouvais bien avoir six ou sept ans. Je passais un jour par le quartier des MAROTS en compagnie de ma Grand Mère maternelle et nous nous étions arrêtés pour saluer une personne d'un grand âge, octogénaire probable, qui répondait au prénom inhabituel de TOSSAINTE.

 

TOSSAINTE....  déformation gasconne évidente de TOUSSAINTE... Et pourquoi pas TOSSAINTE puisqu'il y a bien des PASCALE et des NOËLLE...

Dans la conversation, je ne sais plus à quel propos, cette personne me dit ( en gascon, bien sûr ) en me désignant le Château que nous apercevions de loin :

"Vois-tu, petit, mon Grand Père m'a raconté qu'il était allé à la Messe dans ce Château..."

Je ne me souviens pas qu'elle m'en ai dit davantage; mais cela me fit l'effet d'une révélation.

 

Pour moi, jusqu'à l'heure, le Château de BUDOS n'avait été qu'une vaste ruine venue telle quelle de la nuit des temps et dont je n'avais jamais imaginé qu'elle puisse avoir jamais été autre chose que ce qu'elle était.

 

Par contre, un Grand Père était, à mon échelle du temps, un personnage proche et accessible. Que le Grand Père de TOSSAINTE ait pu assister à la Messe dans ce Château remettait en question toute ma vision des choses.  

Ces grands murs ruinés avaient donc réellement été habités ... Et même si ladite TOSSAINTE était d'un grand âge, le témoignage de son Grand Père ne pouvait pas situer l'évènement en des temps inaccessibles ... L'évocation de cette fameuse Messe faisait ainsi sortir ces vieilles pierres de leur passé mythique jusqu'à les rendre quasiment contemporaines. C'était évidemment très exagéré, mais j'avais bien du mal à mettre ces quelques idées en ordre.  

Dans l'instant, je restais coi. Mais tout cela me trottait par la tête. Je m'en ouvris à mes Parents qui, très probablement, avaient déjà entendu l'anecdote en d'autres circonstances. Toujours est-il q u'au terme d'explications, de dates et de calculs auxquels je n'entendis goutte, mon Père me confirma qu'il n'y avait rien d'invraisemblable en cela, et qu'au surplus, il y avait bien eu une Chapelle à l'intérieur du Château " à droite en entrant" me fût-il précisé; détail fidèlement conservé dans ma mémoire et que mes recherches ultérieures devaient parfaitement confirmer.

Le temps passant, j'en vins au stade des lectures d'IVANOHE, de la FLECIIE NOIRE, et autre QUENTIN DURWARD... Pour lors, mon imagination situait mal le Grand Père de TOSSAINTE, dans la Chapelle, au coude à coude avec des chevaliers bardés de fer et de cottes de mailles...

 

C'est vers l'âge de quinze ans que je remis de l'ordre dans ma chronologie, à peu près dans le même temps où je découvris, à la Mairie du Village, la collection des Registres Paroissiaux antérieurs à la Révolution. Ce fut pour moi une autre révélation et le début d'une modeste vocation d'historien local. Ce n'était plus seulement du Château qu'il s'agissait désormais, mais de toute la Paroisse, des laboureurs, des vignerons, journaliers et autres artisans ...

 

J'entrepris tout aussitôt de déchiffrer tout cela avec l'ardeur d'un néophyte, me fixant pour objectif premier l'établissement d'une généalogie familiale qui, vérifiée cinquante ans plus tard, devait se révéler à très peu près exacte.  

Bientôt, tous mes jeudis de lycéen furent consacrés à des recherches complémentaires aux Archives Départementales de la Gironde où je reçus, je m'en souviens encore, un accueil fort sympathique qui sut pallier l'inexpérience de mes seize ans.  

Puis vint le temps des études et de la vie professionnelle qui m'entraînèrent bien loin de ces occupations. Cette éclipse dura plus de quarante longues années. Simple éclipse à la vérité, car elle ne devait pas exclure , de temps à autres, la sauvegarde d'un souvenir, la collecte d'une anecdote ou la mise en attente d'un document découvert par hasard, le tout soigneusement consigné en prévision d'un avenir plus favorable à mes recherches. A la vérité, la petite flamme de l'intention ne s'est jamais éteinte.  

Venu le temps de la retraite et de la liberté retrouvée, j'ai repris mon travail là où je l'avais laissé.

 

Qui donc étaient ces contemporains du Grand Père de TOSSAINTE, qui, en telle ou telle circonstances avaient eu l'occasion d'assister à la messe au Château ?

 

De cette simple question est sortie l'idée d'une étude un peu approfondie sur la vie quotidienne à BUDOS à la fin de l'Ancien Régime.

 

J'ai ainsi retenu la période de 1760 à 1789 correspondant à la génération qui a immédiatement précédé les bouleversements de la Révolution. Ces Budossais ont donc été les derniers témoins d'un temps désormais révolu.

 

Cette étude, je l'ai voulue délibérément anecdotique, afin de restituer autant que faire se pouvait, le climat et l'ambiance de la vie du Village.